LE MANCENILLIER
LE MANCENILLIER
Proposé par Ali GADARI
Hippomane mancinella, le mancenillier, est un petit arbre très toxique de la famille des Euphorbiaceae, des régions équatoriales d'Amérique dans les sols secs et sableux.
Étymologie
Le terme de « mancenillier » dérive de l'espagnol manzanilla qui signifie « petite pomme », en raison de la forme de son fruit. Les premiers colons qui découvrirent cet arbre et sa toxicité le surnommèrent « arbre de la mort » (árbol de la muerte).
Description
Ce petit arbre de 5 à 10 m de haut (jusqu'à 25 m en situation abritée), possède le port d'un poirier et une écorce grise assez lisse. Blessé, il produit une sève blanchâtre extrêmement toxique.
Ses feuilles sont luisantes, ovales à elliptiques, de 3 à 20 cm de long. Leur base est arrondie, tronquée à subcordée. Le pétiole de 5-12 cm porte une grosse glande rouge à l'apex.
C'est un arbre monoïque, portant sur un épi (de 4-15 cm) à la fois des fleurs mâles vers l'apex en groupe de 3-5 et des fleurs femelles globuleuses dans les aisselles des bractées inférieures.
La floraison a lieu en février-mars puis en août-novembre.
Le fruit est une drupe de 3 cm de diamètre ressemblant à une petite pomme verte. Ce fruit très toxique exhale pourtant une odeur agréable de citron et pomme reinette.
Écologie
Le mancenillier pousse sur le littoral sableux. On le trouve donc généralement à proximité des plages. Il est présent dans toutes régions sèches et chaudes d'Amérique tropicale: Mexique, Floride, Amérique centrale, Antilles et Nord de l'Amérique du sud. Dans l'Outre-mer français, on le retrouve communément en Martinique et en Guadeloupe.
Composition chimique
Toutes les parties de l'arbre contiennent divers alcaloïdes comme la physostigmine et une sapogénine.
Les substances irritantes du latex sont des diterpènes de structure tigliane et daphnanequi deviennent irritantes après estérification. Les structures daphnanes diterpèniques sont l'hippomane A et B. Ce sont les mêmes genres de facteurs irritants que l'on retrouve dans Thymelaea hirsuta ou dans l'huratoxine, extraite de Hura crepitans. De plus, ce sont des substances potentiellement cancérigènes.
Toxicité
Le latex de cette euphorbiacée est très toxique, il déclenche par simple contact avec la peau ou les muqueuses, une réaction inflammatoire intense. Toutes les parties sont empoisonnées mais la quantité de latex peut varier suivant les saisons. Même le bois est toxique et les bûcherons qui abattent l'arbre et les menuisiers qui le travaillent doivent prendre de grandes précautions.
Le simple contact cutané avec les feuilles, le fruit ou la sève peut provoquer des dermatites bulleuses sévères, parfois purpuriques.
En général, les gens qui mordent dans la "pomme" la recrachent aussitôt en raison de son goût très âcre. Mais s'ils avalent la bouchée, les conséquences peuvent être très graves.
Mordre le fruit entraîne des brûlures intenses, un gonflement des lèvres, la tuméfaction de la langue qui se couvre de cloques. Toute la muqueuse de la cavité buccale se détache ensuite par larges plaques. Les œdèmes pharyngés peuvent nécessiter une trachéotomie. L'intoxication s'accompagne d'une chute de la tension artérielle et d'un choc. Les conséquences peuvent être fatales.
En cas de pluie, il convient de ne pas s'abriter sous l'arbre, car l'eau ruisselant des feuilles se charge d'éléments toxiques. C'est pourquoi il est conseillé de ne pas faire la sieste sous l'arbre.
Enfin si le pollen emporté par le vent se colle sur la peau, il peut aussi causer de douloureuses dermatites.
Des cas de conjonctivite ont été signalés pour des personnes s'étant assises sous l'arbre.
Utilisations
Il constitue un excellent coupe-vent naturel, ses racines stabilisent le sable et permettent de prévenir l'érosion.
Il a été prétendu que les Caraïbes utilisaient le latex du mancenillier comme poison de flèche mais Vigors Earle rejette catégoriquement cette allégation.
Dans la fiction
Le mancenillier est évoqué dans le film La Forêt interdite de Nicholas Ray (1958) : un homme est mis à mort attaché à l'arbre.
Le mancenillier est évoqué dans le roman SAS aux Caraïbes (1967) : un jeune homme est torturé par l'utilisation de la sève acide de l'arbuste.
Dans l'opéra "L'AFRICAINE" de MEYERBEER, Selika, abandonnée par Vasco de Gama, se suicide en inhalant la fleur mortelle d'un mancenillier. L'opéra ne se passe pourtant pas dans un pays ou pousse cet arbre.
Flaubert fait écrire à Rodolphe, le premier amant de Madame Bovary, dans sa lettre de rupture, "qu'il se reposait à l'ombre de ce bonheur idéal, comme à celle du mancenillier, sans prévoir les conséquences". Plus loin, le pharmacien Homais, après l'empoisonnement d'Emma, voulant montrer son érudition, le cite dans une litanie de toxiques.
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