SHAIITANE AL AHMAR, LE DIABLE ROUGE par Ali GADARI


C







                                                      SYNOPSIS



Un marin breton et son équipage sont  capturés par les pirates du Bouregreg , après un certain nombre de mois en prison, il fait allégeance auprès du gouverneur des pirates devenant ainsi un pirate redouté sous le nom de Shaiitane al Ahmar. Ses aventures l'amènent dans toutes les mers du monde.


SHAIITANE AL AHMAR,
 LE DIABLE ROUGE
  Par Ali GADARI


 Aodren de Kervinec Le Saumur filait bon vent, il avait doublé Gibraltar. Entré en Méditerranée, l’Atlantique derrière lui le capitaine de ce vaisseau Aodren de Kervinec se sentait l’esprit plus tranquille, la mission qu’il devait accomplir au nom du Roi de France était d’une importance capitale. Louis XIV voulait doter la France d’une marine puissante capable de rivaliser avec la Hollande et commercer avec les ports de la Méditerranée. Sur les conseils de Mazarin, le Roi souhaitait obtenir un accord avec le sultan d’Istambul, le Grand Vizir Fazil Ahmet Köprülü, maître de la Méditerranée, d’une partie de l’Europe, de l’Asie et de l’Arabie. Son empire s’étendait sur trois continents. Aodren ce marin breton, nobliau de la région nantaise, loin des intrigues de la cour avait été recommandé par l’évêque de Nantes à Mazarin pour effectuer cette délicate mission. Aodren de Kervinec correspondait à l’homme providentiel, sachant tenir sa langue, d’une honnêteté au dessus de tous soupçons, un homme de la mer prêt aux sacrifices, il avait accepté sans broncher et sans dire un mot de plus qu’en breton :<< sentin dont-a-benn>>, j’obéirai et je réussirais ! Après des jours et de jours de navigation, deux felouques armées du Grand Vizir attendaient le Saumur au large de la Crète pour le guider jusqu’au Bosphore et Constantinople, protégés par d’innombrables isles. Toujours accompagné par les deux felouques, le Saumur, un galion s’ancra à quelques encablures du quai. Une barcasse avec quatre janissaires à bord sollicitèrent Aodren pour se rendre à terre. Il se laissa conduire au palais du Grand Vizir. Il vivait intensément ce moment, ébloui par les richesses dévoilées de Constantinople, l’ancienne cathédrale Sainte Sophie transformée en mosquée après la conquête ottomane par Mehmet deux était admirable avec son dôme et ses minarets visibles du port. Aodren était ébloui par les multitudes de ruelles et de maisons en bois avec de grandes baies s’ouvrant de chaque côté donnant accès à la ruelle adjacente. Constantinople grouillait de vies, cinq cent mille âmes s’y côtoyaient. Le Bosphore, étroit conduit de mer entre deux continents, limitant l’Europe et l’Asie, entre la mer Noire et la mer de Marmara impressionnait Aodren. Dès qu’il fut parvenu au palais, des esclaves s’occupèrent de lui en le conduisant au hammam, le brossèrent, le parfumèrent et lui mirent sur le corps un jabador or en le coiffant d’un turban rond. Ses longs cheveux roux tissés et fixés par un catogan étonnaient les serviteurs du Grand Vizir. Conduit dans un salon magnifiquement décoré de riches tentures brodées, il fut laissé seul avec des esclaves peu vêtues, venues de tous les continents, assises sur des sofas brodés. L’invitation était explicite ! Le repas était servi, le Grand Vizir Fazil Ahmet Köprülü s’assit en face de l’envoyé du Roi de France, marque de respect envers un étranger. Habituellement le Grand Vizir mangeait seul dans son salon ou son jardin. Après les douceurs, les fruits confits, les gâteaux au miel, le repas commençait par une soupe aux légumes, de grains de blé et de queues de bœufs servie dans un grand bol aux subtiles décorations, avant que les esclaves changent son bol décoré de filaments d’or et d’argent pour une kassriya, grand plat en terre cuite décoré luxueusement, mélangeant un fourré d’olives vertes, de fromage, de noix, de yaourt et parfumé à l’estragon. Le poulet longuement cuit avec douceur dans un tagine de grande dimension avec du jus de citron, du miel, de la cannelle, des amandes, se mélangeaient avec des raisins et des abricots secs. Aodren pour la première fois goûtait l’accompagnement de riz safrané avec délice, ces mélanges de saveurs sucrées et salées, accompagnées de vins de Grèce et de Chypre servis sur des tables basses. Des coussins brodés d’or étaient disposés à terre sur des tapis pour s’asseoir. Des récipients remplis d’eau de roses disposés sur les tables basses