LA SAULDRE



La Sauldre, (Proposé par ALI)

de Paul Edouard GOETTMANN

C'était jour de marché. Les cris, les palabres et les invitations des marchands à côté de leurs étals donnaient un air de fête à ce petit Bourg. Les clients déambulaient dans les allées. Vu de loin, cela paraissait ubuesque où rien ne semblait rationnel. Des arrêts, des départs, des retours, des gestes incompréhensibles. Il y avait des aides avec des brouettes pleines de légumes et de fruits qui bousculaient toute cette foule afin de s'approcher au plus vite de l'étal visé pour le réapprovisionner. Juste en face se trouvait le « solognot », café tabac plein d'hommes accoudés au comptoir qui s'envoyaient leurs verres de vin rouge avec ce coup de coude caractéristique des buveurs. Accords et désaccords sur les nouvelles du jour, commentaires bruyants sur la défaite ou la victoire de l'équipe de foot communale, poussées amicales des compères pour certifier un jugement, et Gisèle, la patronne de l'établissement offrant à chaque jour de marché la bouteille de rouge à ses clients les plus assidus.
C'était encore une belle femme du haut de ses soixante ans ou presque. Toujours coquette, elle changeait chaque jour son tablier blanc. Depuis deux ans elle vivait seule, ayant perdu son mari foudroyé par une attaque au cœur.
Je travaillais depuis des mois pour une grosse société de travaux publics, laquelle réussissait à s'imposer auprès du Gaz de France. Mon travail consistait à souder des kilomètres de tuyaux à travers la Sologne, pour le transport du Gaz de Lacq  !
Salbris était devenu de fait, le lieu de résidence de tous les « lacqueurs  ». Pour ma part je louais un vieil appentis que j'avais transformé en appartement acceptable. Mireille la fille de mes logeurs, venaient de temps en temps en cachette embellir mes nuits.
Mes jours de repos se passaient au bord de la Sauldre , canne à la main, recherchant la truite ou le gardon. C'était une belle rivière, calme et propre, il n'y avait aucun taillis qui encombrait les berges de la Sauldre. À cette époque, un grand nombre d'oiseaux faisaient des environs de la rivière leur habitat de prédilection. Je ne mangeais pas ma pêche, mon logis était trop petit, mal adapté pour l'évacuation des odeurs et donc, mes logeurs en profitaient.
En fin de semaine, j'allais danser avec des jeunes du village à Vierzon, la grande ville d'à côté. Henry notre chauffeur avait une Panhard  dont il était fier, à sa place je l'aurais été également, car son automobile était vraiment sublime. Perdue à la périphérie de Vierzon, la grange à Loulou servait tous les samedis soirs de dancing avec un succès croissant. Toute la jeunesse du coin s'y réunissait. Loulou jouait du saxophone. J’ai oublié le nom des autres lascars de l'orchestre mais il y avait un autre saxophoniste, un batteur et Julie la chanteuse du groupe. C'était l'époque où les filles s'émancipaient, et pour preuve, elles n'oubliaient jamais de se munir de préservatifs, au cas où. Étudiantes pour beaucoup à Orléans ou à Bourges c'était plus faciles et plus discret pour elles de les acheter dans les pharmacies de la ville avant de revenir aux villages.
Le groupe de Loulou essayait de reconstituer des ambiances cubaines avec le cha-cha-cha, le mambo et d’autres musiques rythmiques du moment en plus des bons vieux tangos, des boléros et des valses musettes. Ce n'était pas Xavier Cugat, mais nous étions contents de passer de si bons moments. Il y avait Denise qui travaillait dans une boulangerie de Vierzon et depuis quelques semaines nous avions pris l'habitude de nous échapper ensemble durant quelques heures. Elle ne voulait pas franchir le rubicond préférant se contenter des caresses que nous nous prodiguions !
Pour la Saint Jean, le groupe d'habitués que nous étions avait proposé de fêter l’événement au bord de la Sauldre, à midi. Chacun participerait à sa manière. Une chose était certaine, ce serait Gisèle qui s'occuperait du repas. Au soir venu, la place de la mairie serait noire de monde pour apercevoir monsieur le Maire mettre le feu aux vieux fagots.
Comme d'habitude il y avait beaucoup de discussions pour rien, seul le chapitre des vins et des apéros se concluait en quelques minutes.
Quatre voitures et le fourgon Citroën d'Henri le charpentier du bourg ont suffi à transporter les victuailles ainsi que tout ce petit monde au bord de la Sauldre. Ce fourgon Citroën était un drôle d'engin, l'on aurait dit qu'il sortait d'une presse à ferraille tant la tôle du fourgon était plissée !
