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L'étoile de Tabby








     
       L'étoile de Tabby 
Chronique de Futura Sciences/Nathalie MAYER   Proposé par Ali GADARI
Est une étoile mystérieuse dont la luminosité changeante intrigue les astronomes. Mais des chercheurs pourraient bien avoir enfin compris le phénomène à l'origine de son étrange comportement. Il serait dû à une exolune en cours de désintégration.




C'est en 2015 que Tabetha Boyajian, astrophysicienne à l'université de l'État de Louisiane (États-Unis), a révélé le comportement étrange d’une étoile alors connue sous le nom de KIC 8462852. Celle qui fut dès lors rebaptisée étoile de Tabby perdait régulièrement en luminosité. Parfois de seulement 1 % et d'autres fois, jusqu'à 22 %. Et ce, en quelques jours ou en plusieurs semaines. Le tout avant de retrouver tout son éclat.
Un an plus tard, Bradley Schaefer, un autre astronome de la même université, a annoncé qu'en plus, la luminosité de cette étonnante étoile avait globalement diminué de 14 % entre 1890 et 1989. Un ensemble de phénomènes que les chercheurs ne parvenaient pas à expliquer. Malgré une foule de théories, exposées pour certaines dans les sujets publiés ci-dessous.





Nous sommes chanceux d’observer un tel phénomène

Des astronomes de l'université de Columbia (États-Unis) affirment aujourd'hui avoir enfin élucidé le mystère. Toutes ces variations de luminosité seraient finalement dues aux débris d'une exolune accumulés autour de l'étoile. Ceux-ci bloqueraient sa lumière en s'intercalant entre l'étoile et la Terre« Cette exolune finira par complètement s'évaporer, mais il faudra des millions d'années pour qu'elle soit dispersée par son étoile. Nous sommes chanceux de pouvoir être les témoins d'un tel phénomène », commente Brian Metzger, astrophysicien à l'université de Columbia.




La véritable originalité du modèle présenté ici tient dans l’hypothèse formulée de ce qui a conduit la planète à se précipiter sur son étoile et ainsi l’exolune à adopter une orbite très excentrique. Aucun autre modèle précédent n’a été capable de décrire avec une telle précision les observations des variations de luminosité de l’étoile de Tabby. © Pavel, Fotolia

Les débris d’une exolune

Et voici comment les chercheurs américains l'expliquent. Il arrive que des exoplanètes subissent des dommages dus à de fortes interactions avec leur étoile. De la même manière, une exolune en orbite autour d’une planète extrasolaire peut devenir vulnérable à l'attraction de l'étoile centrale du système. Dans ce cas, deux possibilités essentielles : la lune vient s'écraser sur l'étoile ou, au contraire, elle est éjectée du système.
Il arrive aussi parfois que l'étoile vole littéralement la lune de l'une de ses planètes pour la mettre en orbite autour d'elle. Exposées aux rayonnements de l'étoile, les couches externes de cette lune se désagrègent alors. Des nuages de poussière se retrouvent éjectés sur le système planétaire. Et lorsqu'ils passent entre l'étoile et notre Terre, provoquent des baisses intermittentes de la luminosité de ladite étoile.
Pour expliquer la perte d'éclat sur le long terme, les astronomes avancent l'idée que certains blocs arrachés par l'étoile de Tabby à cette exolune ont résisté à la pression de rayonnement qui tend à éjecter les poussières vers l'extérieur. Ils se sont ainsi retrouvés en orbite autour de l'étoile et y formeraient aujourd'hui un disque de matière qui bloquerait de manière persistante la lumière qui nous arrive de cette étoile.




  • Depuis plusieurs années, les variations de luminosité de l’étoile de Tabby intriguent les astronomes.
  • Une équipe propose aujourd’hui un scénario qui s’accorde parfaitement avec les observations.
  • L’étoile de Tabby aurait capturé une exolune dont certains débris seraient occasionnellement éjectés vers la Terre, obscurcissant l’étoile de manière intermittente.
  • D’autres débris seraient maintenus en orbite autour de l’étoile, provoquant une perte d’éclat plus durable.

POUR EN SAVOIR PLUS

Étoile de Tabby : la poussière serait bien la clé du mystère

Une campagne d'observations confirme que les énigmatiques variations de luminosité de l'étrange étoile de Tabby ne peuvent être attribuées à des transits de mégastructures extraterrestres. En fait, ces variations sont très probablement causées par des masses de poussières proches de l'étoile, mais dont la nature précise reste indéterminée.
Article de Laurent Sacco paru le 04/01/2018
La saga de l'étoile de Tabby dure depuis deux ans maintenant. Cet astre, encore sur la séquence principale et de type F, est situé dans la constellation du Cygne, à environ 1.280 années-lumière du Système solaire. Techniquement, il apparaît sous la dénomination « KIC 8462852 » dans le Kepler Input Catalog, une base de données d'environ 13,2 millions de cibles utilisées par le chasseur d'exoplanètes Kepler. Il s'agit, a priori, d'une étoile similaire au Soleil mais un peu plus grosse et un peu plus chaude. Celle-ci a d'abord attiré l'attention de certains membres de Planet Hunters, un projet de science citoyenne permettant à tout un chacun de partir en quête de transits d'exoplanètes dans les données photométriques des courbes de lumière mesurées par Kepler dans son champ d'étoiles sous surveillance.
À l'automne 2015, l'équipe dirigée par l'astronome Tabetha Boyajian a finalement publié un article sur cette étoile en réponse aux membres de Planet Hunters ; elle annonçait clairement qu'elle ne comprenait pas du tout le comportement de l'astre, qui fut finalement surnommé « étoile de Tabby ».
Non seulement sa luminosité varie de façon non périodique mais, surtout, elle peut diminuer jusqu'à 20 % environ, ce qui ne s'est jamais vu avec un transit d'exoplanète. KIC 8462852 n'est clairement pas non plus une étoile binaire. Tabetha Boyajian a expliqué plus en détail dans une conférence TEDx en quoi les observations de cette étoile étaient déroutantes...
L’astronome Tabetha S. Boyajian nous explique comment a débuté le mystère de l’étoile KIC 8462852. Pour afficher les sous-titres, cliquez sur l’icône en bas à droite et choisissez votre langue. © TED

Les hypothèses proposées pour expliquer les variations de l'étoile

Des chercheurs ont finalement été conduits à postuler une hypothèse, fascinante et exotique, pour rendre compte de ces observations : la présence d'une sphère de Dyson. Rappelons qu'il s'agit, en théorie, d'un artefact d'une civilisation extraterrestre très avancée qui aurait sans doute utilisé des robots autoréplicateurs de von Neumann pour transformer la matière d'une petite planète en une couverture plus ou moins continue entourant une étoile. Le but ? Tirer parti de l'énergie de l'astre.
Certes, la plupart des experts parient en réalité sur une explication naturelle (ce fut aussi le cas lors du début des écoutes de l'astéroïde ‘Oumuamua, dont on pouvait se demander s'il n'était pas une sonde interstellaire). Toutefois, la possibilité que l'étoile de Tabby soit effectivement la première preuve de l'existence d'une civilisation extraterrestre technologiquement avancée ne pouvait être écartée. Cela valait donc la peine d'y regarder de plus près.
D'autres hypothèses ont été proposées, par exemple celle d'une population d'exocomètes, d'un disque de matière géant entourant une exosaturne, voire un trou noir en orbite éloigné autour de l'étoile de Tabby, ou simplement que l'on soit en présence d'instabilités mal comprises dans une étoile de type F la conduisant à être variable de façon peu commune.
Futura a consacré de nombreux articles à ces hypothèses, dont ceux que l'on peut lire ci-dessous. Une publication sur arXiv par une large équipe d'astronomes qui ont pu faire de nouvelles mesures grâce à une campagne de financement participatif sur Kickstarter (1.700 personnes ont donné environ 100.000 dollars au total) vient de doucher probablement définitivement l'enthousiasme de ceux qui espéraient en l'hypothèse d'une sphère de Dyson, comme l'explique sur son blog, l'astronome Jason Wright, professeur dans le département d'astronomie et d'astrophysique de l'université Penn State, aux États-Unis et membre de cette équipe.




