Le syndrome des ovaires polykystiques souffre d’un retard au diagnostic et d’un manque d’informations »

Le syndrome des ovaires polykystiques souffre d’un retard au diagnostic et d’un manque d’informations » En moyenne, cinq consultations sont nécessaires avant la pose du diagnostic. L’endocrinologue Michel Pugeat a consacré sa carrière à la recherche autour du SOPK, qui toucherait une femme sur dix. Il souhaite alerter sur les signes clés. Par Sandra Favier Publié hier à 07h00 Temps deLecture 5 min. Partager sur Facebook Envoyer par e-mail Partager sur Whatsapp Plus d’options Michel Pugeat, endocrinologue à Lyon, spécialiste du syndrome des ovaires polykystiques, en septembre 2020. Michel Pugeat, endocrinologue à Lyon, spécialiste du syndrome des ovaires polykystiques, en septembre 2020. Encore assez méconnu des médecins et de la population, le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) touche pourtant une femme sur dix dans le monde. Un chiffre « sous-estimé », selon le professeur Michel Pugeat, endocrinologue à Lyon et spécialiste du syndrome, dont il évalue plutôt la proportion entre 15 % et 20 % de la population féminine. Le SOPK est un dysfonctionnement hormonal dans lequel de multiples microfollicules, petites cellules contenues dans les ovaires, sont bloqués dans leur maturation et produisent trop d’androgènes. C’est l’excès de cette hormone mâle – présente en moindre quantité dans le corps de la femme – qui est à l’origine du syndrome. Un large panel de symptômes lui est associé, dont les plus fréquents sont l’absence ou l’irrégularité des menstruations, l’hirsutisme (caractérisé par un excès de pilosité à des endroits prétendument masculins comme les joues, la lèvre supérieure ou encore la ligne entre les seins), le surpoids parfois conséquent ou encore les difficultés à concevoir un enfant. Le professeur Michel Pugeat a consacré une grande partie de sa carrière à la recherche autour du syndrome des ovaires polykystiques et a participé au consensus de Rotterdam qui a édicté les critères clés du SOPK. Il souhaite renforcer la compréhension populaire et médicale de ce syndrome pour en assurer un meilleur dépistage mais également rassurer les femmes confrontées à ce problème hormonal. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Absence de règles, surpoids, pilosité excessive…, une femme sur dix serait touchée par le syndrome des ovaires polykystiques Quand et comment le syndrome apparaît-il dans le corps de la femme ? Michel Pugeat : C’est un syndrome complexe dont on ignore encore l’origine exacte. On estime cependant qu’il est présent dans le corps de la femme dès sa naissance, puisque sa principale manifestation est un dérèglement de la maturation des follicules, contenus dans les ovaires. En revanche, le syndrome reste silencieux tant que la puberté n’a pas eu lieu et il ne disparaît, ensuite, qu’à la ménopause. C’est pour cela qu’on parle de syndrome et non de maladie : il ne se guérit pas tout à fait mais il est en partie réversible. Quant à l’origine du syndrome des ovaires polykystiques, elle reste également floue. Il semblerait que la génétique et la vie fœtale jouent un rôle important dans le déclenchement d’un SOPK à l’adolescence. On sait aussi que les perturbateurs endocriniens influent sur le syndrome et ses symptômes. Dernière incidence : celle du surpoids et de l’insuline. Si on ne sait pas s’ils déclenchent vraiment le SOPK, il ressort que perdre du poids et réduire le sucre contribuent grandement à calmer les symptômes comme l’hirsutisme ou l’irrégularité menstruelle et les troubles de la fécondité. Si les premiers désagréments liés au SOPK se manifestent dès la puberté, le diagnostic prend souvent plusieurs années. Dans 30 % des cas, il n’est découvert que lorsque les femmes désirent avoir un enfant et rencontrent des difficultés. Mais la plus grande partie des patientes consulte autour de 17 ans ou 18 ans quand elles constatent qu’elles n’ont pas de règles, ou des cycles très irréguliers. Ce dernier symptôme constitue, s’il n’en fallait qu’un, le signe clé à déceler, souvent