permettaient de se rincer les doigts. Il n’y avait ni couteaux ni fourchettes, l’on mangeait avec ses doigts, un pain coupé en plusieurs morceaux servant judicieusement d’instrument de contenance entre le pouce et l’index. Le repas terminé, sur un signe du Grand Vizir, le scribe et Aodren s’isolèrent dans le diwan tout proche, toujours somptueusement décoré gardé à l’extérieur par des esclaves dévoués au Grand Vizir armés de sabres recourbés aux manches sertis d’or. Aodren en s’inclinant remis le parchemin signé du Roi Louis le quatorzième, Roi de France et de Navarre au Grand Vizir Fazil Ahmet Köprülü. Bien que lettré, parlant cinq langues, le Grand Vizir ne possédait pas le français. Ce fut le scribe Aytac Atkhan qui lut et traduisit avec force salamec et déférences le document royal. Fazil Ahmet Köprülü tira quelques bouffées de son narghilé décoré d’or et serti de diamants, se leva en donnant des instructions à Aytac Atkhan. <>. Sur ordre d’Aodren, le timonier changea de cap et fila droit sur la cible encore lointaine. A quatre miles du Saumur, le Second muni de jumelles communiqua au capitaine les caractéristiques du navire qu’il avait observées. <>. Voila une bonne nouvelle pensa tout haut Aodren. <>. En trente minutes, l’équipage au complet était à son poste, la quarantaine de gabiers tribordais et bâbordais s’occupaient activement des cordages et des voiles prêts aux manœuvres d’abordage. Les canonniers avaient chargé les pièces de trente huit livres de poudre et de boulets et disposés les tonneaux de poudre et les boulets rangés à proximité des canons. Les hollandais étaient capables de ruse, en cachant leurs canons sous les sabords, Aodren se méfiait. Les matelots sabre à la ceinture de toile autour de la taille étaient prêts à en découdre. Avant d’utiliser les armes blanches, les matelots du Saumur se servaient du pistolet à silex, du tromblon, arme terrible occasionnant moult dégâts dans l’équipage adverse par une pluie de projectiles diverses, verres, plombs, cailloux et le mousquet, arme à longue portée servant à neutraliser une partie de l’équipage à combattre avant l’abordage. Très vite, le Saumur approcha du Haarlem, vira de bord en tirant des boulets sur le navire, Aodren ne s’était pas trompé, le Haarlem avait caché ses canons sous ses sabords, les canonniers répliquèrent aux feux du Saumur. Les matelots français aspergèrent à vue l’équipage hollandais d’une pluie de projectiles tirés par les tromblons et les mousquets. C’est seulement lors de l’abordage que les pistolets à silex firent du dégât. Les gabiers très vite, bordèrent les grands voiles, le Saumur côte à côte avec le Haarlem, lâcha une dernière bordée de boulets. Les matelots sautèrent sur le pont et s’accrochant aux vergues du Haarlem sabrèrent les matelots tentant de s’y opposer. La fleur de lys flottait en haut du mât encourageant l’équipage du Saumur. Les sabres cliquetaient les uns contre les autres, des étincelles jaillissaient de ce conflit entre les aciers. Les matelots étaient déchainés acculant l’équipage du Haarlem à demander grâce, le capitaine avait été tué dès l’engagement des combats. Les boulets de l’Haarlem avaient déchiqueté les bords du Saumur, ceux du bateau hollandais étaient dans un état pitoyable. Les matelots furent jetés en cale, les blessés et les morts jetés à la mer après les signes de croix et des ainsi soit il marmonnés du moine embarqué. C’est le deuxième officier du Saumur aidé par une partie de l’équipage qui furent chargés de piloter le Haarlem à Nantes. Le Harlem passerait sous pavillon français, après réparations, l’équipage serait échangé contre une rançon conséquente ! Le Saumur fut restauré par les charpentiers nantais, étoupes, goudron, planches de chênes provenant de la futaie Colbert à Tronçais dans la région de l’Allier. Le Saumur avait été construit avec trois mille chênes ! Les cales du Haarlem vidées de ses marchandises révéla toutes leurs richesses, soieries d’orient, tapis précieux, vaisselles d’or, bois des Indes et ivoire. Cinquante pour cent attribué au Roi Louis, sans doute attribués à l’évêché de Nantes, sur les cinquante pour cent restant, soixante pour cent seront attribués à capitaine et ses officiers, et les quarante pour cent restant à l’équipage. Le Saumur remis en état, Aodren se mit en demeure de retrouver un nouvel équipage. Deux mois après, pour sa sixième expédition, il envisageait de piéger les