Illustration d’une sphère de Dyson construite autour d’une étoile, hypothèse envisagée pour expliquer les étranges variations de luminosité de l’étoile KIC 8462852. © capnhack.com

L’étoile de Tabby n’est pas entourée d’une mégastructure extraterrestre

Des observations ont été faites de mars 2016 à décembre 2017, aussi bien avec des instruments du Las Cumbres Observatory que du Keck, ce qui a permis d'étudier 4 épisodes de baisse de luminosité de l'étoile de Tabby au cours de cette période. Incontestablement, les mesures troublantes de Kepler ne provenaient donc pas d'un biais expérimental puisqu'on observe des phénomènes similaires avec d'autres télescopes.
Les creux dans les courbes de lumière ne sont pas aussi intenses dans différentes longueurs d'onde, ce qui est un argument massue pour exclure l'hypothèse du passage d'un essaim de structures géantes comme une sphère de Dyson (ou ses variantes). En effet, ces structures devraient être opaques à toutes les longueurs d'onde où ont été réalisées les observations. Pour la même raison, planètes et étoiles naines sont aussi exclues. On n'observe pas non plus de traces spectrales de masses de gaz neutre ou ionisé, ce qui n'est pas favorable à l'idée d'un transit de nuages de matière interstellaire.
En revanche, c'est bien ce que l'on s'attendrait à voir si des masses de poussières, en particulier de tailles inférieures au micron, passent à faibles distances devant l'étoile. Reste que l'on ne sait pas encore très bien ce que c'est. Il est possible que ce soit simplement l'étoile qui soit variable pour des raisons mal comprises. Bien qu'elle soit devenue moins romantique, l'énigme de l'étoile de Tabby persiste.

Étoile de Tabby : la poussière est-elle la clé du mystère ?

Article de Xavier Demeersman publié le 09/10/2017
Les baisses de luminosité de l'étoile KIC 8462852, parfois importantes et irrégulières, n'ont de cesse d'intriguer les astronomes. Une nouvelle explication vient d'être trouvée. Est-ce la fin de l'énigme pour « l'étoile la plus mystérieuse de la galaxie » ?
Depuis l'annonce de sa découverte au début de l'automne 2015 par l'équipe de Tabetha Boyajian, KIC 8462852 -- surnommée depuis l'étoile de Tabby ou l'étoile de Boyajian --, est devenue l'étoile la plus mystérieuse de la galaxie. Rappelons que les observations avec le télescope spatial Kepler (par ailleurs grand chasseur d'exoplanètes) avaient montré de curieux et irréguliers changements de luminosité chez cette étoile. Parfois jusqu'à 20 %, ce qui est considérable quand on sait qu'une planète géante en orbite autour d'elle et qui lui passerait devant, dans la ligne de mire du satellite, ne pourrait pas faire baisser sa luminosité de plus de 1 %.
La question que tout le monde se posait alors, les membres de l'équipe en premier, était : qu'est-ce qui peut diminuer ainsi, de façon si erratique, l'éclat de cette étoile un peu moins massive que notre Soleil ? Plusieurs explications ont été proposées mais aucune, jusqu'ici, n'a encore réussi à convaincre tout le monde. Du côté des causes naturelles, celle qui résistait le plus était celle d'un essaim de comètes (des comètes appartenant au système de KIC 8462852). Plus récemment, des chercheurs ont émis l'hypothèse de la présence d'une exo-Saturne (voir article plus bas) ou de nuages de poussières interstellaires situés quelque part entre la Terre et l'étoile...
Du côté des causes artificielles, il a été proposé que les variations de luminosité de l'étoile de Tabby soient créées par une mégastructure... Celle-ci serait une sorte de sphère de Dyson qui envelopperait l'étoile pour en capter l'énergie. Peut-être... Mais, pour l'instant, rien n'a encore permis de l'affirmer.




L'étoile de Tabby, « KIC 8462852 », continue d'étonner les astronomes. Ici, illustration de l'éruption d’une étoile active. © Goddard Space Flight Center, S. Wiessinger

A-t-on résolu l’énigme de l’étoile de Tabby ?

Face à cette énigme posée -- KIC 8462852 est le seul cas connu de ce type dans la galaxie --, les astronomes ne se découragent pas et poursuivent leurs investigations, tentant de multiplier les observations dans diverses longueurs d'onde, via des télescopes spatiaux et terrestres, mois après mois.
Dans une étude qui vient de paraître dans The Astrophysical Journal, Huan Meng, de l'université de l'Arizona, et son équipe estiment avoir résolu en partie le mystère de l'étoile de Tabby. « Nous soupçonnons qu'il y ait un nuage de poussière autour de l'étoile avec une période orbitale d'environ 700 jours », déclare l'auteur principal. Les chercheurs ont remarqué que la lumière infrarouge baissait moins que l'ultraviolet. Si un objet plus gros que des particules de poussière se trouvait devant KIC 8462852, toutes les longueurs d'onde seraient alors bloquées de la même façon, expliquent-ils. Or, ce n'est pas le cas ici. Cela remet donc en question l'existence d'une superstructure extraterrestre. Pour eux, les « objets » qui s'interposent entre l'étoile et nous ne mesurent pas plus de quelques micromètres.
Mais comment savoir si ces poussières sont autour de l'étoile -- si elles sont circumstellaires -- ou dans le milieu interstellaire ? Les auteurs expliquent que, sur la base des baisses de la lumière ultraviolette, ces particules de poussière sont plus grosses que celles rencontrées dans l'espace intersidéral. Les plus petites et fines, en effet, ne peuvent rester longtemps autour d'une étoile car la pression radiative de cette dernière les en éloigne. Ils en concluent donc qu'elles sont circumstellaires.
Alors, est-ce la fin du mystère de l'étoile de Tabby ? Pas exactement. L'étude fournit une explication convaincante pour ce qui concerne les baisses de luminosité sur le long terme, mais n'élude pas les petites baisses erratiques de l'étoile... comme celles constatées récemment, par exemple, ni celles plus importantes, jusqu'à 20 % de la lumière de l'astre. Alors, peut-être que des comètes sont en effet impliquées ? Surtout qu'elles laissent beaucoup de poussière dans leur sillage... Bref, ce n'est donc pas la fin de l'histoire.
Enfin, précisons que cette étude a été réalisée avec Swift (ultraviolet) et Spitzer (infrarouge) et, dans le visible, avec le concours de l'observatoire d'astronomes amateurs belges AstroLAB Iris, basé à Zillebeke, et son télescope de 68 cm de diamètre.

Une exo-Saturne est-elle la clé de l'énigme de KIC 8462852 ?

Article de Laurent Sacco publié le 30 mai 2017
Depuis 2015, les astronomes observent les variations de luminosité anormales de KIC 8462852, alias étoile de Tabby. Les tentatives d'explications se sont multipliées. La dernière en date suppose de multiples transits produits par une grande planète entourée d'anneaux, comme notre Saturne, et par des astéroïdes de type troyen, comme ceux qui tournent avec Jupiter aux points de Lagrange. Intérêt pratique de cette hypothèse : elle est testable au cours de la prochaine décennie.
Nouveau rebondissement dans la saga de l'étoile de Tabby, ainsi nommée en référence à l'astronome Tabetha S. Boyajian qui a attiré l'attention de la communauté scientifique, et surtout du grand public, sur ses étranges variations de la luminosité. Il ne s'agit pourtant que d'une étoile jaune-blanc de la séquence principale, a priori banale, située dans la constellation du Cygne à environ 1.280 années-lumière du Soleil. Les astrophysiciens la connaissent sous un nom plus technique : KIC 8462852. C'est ainsi qu'elle est désignée dans le Kepler Input Catalog (ou KIC), une base de données d'environ 13,2 millions de cibles utilisée par la mission Kepler.
Futura a consacré plusieurs articles à cet astre (voir ci-dessous), si déroutant que certains chercheurs n'ont pas hésité à interpréter ses variations de luminosité comme une technosignature d'une civilisation extraterrestre ayant construit une sphère de Dyson ou quelque chose dans le genre. Une toute dernière hypothèse vient d'être exposée dans un article déposé sur ArXiv. Elle est fascinante, semble plausible, au moins de prime abord, et, surtout, émet des prédictions testables dans quelques années tout au plus.