combiné à une accentuation de la pilosité. Pourquoi le diagnostic peut-il prendre plusieurs années à être posé ? La lenteur du diagnostic est, selon moi, largement liée à la complexité du syndrome. Parce qu’en médecine, beaucoup de maladies ont un diagnostic plus ou moins binaire. Pour exemple, dans le cas d’une anomalie de fonctionnement de la glande thyroïde, un bilan biologique permet de dire si le patient est en hyperthyroïdie ou en hypothyroïdie. Le syndrome des ovaires polykystiques demande plus de subtilité médicale. « Il faudrait faire davantage de communication autour de ce syndrome auprès des jeunes filles et assurer une meilleure formation des professionnels, en particulier des médecins traitants » Des collègues gynécologues, aux Etats-Unis et plus récemment en France, ont conduit une étude sur les réseaux sociaux de patientes SOPK. Ils ont observé qu’il fallait en moyenne cinq consultations avant d’établir le diagnostic. Et les difficultés ne s’arrêtent pas là : après, les patientes ont beaucoup de difficultés à comprendre de quoi elles sont atteintes. Ce qui implique que les médecins soient bien informés de ce syndrome, en aient compris le diagnostic et puisse répondre aux questions que se posent les patientes. Il faut du temps, ce qui n’est pas toujours réalisable en une seule consultation. Enfin, il y a un temps de confrontation au choix thérapeutique. Donc, en résumé, beaucoup de temps peut s’écouler avant le début concret des traitements. Le syndrome des ovaires polykystiques souffre d’un retard au diagnostic et d’un manque d’informations cohérentes et pratiques. En plus, si le SOPK s’accompagne souvent d’un syndrome métabolique (caractérisé notamment par la tendance au surpoids), le lien entre poids et fonction ovarienne n’est pas clairement établi. Il faudrait faire davantage de communication autour de ce syndrome auprès des jeunes filles et assurer une meilleure formation des professionnels, en particulier des médecins traitants, qui sont souvent les premiers que les patientes consultent. Mais aujourd’hui, la communauté médicale s’y intéresse de plus en plus, notamment parce qu’il est associé au risque de surpoids, de diabète et, à terme, de maladie cardiovasculaire. Et du côté des patientes, les associations permettent de palier le manque de renseignements et de faire circuler une information plus adaptée. L’endométriose est-elle liée au syndrome des ovaires polykystiques ? Ce sont deux pathologies distinctes et indépendantes l’une de l’autre. Le syndrome des ovaires polykystiques relève davantage de l’endocrinologie, alors que l’endométriose relève de la gynécologie. Lire aussi Endométriose : un plan pour mieux traiter cette maladie chronique Il n’existe pas de lien évident entre les deux pathologies mais il arrive qu’elles soient associées chez certaines patientes. Et elles déclenchent, notamment, toutes les deux des problèmes de fécondité. Si, dans le cas de l’endométriose, une opération est envisageable, le SOPK ne s’opère pas. Lorsqu’on est atteinte d’un SOPK, est-il possible d’avoir des enfants ? Dans le cas d’un syndrome des ovaires polykystiques, on parle d’hypofécondité. C’est important parce que ce n’est pas une stérilité pour laquelle on ne pourrait pas faire grand-chose. Une femme ménopausée est habituellement stérile mais une femme aux ovaires polykystiques peut avoir des enfants. On peut dire que 90 % des patientes arrivent finalement à en avoir, moyennant ou non une aide médicale. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le couple à l'épreuve de la stérilité De plus, on observe une amélioration de la fécondité à mesure que la patiente se rapproche de l’âge de la ménopause. C’est tout à fait paradoxal : il y a moins de follicules mais, en contrepartie, il y a aussi moins d’androgènes dans l’ovaire. Ce qui pourrait permettre une maturation facilitée des follicules. C’est un point qui reste à documenter. Quoi qu’il en soit, il n’est pas rare d’observer une première grossesse vers l’âge de 40 ans. Sandra Favier

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