anglais ou les hollandais à leur retour des Indes, au large des côtes d’Afrique. Il fit glisser le Saumur loin des côtes portugaises pour éviter une rencontre inopportune. La tempête se leva, hoquetante, rugissante, balayant le pont du Saumur par des vagues de six mètres de hauteur. Le timonier pour des raisons de sécurité avait été attaché au pied de la barre à roue, balayé par les vents et l’eau de mer. Les voiles bordées sauf le mat de misaine pour continuer à se diriger avec juste le petit perroquet hissé pour éviter de dériver. Comme elle était venue, la tempête se calma, la mer mit deux jours pleins pour se calmer et retrouver sa stabilité habituelle. Aodren décida de se réfugier temporairement à Lanzarote île la plus orientale des Canaries espagnoles pour faire les réparations nécessaires des haubans et des voiles qui avaient soufferts durant la tempête. Cette initiative était risquée, Lanzarote était peuplée et surveillée du fait d’un trafic d’esclaves important vers l’Afrique du nord. Le Saumur pris la précaution d’arriver la nuit tous feux éteints, il mouilla dans une crique abritée et ceinturée de rochers de lave. Dès le jour levé, les gabiers se mirent à l’ouvrage, coutures des accrocs des voiles, remplacement des cordages défectueux. Le travail s’effectuait en silence dans la mesure du possible. Le coq était au chômage par précaution, les officiers et l’équipage se contentaient du minimum, viandes séchées et eau tirée des tonneaux. La deuxième nuit était éclairée par une pleine lune brillante, le Saumur se reflétait dans l’eau de la crique. Malgré la fatigue de l’équipage, Aodren fit doubler les hommes de guets, toujours inquiet de voir surgir des bateaux négriers ou espagnols qui laisseraient peu de temps au Saumur pour parer une attaque. Ce fut soudain et brutal, l’équipage du Saumur n’avait rien vu venir et ne put rien faire, tant l’attaque avait été élaborée. Venus par dizaines sur de petits canots à rames silencieux au raz des flots, les pirates se rendirent maîtres du Saumur en quelques minutes à l’aide de grappins, les guetteurs furent sacrifiés, les officiers surpris enfermés dans le château, les six écoutilles fermées rapidement empêchaient l’équipage de se manifester ! Rapidement les ancres furent levées après qu’un brigantin à l’effigie des pirates du Bouregreg, un drapeau rouge avec un visage dans un croissant de lune, vienne bord à bord. Une partie de l’équipage des pirates monta à bord sous la conduite du second et les deux bateaux naviguèrent de concert jusqu’au Bouregreg et Salé au Maroc. L’attaque avait été un exemple de ruses, d’efficacités chères aux pirates du Bouregreg. Depuis Robinson Crusoé, la légende des pirates du Bouregreg s’était installée durablement dans toute l’Europe avec la peur des navigateurs de les rencontrer sur leur route ! Un certain nombre de bateaux préféraient abdiquer et baisser leur pavillon plutôt que de combattre des équipages hétéroclites d’une extrême cruauté. L’équipage, les officiers furent enfermés dans les geôles humides de la Kasbah en attente de leur vente comme esclaves aux riches négociants de Tanger, de Nador et même d’Alger. Le moine eut la tête tranchée sans aucune considération il n’était négociable pour quiconque. Aodren fut enfermé dans une geôle à proximité du Diwan. Son sort était enviable par rapport à son équipage. Il n’était pas seul, il partageait sa cellule avec un vieux juif. Elopher avait eu la vie sauve pour son érudition importante, parlant l’hébreu, l’arabe, l’italien, le grec, le français et la linga franca créole parlé dans le Bouregreg, mixture d’arabe, d’italien, de français, et d’espagnol, il rendait de grands services à la République de pirates qui faisait appel à lui pour toutes transactions importantes. Erudit, savant en mathématiques, Elopher était un personnage haut en couleurs, le calme sous une petite taille, des lorgnons au bout du nez, une barbe grise- taillée à la hâte et une chevelure longue et raide qui lui tombait dans le cou. La cellule faisait dix mètres sur trois avec deux banquettes en guise de lits. C’était le lieu des conférences journalières d’Elophen et Aodren. Des repas étaient servis chaque jour ainsi que de l’eau en suffisance pour la toilette des deux hommes. Les journées se passaient en apprentissages pour Aodren de la langue arabe et du franca linga dispensées par Elophen et de discussions sur la situation géopolitique du