Un schéma explicatif montrant l'exo-Saturne (Planet with ring system) et ses troyens (Trojan asteroids) qui existent peut-être autour de l'étoile de Tabby. La courbe bleue représente les baisses de luminosité déjà constatées et qui seraient causées par des transits. En rouge figurent les baisses de luminosité prédites avec ce modèle, dans les premiers mois de 2021 (Early months of 2021). © F. Ballesteros, P. Arnalte-Mur, A. Fernandez-Soto et al.

Des transits d'une exo-Saturne et de troyens

La présence d'exoplanètes semble quasiment la règle autour des étoiles de la Voie lactée et tout indique une abondance de superterres et de géantes gazeuses. L'hypothèse d'une exoplanète autour de l'étoile de Tabby est donc recevable et, selon un groupe de quatre astronomes espagnols, elle pourrait être une exo-Saturne de grande taille, dotée d'un système d'anneaux et avec un rayon de l'ordre de cinq fois celui de Jupiter. Son transit devant l'étoile pourrait conduire aux bizarres baisses de luminosité qui ont attiré l'attention depuis 2015.
Mais pour cela, il faudrait admettre également l'existence d'une importante population d'astéroïdes qui seraient les analogues des troyens du Système solaire, comme ceux de Jupiter, et qui donc occuperaient les points de Lagrange L4 et L5 de l'exo-Saturne autour de KIC 8462852. Dans le cadre de cette hypothèse, les baisses de luminosité dues aux transits de la planète géante avec ses anneaux et des astéroïdes troyens, devraient être variables mais relativement régulières. La baisse dernièrement observée serait causée par une éclipse secondaire, celle du passage de l'exo-Saturne derrière l'étoile de Tabby.
Avec un rayon orbital d'environ six unités astronomiques (UA), ces corps font un tour complet en environ douze ans et le suivi de l'étoile doit donc permettre de vérifier cette hypothèse dans les années à venir. Ainsi, les chercheurs prédisent que l'un des groupes de troyens effectuera un nouveau transit durant les premiers mois de l'année 2021 (voir le schéma ci-dessus) et que l'exo-Saturne fera de même en 2023.
L'hypothèse séduit l'astrophysicien Franck Selsis mais, comme il l'a confié à Futura, il repère toutefois plusieurs problèmes, dont deux plus gros que les autres. La suite de ce texte est de lui.




L'astrophysicien Franck Selsis étudie les atmosphères planétaires et l'exobiologie. © University of Exeter


Les étoiles voisines semblent elles aussi curieuses

Si les anneaux sont suffisamment réfléchissants pour produire un transit secondaire, alors on devrait voir une modulation tout au long de l'orbite à mesure que leur éclairement varie...
Je vois en fait une autre (grosse) difficulté à ce modèle : il faut que les amas de troyens soient suffisamment denses et opaques pour donner des transits capables de faire diminuer de jusqu'à 25 % la luminosité de l'étoile. Or, s'ils sont opaques, il faut aussi qu'ils émettent (selon le principe thermodynamique qui veut que l'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre). Cette émission serait à faible température certes mais, à 6 UA d'une étoile F3, il fait bien dans les 200 kelvins. Et une surface opaque aussi grande à 200 kelvins émet beaucoup dans l'infrarouge, sans doute plus que les limites supérieures que l'on a.





L'hypothèse du nuage interstellaire reste la plus crédible.

Cette hypothèse est jolie mais elle laisse deux problèmes :
  • Elle n'explique pas la baisse continuelle de luminosité qui semble avérée au moins sur 4 ans de données fournies par Kepler.
  • Une étude de Makarov et Goldin semble montrer de façon convaincante que des baisses de luminosité affecteraient aussi les autres étoiles, beaucoup moins brillantes, situées juste à côté de KIC 8462852.
L'hypothèse qui reste la plus crédible est donc celle d'un nuage interstellaire qui passe devant l'étoile de Tabby... mais il reste alors à comprendre ce que sont les « condensations » opaques au sein du nuage et qui sont les causes des variations erratiques de sa luminosité.
En tout état de cause, l'hypothèse d'une exo-Saturne avec troyens va être testable très rapidement (et c'est sans doute déjà fait). En effet, si on suppose qu'on a vu le transit primaire (Dip 5) avec Kepler et que l'on voit aujourd'hui l'éclipse secondaire, la durée de ces deux évènements doit être quasiment la même (à moins que l'orbite ne soit très excentrique). Donc, si la baisse actuelle dure trop longtemps, ou bien a une forme ou une profondeur incompatibles, on pourra tout de suite éliminer ce scenario.
Si cette baisse est bien compatible avec une éclipse secondaire, alors il faudra attendre les prochaines baisses. Si elles reviennent au moment prédit du passage de la seconde population de troyens, alors ce sera un point assez fort en faveur de l'hypothèse.
Si d'autres baisses qui ne sont pas attribuables à des troyens surviennent ou si l'on confirme que les étoiles voisines ont aussi des variations alors le scenario sera rejeté. Par ailleurs, l'alerte ayant été donnée tôt je suis persuadé qu'il y a eu des observations spectroscopiques qui nous donneront des indications précieuses.
Je ne serai pas étonné qu'on ait déjà pointé Hubble sur cette étoile si la géométrie le permettait.

L'étoile de Tabby, « KIC 8462852 », étonne encore les astronomes

Article de Jean-Luc Goudet publié le 24/05/2017
Une baisse brutale de luminosité vient d'être observée sur la très étrange étoile dite « de Tabby ». Ce n'est pas une première mais la chute, en deux jours seulement, montre bien qu'il se passe des phénomènes assez catastrophiques autour de cet astre.
L'étoile KIC 8462852, alias Tabby, fait encore parler d'elle. Et l'information vient de nouveau de l'astronome qui en a étudié les étranges fluctuations de luminosité, Tabetha Boyajian, de la Louisiana State University (ces fluctuations ont été découvertes par une association de « chasseurs de planètes », Planet Hunters, des volontaires bénévoles travaillant sur les images du télescope spatial Kepler). C'est le prénom de cette femme qui a valu son surnom à cette étoile fantasque située à 1.280 années-lumière, dans la constellation du Cygne.
Dans un tweet, cette spécialiste de la recherche des exoplanètes montre les résultats obtenus avec le télescope spatial Kepler : entre le 17 et le 19 mai 2017, la luminosité de l'étoile a brusquement chuté d'environ 2 %. Cette baisse n'est pas une première, puisque c'est une diminution générale de luminosité qui est observée depuis septembre 2015, avec des fluctuations apparemment chaotiques.




Les valeurs de luminosité de l'étoile KIC 8462852 début mai 2017, indiquées avec leurs barres d'erreur. Entre le 14 et le 16 mai (à droite sur le graphique), la luminosité passe de 1,002 à 0,98 environ, soit une baisse d'à peu près 2 %. © Tabetha Boyajian

Tabby se fait moins mystérieuse

L'étoile de Tabby est surveillée par plusieurs équipes et cette baisse de 2 % en deux jours, énorme, ne risquait pas de passer inaperçue. La saga de cette étude, suivie par Futura, est détaillée dans les articles ci-dessous.
Les hypothèses romantiques initiales, imaginant de gigantesques constructions spatiales élaborées par des civilisations technologiques avancées, comme des sphères de Dyson, ont laissé place à des explications plus prosaïques. Des flots de comètes ou la désintégration d'une planète, entourée de satellites, et en train d'être avalée par l'étoile, restituent assez bien les phénomènes observés.

L'étoile de Tabby a peut-être tout simplement avalé une planète

Article de Laurent Sacco publié le 12 janvier 2017
Une explication convaincante a peut-être été enfin trouvée pour les caprices perturbants de l'étoile de Tabby. Point de grands travaux cosmiques entrepris par des E.T. mais simplement une étoile classique qui serait en train de finir de digérer une exoplanète avalée depuis peu.
Cela fait maintenant plus d'un an que la fameuse étoile de Tabby revient régulièrement sur le devant de la scène. Elle figure sous la dénomination de KIC 8462852 parmi les objets intéressants observés avec Kepler, le célèbre chasseur d'exoplanètes. À la base, il s'agit simplement d'une étoile jaune-blanc de la séquence principale située dans la constellation du Cygne, à environ 1.280 années-lumière du Soleil. Ses étranges variations de luminosité mises en évidence par le satellite de la Nasa ont beaucoup fait parler d'elle.
Il fut en effet proposé qu'elles soient le produit de l'activité d'une civilisation E.T. tellement avancée que celle-ci ait finalement atteint le stade dit « de type II », selon la classification de Kardashev, et entrepris la construction d'une sphère de Dyson.
Autre variation sur le même thème, les baisses de luminosité observées pourraient provenir du passage devant l'étoile des restes d'une planète détruite à la suite d'une guerre entre deux civilisations E.T. qui auraient utilisé pour cela l'équivalent de l'Étoile de la Mort de Star Wars.
Plus prosaïques, certains astrophysiciens évoquaient le passage d'un essaim de comètes ou une activité particulière de l'étoile, résultant seulement des lois de la physique. D'autres viennent maintenant de publier sur arXiv, une nouvelle théorie qui, là encore, ne peut que décevoir les fans de l'hypothèse d'une technosignature avec l'étoile de Tabby.

