LA GOMME EST AU PARFUM de Ali GADARI, nouvelle retouchée par l'auteur

 

1ere édition 19 février, 302 lecteurs au 10 avril 2022


Seconde édition éditée le 10 avril 2022



Avertissement :

J’informe mes lecteurs, que ce récit est une fiction. Il n’y a jamais eu jusqu’à aujourd’hui, Dieu merci, de combats entre les troupes royales marocaines et le Front Polisario, en dehors de la guerre des sables.

Synopsis :

Zohra est appelée à enquêter sur les agissements du Front Polisario à Madrid. Curieusement, cela l’amène jusqu’à un établissement de plaisir, La Roseraie, où la prostituée Leila est la cheville ouvrière du réseau ouvrant sur l’ambassade d’Algérie. Elle découvre petit à petit toutes les ramifications du réseau qu’elle détruira avec l’aide d’Abdéramane et d’Amine, ses deux collaborateurs.

Après cette enquête, elle est amenée à supprimer un groupe terroriste appelé Groupement de libération du Sahel.

 

LA GOMME EST AU PARFUM

 

La Boutique avait bien fait les choses. Quelques jours auparavant, un tout petit drone à propulsion électrique avait photographié en silence le bâtiment sous toutes les coutures. Une seule ouverture avec une porte ouvrante sur rail. Zohra était là depuis une heure, tapie dans le fourré, face à la grande porte. Elle scrutait longuement les lieux à l’aide de jumelles mises au point par les techniciens de la Boutique, avec possibilité de filmer toute activité. Elle était indécelable pour autrui. Les gardiens du bâtiment étaient des professionnels, invisibles, tout de noir vêtus. Leurs armes avaient été rénovées avec des matériaux composites, des métaux noircis chimiquement de façon à ne pas être repérés la nuit. Zohra les avait localisés avec ses jumelles infrarouge. Ils étaient coincés au niveau des murs d’angles de la porte. À l’intérieur, une vingtaine d’individus, en partance pour le djihad.

Il fallait intervenir. Zohra n’avait pas d’arme automatique, juste une nouvelle trouvaille de la Boutique, des explosifs gros comme des châtaignes pesant une vingtaine de grammes. Elle s’approcha de la clôture, lança par deux fois ses châtaignes de chaque côté de la porte. L’explosion fut terrible, les murs et le toit en béton se volatilisèrent. Elle attendit quelques minutes encore et, pour être sûre que tout était détruit, elle lança encore deux explosifs à l’intérieur du bâtiment, ou du moins ce qu’il en restait. Des flammes gigantesques montèrent si haut que tout le Maroc les aperçut !

Sa douche prise, habillée, elle fit sa prière, demandant à Allah de lui pardonner ses méfaits. Arrivée devant le colonel, Abdou Mélik, elle le salua et s’assit à son commandement.

— Capitaine, lui dit-il, je vais vous confier une mission difficile, pénible. Vous êtes la seule sur qui je peux compter dans ce genre d’affaires ! Je vous suis depuis votre entrée à l’école militaire de Meknès. Votre succès au concours d’ingénieur en électronique et votre brevet de parachutiste, avec vingt et un sauts à trois mille mètres, m’ont conforté dans mon appréciation. Je vous ai suivie également sur le front en Irak et en Afrique noire, c’est la raison pour laquelle je vous ai recrutée à la Boutique, dans mon service. Vous êtes mon meilleur agent, mais j’ai une question à vous poser : pourquoi les journalistes vous surnomment-ils La Gomme ?

— C’est le chroniqueur vedette du Matin, mon colonel, qui s’est laissé aller dans son article, assimilant mes actions anonymes à des opérations militaires – discrétion, action, disparition – qu’il comparait à une gomme effaçant un coup de crayon !

— Ah, je ne voyais pas cela comme ça ! Bien, cela peut se défendre, en effet ! Vous avez vu, capitaine, les journaux espagnols commentent l’exploit de la police anti-terroriste qui a mis la main sur l’une des plus dangereuses terroristes.

En effet, la presse hispanique commentait l’exploit de la police anti-terroriste d’Espagne. Albiztur Elissiry, membre de l’ETA, (Euskadi Askatasuna), avait refusé l’auto-dissolution de l’organisation et continuait la lutte à la tête de quelques irréductibles ! La police espagnole avait même des soupçons sur son accointance avec des terroristes africains. Le coup de filet était le résultat d’une longue traque, après l’assassinat d’un ex-membre de l’ETA, revenu en Espagne pour bénéficier de l’amnistie.

Le colonel continua son explication à l’attention de Zohra :

— Cette terroriste a été incarcérée à la prison d’Ocana, capitaine, et isolée durant dix mois. Son procès a fait grand bruit au tribunal de Tolède.

Il lui exposa la situation plus en détail : la salle d’audience avait été réservée aux journalistes et aux policiers qui l’avaient arrêtée. Mademoiselle Albiztar Elissiry était accusée d’appartenir à un groupe terroriste, mais aussi d’assassinat sur la personne d’Amiano Arrighuri, ancien membre de l’ETA ayant déposé les armes et bénéficiant de l’amnistie, ainsi que de blessures sur deux policiers lors de son interpellation. Elle restait muette, refusant de répondre à ses agresseurs, comme elle aimait à le déclamer en prison. Albiztar Elissiry avait des accointances avec nombre d’organisations terroristes. Elle avait été condamnée à vingt ans d’emprisonnement. Le Front Polisario n’était pas exclu d’un pacte avec Albitzar, ce qui réclamait la participation de Zohra pour la recherche des éléments extrémistes frontistes qui menaçaient le royaume.

Le colonel conclut :

— Je vous charge, capitaine, de cette nouvelle mission.

 

***

De mèche avec les gardiens et en accord avec le directeur de la prison d’Ocana ainsi qu’avec le ministre de la Justice, il fut notifié que toutes les visites que recevrait Albiztar Elissiry seraient enregistrées. Cela arrangeait également la justice espagnole. Plusieurs mois s’écoulèrent sans élément déterminant puis en fin d’année, un membre de l’ambassade d’Algérie vint la visiter. C’était un geste important, mais l’homme était intouchable protégé par son mandat à l’ambassade. Après prise de renseignements auprès des autorités espagnoles, il fut établi qu’il s’agissait de Mohamed Malbrouk, deuxième secrétaire de Monsieur l’Ambassadeur d’Algérie en Espagne. La connivence entre eux se précisait, même si aucun élément justificatif ne permettait encore d’intervenir. La police espagnole fit suivre Mohamed Malbrouk dès ses sorties de l’ambassade, devenues de plus en plus nombreuses. Monsieur le secrétaire d’ambassade s’évaporait dans un endroit propice à la rencontre avec de nombreuses dames de compagnie, La Roseraie, maison de tolérance[1] de bonne tenue de la capitale, fréquentée par les notables de la région. Cette maison close faisait également restaurant et bar, de quoi rehausser son prestige. Ce fut l’occasion pour Zohra, accompagnée d’Abdéramane, de s’installer à une table pour déguster un poulet au fenouil. Monsieur le secrétaire d’ambassade était là, assis avec une dame de compagnie d’une grande beauté. La discussion entre eux paraissait sérieuse, sans rien d’équivoque. Abdéramane, l’air de rien, se renseigna sur le nom de la dame, Leila, mais elle ne recevait que sur rendez-vous ! Le poulet au fenouil avalé, ils partirent, convaincus que ces deux larrons ne faisaient pas du tricot ensemble.