moment. Aodren était persuadé que Louis le quatorzième interviendrait en sa faveur. Au bout de quatre mois, il se rangea à l’avis d’Elophen, le Roi Louis n’interviendrait pas. Il en conçut une rancune tenace. Ses gardiens étaient toujours étonnés de la couleur rouge de ses cheveux. Elophen les taillaient tous les trois mois avec sa barbe. Une très forte amitié s’était nouée entre Elophen et Aodren. Sa nouvelle connaissance de la langue arabe et du franca linga faisait d’Aodren un homme nouveau qui avait désormais une autre approche de la vie, de Dieu. La République du Bouregreg avait autorité sur les deux côtés du fleuve, mais le diwan était sur la rive gauche du fleuve. Seize conseillers siégeaient au Conseil représentatif sous la haute autorité du Grand Amiral Murad Reis. Huit provenaient de la rive gauche, les Hornachéros, huit provenaient de la rive droite, les Andalous, une haine réciproque, sciemment cultivée aboutissant souvent à des combats meurtriers qui finirent par disloquer et détruisirent définitivement la République. Le Grand Amiral Murad Reis après avoir consulté ses conseillers proposa à Aodren de faire allégeance à la République et de s’engager dans la guerre de courses comme pirate du Bouregreg. Aodren consulta le vieux juif, celui-ci assit sur sa banquette, les deux mains sur ses genoux ressemblant ainsi à une statue, il répondit tout de go :<>. Aodren dormit peu, les chiens aboyaient dans les ruelles de la kasbah. Qu’avait-il à faire maintenant de son allégeance au Roi Louis. Après une nuit difficile et au petit matin, il demanda à voir le Grand Amiral. Celui-ci se fit attendre, ce n’est que quatre jours plus tard qu’il se fit amener Aodren au diwan. Tous les conseillers étaient présents autour de lui. Sur un signe, il s’assit sur le sofa. C’était à Aodren à s’exprimer le premier après les salamalecs d’usage :<>, les conseillers tentèrent de contredire Aodren, Murad Reis rétablit le calme, <>. Les conseillers firent entendre un concert d’insultes et d’imprécations hostiles. Aodren retourna la situation en sa faveur avec l’aide du Grand Amiral, <>. Le grand Amiral approuva cette suggestion suivie de la majorité des conseillers sauf un hornachero, qui eut la tête tranchée au sortir du diwan ! Aodren de Kervinec fut immédiatement libéré accompagné par Elopher. Celui-ci fut accompagné par des hommes de Murad Reis jusqu’à Tanger. Aodren mit deux semaines à venir à bout de ses douleurs occasionnées par une trop longue inactivité. Réapprendre à se servir du sabre et de l’épée, l’épuisait au début, les janissaires du Grand Amiral, l’aidèrent à sa réadaptation ! Il procéda également au recrutement minimum de l’équipage, une cinquantaine de sbires prêts à tout, tirés des geôles du Grand Amiral et quelques aventuriers arabes capturés en amont du fleuve. C’était une nouvelle grande aventure, beaucoup de choses à organiser. Avec Elopher, il organisa une poste par hamâmas avec un colombier de pigeons voyageurs à Tanger, l’autre au Bouregreg. Au bout de quelques mois, entraînés par des hommes de confiance, les hamâmas étaient capables de parcourir en quelques heures la distance de deux cent kilomètres séparant Tanger de Salé. Il semblait que tout était au point, scrupuleusement calculé. Il restait à créer une force de police à bord pour éviter tous dérapages de l’équipage. Elopher proposa un corps d’élite dévouée à Aodren sous les ordres d’Alim un mercenaire turc. Cette force devait être d’une fidélité à toute épreuve et la répression si cela devait de produire sans pitié. Une vingtaine de marins turcs, choisis par Elopher et Alim formèrent une garde rapprochée pour les officiers et une milice maritime lors des navigations à risques. Aodren fut informé par la voie des airs qu’une gabare portugaise armée de vingt canons de douze livres faisait escale à Tanger. La gabare, navire rapide, tenant la mer, transportait un tonnage et un équipage important. Informant le Grand Amiral, à la tête de ses cinquante hommes, il embarqua dans quatre chaloupes qu’ils équipèrent d’une voile. Les rames ne feraient pas de bruit, elles serviraient seulement pour l’abordage. Aodren avait retenu la leçon de la capture du Saumur ! Il fallut quatre jours pour arriver devant Tanger. Cachées dans les rochers près de la grotte d’Hercule, l’équipage attendit le moment propice. L’un des hommes de guets signala à Aodren que les officiers de la Santa Maria de Faro étaient