Une exoplanète engloutie il y a entre 200 et 10.000 ans

Rappelons les faits. Kepler a montré que la courbe de lumière de KIC 8462852 a présenté de façon pas vraiment périodique, de brusques creux indiquant une baisse transitoire jusqu'à 22 % de la lumière que nous recevons de cette étoile. En fouillant dans les archives photographiques, des astronomes ont pu montrer également que la luminosité de l'étoile de Tabby avait baissé de 14 % entre 1890 et 1989. Tout cela ne s'accorde pas avec ce que l'on sait de la théorie standard de la structure stellaire et de l'évolution d'une étoile comme KIC 8462852.
Il semble à présent que tout s'éclaire si l'on admet que l'étoile de Tabby a tout simplement avalé une exoplanète. Au passage, elle aurait également détruit par ses forces de marée des lunes qui l'entouraient, laissant ainsi d'importants débris en orbite, capables d'éclipser à l'occasion sa lumière du point de vue du satellite Kepler.
Les calculs montrent que l'énergie gravitationnelle ajoutée à l'étoile lorsqu'elle a avalé cette planète (à la façon de celle que l'on récupère avec une chute d'eau pour produire de l'électricité) a pu la rendre temporairement plus brillante. Les astrophysiciens auraient simplement observé depuis un siècle son retour à son état d'équilibre standard. La quantité d'énergie gravitationnelle libérée dépendant de la masse de l'exoplanète, ce retour à la normale a pris alors un temps différent. L'événement a pu se produire il y a entre 200 et 10.000 ans environ.
L'hypothèse est intéressante, car elle fait d'une pierre deux coups, expliquant à la fois la variation lente de la luminosité de l'étoile et ses brusques chutes, suivies d'un rétablissement.

Le mystère de l'étoile « KIC 8462852 » vient peut-être de l'intérieur

Article de Xavier Demeersman publié le 29/12/2016
Du nouveau dans l'affaire du cas mystérieux et sans équivalent de KIC 8462852, alias l'étoile de Tabby : en quête de réponses sur les changements de luminosité erratiques de cet astre, des chercheurs pensent avoir trouvé une explication. La cause se situerait dans l'étoile elle-même. Ce ne serait donc pas une mégastructure construite par des extraterrestres...
Que peut-il bien se passer autour de l'étoile KIC 8462852, située à près de 1.300 années-lumière de la Terre ? Depuis sa découverte annoncée en septembre 2015, celle qui a été surnommée l'étoile de Tabby, en référence à sa codécouvreuse Tabetha Boyajian, s'est taillée une réputation d'« étoile la plus mystérieuse de la Galaxie ». En cause, ses changements de luminosité importants et irréguliers qui demeurent inexpliqués. Débusquée par le télescope Kepler, satellite-chasseur d'exoplanètes très sensible à la moindre baisse de luminosité des étoiles qu'il surveillait alors en direction de la constellation du Cygne, elle continue d'intriguer. De mémoire d'astronome, on n'avait jamais vu pareil comportement erratique d'une étoile de ce type.
Depuis plus de quinze mois, les études de ce cas sans équivalent se succèdent et à chaque fois, c'est le même constat, KIC 8462852 est de plus en plus mystérieuse. Tous les scénarios ont été envisagés, de l'obstruction de sa lumière par un essaim de comètes à celui -- moins naturel -- d'une mégastructure l'enveloppant (de type sphère de Dyson). Mais aucun n'a vraiment su convaincre les chercheurs jusqu'ici. Pour combien de temps encore, KIC 8462852 va-t-elle garder ses secrets ?
Illustration d’une sphère de Dyson construite autour d’une étoile, hypothèse envisagée pour expliquer les étranges variations de luminosité de l’étoile KIC 8462852. © capnhack.com
Illustration d’une sphère de Dyson construite autour d’une étoile, hypothèse envisagée pour expliquer les étranges variations de luminosité de l’étoile KIC 8462852. © capnhack.com

L'étoile de Tabby vit-elle une crise ?

Pour une équipe de chercheurs qui a récemment mené l'enquête, les variations de luminosité que présente depuis au moins la fin du XIXe siècle KIC 8462852 ne sont sans doute pas imputables à une construction d'une civilisation extraterrestre. Dans leur étude qui vient de paraître dans The Physical Review Letters, ils proposent d'en chercher l'origine au sein de l'étoile elle-même et de son activité interne. L'étoile serait instable et sa luminosité aussi.
Les auteurs ont analysé le spectre des grandes et des petites variations de luminosité, c'est-à-dire leurs fréquences d'apparition au fil du temps. Selon eux, ces fluctuations se ressemblent beaucoup à différentes échelles de durées. Ils expliquent que le modèle mathématique qui décrit le mieux ces variations est le même que celui... des avalanches. Dans ce cas, il y a deux valeurs, expliquent-ils : la dimension de la surface de neige concernée et la durée de l'évènement. Assimilez la première à la chute de luminosité et la seconde au temps qu'elle dure et vous obtenez des fonctionnements analogues. En fait, ces « statistiques d'avalanches » se retrouvent dans de nombreux phénomènes naturels, des tempêtes solaires à l'activité neuronale du cerveau.
Leur point commun est qu'ils concernent des systèmes en déséquilibre se trouvant très près d'une transition de phase, quand un solide devient liquide, par exemple. Karin Dahmen, astrophysicienne à l'université de l'Illinois à Urbana-Champaign, et qui fait partie des auteurs, en donne un autre : « la déformation lente des matériaux un peu fragiles où un premier petit crépitement devient de plus en plus fort jusqu'à ce qu'il y ait un grand clac quand le matériel se brise. Les petits évènements dans notre étoile pourraient être les petits craquements, tandis que les plus grands pourraient être analogues au grand claquement ».
En somme, KIC 8462852 est peut-être une étoile très active avec des explosions massives qui occultent arbitrairement une partie de sa lumière. Un cas très rare qui n'avait jamais été observé et a pu induire en erreur, pensent les auteurs. Il est encore trop tôt pour conclure que le mystère est élucidé. Rendez-vous dans le prochain épisode de ce feuilleton passionnant...

L’étoile de Tabby, plus mystérieuse que jamais

Article de Laurent Sacco publié le 15/08/2016
Plus les astronomes étudient la fameuse étoile de Tabby (KIC 8462852), plus ses variations de luminosité laissent perplexe. Si certaines hypothèses, comme une collision entre planétésimaux, une sphère de Dyson E.T. ou une activité propre à l'étoile, peuvent expliquer certaines de ces variations, aucune ne semble totalement satisfaisante.
Comme le montre un article déposé sur arXiv par deux astronomes, il y a un nouveau rebondissement dans l'affaire de la mystérieuse étoile KIC 8462852, une étoile jaune-blanc de la séquence principale située dans la constellation du Cygne à environ 1.280 années-lumière du Soleil. Elle est aussi connue sous le nom d' « étoile de Tabby » en référence à l'astronome Tabetha S. Boyajian qui a attiré l'attention de la communauté scientifique, et surtout du grand public, sur le comportement bizarre des variations de la luminosité de cet astre en 2015.
En fait, ces variations ont été signalées une première fois par des amateurs faisant partie du programme Planet Hunters sur le fameux site de science citoyenne Zooniverse, extension du projet original Galaxy Zoo qui invitait les internautes à classer les galaxies. Tabetha S. Boyajian n'en fait pas mystère, comme elle l'explique dans une conférence de TEDx (voir la vidéo ci-dessus).
Les chercheurs sont perplexes devant la courbe de lumière de KIC 8462852 enregistrée depuis quelques années par Kepler. Ce satellite était destiné à détecter et étudier des exoplanètes dans une région de la Voie lactée afin de faire avancer l'exobiologie. Pour cela, il faut surprendre des répétitions périodiques de chutes caractéristiques de la luminosité d'une étoile à l'occasion d'un transit planétaire. Or, les chutes découvertes dans le cas de l'étoile de Tabby s'accordaient mal avec celles causées par une exoplanète.