L’Algérie cherchait querelle au Maroc. Les journalistes craignaient un conflit entre les deux nations sœurs. Le Front Polisario n’en serait que plus heureux. Dans l’optique d’un conflit armé, le Maroc s’était doté tout récemment d’une petite flotte de navires de guerre, d’avions américains dernier cri, de drones construits en Israël, en Turquie et en Chine, ainsi que des chars derniers modèles provenant des États-Unis, pour répondre à l’agressivité de l’Algérie. Ainsi, la visite de monsieur le secrétaire d’ambassade à Albiztar Elissiry ne semblait pas fortuite, mais était dans la continuité de la querelle Algéro-Maroco-Front Polisario entretenue et attisée par les généraux d’Alger.

Le travail de Zohra serait délicat, tout ce qui touchait au personnel d’ambassade étant tabou. Il faudrait dénicher une faille concernant M. Malbrouk pour obtenir des renseignements, soit directement, soit par recoupements. Mademoiselle Leila ne semblait pas facile à manipuler, toutefois il faudrait qu’Abdéramane essaie d’en savoir plus. Il prit rendez-vous avec elle, pour une heure de galanterie, et essaya d’obtenir des informations concernant ses rapports avec Mohamed, mais sans résultats qualitatifs. Il apprit simplement qu’il s’agissait d’un client habituel ! C’était prévu, il fallait changer de programme.

M. Malbrouk se rendait à La Roseraie avec son automobile particulière, qu’il conduisait seul. C’était l’occasion attendue. Le mercredi suivant, il sortit de l’ambassade au volant de sa Seat Arona. À distance respectable, Zohra et Abdéramane le suivirent en moto, une Kawasaki 500 louée chez un concessionnaire. Il entra bientôt dans une forêt de chênes bordée d’anciens villages inhabités, où chemins pédestres et pistes cyclables se perdaient. Il s’arrêta à l’orée d’un site abandonné, nommé San José De Dios. Dissimulés, les « locataires » de la Boutique attendirent le moment propice. Une Dacia rouge se gara à côté de la Seat Arona et Leila en descendit. Tout se recoupait. Les deux individus discutèrent plus d’une demi-heure, puis la jeune femme quitta les lieux. C’était le moment opportun : Zohra et Abdéramane prirent le sieur Malbrouk par surprise. Il devint tout blanc, transpirant, respirant avec difficulté.

— Alors, monsieur Malbrouk a des rendez-vous galants dans la forêt. Qu’en pense Monsieur l’Ambassadeur ?

— Monsieur le secrétaire d’ambassade, nous voudrions savoir la teneur du dialogue que vous avez eu avec Leila, prostituée de haut vol.

— Ce n’était rien, Leila m’intéresse et j’essaie d’avoir des relations hors de La Roseraie.

— Vous vous foutez de nous, monsieur Malbrouk.

— Non, non, répétait-il à l’envi.

L’heure était au dialogue, non à la brutalité.

— Allons, monsieur Malbrouk, nous voulons bien vous écouter, mais il faut que vous arrêtiez de nous mentir et de nous raconter des fables, car notre patience à des limites.

— Je vous dis la vérité, je vous le jure.

Abdéramane lui balança une gifle à renverser un sapin. Sa tête voltigea de droite à gauche.

— C’est terminé les câlins, nous voulons la vérité, maintenant : que foutez-vous avec Leila ?

L’homme saignait du nez et des lèvres.

— Je ne comprends pas ce que vous voulez, je vous ai tout dit !

— Bon, je recommence ! Vos rapports avec Leila ne sont pas libidineux, nous en sommes certains. Vous trafiquez grave.

— Non, je vous ai tout dit.

À peine sa réponse achevée, il reçut une deuxième baffe, aussi violente que la première, qui amplifia les saignements de son nez et de ses lèvres. De plus, sa paupière se mit à gonfler et noircit, à vue d’œil.

Ce fut au tour de Zhora d’intervenir.

— Bien, monsieur Malbrouk, c’est à mon tour. J’ai horreur de faire souffrir les autres, mais dans votre cas je me sens obligée d’en passer par là. Nous savons qu’il y a un lien entre vous et les groupes terroristes. Leila est un maillon de la chaîne. Qu’y a-t-il entre vous, à l’ambassade d’Algérie, Leila et les groupes extrémistes ?

L’individu répétait inlassablement qu’il n’y avait rien, que c’était une erreur.

Il fallait employer les grands moyens.

Abdéramane sortit son Berretta et l’agita devant les yeux du secrétaire d’ambassade. Zohra lui dit :

— Vous voyez, monsieur Malbrouk, nous n’hésiterons pas à nous en servir si vous ne vous décidez pas à parler.

— Je n’ai rien fait. Je viens voir Leila par amour.

— Par amour, répéta Zohra et la préparation du conflit armé avec le Maroc, c’est du pipeau ? Il y a une liaison évidente entre vous et les groupes terroristes, je veux savoir ce que vous manigancez.

Pour appuyer la demande, Abdéramane lui envoya une balle de son Berretta dans la main droite. Il hurla de douleur.

— Arrêtez de crier, lui dit Zohra, vous allez faire peur aux écureuils et aux oiseaux de la forêt. Bon continuons, quel est le lien entre vous et les extrémistes ?

— Je n’ai rien à dire, je ne sais rien.

— C’est dommage Malbrouk, tu vas souffrir pour rien. Nous allons continuer, fahimt, tu as compris ?

Abdéramane lui décocha une deuxième balle, dans la même main. L’homme hurla à nouveau de douleur. Les larmes coulaient de ses yeux.

— La prochaine, ce sera dans les genoux, clama Abdéramane.

— Attendez, dit Malbrouk vert de peur et de douleur, je vais tout vous dire.

— Bravo, rajul saghir, petit homme, Allah te récompensera.

— Leila collecte des fonds dans son bordel auprès des autres prostituées, pour le Polisario. Je suis chargé par l’ambassadeur de récolter ces fonds et de les remettre à l’entremetteur sahraoui.

— Comment s’appelle-t-il ?

— Ajar Skharji.

— Bon, il faut continuer de te tirer les vers du nez ou quoi ? Parle, dis-nous tout.

Les mains du secrétaire d’ambassade tremblaient. Ce n’était pas un héros, un combattant, seulement un intermédiaire sans panache.

— Je lui remets les fonds après l’avoir contacté, ici dans le Parc Régional Del Curso Médio Del, à cet endroit même.

— Donne-nous son numéro de téléphone.

— 34 91 89 25 009, mais il ne répondra pas si vous ne faites pas le numéro deux fois de suite.

Le secrétaire s’écroula dans l’herbe, fauché par une balle du Berretta d’Abdéramane. Il ne parlerait plus jamais.

Les services secrets ne s’embarrassent pas de préjugés, ils sont au-dessus des lois ; les intérêts de leur pays passent avant tout !

Abdéramane et Zohra enfourchèrent la Kawasaki et disparurent du panorama.

Ils rendirent compte de leur mission auprès du colonel. Celui-ci, spécialiste du renseignement, les félicita. Mais l’assassinat d’un secrétaire d’ambassade allait créer des problèmes diplomatiques à l’Espagne. L’ambassadeur d’Algérie Icham Djerkaoui ferait la relation avec le rôle que jouait Malbrouk dans cette histoire. C’était une sale affaire avec des ramifications géopolitiques obligées. L’ambassadeur du Maroc s’était préoccupé du numéro de téléphone donné par Malbrouk, tout en étant persuadé que l’individu avait déjà disparu. Le quidam au téléphone gîtait au 2, Calle Atocha. Il restait deux pistes, Leila et Ajar Skharji. Leila ne sortait plus du bordel depuis l’assassinat de Malbrouk. Il serait difficile de la faire parler. Quant à Ajar, il ne répondait plus au téléphone. La surveillance du 2, Calle Atocha ne donna aucun résultat : l’oiseau s’était envolé !