Gisèle avait prévue une grande poubelle en fer étamé qu'elle avait spécialement achetée sur le marché. Remplie de victuailles pour le déjeuner sur berge, ainsi immergées dans la Sauldre jusqu'aux trois quart elles resteraient fraîches pour attendre l’heure de la dégustation. Les bonhommes s'étaient équipés également de plusieurs seaux remplis de bouteilles de vins du pays et une bouteille d'eau ; cette dernière n'avait d'usage que de mouiller le Pernod.
Le premier litre de blanc fut vite bus sans que les verres fussent sortis, chacun lampait consciencieusement le goulot. Sur une serviette de couleurs les cartes furent distribuées. Le Rami en Sologne c'est sacré ! Effectivement je n'avais jamais assisté à une fête sans Rami. Ce furent les seuls instants de calme relatif. Gisèle participait également au jeu de cartes.
Deux ou trois litres de blanc avaient déjà été bus avant que l'on ne passe à l'incontournable Pernod, agrémenté suivant les goûts avec plus où moins d'eau. Je laissais aux autres le liquide jaune, préférant le vin rouge. Le temps filait et les langues s'étaient déliées : le jeu était de se moquer de tous, individuellement en y ajoutant un stère pour faire rigoler. Gisèle demanda assistance pour relever la poubelle de la rivière ; il lui fallu pousser un coup de gueule pour que nous consentions à l'aider.
Le gros pain de campagne et la motte de beurre de la ferme du bois Caché accompagna à souhait le saucisson à l'ail de la région ainsi que les rillettes, les œufs durs, les pâtés de foie ou de campagne et la viande froide. Tout le vin rouge y passa, l'ambiance était au beau fixe.
Mais les heures passant, il a bien fallu revenir au bourg. Le rangement des véhicules s'exécuta dans un joyeux brouhaha avant la fête du soir. Dans ce temps là les véhicules étaient encore rares.
Chacun repris ses ustensiles dès l'arrêt des voitures dans des vrombissements joyeux et rejoignirent leurs maisons. Gisèle me demanda de l'aider à porter sa poubelle, ses plats et ses verres.
Assis sur le canapé nous analysions cette belle journée passée au bord de la Sauldre en se remémorant les plus belles bêtises de chacun. Cela allait bon train et puis, l'on ne sait pourquoi, le silence s'installa entre nous. Gisèle en profita pour me tenir le bras et m'embrasser de longues minutes. Je reconnais avoir accepté sans broncher ce baiser, et j'irais même plus loin puisqu'en retour je l'a retins un bon bout de temps, ma main ouvrant la blouse pour caresser sa poitrine. Elle se dégagea, pressée de se déshabiller et de se montrer nue à mes vingt quatre ans. Je ne voyais plus la différence d'âge. J'en avais envie ! Deux petits plis barraient sa gorge mais ses seins étaient fermes, les pointes se dressaient sous mes caresses. Sa toison était restée brune, bien fournie, montant haut sur le ventre. Elle avait entreprise avec un peu de brutalité de me déshabiller, je devais être drôle ainsi tout nu dans mes sandales ! Mon désir était au maximum, elle s'en occupa activement, puis s'arrêtant d'un coup elle me traîna dans sa chambre. Le grand lit donnait juste devant le miroir de son imposante armoire en bois vernis. Elle s'allongea sur le dos et ouvrit les jambes... Les idées en ébullitions, je cru devoir me précipiter sur l'offrande mais elle m'arrêta net afin d’amener ma tête d'une poussée généreuse à hauteur de son pubis. De longues minutes s'ensuivirent. Ses gémissements et ses phrases sans suite m'indiquèrent qu'elle appréciait mes caresses jusqu’au moment où je me suis senti désarçonné en entendant Gisèle saisie d’un spasme gigantesque ; un cri qui a du être perçu jusqu'à la gendarmerie !
Gisèle était une femme d'expérience, elle dosait ses initiatives et son plaisir avec douceur et lenteur. Elle me laissa mariner un bout de temps avant d'entreprendre de me chevaucher comme pour une course de haies. Le plaisir n'arriva que lorsqu'elle le voulut, contrôlant habilement tous mes réflexes, tous mes tremblements amoureux. Puis enfin elle me libéra en quelques sauts précipités.
Cette nuit là, éprouvé par une suite de positions et de performances diverses Gisèle m'avait fait homme. Je ne l'ai jamais oubliée !
Tiré du recueil de nouvelles érotiques **Erotissime**

Photos des tableaux:
2/ kitou-bruyère.over.blog.c
1/ textes-oum-skyrock.com



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