descendus à terre. C’était le moment. Il donna à nouveau ses instructions :<> ! Les chaloupes poussées loin des rochers, les matelots se servirent de leurs rames silencieusement. Les pirates d’Aodren avaient retenu la leçon, les matelots portugais restés sur le pont furent promptement égorgés et sans bruit. Les écoutilles fermées, les ancres levées, La Santa Maria portée par les vents de terre s’éloigna de Tanger, sur l’Atlantique, la gabarre prit le large à douze nœuds, longeant les côtes marocaines, elle entra au Bouregreg trois jours après. Aodren avait son navire. Le château à l’avant de la gabare était suffisamment vaste pour accueillir les officiers en lieu et place des marchandises rares soigneusement entreposées. Les écoutes ouvertes, les marins portugais enfermés depuis plusieurs jours aspirèrent l’air avec avidité. Une centaine d’hommes furent vendus au marché aux esclaves de la Médina. Aodren paya scrupuleusement sa dîme au Grand Amiral. Celui-ci lui octroya un magnifique ryad tout à côté de la mosquée Jamaa Al Atiq. Ce ryad avait appartenu à Hassan Ben Dayma tué au combat contre une caraque portugaise en raison sans doute d’un orgueil incommensurable. La caraque imaginée par les charpentiers de marines portugais, était en fait une forteresse de la mer, imprenable, capable de transporter deux mille hommes équipés. Le ryad était superbe, trois étages donnaient accès au fleuve et à l’océan. Chaque mur était recouvert de mosaïques arabes de couleurs différentes, des fontaines de marbres d’Italie laissaient jaillir l’eau en résonnances musicales. Les tapis recouvraient le sol de chaque pièce. Les tables basses en bois précieux étaient disposées au milieu des pièces avec des narghilés. La chambre se trouvait au bout d’une grande pièce. Un grand lit haut butait contre un mur caché de tous les côtés par des tentures ornées de filaments d’or. Une grande pièce décorée somptueusement par son prédécesseur servirait de lieu de vie aux esclaves qu’il avait achetées la veille à la Médina. Quatre jeunes vierges garanties par la matrone de service lors de l’achat n’ayant pas plus de quinze ans. Une africaine l’intéressait particulièrement. Aodren aurait le temps de la découvrir ! Le ryad l’occupait pour le moment plus que son bateau. Elopher lui indiqua le moyen de se procurer un eunuque lettré pour son service et la protection de son harem. Celui-ci, Adjib, était égyptien. Il portait un sabre de cérémonie au manche ciselé avec une lame courbe et courte mais terriblement aiguisée. Au souk de la Médina, il aida Aodren à trouver les quatre esclaves nécessaires à son service. Ceux-ci s’occuperaient des jardins et des tâches journalières, de la protection du ryad sous la direction d’Adjib. Abir également égyptienne, compte tenu de son érudition deviendrait la secrétaire d’Aodren, en plus de la gestion stricte des affaires du hammam, de l’éducation amoureuse des femmes, de l’apprentissage de l’arabe, du Coran et de l’écriture. Aodren pénétra dans le salon des femmes. Après une courte conversation avec Abir, Salâa, la jeune éthiopienne entra dans l’eau du hammam, sa peau noire brillait comme la lune. Aodren une fois déshabillé par une autre esclave entra lui aussi dans l’eau du hammam. Salâa le frotta avec une pierre, sa peau devint toute blanche, puis avec de l’huile elle le massa, sans omettre les caresses conseillées par Abir. Séchés, parfumés, ils s’allongèrent sur le lit. Les autres esclaves s’empressèrent de tirer les rideaux de chaque côté de la couche. SHAIITANE AL AHMAR -LE DIABLE ROUGE Elopher avait communiqué à Aodren, une découverte venant de Chine. Il décida d’utiliser cette découverte sur son bateau qu’il avait baptisé Shaiitane Al Ahmar , le Diable Rouge pour tromper ses adversaires. En fait il s’agissait de coller une plaque de fer aimantée sur une autre plaque de fer pour que celles-ci soient unies solidement par collage. Deux plaques de fer de deux mètres de longueur et d’un mètre de hauteur furent apposées à l’avant et à l’arrière de la caraque à tribord et à bâbord avec le nom originel de SHAIITANE AL AHMAR. Il suffisait alors de coller une plaque aimantée avec un nom de bateau de hasard de nations européennes à l’approche des combats pour tromper l’adversaire sur l’origine du bateau. Les artisans de la Médina eurent plusieurs semaines de travail pour œuvrer dans ce domaine ! Accompagné d’Alim, ils choisirent et achetèrent