 

À La Roseraie Abdéramane prit un nouveau rendez-vous avec Leila. Alors qu’elle commençait à se déshabiller, il l’interrompit :

— Arrêtez-vous là, Leila, je suis venu pour parler.

— Que dites-vous ? Parler ?

— Oui et je vais entrer tout de suite dans le vif du sujet. Je sais que vous travaillez pour le Front Polisario, ne le niez pas. Le secrétaire d’ambassade m’a tout raconté !

— Puisqu’il vous l’a dit, finissons-en.

— Comment avez-vous fait pour obliger les autres pensionnaires de La Roseraie à donner 50 % de leur gain pour le Polisario, via Ajar Skharji ?

— Vous êtes bien renseigné, mais encore ?

— Répondez à ma question : comment avez-vous réussi à organiser cette collecte auprès de vos amies de La Roseraie ?

Leila avait des lettres. Elle répondit tranquillement, avec assurance.

La manipulation mentale, mon cher monsieur !

Elle devait sortir de l’université. Que faisait-elle dans un bordel de luxe ?

Elle continua :

— Vous semblez surpris. Souhaitez-vous que je vous donne une définition de la manipulation mentale ? Eh bien, en psychologie, il s’agit d’une méthode délibérément mise en œuvre dans le but de contrôler ou d’influencer la pensée, les choix, les actions d’une personne, via un rapport de pouvoir ou d’influence. Je poursuis ? Donc, les méthodes utilisées faussent ou orientent la perception de la réalité de l’interlocuteur en usant notamment un rapport de séduction, de suggestion, de persuasion, de soumission non volontaire ou consentie.

Terminé, il n’y avait plus rien à dire. Abdéramane en était tombé sur le cul. Cette femme parlait comme une encyclopédie ! Il fallait pourtant continuer.

— Leila, j’ai besoin de renseignements concernant la filière que vous avez organisée pour alimenter le Polisario.

Elle hurla de rire

— Non, mais vous me voyez vous donnant des détails sur l’organisation de mes frères et sœurs.

— Il me faut pourtant ces renseignements. Vous êtes dangereuse pour mon pays. Nous avons eu un bon dialogue, tous les deux, et je voudrais éviter tous conflits afin que nos rapports restent harmonieux. Ne m’obligez pas à devenir méchant en employant la force. De toute façon, nous saurons ce que nous voulons savoir, tôt ou tard.

Il ne pensait pas obtenir des renseignements par la force. Leila était d’un autre calibre. Finalement, il prit congé et régla les honoraires de Leila : trois mille dirhams.

Il rendit compte de sa démarche à l’ambassadeur du Maroc. Il n’était pas fier. Il était même honteux de ne pas avoir réussi sa mission. C’était un soldat, un homme d’action, pas un négociateur ou un diplomate ! Zhora comprenait très bien la frustration de son homme de confiance. Elle prit une décision, faire surveiller en permanence La Roseraie et Leila, dès le lendemain matin.

 

Onze jours plus tard, la Dacia rouge sortit de La Roseraie, mais Leila n’était pas au volant. Aussitôt,  la filature se mit en route. En moto d’une part, et grâce à deux automobiles différentes, d’autre part. La Dacia fit tout le tour de Madrid en prenant son temps, puis rentra à La Roseraie. Leila les avait encore possédés ! Pendant qu’ils suivaient la Dacia, Leila avait eu toute latitude pour régler ses problèmes. Elle était extrêmement intelligente et agissait suivant un processus réfléchi. C’était loupé, il faudrait attendre la prochaine occasion. Mais qu’allait-elle inventer pour se soustraire à la filature ?

Toujours onze jours plus tard, la Dacia rouge sortit de La Roseraie avec Leila au volant. Quel stratagème avait-elle mis au point ? Elle se savait suivie, mais ne se cachait pas. Elle s’arrêta au grand Café Del Sol, avenue Ventura Rodriguès. Elle entra, s’assit, commanda un cortado, avec un nuage de lait. Zohra observa attentivement Leila, rien n’était suspicieux dans son comportement. Était-ce encore une fable, un brouillage de pistes ? Leila se leva et alla aux toilettes, Zohra attendit son retour. Revenue à sa table, elle reprit une tasse du même breuvage, puis s’éclipsa. Il n’y avait rien à signaler. Curieux, curieux ! Tout ce chemin pour boire un café.

Zohra se perdait en conjectures. Cette femme avait un esprit supérieur. Ajar Skharji avait disparu, mais il devait toujours être en relation avec Leila ou le remplaçant du sieur Malbrouk. Elle n’était pas allée aux toilettes pour rien. Et si c’était là le nœud du problème ? Elle n’avait pas voulu se faire remarquer, surtout pas. Zohra pensa que sa visite au grand café Del Sol pouvait être un signal pour un compère. Dans ce cas, elle se trouvait dans le noir absolu, l’obscurité la plus totale. Des dizaines de clients étaient attablés, lequel, laquelle cibler ? Il fallait pourtant que l’horizon s’éclaircisse, qu’elle ait du grain à moudre. Le renseignement était un métier délicat, difficile, subtil, long, à prendre avec des pincettes, tout contrôler, recontrôler, c’était le crédo des agents des services spéciaux. Leila était la seule piste de Zohra, elle ne pouvait pas la lâcher. Prendre Leila de front au bordel n’était pas possible, en plus les renseignements obtenus sur La Roseraie étaient intéressants. Leila était co-propriétaire de la maison close. Les maisons closes étaient déclarées en Espagne et bénéficiaient de nombreuses ristournes de la part du gouvernement. L’autre co-propriétaire de La Roseraie était Juan Garido. Mafioso repenti, ayant purgé dix années de prison à Carabanchel pour attaque de banque, il s’était amandé et associé à Leila. Juan devait être au courant des activités de cette dernière. Pourquoi ne pas essayer de le faire parler ?

L’ambassade du Maroc à Madrid dépêcha deux agents pour connaître l’adresse de Juan Garido, ainsi que ses activités. Juan habitait tout près de La Roseraie, Alcalá de Henares. Il s’était effectivement calmé, ne s’occupait plus de La Roseraie, laissant Leila la gérer toute seule. Il passait son temps au Café de España à boire du Cava Lola de Paco[2]. Zohra et Abdéramane décidèrent de rendre visite à Juan.

Assis au Café Lola de Paco, ils attendaient que Juan remonte dans son appartement. Deux heures du matin, il se décida à quitter les lieux, d’un pas hésitant, le vin ayant fait son effet ! Les deux membres de la Boutique lui emboîtèrent le pas. Il trébucha dans les escaliers. Abdéramane le soutint.

Gracias, marmonna l’homme, d’une voix grasse.

Il ouvrit la porte de son appartement et ne s’étonna point que Zohra et Abdéramane entrent avec lui.

Ola, dit-il, voulez-vous un verre de vin ?

— Non, c’est gentil Juan, mais nous avons à parler avec vous.

— Avec moi, mais je ne vous connais pas, dit-il dans un accès de lucidité.

— Nous, nous vous connaissons.

— Ah bon, alors je vous écoute, répondit-il en s’asseyant bruyamment dans le fauteuil.

— Nous voulons savoir ce que fabrique Leila. Elle fait de la politique ?