Des extraterrestres autour de l'étoile de Tabby ?

Plusieurs hypothèses ont été proposées :
  • celle de nuages de poussières dans un disque entourant l'étoile ;
  • celle d'un essaim de comètes ;
  • celle d'une sphère de Dyson construite par des extra-terrestres ;
  • celle des restes d'une planète détruite par une guerre interstellaire.
Cependant, toutes ces hypothèses comportent des problèmes. La présence de concentrations de poussières ou d'un gigantesque artefact E.T. absorbant l'énergie de l'étoile, par exemple, devrait laisser une signature nette dans le domaine de l'infrarouge ; pourtant, on n'observe rien de ce genre. Écoutée dans le domaine radio par les membres du programme Seti, l'étoile KIC 8462852 est restée muette.
Mais voilà que Benjamin T. Montet et Joshua D. Simon, des astronomes en poste respectivement au Cahill Center for Astronomy and Astrophysics, du célèbre Caltech où enseignait Richard Feynman, et au Carnegie Institute of Science, viennent de montrer que KIC 8462852 se comporte de façon encore plus bizarre qu'on ne l'imaginait.
Les chercheurs ont examiné la totalité des enregistrements photométriques des variations de luminosité de l'étoile de Tabby observées et mesurées par Kepler au cours des quatre dernières années. (Le satellite fait de même toutes les 30 minutes avec les 160.000 étoiles qu'il surveille dans son champ d'observation.)




Observée durant 1.600 jours environ par Kepler, la luminosité de l'étoile de Tabby (KIC 8462852) montre une diminution constante avec une brusque chute. © B. Montet et J. Simon

Une collision de planétésimaux autour de KIC 8462852 ?

Benjamin T. Montet et Joshua D. Simon ont constaté qu'au cours des 1.000 premiers jours d'observation (un peu plus de deux ans et demi), l'étoile a connu une baisse relativement constante de sa luminosité, ce qui, au total, donne une diminution de 0,9 %. Cependant, au cours des 200 jours suivants, la chute a été plus rapide, avec un total cette fois-ci de 2 %.
Or, il n'y a pas plus d'explications naturelles vraiment convaincantes à ces variations (par exemple en se basant sur la théorie de la structure stellaire) qu'aux brusques chutes ressemblant à des transits déjà découverts avec l'étoile de Tabby. Il n'est certes pas rare de trouver dans les étoiles surveillées par Kepler un changement de 0,6 % de la luminosité sur une période de quatre ans mais pas avec une baisse de luminosité de 2 % en 200 jours comme dans le cas de KIC 8462852...
En fait, comme Montet et Simon l'expliquent dans leur article, on peut rendre compte de la brusque diminution de la luminosité de 2 % en faisant intervenir un nuage de poussières et de gaz issu d'une collision entre deux planétésimaux ; même des restes de ces planétésimaux sur des orbites très elliptiques pourraient rendre compte des variations de luminosité irrégulières découvertes au début de cette histoire. Toutefois, cela ne rend pas compte de la diminution de la brillance de l'étoile de 0,9 % en 1.000 jours.
Au final, selon les chercheurs, si les variations observées sont très probablement dues aux transits de quelque chose entre nous et l'étoile de Tabby et pas à l'activité de l'étoile elle-même, il nous reste à déterminer exactement de quoi il s'agit.
On en saura peut-être plus grâce à une campagne d'observation réalisée avec le réseau mondial de télescopes privés LCOGT (Las Cumbres Observatory Global Telescope Network) et financée via la plateforme Kickstarter.




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Une simulation montrant la fusion de deux trous noirs. © SXS

SCIENCES

Trous noirs : enfin la preuve de leur existence grâce aux ondes gravitationnelles ?

ACTUALITÉClassé sous :TROUS NOIRS , GRAVASTAR , RELATIVITÉ GÉNÉRALE









Les trous noirs peuvent vibrer en émettant des ondes gravitationnelles avec un spectre caractéristique comme des atomes émettant de la lumière à la suite d'un choc. Ce spectre des trous noirs est caractérisé par ce que l'on appelle des modes quasi-normaux et que l'on sait calculer. Ces modes commencent à pointer le bout de leur nez dans les signaux détectés par Ligo, ce qui ouvre la porte à l'obtention prochaine d'une preuve très convaincante de l'existence des trous noirs comme nous l'explique Olivier Minazzoli, membre de la collaboration Virgo et travaillant au centre scientifique de Monaco et à l'Observatoire de la Côte d'Azur (OCA).
Ondes gravitationnelles : leur détection expliquée en une minute  Ça y est, des ondes gravitationnelles ont été détectées. Ces fluctuations de l’espace-temps proviennent de la fusion de deux trous noirs d’environ 30 fois la masse de notre Soleil. Découvrez dans cette vidéo comment les scientifiques de Ligo ont pu effectuer ces premières mesures. 
Le Britannique John Michell (1783) et le Français Pierre-Simon de Laplace (1796) ont pressenti le concept de trou noir dès la fin du XVIIIe siècle en réfléchissant à la vitesse de libération limite d'un corps d'une masse et d'un rayon donnés. La question était naturelle car, à cette époque, c'est le modèle corpusculaire qui dominait la conception de la lumière et l'on suspectait également que la matière était faite de particules. Si la vitesse de libération d'un tel corps dépassait la vitesse de la lumière, il devait donc être nécessairement et parfaitement noir car aucun rayonnement ne pouvait s'en échapper.
L'idée ne reprendra vie qu'au cours de la seconde moitié du XXe siècle, avec la découverte de la théorie de la relativité générale et celle de la fameuse solution de Schwarzschild dont la nature physique, aussi bien que la structure mathématique, n'ont commencé à être comprises qu'au cours des années 1950 et 1960. L'avènement de la théorie ondulatoire moderne de la lumière, suite aux travaux de Young, Fresnel et bien sûr, Maxwell au XIXe siècle, n'impliquait en effet aucune action de la gravitation sur la lumière, contrairement aux particules de lumière de Newton décrivant des trajectoires sous forme de rayons lumineux selon des lois analogues à celles des particules matérielles.
Comme Einstein et d'autres, le physicien John Wheeler était initialement sceptique quant à l'existence de ce qu'il a lui-même appelé un trou noir en 1967 et qui était impliqué par la solution de Schwarzschild. Il changea d'avis au début des années 1960 et avec ses collaborateurs, il se joignit à l'école britannique menée par un ancien thésard de Paul DiracDenis Sciama, et ses élèves (Roger Penrose et Stephen Hawking), ainsi qu'à l'école russe menée par Yakov Zeldovitch et Igor Novikov, pour explorer la théorie des trous noirs pendant la période allant de 1963 à 1973 environ, période appelée depuis l'âge d'or de la théorie des trous noirs. On peut la faire débuter avec la découverte de la solution de Kerr décrivant un trou noir en rotation et la faire finir avec la découverte du rayonnement des trous noirs par Hawking.