cinquante nouveaux matelots au marché aux esclaves. Arrivés devant la caraque, Aodren fit un bref discours en forme d’avertissement :<> ! Aucun ne dit mot, l’affaire était entendue. La milice d’Alim aurait du travail à surveiller tous ces bougres venus d’horizons différents. Les travaux allaient bon train, quatre mois furent quand même nécessaires pour coudre et monter une voilure neuve avec de la toile d’une grande solidité venue d’extrême orient. Un double jeu fut même cousu pour des réparations et remplacement si besoin en était. Les plaques étaient vissées de chaque côté sur la proue et la poupe de la caraque, le temps de la course était venu ! Quelques jours avant le départ, les vivres, l’eau, la poudre et les boulets de douze livres furent montés à bord. Comme sur le Saumur, l’armement était complété par les pistolets à silex, les tromblons et les mousquets enfermés en cale jusqu’au combat. Avec les quatre officiers, les deux chirurgiens arabes, le coq, Alim et sa milice, les cents matelots embarquèrent avant pour sécuriser le bâtiment et veiller aux détails et aux défaillances toujours possibles ! Aodren rejoignit Salâa au hammam. Deux heures plus tard, Adjib vint le chercher :<>, lui dit elle. Le Saiitane El Ahmar pouvait sortir de l’estuaire du Bouregreg et voguer plein vent. Les voiles gonflées entraînaient la caraque à plus de douze nœuds. C’était une grande satisfaction. Il en profita pour faire manœuvrer son équipage sans relâche. Les cent marins devaient être prêts lors des confrontations sanglantes avec les autres équipages. Depuis sept jours le Shaiitane Al Ahmar naviguait au portant, au petit matin, la vigie du haut de ses trente mètres juchés sur son balconnet hurla après la cloche :<>. Le second repéra le Portsmouth avec des jumelles perfectionnées par des savants persans. Immédiatement les matelots hissèrent le Red Ensing et collèrent sur les plaques de la coque, King Georges, destinées à tromper les officiers anglais. A deux mille du Portsmouth, Aodren fit hisser le pavillon de courtoisie de l’Ecosse. Le Portsmouth favorable fit hisser à son tour son pavillon de courtoisie. Aodren fit manœuvrer son équipage pour naviguer dans le même sens que le Portsmouth. A quelques encablures, les grandes voiles furent bordées par les gabiers en même temps que les dix canons de la caraque détruisent touts possibilités de reprendre l’avantage par des canonnades pour les anglais. Bord à bord, la poudre des mousquets, des tromblons et des pistolets utilisés par les matelots d’Aodren firent quelques dégâts parmi l’équipage anglais. Le combat fut d’une atrocité incroyable, le choc des sabres et des épées faisait jaillir des étincelles lors des corps à corps. Les corps mutilés churent sur le pont par dizaines, piétinés par les combattants. Devant l’incroyable audace et férocité des marins du Bouregreg, les officiers du Portsmouth demandèrent grâce pour leur équipage en déposant leurs armes. Les blessés trop graves aux yeux des chirurgiens et les morts furent jetés à la mer ainsi que ceux du Shaiitane Al Ahmar. La légende du Diable Rouge était née. Les plaques en fer King Georges furent enlevées pour laisser apparaître le nom de Shaiitane Al Ahmar. Le pavillon du Bourgreg fut hisser en haut du mat par les gabiers. Après cette première intervention victorieuse, la détente était nécessaire, sous la surveillance des hommes d’Alim. Les armes à feu bien rangées dans un lieu clos de la caraque, le coq servit du vin de Chypre. Un gabier jouait de la derbouka, fifre en roseau, l’un des chirurgiens de la guitare andalouse, le navigateur du tambourin. Aodren surveillait avec bienveillance, le sourire aux lèvres, cette fête impromptue. Une dizaine de matelots dansaient les bras levés frappant de leurs pieds, le pont de la caraque, s’accompagnant de castagnettes rudimentaires. Le Bouregreg était en vue cinq jours après la capture du Portsmouth. Les officiers et l’équipage du navire anglais étaient servis et abreuvés par le coq sous la surveillance des hommes d’Alim. Ils étaient lavés à l’eau de mer à l’aide de seaux après un rapide déshabillage pour éviter les maladies et la transmissions aux hommes du Shaiitane Al Ahmar ! Aodren avait hâte de retrouver Salâa, sa favorite au hammam. Des heures passèrent derrière les tentures rouges du grand lit. Les autres esclaves devinaient les jeux auxquels s’adonnaient Aodren et Salâa. Une nouvelle fois il fallait