— Bof, elle trafique un peu avec les Arabes.

— Quels Arabes ?

— Des Arabes, je n’en sais pas plus, cela ne m’intéresse pas.

— Vous devez en savoir beaucoup plus que cela Juan.

— Donnez-nous des détails et nous vous laisserons en paix.

— Écoutez, Leila est une chic fille, je ne veux pas lui causer du tort, dit-il en commençant à récupérer.

— Nous ne lui causerons aucun tort, donnez-nous des détails.

— Je ne sais rien.

Juan avait fini par dessouler et réagir, comprenant la manœuvre. Il s’énerva :

— Sortez de chez moi, vous n’avez rien à y faire.

— Nous ne sortirons de chez vous que lorsque vous nous aurez donné les renseignements.

Làrgate de mi, sortez de chez moi !

— Bon, puisque vous refusez de coopérer, nous allons vous faire danser.

Abdéramane commença par lui envoyer deux gifles magistrales, puis il lui écrasa le pied droit. L’individu se mit à geindre. Il ne fallait pas qu’il réveille les voisins ! Zohra et son homme de main l’attrapèrent, bloquant toute tentative de fuite ou de rébellion. La capitaine le bâillonna pour éviter qu’il n’ameute tout le quartier.

— Si tu veux parler, l’on t’enlève le bâillon, compris ! Nous voulons savoir avec qui Leila travaille. Qui est l’intermédiaire avec le Front Polisario ?

Abdéramane lui enleva ses chaussures. Pied droit et pied gauche subirent un écrasement progressif. Juan cria, mais le bâillon l’empêcha de réveiller l’étage.

— Bien, lui dit Abdéramane, c’est au tour de tes mains, maintenant.

Juan se remit à hurler, au travers de son bâillon.

— Tu ne veux toujours pas parler ?

Il fit non de la tête.

Zohra sortit alors un pistolet pneumatique de son sac et tira deux aiguilles dans la main droite de Juan. Endurant la douleur, il se trémoussa dans tous les sens, mais il ne semblait toujours pas prêt à parler. Zohra récidiva dans la main gauche. Les larmes se mirent à couler de ses yeux, mais il restait toujours muet. Il leur fallait à tout prix obtenir ces renseignements ; c’était capital pour le Maroc.

Zohra planta cette fois une aiguille dans le genou droit du collaborateur de Leila. L’homme se démena tellement qu’il en tomba de son fauteuil. D’un coup de pied, Abdéramane le redressa. Pas de pitié dans le monde du renseignement !

— Juan, tu vas souffrir pour rien, nous ne te lâcherons pas, has comprendido !

Bastardos, marmonna-t-il à travers son bâillon !

En réponse, Zohra planta à nouveau une aiguille dans son genou.

L’individu hurla sous le coup de la douleur. Pour démultiplier le degré du supplice, Abdéramane lui envoya un violent coup de pied dans le genou. C’en était de trop. L’homme vomit. Abdéramane lui enleva le bâillon, alors que l’autre éructait :

Hablaré, je vais parler.

La séance l’avait complètement dessoulé.

— Enfin, rétorqua Zohra, il aura fallu que nous te fassions mal pour obtenir ton accord.

— Elle m’a dit qu’elle était née à Smara, petite ville du nord-est du Sahara occidental, évacué par les Espagnols et actuellement tenu par le Polisario. Elle défend d’arrache-pied ce territoire contre les ambitions territoriales du Maroc. Elle est l’un des pions du Polisario à l’étranger. C’est une fille très intelligente, docteur en philosophie et en histoire. Un temps, elle a été professeur à l’université des lettres de Madrid. Être propriétaire avec moi du bordel La Roseraie et aussi putain lui permet de rester dans la clandestinité, d’organiser la filière pour aider le Polisario, de ramasser des fonds et de les faire parvenir sans coup férir.

— Ce qui nous intéresse, dit Zohra, c’est de connaître la filière complète.

— Je ne sais pas tout, mais après avoir récolté les fonds, elle se rend dans différents endroits pour rencontrer Ajar Skharji, et lui donner le signal.

— Cela nous intéresse. As-tu la nouvelle adresse d’Ajar ?

— Non, je ne l’ai pas, notre relation ne va pas jusque-là !

— Faut-il que je te fasse mal, à nouveau ?

— Non, je vous assure, je ne la connais pas.

— Nous voulons bien te croire. As-tu une idée de sa planque ?

— Comment est-il, ce Ajar Skharji ?

— C’est un noir, grand et mince. Elle le rencontre au Grand Café Del Sol, suivant un code précis.

— Ah, cela se précise. Tu ne connais pas son adresse, mais tu connais très bien le lieu de rendez-vous.

— C’est parce qu’une fois je l’ai accompagnée, elle craignait d’être démasquée.

— Très bien Juan, tu as fait un bon boulot.

Zohra lui perça la tête, d’une aiguille de son pistolet pneumatique. Pas de témoin, place nette ! Maintenant, il fallait chasser Ajar, le dernier élément avant Leila, croyait-elle.

Les renseignements généraux espagnols coopéraient avec le Maroc sur les activités terroristes et après de minutieuses recherches ils obtinrent l’adresse d’Ajar ainsi que sa photo. C’était effectivement un grand type, un mètre quatre-vingt, quatre-vingt-cinq, type africain bien balancé, baraqué.

Il va falloir se le faire, pensa Zohra.

Zohra et Abdéramane se postèrent nuit et jour devant la crèche d’Ajar, aidés par Amine, venu en renfort. Tous trois logeaient dans un petit hôtel à côté du logement d’Ajar, l’Hidalgo, ce qui leur permettait de se reposer après leur tour de veille.

Leur planque porta ses fruits. La cible se rendait régulièrement au bar, pour prendre un café avec un petit verre d’Everclear à 70°. Puis, il se promenait dans le quartier, s’asseyait sur un banc et lisait le journal As, en feuilletant doucement les pages. Un soir, il s’arrêta au restaurant El Destino – Le destin – pour dîner. Les trois amis de la Boutique le suivirent pour se restaurer également. Il était onze heures du soir. En Espagne l’on se couche tard. Ajar une fois assis fut rejoint par un individu aussi petit qu’Ajar était grand. Ils commandèrent un Cocido madrilèno, plat typiquement madrilène composé de pois chiches, de légumes, de porc, de lard et de saucisses. Il fallait avoir faim ! Les locataires de la Boutique se suffirent de la Tortillas de Patatas. La discussion allait bon train à la table d’à côté, malheureusement ils étaient trop loin pour que Zhora entende et comprenne la discussion. Au milieu du repas, le petit bonhomme se leva et sortit du restaurant. Amine se leva à son tour, pour suivre l’individu. Il marchait vite. Il tourna subitement à droite. Amine fit de même et se trouva devant un tueur, pas du genre troubadour, le pistolet à la main, prêt à faire feu. Amine leva la jambe désarma le type et le secoua vivement pour qu’il parle. Le lieu n’était pas propice à ce genre de jeux, le trottoir étant passager. Aussi, il amena le petit drôle dans un immeuble, l’assomma et lui prit ses papiers. Le gars, un Marocain de Dakhla, se nommait Rachid Malek. Il ne pouvait pas l’interroger dans cette cour d’immeuble, il fallait le supprimer ! Le Berretta avec silencieux mit fin à son supplice.

Amine attendit ses complices à la porte du restaurant et les mit au courant. Ils rentrèrent tous à l’hôtel Hidalgo. Amine posa le portefeuille du petit homme sur la table. Zohra en détailla chaque poche minutieusement. Le nom du quidam l’interpellait : Rachid Malek, habitant Dakhla. L’ambassade une fois avisée ferait des recherches. Rejoignant sa chambre, après avoir pris une douche, elle fit sa prière et s’endormit.