Tullio Regge (1931-2014) est un physicien théoricien italien. On lui doit des travaux importants en physique des particules élémentaires (pôles de Regge) et en relativité générale. Il a été l'un des pionniers d’une approche quantique de la gravitation (Calcul de Regge) qui se retrouvera plus tard en relation avec la théorie de la gravitation quantique à boucles. Avec John Wheeler, il a posé les bases de la théorie des perturbations des trous noirs de Schwarzschild qui mènera à la découverte de leurs modes quasi-normaux. © Istituto Nazionale di Fisica Nucleare

Des trous noirs qui vibrent quand ils entrent en collision

Les physiciens et mathématiciens relativistes vont alors définir les trous noirs uniquement comme des objets occupant une région fermée de l'espace-temps dont rien ne peut sortir du fait du caractère fini de la vitesse de la lumière : l'horizon des événements -- c'est la présence d'un tel horizon, et rien d'autre, qui définit un trou noir, pas même la présence d'une singularité avec densité et courbure infinie de l'espace-temps en son centre qui est, de plus, douteuse à cause des effets quantiques. Ils vont montrer qu'il n'existe alors qu'une famille de solutions nécessairement rigoureusement exactes des équations d'Einstein décrivant un trou noir. Cette famille ne dépend uniquement que de la masse, du moment cinétique et, éventuellement, des charges électriques, voire magnétiques des particules absorbées et de rien d'autre. C'est le théorème de l'unicité des trous noirs, plus souvent connu comme le théorème de la calvitie pour les trous noirs, en anglais le célèbre « no-hair theorem ».
Concrètement, dans le royaume de l'astrophysique où les étoiles tournent toutes et où l'on s'attend naturellement à la formation de trous noirs, les plus simples sont sans rotation et possèdent uniquement une masse, les trous noirs de Schwarzschild ; et les plus réalistes sont aussi en rotation, les trous noirs de Kerr.
En théorie, ils ne gardent pas la mémoire des caractéristiques différentes d'objets de même masse et de même moment cinétique qui tomberaient dans ces régions particulières de l'espace-temps. Ils oublient en particulier des nombres quantiques normalement conservés associés aux baryons et aux leptons -- ce qui joue peut-être un rôle encore mystérieux dans la solution de l’énigme de l’absence d’antimatière en cosmologie.
La surface de l'horizon des événements d'un trou noir, de Schwarzschild ou de Kerr, est parfaitement lisse, sphérique (d'où le lien avec le terme de calvitie) mais elle se déforme temporairement en devenant bosselée lorsqu'un trou noir absorbe un objet, par exemple un astéroïde, ou lors d'une collision avec un autre trou noir.




Le travail le plus célèbre du physicien indien, C.V. Vishveshwara (1938-2017), est la découverte des modes quasi-normaux des trous noirs. En 1970, il a montré qu'un trou noir de Schwarzschild perturbé par une impulsion de rayonnement gravitationnel reprendra son état d'origine en émettant des ondes gravitationnelles d'une forme caractéristique déterminée par ce qui est appelé des modes quasi-normaux. Les fréquences (complexes) de ces modes quasi-normaux pour des trous noirs de Schwarzschild sont indépendantes de la forme de cette perturbation et sont entièrement caractérisées par la masse du trou noir. Plus tard, ce résultat a été généralisé au cas des trous noirs de Kerr en rotation. Les modes quasi-normaux sont alors des fonctions de la masse et du moment angulaire propre, le spin, du trou noir. L'observation des modes quasi-normaux est considérée comme un moyen d'établir l'existence des trous noirs. © International Centre for Theoretical Sciences, Bengaluru

Des modes quasi-normaux caractéristiques des trous noirs

Cette dernière situation est très intéressante car la collision et la fusion de deux trous noirs en forment un autre. Ce trou noir nouvellement formé, là non plus, n'a pas un horizon régulier des événements. Les équations d'Einstein sont alors formelles, cela ne peut durer et, très rapidement, la surface de l'horizon vibre comme le ferait une cloche sous l'effet d'un coup. Il existe alors, ce que l'on appelle d'ailleurs dans les deux cas, des modes quasi-normaux pour ces vibrations qui vont s'amortir, sous l'effet de l'émission d'ondes gravitationnelles dans les premiers cas, et avec des émissions sonores pour une cloche. L'effet d'amortissement va faire prendre au trou noir, après une fusion, la forme exacte décrite par la fameuse métrique de Kerr pour un trou noir sans charges en rotation.
Comme ces modes quasi-normaux ont des fréquences déterminées par la théorie des trous noirs, fixés par la masse et le spin du trou noir final, faire leur découverte dans le spectre des ondes gravitationnelles serait une preuve très convaincante de l'existence d'un horizon des événements et donc, de l'existence des trous noirs... mais à condition que les fréquences trouvées (d'autres astres compacts avec des modes quasi-normaux sans horizon des événements sont possibles) soient précisément celles déduites des solutions perturbées décrivant des trous noirs.
Rappelons pour la suite de cet article que les équations de la théorie de la relativité générale sont non-linaires. Elles sont donc beaucoup plus difficiles à résoudre que dans le cas des équations linéaires et nécessitent parfois l'usage de simulations numériques sur ordinateur. Ce n'est pas un cas unique, les équations de Navier-Stokes en mécanique des fluides, non-linéaires elles aussi, peuvent par exemple être utilisées analytiquement pour décrire le mouvement de petites vagues à la surface de l'eau. Peut alors s'appliquer ce que l'on appelle la méthode des perturbations, méthode que l'on a aussi appliquée en régime linéaire pour décrire la façon dont les trous noirs se comportent lorsqu'ils subissent des effets de faibles intensités. Mais dans d'autres situations, l'usage de l'ordinateur devient nécessaire.
L'étude des modes quasi-normaux est un sujet de recherche important car, comme le rappelait Futura dans le précédent article publié ci-dessous avec une interview de Jean-Pierre Luminet, des alternatives aux trous noirs, comme les gravastars, ont été proposées pour rendre compte des objets observés en astrophysique, comme Sgr A* ou M 87*, qui semblent jusqu'à un certain point se comporter comme des trous noirs.




Saul A. Teukolsky (1947-) est un astrophysicien relativiste d’origine sud-africaine spécialisé dans la résolution numérique des équations d’Einstein appliquée à la physique des trous noirs et des étoiles à neutrons, notamment avec le phénomène d’émission des ondes gravitationnelles dont il modélise les formes pour la détection avec des instruments comme Ligo et Virgo. Il est aussi connu pour ses travaux sur les perturbations de la solution de Kerr pour les trous noirs en rotation, alors qu’il passait sa thèse sous la direction du prix Nobel de physique Kip Thorne. © 2019 Cornell University
C'est précisément, en partie, pour tenter de mettre fin au débat quant à l'existence réelle des trous noirs que les projets de détecteurs d'ondes gravitationnelles que sont Ligo, Virgo et eLisa ont été conçus et lancés.
La découverte de la première source d'ondes gravitationnelles qui a frappé la Terre le 14 septembre 2015 a donc fait grand bruit. GW150914 correspondait à une collision suivie d'une fusion de deux trous noirs stellaires ayant dégagé en moins d'une seconde 50 fois plus d'énergie que toutes les étoiles de l'univers observable, fût-elle sous forme électromagnétique, elle aurait paru dans notre ciel plus lumineuse que la pleine Lune bien que cette source soit distante de 1,3 milliard d'années-lumière environ.
Depuis lors, plusieurs dizaines de sources d'ondes gravitationnelles avaient été identifiées et les physiciens avaient bon espoir qu'avec l'essor de l'astronomie gravitationnelle et la montée en sensibilité des instruments, on finirait par identifier, puis mesurer de plus en plus finement les modes quasi-normaux des trous noirs.
Une bombe potentielle vient justement d'éclater à ce sujet et c'est une surprise puisqu'elle concerne une nouvelle analyse des données enregistrées concernant GW150914, le signal qui est, à ce jour, le plus clair avec un rapport signal/bruit étant le plus élevé comme disent les astrophysiciens dans leur jargon.
Deux articles au sujet des modes quasi-normaux probablement détectés ont été déposés sur arXiv, cosignés par Matthew Giesler, Maximiliano Isi, Mark Scheel et le célèbre astrophysicien relativiste Saul Teukolsky, bien connu pour ses simulations numériques sur ordinateurs concernant la physique des trous noirs et sa découverte technique d'une méthode de séparation des variables pour résoudre analytiquement des équations décrivant des perturbations de la métrique de l'espace-temps des trous noirs de Kerr.