renouveler l’équipage, les combats avec l’équipage anglais avaient fait des dégâts. Aidé par Adjib, il acheta quarante marins pris au cours de combats par d’autres pirates du Bouregreg et destinés à l’esclavage. Ils aidèrent les charpentiers aux réparations nécessaires sur la caraque. Les voiles avaient souffert, malgré la qualité de celles-ci. Le deuxième jeu fut monté par les gabiers et bordé convenablement, mais il était nécessaire de reconstituer un jeu de voiles complet avant un nouveau voyage. Une nouvelle course se préparait. Le coq s’occupait des vivres, du sel et des vins de Chypre. Le second, attentif, se chargea de la poudre et des boulets, surveilla l’état des canons et des chaloupes. Le capitaine envisageait un long voyage, il avait besoin d’Elopher. Il libéra un hamâma avec un message explicite. En retour, le pigeon lui apprit une triste nouvelle, Elopher était décédé dans la nuit. Le vieux juif avait été un compagnon de chaque jour, fidèle et dévoué. Achèr, le cousin d’Elopher avait repris dès le décès d’Elopher, la suite des affaires auxquelles il coopérait déjà. Il se proposa à continuer les contacts, les affaires avec Aodren. Sans avoir les grandes connaissance d Elopher, il avait su nouer des contacts utiles avec des émissaires et intermédiaires dans tout le nord de l’Afrique et de l’Espagne. Achèr possédait des cartes marines prises sur des bâtiments capturés et judicieusement achetées à des officiers soudoyés. Celles-ci feront l’affaire d’Aodren en particulier les routes maritimes du nord de l’Europe, Angleterre, Irlande et l’Ecosse. Il y avait même une tracée par la main d’un pirate aujourd’hui décédé, sujette à caution, une carte justifiant une route de l’Ecosse à l’Islande ! Aodren demanda à Alim de faire le voyage à Tanger, de payer Achèr et de revenir à Salé Revenu un mois plus tard, Alim remis les cartes à Aodren. Après les avoir étudiées, Aodren réuni ses quatre officiers dans le château. Voilà leur dit-il, j’envisage d’aller naviguer sur les côtes écossaises, de faire le plein et ensuite de me diriger sur l’Islande, pays peu connu, situé en limite du pôle. Les marins de la Norvège, décrivent ce pays comme l’enfer, le feu sort de terre à de grandes altitudes et il ne fait jamais nuit, Ce voyage prendrait au moins une année ! -Qu’en pensez-vous ? -Le second répliqua approuvé par les trois autres : Pour moi, ce sera une belle aventure, peu sont aller en enfer, allons voir à quoi cela ressemble ! Fort de l’appui de ses officiers, le lendemain matin, réunissant l’équipage, il leur tient le même discours. Si Alim et sa milice était d’accord, les hommes d’équipage avec quelques meneurs à leurs têtes réclamaient une part plus importante du butin. Les hommes d’Alim supprimèrent les meneurs. Tout rentra dans l’ordre. Aodren ne pouvait tolérer les hésitants ! Les corps sans vie furent jetés dans les eaux du Bouregreg. Le voyage serait long, Aodren se décida de se consacrer à Salâa. Dans le hammam en plus des soins de toilettes, elle lui prodiguait des caresses sous les yeux d’Abir. Ses cheveux rouges, sa barbe étaient quotidiennement brossés. Ses cheveux avaient encore poussé Salâa l’aimait ainsi, elle attachait ses cheveux en tresses à l’intérieur d’un catogan de soie bleue. Le Shaiitane Al Ahmar devait reprendre la mer d’ici une quinzaine de jours pour au moins pour une année. Sur la demande d’Abir, il se décida d’honorer ses autres femmes, même si Salâa restait sa favorite, c’était la volonté d’Allah. SOIXANTE CINQ DEGRES NORD, DIX HUIT DEGRES OUEST Les cales de la caraque étaient pleines de tonneaux de viandes séchées, de poissons également séchés, des haricots secs à profusion pour ce long voyage. La cambuse rénovée par le coq avec des gamelles en cuivre et plusieurs grosses marmites. L’équipage se servirait directement dedans. La pêche ne serait pas négligée pour la consommation de produits frais. La sortie de Salé ne fut pas facile, en plus des hauts fonds protégeant son accès, des hautes vagues se projetaient sur les rochers dans une pluie d’écumes, il fallait toute la science et l’habitude du timonier pour sortir en pleine mer. Une fois en pleine mer, le barreur prit l’option de louvoyer tant le vent était contraire, mais de profiter du vent du nord pour prendre de la distance avec la côte toujours dangereuse. La mer restait en colère de hautes vagues frappaient la coque, le pont et les mats à grande hauteur. C’était