Peu de temps après, l’ambassade marocaine lui donna des nouvelles du sieur Malek. Il était fiché au grand banditisme pour attaque de banques et de fourgons postaux. Il s’était radicalisé auprès de personnalités du Sahara occidental et était suivi par la police. Quel rôle tenait Rachid dans la filière du Polisario ? Il fallait absolument s’en prendre à Ajar Skharji. Mais ce serait difficile. Il se méfierait et se tiendrait sur ses gardes.

Après une petite conférence avec les deux soldats de la Boutique, Zohra prit la décision de l’attaquer de front. Assis au restaurant, ils commandèrent un gaspacho. Ajar, de son côté, avala une paella aux poissons avec du vin rouge de la Mancha. À deux heures du matin, notre homme alluma un cigarillo, se leva et monta dans son appartement. Les trois membres de la Boutique attendirent une demi-heure pour rejoindre l’appartement d’Ajar. Zohra frappa à la porte en se mettant sur le côté pour ne pas être fusillée. Effectivement, l’individu ne faisait pas dans la tendresse et il vida son chargeur au travers de sa porte. Ceci étant fait, de son pied, Amine poussa violemment ce qu’il restait de ladite porte, qui s’ouvrit sur un Ajar qui venait de réarmer son pistolet. Amine fut blessé. Apparemment, une éraflure, mais cela le faisait souffrir.

— Écoute bien, basura, ordure, tu vas nous donner les renseignements que nous voulons. Quel est ton rôle dans l’organisation de Leila ?

L’homme nia tout en bloc.

— Je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

— Bien sûr, tu fais joujou avec ton pistolet et tu ne réponds pas à nos questions. Je répète : que fabriques-tu avec Leila ?

— Rien, rien de rien, vous m’emmerdez à la fin avec vos questions.

Amine saignait beaucoup. Il fallait arrêter l’hémorragie. Zohra fouilla dans l’armoire d’Ajar, déchira une chemise et fit un garrot sur le bras d’Amine en attendant le retour à l’hôtel.

— Nous ne prendrons pas de gants avec toi, Ajar. Tu es mouillé avec Leila, il faut que nous sachions ce que tu fous avec elle ?

— Vous perdez votre temps avec moi, je ne sais rien.

Chaque fois, c’était la même chose, il fallait user de violence pour arracher des renseignements.

— Pour la dernière fois, vas-tu parler ?

Pudrete, allez vous faire foutre, rétorqua-t-il, employant des mots orduriers !

— Ce n’est pas gentil, Ajar, pas du tout gentil.

Dans le même temps, Abdéramane lui décocha un direct magistral qui lui fendit la lèvre et lui laissa une marque sur le menton.

— On continue, tu ne veux toujours pas répondre ?

Amine prit le relais, malgré son bras en écharpe, et expédia son poing dans l’œil droit d’Ajar, qui noircit rapidement. La paupière enfla à vue d’œil. Puis, ce fut le tour de Zohra qui lui envoya son pied dans le ventre, lui coupant la respiration. L’homme hoqueta des insultes sans suite.

— Mon pauvre petit lui dit Zohra, le monde est méchant, hein ?

Basura, ordures, je vous ai dit que je ne savais rien !

— Mon Dieu qu’il est têtu, hein, les copains.

Zohra joua de la chaussure en lui envoyant son pied dans les genoux, endroits sensibles par excellence. Il cria. Amine le fit taire avec un coup de poing qui l’endormit. Il fallait qu’il parle, elle ne voulait pas le supprimer sans rien connaître de ses activités terroristes. Ils attendirent qu’il se réveille pour l’interroger à nouveau.

— Dis-nous ce que tu fous avec Leila, lui redemanda Abdéramane. Quel rôle as-tu dans l’organisation ?

Nada, nada !

Il était plutôt du genre coriace, le Ajar.

— Bien, dit Zohra, il va falloir employer les grands moyens !

Sur ce, elle sortit le petit pistolet pneumatique de son sac, approcha le canon de la cuisse de Ajar et appuya sur le ressort. Une aiguille de trois millimètres de diamètre et de trois centimètres de long se ficha profondément dans la chair.

Il cria, déjà ramolli par un coup de poing d’Amine.

— Qu’en penses-tu, Ajar, ça chatouille, hein ? Je vais cribler toutes les parties de ton corps, tu seras percé de toutes parts. À toi de choisir : tu parles où tu souffres !

Bastardos, podridos

— Et en plus, tu nous dis des choses pas gentilles, hein, les gars ? Dieu est témoin que tu n’es pas coopératif.

— Je vous l’ai dit : je n’ai rien à dire !

— Et cela continue ! Tu préfères souffrir que de nous livrer ta version des faits.

Zohra perça l’autre cuisse. L’homme hurla de nouveau. Amine appuya à nouveau sa main sur l’emplacement de l’aiguille. Le gus cria très fort, mais sans succès. C’était un sacré lascar, résistant à la douleur et la langue clouée pour l’honneur du Polisario. Il allait falloir l’abattre sans connaître son rôle dans l’organisation. Zohra, tentant le tout pour le tout, choisit de mettre une aiguille dans sa joue. Ajar hurla de douleur, des pleurs inondaient ses joues.

— Parle ou je te remets une aiguille dans l’autre joue.

Non, il ne parlerait pas, c’était une évidence. Amine l’abattit de son Berretta. C’était un échec, ils avaient fait chou blanc !

Zohra n’était pas contente, la piste s’arrêtait là ! Il restait Leila, mais là aussi cela s’avérait difficile.

Le trio de la Boutique mit La Roseraie sous surveillance, de nuit comme de jour. Un mois durant, rien ne bougea. Zohra ne voulait pas liquider Leila sans avoir eu de résultats. Après les meurtres des deux loustics, Leila se méfiait et restait cloîtrée à La Roseraie. La liquider aurait été assez facile : un rendez-vous avec Amine et le tour aurait été joué, mais pour la faire parler c’était une tout autre histoire.

Un deuxième mois passa. Elle n’était toujours pas sortie de La Roseraie. Le trio de la Boutique commençait à s’impatienter.

Un jour, un homme, chic, bien habillé, la classe, vint pour rencontrer Leila. Zohra réussit à le prendre en photo. L’ambassade du Maroc répliqua par un petit communiqué. Cet homme était le premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie, Ahmed Zouti.

« Enfin », se dit Zohra ! Une piste s’ouvrait à nouveau. Le contact était rétabli avec Leila et son réseau. Maintenant, au trio de régler le problème. Il était évident que l’ambassade d’Algérie jouait un rôle primordial dans le réseau de Leila, il fallait la jouer serré. La diplomatie obligeait à prendre certaines précautions si on ne voulait pas que les relations diplomatiques s’enveniment. Ce n’était pas le moment, des tensions existant entre l’Algérie et le Maroc.

Ahmed Zouti vint plusieurs fois visiter Leila, mais toujours accompagné de son garde du corps. Depuis l’histoire de Malbrouk, la prudence était de rigueur.

À première vue, Ahmed Zouti reprenait le rôle du sieur Malbrouk, mais seule Leila pourrait confirmer cette vision des choses. Il fut décidé d’attendre le bon moment pour s’emparer d’Ahmed Zouti et le faire parler. Atteindre cet objectif demandait de la réflexion, de l’organisation.