Chercheur en astrophysique relativiste, Olivier Minazzoli a notamment travaillé pour la Nasa au JPL (Jet Propulsion Laboratory), à Pasadena, en Californie, aux États-Unis. © Olivier Minazzoli
Pour en savoir davantage, nous avons demandé une fois de plus au physicien Olivier Minazzoli, membre de la collaboration Virgo et travaillant au centre scientifique de Monaco et à l'Observatoire de la Côte d'Azur (OCA), de nous donner quelques explications supplémentaires.
Futura-sciences : la première détection de l'émission d'ondes gravitationnelles par Ligo a été réalisée il y a maintenant 4 ans, le 14 septembre 2015 précisément. Son annonce a été faite le 11 février 2016 par les laboratoires Ligo et Virgo dont les équipes ont conjointement analysé le signal détecté. Peut-on vraiment dire maintenant que l'on commence à trouver les modes quasi-normaux tant recherchés ?
Olivier Minazzoli : on ne peut pas encore parler de découverte des modes quasi-normaux à proprement parler. Les indices vont dans le bon sens, mais ne sont pas encore suffisamment fiables. Il va falloir probablement attendre de nouvelles détections avec un meilleur rapport signal à bruit pour pouvoir réellement parler de détection. D'ailleurs, des premiers indices de la présence de ces modes avaient déjà été donnés par la collaboration Ligo-Virgo. Mais ce qui est nouveau avec ces nouvelles études, est la mise au jour de la présence potentielle de modes au-delà du mode fondamental.
Futura-sciences : comment ces études ont-elles mis cela en évidence?
Olivier Minazzoli : il y avait des incertitudes théoriques sur la façon d'analyser la forme du signal accompagnant la fusion de deux trous noirs. Cette fusion est suivie d'une phase où le trou noir nouvellement formé a une surface de l'horizon des événements qui vibre. Ces vibrations s'amortissent rapidement du fait de l'émission d'ondes gravitationnelles.
Les vibrations d'un trou noir sont décrites par une série de fréquences fondamentales avec des temps d'amortissement différents que l'on appelle des modes quasi-normaux. L'ensemble de ces fréquences particulières, autrement appelées le spectre, caractérise un trou noir, un peu comme le ferait celui associé à une cloche que l'on frappe et qui vibre en réponse.
Dans le cas d'un instrument de musique, on peut trouver une série de fréquences qui sont des multiples entiers des fréquences fondamentales qui caractérisent cet instrument. On les qualifie d'harmoniques en français, et d'« overtones » en anglais. Dans le spectre d'un trou noir dans sa phase de vibration (« ringdown » comme disent les anglo-saxons), il existe aussi des sortes d'harmoniques analogues, également appelées « overtones ». Beaucoup pensait jusqu'alors que leurs contributions étaient négligeables à la forme du signal.
Une complication supplémentaire était qu'il existait une incertitude sur le moment précis du début de cette phase de vibration. En effet, les équations de la théorie de la relativité générale sont non-linaires, et il était donc raisonnable de penser que des non-linéarités pouvaient impacter le signal proche de son maximum. Or, ces non-linéarités en général ne peuvent être décrites que par des simulations numériques. Tout donc portait à croire que le signal proche de son maximum ne pouvait pas être bien décrit par une simple vibration amortie, c'est à dire le fameux ringdown.
L'hypothèse de travail qui était adoptée jusqu'à présent était donc que l'on ne pouvait pas dire grand chose autour du maximum du signal, lors de la fusion en cours de deux trous noirs (« merging » en anglais), et qu'il fallait imposer aux analyses du ringdown de ne considérer le signal qu'après un certain délai suivant ce maximum. C'est ce que faisait notamment la collaboration Ligo-Virgo, qui mettait en évidence des résultats plus ou moins cohérents en fonction du délai considéré.
Gielser & co. montrent dans leur premier papier qu'en fait, il est possible d'analyser le ringdown depuis le pic du signal, à condition de prendre en compte des modes d'ordres plus élevés : les fameux overtones.




Inspiral, merger, ringdown : ce sont les noms anglais des trois étapes qui ont conduit deux trous noirs à se rapprocher en décrivant une spirale à la suite des pertes d'énergies sous forme d'ondes gravitationnelles, puis à entrer en collision pour finalement donner un seul trou noir. L'horizon des évènements de l'objet compact final a vibré, telle une cloche frappée, en émettant des ondes gravitationnelles. L'évènement a duré moins d'une seconde. Les courbes montrent les signaux détectés par les deux interféromètres Ligo, à Handford, et à Livingston, aux États-Unis, le 14 septembre 2015 et elles sont en correspondance avec la chronologie des événements. © Ligo, NSF, Aurore Simonnet
Futura-sciences : c'est donc la prise en compte des overtones par Matthew Giesler, Maximiliano Isi, Mark Scheel et Saul Teukolsky qui a tout changé ?
Olivier Minazzoli : en effet ! En se basant sur des résultats d'expériences avec des simulations numériques, pour lesquelles on connaissait donc les masses et les moments cinétiques des trous noirs avant fusion et celles du trou noir final après fusion, ils ont montré que la prise en compte des overtones, de façon surprenante, permettait d'étendre le régime d'application des méthodes de perturbation linéaire décrivant la phase de vibration jusqu'au pic des émissions (au moment de la fusion), et d'en décrire la forme.
La contribution de ces overtones n'est donc pas du tout négligeable. Mieux, ils ont montré que leur prise en compte permettait même d'améliorer l'analyse du signal produit par le ringdown, permettant d'en tirer une meilleure estimation des valeurs de la masse et du moment cinétique du trou noir final. Dès lors, on pouvait dire que certains des overtones proches des modes quasi-normaux fondamentaux semblaient pouvoir devenir accessibles à la mesure.
Futura-sciences : on est donc passé ensuite de la théorie à la pratique ?
Olivier Minazzoli : exactement, Maximiliano Isi, Matthew Giesler, Mark Scheel et Saul Teukolsky ont donc publié un article dans la revue Physical Review Letters, avec leur collègue Will M. Farr, dans lequel ils exposent les résultats obtenus avec GW150914. Ils pensent avoir mis en évidence la présence potentielle du mode fondamental quasi-normal et d'au moins un de ses overtones, tous deux associés au mode angulaire dominant (ℓ = m = 2) lié à ce que les physiciens appellent dans leur jargon des harmoniques sphériques.
Le résultat n'est encore qu'à 3.6 sigma mais il est remarquable que les modes mesurés conduisent à des estimations de la masse et du moment cinétique du trou noir final qui sont cohérents avec ce que l'on peut déduire notamment de la phase où les trous noirs orbitent l'un autour de l'autre.
Du travail reste encore à faire mais l'hypothèse que l'on est bien en présence de trous noirs de Kerr décrits par les équations de la relativité générale en sort renforcée. C'est de très bon augure pour la suite, avec les détections à venir. Et notamment, pourquoi pas, pour un jour, peut-être, être en mesure de tester certains aspects de gravitation quantique, tel que le propose par exemple Aurélien Barrau et ses collègues.




  • Les trous noirs sont définis par la formation d'un horizon des évènements, c'est-à-dire une région fermée de l'espace d'où rien ne peut s'échapper lors de l'effondrement gravitationnel d'un système physique. Cet horizon apparaît lorsqu'un corps devient suffisamment dense.
  • Il existe des alternatives à la théorie des trous noirs, notamment l’hypothèse des gravastars.
  • L’existence des trous noirs est très probable et l'une des stratégies pour le démontrer est de détecter, dans les ondes gravitationnelles produites par la fusion de deux trous noirs, la signature de ce que l'on appelle les modes quasi-normaux des trous noirs.
  • Ces modes sont caractéristiques des trous noirs qui vibrent sous l'effet d'une collision.
  • Ils commenceraient à être vus dans les données fournies par le détecteur Ligo.

POUR EN SAVOIR PLUS




Vue d'artiste de la collision d'étoiles avec la surface d'un gravastar, que l'on prenait à tort pour un trou noir supermassif. © Mark A. Garlick, CfA

On a testé l'existence des trous noirs ! Les commentaires de Jean-Pierre Luminet

Article de Laurent Sacco publié le 14/06/2017
Difficile d'observer directement l'horizon des évènements d'un trou noir. Alors, des chercheurs ont proposé un test indirect. Leurs résultats viennent d'être publiés. Ils consolident la thèse de l'existence des trous noirs, comme le confirme Jean-Pierre Luminet.
Pour un spécialiste de la relativité générale, la définition d'un trou noir est parfaitement claire et elle ne dépend ni de l'existence d'une singularité ni des équations de la relativité générale. Il s'agit d'une région fermée de l'espace-temps d'où rien ne peut s'échapper une fois entré, pas même la lumière. En plus technique, cette région est coupée du reste de l'univers par un horizon des évènements et elle se comporte comme une membrane ne pouvant être traversée que dans un seul sens, ce qui pose des problèmes avec la mécanique quantique.
Il existe des théorèmes montrant que ces régions ne peuvent être décrites que par une seule famille de solutions des équations de la relativité générale, famille qui ne dépend que de quatre paramètres : la masse, le moment cinétique et les charges électriques et magnétiques d'un trou noir.
Ces solutions sont rigoureusement exactes même si elles pourraient n'être que des cas limites, quasiment impossibles à réaliser physiquement dans la nature, comme l'a suggéré il y a quelques années Stephen Hawking pour tenter de résoudre le paradoxe du pare-feu (firewall en anglais). Toutefois, pour un astrophysicien relativiste, cela ne change pas grand-chose, car l'essentiel du comportement attendu d'un vrai trou noir est conservé.