Le trio suivait Ahmed Zouti à la trace. Dès sa sortie de La Roseraie, l’homme se dirigeait vers le Parque Del Retiro. Là, une femme l’attendait. Ils discutaient pendant trente minutes, puis Ahmed se retirait pour se rendre à l’ambassade. Il fallait se faire tout petit, éviter à tout prix d’attirer leur attention ou que la presse s’empare du sujet.

Zohra et ses deux soldats tinrent un conseil de guerre pour mettre au point le plan d’action. Ils arriveraient au parc très en avance, de façon à s’emparer de la femme qu’avait vue Zouti ; ils la menotteraient dans la voiture pour éviter qu’elle ne se débatte et la bâillonneraient. Lorsque la voiture d’Ahmed Zouti arriverait, ils liquideraient d’abord le garde du corps, avant de s’emparer de Zouti et de filer rapidement dans un local aménagé par l’ambassade du Maroc, en espérant que le premier secrétaire ne serait pas armé. Cela paraissait crédible.

Avant de passer à l’action, ils se rendirent une nouvelle fois sur place afin de vérifier chaque phase du plan. La femme arriva, comme prévu. Le garde du corps descendit de l’automobile en premier, la main dans l’intérieur de son veston. Une information à prendre en compte pour le jour J.

 

Quatorze heures trente : Parque Del Retiro. La femme arriva et commença à attendre Ahmed Zouti. Amine s’était placé à quelques mètres derrière elle, Abdéramane et Zohra s’avancèrent vers elle, mine de rien. Elle ne put rien faire : Amine l’entoura fortement de ses bras, elle cria, il déplaça un bras pour lui clouer le bec en la poussant rapidement dans la voiture où Zohra la menotta. Une fois la femme immobilisée, elle lui plaça également un bâillon sur la bouche.

L’automobile de Zouti arriva dix minutes plus tard. Le trio était assis sur le banc. Le garde du corps descendit de la voiture, il s’écroula le nez par terre, touché par une balle du Glock de Zohra. Les trois bougres de la Boutique ouvrirent la portière et sortirent un peu violemment Ahmed Zouti qu’ils poussèrent dans leur automobile. Le plan avait fonctionné.

Le premier secrétaire, blanc comme neige, était au bord de la panique.

 

***

Dans le local loué par l’ambassade, Zouti assis sur une chaise n’en menait pas large. La sueur coulait sur son front, un tremblement visible de ses mains marquait sa préoccupation. Quant à la dame qui se recroquevillait sur sa chaise, elle s’appelait Amina Loubna Gouiri.

— Monsieur Ahmed Zouti, vous voilà avec nous pour quelques instants. Nous avons besoin aussi de mademoiselle Loubna, pour des renseignements sur sa participation au réseau de Leila. Nous savons qu’elle travaille pour le Front Polisario, nous verrons cela après vous, monsieur Zouti.

— Je ne peux pas vous dire grand-chose, je suis un tout petit élément de son organisation.

— Bien, dites-nous-en peu plus.

La peur le faisait parler.

— Leila me donne les fonds récoltés que je remets ensuite à Loubna. Elle est chargée d’envoyer ces fonds à un dirigeant du Polisario.

— Bien, nous vous remercions, monsieur Zouti.

— Loubna, M. Zouti nous précise qu’il vous remet les fonds récoltés par Leila. Vous ne pouvez plus nier, mademoiselle, qu’en dites-vous ?

— Zouti vous a tout dit, je n’ai rien à ajouter.

— Oh que si, mademoiselle ! À qui remettez-vous la cagnotte ?

— Je l’envoie à un certain Driss, par Wafacash. Je n’en sais pas plus.

— Nous sommes sûrs que vous en savez plus que cela.

— Non, je vous assure que ça s’arrête là !

— Ne nous obligez pas à être désobligeants et méchants avec vous.

— Je n’ai connaissance de rien d’autre, je vous le jure.

Zohra sortit son pistolet pneumatique et l’agita devant le nez de la dame.

— Vous allez vous en servir, demanda cette dernière, toute tremblante ?

— Oui, puisque vous ne voulez pas nous renseigner correctement.

— Attendez, attendez, dit-elle, je vais vous renseigner. Driss s’appelle Skreff. Il habite à Rabat, 4 avenue Hadj Ahmed Cherkaoui. Je lui envoie l’argent par WafaCash, après je ne sais pas ce qu’il en fait. Je sais que c’est un ponte du Polisario, c’est tout !

C’était réglé, tout était au point. Zohra appela le colonel Abdou Mélik, chef de la Boutique pour lui rendre compte du succès de sa mission.

— Rentrez rapidement à la base pour que nous finissions le travail, lui dit-il.

Mais l’équipe n’en avait pas terminé pour autant, à Madrid. Il fallait se débarrasser de beaucoup de monde.

Restait le cas Leila qui serait résolu en dernier.

— Que savez-vous de plus, Loubna ?

Sur ses mots, Zohra envoya Ahmed Zouti en enfer, son Glock pour l’exemple cracha le feu deux fois. L’homme s’écroula sans un mot sur le plancher.

Loubna se mit à pleurer, les mains sur la tête, verte de peur.

— Je ne peux vous en dire plus, j’ai dit tout ce que je savais.

Zohra l’expédia rejoindre Abdou en enfer, avec une aiguille qui lui traversa l’os temporal et se logea dans le cerveau.

« Que Shaiitane vous reçoive », dit-elle pour oraison funèbre.

 

***

 

Dans la foulée, Amine prit rendez-vous avec Leila, qui s’avéra disponible. Mais elle n’eut pas le temps de finir de se déshabiller, qu’elle s’écroula sur le lit fauché par un projectile du Berretta d’Amine. Il attendit le temps nécessaire pour faire croire à la consommation de la chair et sortit de La Roseraie.

 

 

Le colonel était satisfait de la réussite de cette enquête. Les médias de Madrid n’eurent pas accès aux informations, la diplomatie exigeait le silence.

Maintenant, il fallait retrouver Skreff et l’éliminer également. Ils sortirent en saluant le colonel.

 

***

 

L’avenue Hadj Ahmed Cherkaoui se trouvait dans le quartier chic d’Agdal. Les trois membres de la Boutique pistèrent Skreff chaque jour pour connaître ses habitudes. Driss Skreff était un homme discret, un « monsieur-tout-le-monde » en quelque sorte. Sa seule sortie se faisait le soir, au restaurant du Temple, pour dîner.

Les trois compagnons entrèrent également dans le restaurant. Un endroit sympathique ; peu de tables mais une bonne gastronomie. Ils demandèrent une soupe marocaine et du poulet rôti avec des frites. Driss était trop loin d’eux pour qu’ils puissent voir son menu.

Ils attendirent sa sortie du restaurant pour intervenir. L’homme marchait vite. Il monta les escaliers presque en courant jusqu’au premier étage et entra rapidement chez lui, la porte au centre du palier. Comme d’habitude, Zohra frappa à la porte en se tenant sur le côté pour éviter une salve, au cas où l’olibrius serait armé. Driss vint ouvrir, l’air étonné. Zohra lui envoya une aiguille dans le cœur et l’homme s’abattit sur le plancher. Elle fouilla dans ses poches, mais ne trouva rien d’essentiel. Toute la maison fut retournée, tiroirs et placards. Driss était un malin, il n’y avait rien dans la maison qui puisse aider à retrouver celui ou celle qui recevait les fonds au Sahara occidental, côté Polisario. L’équipe était parvenue à démanteler toute la filière, c’était sa seule victoire.

Au retour à la Boutique, ils retrouvèrent le colonel Mélik qui avait l’air déçu.

— J’ai une communication importante à vous faire, leur annonça-t-il. Le Front Polisario amasse des troupes à la frontière. On parle de dix mille soldats et de quatre blindés russes, ancienne génération. Le gouvernement envisage d’entrer dans la zone du Polisario et de réduire au silence ces dissidents. Nous enverrons vingt blindés américains de nouvelle génération et deux cents commandos de Marines. En ce qui concerne les chars, c’est un nouveau blindé tactique Abraham M1. Le canon Rheinmetall de 120 millimètres est de fabrication allemande. Le canon ne sera pas seul, une mitrailleuse de 7,62 millimètres et une de 12,7 millimètres seront également commandées de l’intérieur du blindé. Le char possédera un système de protection NBC avec télémètre au laser, gyro-stabilisation du canon, système de tir et viseur thermique rotatif. Un ordinateur dernier cri et une vitesse de 72 km/h sur 475 km/h, bien au-dessus des anciens blindés russes ! Nous attendons l’ordre du gouvernement. Capitaine, vous aurez la responsabilité de cent commandos de Marines qui resteront derrière les blindés. Fahimt alqubtan, vous avez compris, capitaine ?

— Oui, mon colonel

Vendredi 28 janvier, l’ordre fut donné. Il fallait obéir pour sa patrie. Les chars s’avancèrent dans les sables avec l’ordre de détruire, avant tout, les deux silos de missiles. L’emplacement des missiles était connu grâce aux satellites Pléiade. Les blindés prirent position avec le relais de l’ordinateur de bord et les missiles furent détruits au tout début de l’invasion des troupes royales. Les quatre blindés russes prirent également position et furent détruits par les canons Rheinmetall de 120 millimètres, dès leur engagement. Les dix mille hommes du Polisario prirent la fuite et entrèrent en Algérie se joindre aux troupes algériennes, après avoir subi de lourdes pertes. Le territoire du Polisario était conquis, mais les troupes royales reçurent l’ordre de rentrer au Maroc. Les militaires avaient défendu leur pays et revenaient à la maison après leur victoire. Malgré leur déception, il fallait obéir. La diplomatie prenait le relais. L’Algérie n’avait pas bougé, elle n’était plus sûre de liquider le Maroc. Les blindés restèrent à la frontière avec les deux cents commandos de Marines, pour répondre à une éventuelle attaque.  

 

***

 

Sept mois après le retrait des troupes royales du Sahara occidental, le colonel interpella Zohra :

— Capitaine nous avons à nouveau des problèmes avec un groupuscule terroriste qui se fait appeler Groupement de Libération du Sahel. Les renseignements que j’ai obtenus montrent qu’ils sont peu nombreux, mais lourdement armés. Ils projettent des attentats contre des bâtiments civils et militaires, je vous donnerai tous les renseignements pour anéantir ces assassins. Prenez Amine et Abdéramane avec vous.

 

 

Dakhla, les trois membres de la Boutique sirotaient un jus de fruits en observant discrètement, à l’autre bout de la terrasse, Sofiane Berrada, soupçonné d’être le chef du groupuscule. Zohra avait eu sa photo par le colonel. Il ne se cachait pas, sûr de son anonymat. Beau garçon, il avait du succès auprès des étrangères en vacances. Suffisant, il les abordait sans complexe. Il était voyant, mais où étaient donc ses complices ? Il se rendait tous les jours dans une maison du centre-ville, entourée de murs de deux mètres de haut, sans doute leur repaire !

Abdéramane se porta volontaire pour escalader le mur, de nuit, et voir ce qui se passait à l’intérieur. Zohra et Amine restèrent à l’extérieur. Deux jours plus tard, attablés au café Bel Sahel, ils dînèrent d’un casse-croûte aux saucisses, avec du soda, en attendant qu’il n’y ait plus personne dans les environs. Deux heures du matin, nombre de touristes se baladaient toujours. Les membres de la Boutique se reposèrent dans leur voiture, en attendant le calme plat.

Quatre heures, c’était le bon moment !

Abdéramane grimpa sur le mur. À peine fut-il arrivé en haut, que deux chiens se mirent à aboyer, dans le jardin, en essayant de l’atteindre pour le mordre. Quatre hommes sortirent de la maison, armés de pistolets-mitrailleurs HK MP5 de marque allemande, reconnaissables à leur profil. Ils commencèrent à asperger le mur de mitrailles. Heureusement, quand ils passèrent à l’action, Abdéramane avait déjà sauté de l’autre côté.

— Bien, dit Zohra, nous ne nous étions pas trompés. Les assassins sont bien là ! Je me demande comment ils vont réagir, avec Sofiane Berrada ? Si nous attaquons les loulous de Sofiane en premier, il va se tirer et nous ne le reverrons plus. Il nous faut d’abord nous débarrasser de Sofiane et j’ai mon idée.

 

***

 

Zohra était une très jolie jeune femme.

Dans une guérite, sur la plage, elle se déshabilla, puis apparut, splendide, sac de plage à l’épaule, vêtue d’un maillot de bain la couvrant jusqu’à la poitrine.

Elle s’avança vers Sofiane sans avoir l’air d’y toucher.

— Où allez-vous comme ça, mademoiselle ? dit Sofiane pompeux. Je peux faire un bout de chemin avec vous ?

— Pourquoi pas ? répondit Zohra. Je suis toute seule et je recherche un peu de compagnie.

— Je suis là, reprit Sofiane, emballé par cette délicieuse poupée. Je vous accompagne.

— Allongeons-nous sur le sable et parlons un peu, si cela ne vous dérange pas.

— Pas du tout, au contraire. Sur le sable chaud, c’est l’idéal.

Sofiane était tout sauf un beau diseur. Il se fit rapidement entreprenant, Zohra le laissa faire. Elle fit semblant de l’embrasser, tout en plongeant la main dans son sac et logea une aiguille dans la tête du crétin.

Allongé sur le dos, il semblait dormir. Cela avait été plus facile que prévu ! Zohra retourna dans la guérite se rhabiller. Elle ne voulait pas apparaître comme cela devant ses soldats. Sofiane mort, ses loustics voudraient disparaître au plus vite. Ce serait au trio de la Boutique à veiller à la casse et d’être là pour régler les comptes.

Le soir, Zohra, Abdéramane et Amine prirent position devant et derrière la maison, mais c’était déjà trop tard, les hommes avaient disparu.

C’était un coup dur. Où retrouver ces lascars ? Ils ne pouvaient pas être bien loin, mais à quel endroit ? Abdéramane en remettant le courrier avait vu l’un des hommes ; ce pouvait être le pion déterminant.

Une partie d’échecs commença.

Ils obtinrent assez vite un renseignement de première importance. Des touristes avaient aperçu un 4x4 et une grande tente avec des hommes qui n’étaient pas des nomades, à une vingtaine de kilomètres de Dakhla, dans les sables.

— C’est sûrement notre bande de malfrats, annonça Zohra.

Elle prépara une expédition punitive.

L’équipe de la Boutique avait l’habitude, avec l’aide des Touaregs, de se déplacer à dos de dromadaires. Aucun bruit de moteur, l’avancée se faisait en silence. Il leur fallut deux jours pour convaincre le chamelier de les conduire au campement des assassins.