L'hypothèse des gravastars

Certains physiciens ont pourtant proposé des alternatives à la théorie des trous noirs, en supposant que ceux observés sont des astres particulièrement compacts mais rigoureusement privés d'un horizon des évènements. L'hypothèse la plus célèbre à ce sujet est celle des gravastars, proposée par deux physiciens américains, Emil Mottola, du Los Alamos National Laboratory, et Pawel Mazur, de l'université de Caroline du Sud. Elle suppose qu'une étoile ne peut pas s'effondrer gravitationnellement jusqu'à devenir un trou noir mais que sa matière se transforme en une sorte de condensat de Bose-Einstein formant une coquille dont le rayon est supérieur au rayon du trou noir déterminé par la masse de cette étoile.
L'hypothèse est tirée par les cheveux et elle n'est généralement pas prise au sérieux par les physiciens mais toute démarche scientifique saine impose de ne pas tenir pour acquis l'existence d'un horizon des évènements et de chercher des moyens pour tester son existence.




Une vue d'artiste d'un gravastar chauffé par l'impact d'une étoile. © Mark A. Garlick, CfA

Des étoiles qui traversent un horizon des évènements ou qui heurtent un gravastar ?

Il est très difficile d'observer directement l'horizon des évènements d'un trou noir (même lorsque ce dernier est supermassif) en raison de sa petite taille. Nous devrions tout de même obtenir des informations intéressantes avec le fameux Event Horizon Telescope, dont les données collectées il y a peu sont encore en cours d'analyse. Par ailleurs, un test indirect de l'existence de cet horizon a été proposé il y a plusieurs années déjà. Il a notamment été mis en œuvre par une équipe de chercheurs états-uniens. Or, celle-ci a récemment publié les résultats de ses travaux dans un article déposé sur arXiv.
L'idée à la base de ce test est simple : si de la matière, par exemple du gaz arraché à une étoile dans un système binaire, tombe sur un trou noir stellaire ou, mieux encore, si une étoile chute en direction d'un trou noir supermassif, elle devrait finir par traverser l'horizon des évènements. Mais, si les trous noirs n'existent pas, la matière devrait entrer violemment en collision avec la surface de l'astre central, comme on sait qu'elle le fait avec les étoiles à neutrons, et l'on devrait donc observer un pic de luminosité au centre des images d'objets que l'on pense être des trous noirs.
D'après les chercheurs, une étoile tombant, par exemple, sur un gravastar supermassif devrait s'écraser sur sa coquille et sa matière devenant encore plus chaude et plus lumineuse devrait se répartir sur la surface de cette coquille. On devrait observer une brusque émission de lumière durant des mois voire quelques années là où se trouve ce que l'on pense être des trous noirs supermassifs de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires.
Pour en avoir le cœur net, les astrophysiciens ont donc dépouillé les archives des observations du télescope de 1,8 m Pan-Starrs (acronyme de Panoramic Survey Telescope And Rapid Response System), à Hawaï, qui a été utilisé pour faire une campagne d'observation pendant trois ans et demi. L'objectif était d'y trouver des évènements transitoires associés au cœur des galaxies situées sur la voûte céleste de l'hémisphère nord et dans un rayon de quelques milliards d'années-lumière.
Les chercheurs estimaient que des collisions d'étoiles avec des trous noirs supermassifs (ou ce qui leur ressemble de loin) contenant plus de 100 millions de masses solaires auraient dû se produire dans un tel volume avec un taux conduisant à au moins 10 flashs de lumière et plus s'il n'existait effectivement pas de vrais trous noirs avec un horizon des évènements. Or, aucun évènement de ce genre n'a été observé, ce qui fait dire aux astrophysiciens que l'hypothèse de l'existence d'astres compacts avec un horizon des évènements en sort considérablement renforcée.




Une vue d'artiste d'un trou noir supermassif de plus de 100 millions de masses solaires avalant une naine jaune. © Mark A. Garlick/CfA

Les crêpes stellaires et les preuves de l'existence des trous noirs supermassifs

Toutefois, on sait, et les auteurs de l'étude ne le cachent pas, bien au contraire, que des étoiles peuvent être détruites par des forces de marée au voisinage de certains trous noirs supermassifs. Alors, si Pan-Starrs avait observé des flashs de lumière, aurait-on pu pour autant mettre en doute l'existence des trous noirs ?
Au début des années 1980, Jean-Pierre Luminet et Brandon Carter ont notamment développé la théorie d'un phénomène associé à ces forces de marée et conduisant à la formation de ce qu'ils ont appelé « des crêpes stellaires ». Dans certains cas, les forces de marée sont si fortes qu'elles déforment l'étoile jusqu'à l'aplatir comme une crêpe, déclenchant des réactions thermonucléaires du fait de la compression, et finissant par la détruire dans une violente explosion pouvant être à l'origine de certains sursauts gamma. On a depuis observé plusieurs exemples de ce phénomène. Que faut-il donc penser des observations de Pan-Starrs ? Nous avons posé la question à Jean-Pierre Luminet qui nous a fait les réponses et commentaires suivants :  
« Le rayon de marée à l'intérieur duquel une étoile va être brisée dépend de la masse du trou noir et du type d'étoile. Pour une étoile ordinaire (type solaire), il est plus grand que l'horizon des évènements seulement pour une masse de trou noir inférieure à la limite dite de Hills, qui est de 107,5 masses solaires, justement la limite de masse inférieure considérée par mes collègues états-uniens. Au-dessus, les ruptures stellaires (pour les étoiles ordinaires, pas les géantes rouges) se font à l'intérieur du trou noir et il n'y a pas de flashs observables.





L'absence de flashs lumineux [...] exclut l'alternative d'une étoile supermassive. 

Donc pas trop de problème de ce côté-là : l'absence de flashs lumineux dans les données de Pan-Starrs, qui seraient dus aux chutes d'étoiles (qui peuvent atteindre un taux de un par an), est effectivement un signe qu'il n'y a pas d'alternative type objet supermassif à surface solide-gazeuse comme les gravastars. Mais on n'avait pas vraiment besoin de cela pour éliminer cette hypothèse absurde, contraire à toute théorie de la gravitation raisonnable dans laquelle se produit l'effondrement gravitationnel !
Ceci dit, le titre de leur article, "Stellar disruption events support the existence of the black hole event horizon", est un peu trompeur, puisque ce qu'ils veulent montrer ce n'est pas que les ruptures d'étoiles par les forces de marée sont une signature de l'existence des trous noirs avec un horizon des évènements, mais que l'absence de flashs lumineux qui devrait les accompagner exclut l'alternative d'une étoile supermassive.
De fait, c'est moi qui ai fait valoir au début des années 1980 que l'observation de ces ruptures fournissait une signature indirecte de l'existence des trous noirs massifs (mais inférieurs à la limite de Hills), notamment avec le phénomène de crêpe stellaire aujourd'hui couramment observé (un cas typique est celui de ASASSN-15lh, la plus brillante "supernova" jamais observée, interprétée comme une rupture explosive de naine blanche par un trou noir de masse intermédiaire).
Je disais aussi dans les années 1980 que pour les trous noirs supermassifs au-dessus de la limite de Hills au centre des quasars et des AGN, au lieu d'observer des ruptures d'étoiles par marée, on pourrait observer des ruptures par collisions frontales d'étoiles (la probabilité devenant de l'ordre de un par an, mais dépendant fortement de la distribution des étoiles autour du trou noir). Il faudrait donc voir si les observations de Pan-Starrs posent des contraintes sur de telles collisions... »




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