Ils avançaient doucement, sous la conduite du Bédouin. Lorsqu’ils aperçurent la grande tente plantée dans les sables, ils stoppèrent leur avancement pour attendre la nuit. Le chamelier resterait à l’écart, avec les dromadaires. Zohra observa attentivement le groupement. Les individus étaient armés. C’était donc bien eux. Elle changea de stratégie : elle attendrait leur départ pour les attaquer. Le 4x4 Dacia était rangé à côté du campement. Ils se faisaient discrets : pas de feu ; ils se nourrissaient de conserves. Deux jours plus tard, il y eut de l’agitation dans le campement. Les hommes démontèrent la grande tente et rangèrent leurs affaires dans le Dacia. Zohra décida de lancer l’opération. Amine avec son fusil à longue portée abattit l’un des terroristes, provoquant la panique dans le groupe qui démarra péniblement dans les sables.

Zohra avait ce qu’elle voulait : semer la peur dans le groupe de terroristes. Désormais, ils n’étaient plus que huit. La nuit était étoilée, des bruits étranges venant des sables inquiétaient les loustics. Les cris des chiens du désert déchiraient la nuit. Le chamelier s’étant pris au jeu, grâce à la promesse d’une forte prime, ses dromadaires suivirent le 4x4 de loin, mais sans les perdre de vue. Le dromadaire va toujours d’un pas tranquille, mais quand il est lancé il peut atteindre la vitesse de soixante-dix kilomètres à l’heure. Ses pieds n’ont pas de sabots, ils ont une élasticité remarquable. Certains les comparent à un véhicule à quatre roues motrices.

Lors de l’arrêt du 4x4, Zohra voulut mettre la pression sur les loustics à Sofiane. Amine sortit son fusil, ajusta un terroriste et pressa sur la détente. L’individu chuta lourdement à terre, mortellement blessé.

— Sept, déclara Abdéramane, bientôt deux contre un !

Les lascars restants remontèrent dans le véhicule et essayèrent de prendre le large, la trouille au ventre. Ils ne savaient pas d’où venaient les coups. Toutes les suppositions étaient envisagées. Ils roulèrent une partie de la nuit avant d’arriver à un village, Wahat alraayat[3], « Oasis du Bruant ». Ils se garèrent près d’un palmier dattier et descendirent en courant du véhicule pour se mettre à l’abri.

Bien après le 4x4, environ une heure plus tard, le trio de la Boutique arriva avec le chamelier. La tête enrobée d’un foulard bleu cher aux nomades, leurs visages étaient indécelables pour les sept nervis nerveux, anxieux de cette arrivée.

Une oasis est la plaque tournante des voyageurs du désert. Ils furent invités à se joindre au repas des Bédouins, une chèvre grillée ointe d’huile d’olive et de poudres odorifères, avec du thé bouillant. Le repas terminé, ils entrèrent dans la guitoune dépliée. Quelque temps plus tard, ils s’endormirent après avoir fait leur prière.

Ce serait une longue traque. Pas d’attaque dans l’oasis, cela pourrait blesser des nomades.

Les fuyards rangèrent leurs affaires et leur guitoune dans le Dacia et reprirent leur route, suivis de loin par le groupe de Zohra. Ils bifurquèrent au sud vers la Mauritanie, le Mali, où ils espéraient être tranquilles et aidés par Boko Haram. À l’approche de la Mauritanie, ils s’arrêtèrent à Bir Gandouz, petite ville de trois mille habitants dans la région de Dakhla, juste avant la zone tenue par le Polisario. Ils se croyaient à l’abri. Ils déplièrent leur guitoune à l’extérieur de la ville avec les Bédouins.

Le groupe de la Boutique s’installa à l’hôtel Barabas, relativement moderne avec Wi-fi, quatre langues parlées, l’anglais, l’espagnol, le français, l’arabe. L’équipe agirait pendant la nuit. Trois heures du matin, chacun sortit de sa chambre en catimini, le fusil sous la djellaba. Les chambres donnaient directement sur le jardin.

Hors des lieux de l’hôtel, ils se dirigèrent vers la grande tente des terroristes, fichée dans les sables à l’entrée de la ville. Le trio de la Boutique fit aussitôt feu, terrorisant les membres du groupe. Les projectiles trouaient la guitoune de part en part. Les hommes sortirent en envoyant également de la mitraille de leur fusil mitrailleur allemand HK MP5.

— Ne vous faites pas blesser, lança Zohra à ses soldats.

Ça pétait de chaque côté. Les Bédouins s’étaient enfuis, laissant le champ libre aux belligérants. Le trio se mit à l’abri derrière une petite dune tirant à coups sûrs pour ne pas gaspiller les munitions. Deux des hommes du camp adverse avaient été tués. Il restait donc cinq pourris du Groupement de Libération du Sahel ! Zohra chercha dans sa poche des petites billes explosives. Elle les manipula avec précaution. Il y avait deux cents mètres entre eux, trop loin pour les lancer. Amine prit deux billes explosives et s’avança dans les sables, furtivement, rampant comme un lézard des sables, invisible. Avec l’arrêt des coups de feu, les bruits des sables étaient revenus. Les étoiles brillaient, c’était fantastique. Pourquoi mourir par une nuit pareille ? Amine avait estimé pouvoir lancer une bille explosive jusqu’au repaire des loustics de Sofiane. Il observa minutieusement son environnement. Il avait l’impression d’être très près d’eux. Il se redressa et lança la bille explosive sur les voyous. Un bruit terrible s’entendit jusqu’à Dakhla, avec des flammes de cinq mètres de hauteur visibles jusqu’en Mauritanie.

Plus rien ne bougeait. Par sécurité, il jeta une deuxième bille explosive. Ce fut le désert parmi le désert ; affaire conclue !

Ils revinrent tranquillement à l’hôtel où les attendaient les gendarmes armés. Zohra sortit un document de sa poche, les gendarmes la saluèrent et disparurent. Affaire terminée. Le personnel de l’hôtel les regardait avec peur et curiosité.

De retour dans sa chambre, Zohra prit une douche, se sécha vigoureusement, déplia son petit tapis et fit sa prière, duea' allayl lilmuslimin, la prière de la nuit. Elle n’oublia pas d’aviser le colonel de la réussite de l’opération et s’endormit.

Le chamelier était heureux ; il toucherait au retour, une forte somme d’argent.

Deux jours après, ils étaient à Dakhla. Après avoir passé un coup de fil, Zohra reçut de quoi réjouir le chamelier : cinq cent mille dirhams qu’elle alla chercher à la banque de Dakhla. Le chamelier, récompensé, était déjà prêt à recommencer. Mais l’avion de la Royale Air Maroc s’envola, traversa tout le pays et atterrit à Rabat-Salé. Une automobile de la Boutique attendait le trio.

À leur arrivée à la Boutique, ils saluèrent le colonel Abdou Mélik, qui les regarda longuement et les remercia de leur travail. Les agents spéciaux sont aussi des mercenaires qui recherchent et balayent les ordures, sans états d’âme. Le trio était content d’être revenu à la maison. Il aurait certainement l’occasion de revenir sur la restitution de territoires volés et appartenant au Maroc.

 



[1] Ancien nom donné aux maisons de prostitution. 

[2] Marque d’un vin mousseux espagnol.

[3] L’historien Bernard Lugan juge que le rattachement des régions du Touat, du Gourara, du Tidikelt et d’Igli, au Sahara algérien, s’est fait au détriment du Maroc, puisque cette partie de la vallée de la Saoura dépendait du Maroc. Lugan rapporte aussi que, au moment de leur conquête, « Londres accordait même toute liberté à Paris d’occuper les régions marocaines du Touat, du Gourara, du Tidikelt et d’Igli, dans la vallée de la Saoura. Dont acte !

Traduction : Google

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