prévu, toute la traversée se fera en vents contraires. Le Shaiitane Al Ahmar se balançait de tribord à bâbord avec l’impression que les mats trempaient dans l’eau à chaque gîte. Plusieurs fois, des bateaux furent aperçus au loin. Ils apparaissaient puis disparaissaient au gré des vagues dans le lointain, formes fantomatiques dans la brume océane. Aodren naviguait loin des côtes pour éviter tous contacts préjudiciables si loin du Bouregreg. Deux mois de navigation et enfin une côte se dévoilait à tribord, le second tenait les cartes et annonçait à Aodren - C’est l’Irlande capitaine, restons loin d’elle et filons vers l’Ecosse qui sera atteinte suivant mes prévisions d’ici une quinzaine de jours>>. Il fallut vingt jours à l’équipage du Shaiitane Al Ahmar pour apercevoir enfin les côtes d’Ecosse se profiler dans la brume. Les voiles bordées par les gabiers attentifs au débarquement de l’équipage, dans une crique où dormait un petit village aux toits de pailles. Les ancres accrochées au fond, les chaloupes furent mises à l’eau en silence. Le village silencieux s’était endormit, des braises brûlaient encore. L’équipage attendait les ordres d’Aodren. Au petit jour, quelques hommes sortirent des paillotes, ils n’eurent pas le temps de réagir tant l’attaque fut soudaine et violente. La gorge tranchée pour éviter qu’ils préviennent le reste du village, se fut une formalité ! Les paillotes visités, les hommes furent sacrifiés Seuls quelques uns d’entre eux s’échappèrent pour se réfugier dans la montagne environnante. La légende du Shaiitane Al Ahmar n’était pas prête de s’éteindre. L’opération fut rondement menée, trente minutes avaient suffi pour tout régler ! L’équipage en profita pour consommer sans aucune mesure les femmes des villageois. Les hommes de Salim montaient la garde au cas d’un retour impromptu de renforts ? Quatre moutons furent sacrifiés et montés sur une broche, quatre autres dépecés furent jetés dans le sel. Le pavillon rouge des pirates de Salé flottait fièrement en haut du mat. C’était devenu la fierté de l’équipage, il n’était plus jamais descendu. Il était temps de lever les amarres, une mauvaise rencontre était toujours possible. Après la viande, une barrique d’alcool qui sera apprécié par les européens du Bouregreg et des peaux de loutres prises dans les paillotes pour se couvrir du froid. Dommage que le voyage soit si long, les femmes auraient rapporté gros au souk de la Médina ! Les chaloupes repoussées à la mer, tout l’équipage était aux manœuvres. Cap sur l’enfer, d’après la carte retrouvée et faite mains, l’Islande se trouverait au soixante cinq degrés nord et dix huit degrés ouest, pas très loin du pôle de glaces. Cinq cent cinquante cinq miles séparaient l’Islande de l’Ecosse, un long trajet à parcourir par un vent contraire. L’équipage était de mauvaise humeur ayant l’impression de rester sur place, la milice d’Alim observait et contrôlait tout mouvement d’humeur. L’équipage était intrigué par les grandes baleines blanches et les oiseaux planant sans cesse autour du bateau. Encore trois longs mois étaient passés, l’Islande paradait dans ses propres eaux, des hautes flammes jaillissaient en intermittence des volcans avec le bruit de l’enfer. La carte était bonne, le pirate avait eu une bonne main ! Le Shaiitane Al Ahmar contourna l’Islande par la côte sud pour remonter à l’ouest vers Reykjavik un village au fond d’une baie. La carte semblait précise. Une chaloupe avec le second et six rameurs partirent en observation. Ce ne fut que tard dans la journée qu’ils rejoignirent la gabarre. Le second s’exprima :<> ! Surpris par la violence de l’attaque, ils succombèrent presque sans combattre. Peu de blessés ou de morts parmi les hommes d’Aodren. Celui-ci en fit un bilan positif. Le jour était toujours présent, plongeant le village dans la peur, les habitants terrés dans leurs maisons. L’équipage du Shaiitane Al Ahmar alluma un grand feu de défense. Une nouvelle journée commençait. Aodren envoya une chaloupe sur le bateau pour connaître les résultats de son entreprise, pendant que la majorité de l’équipage restait à Reykjavik. La grande majorité des matelots suivant les conseils d’Aodren avaient regagné la gabare. Pendant ce temps, plusieurs chaloupes rejoignirent le bâtiment avec des chargements de barriques d’eau douce, deux quintaux de morues séchées et deux chevreaux jetés dans le sel. En dehors de l’eau douce et des chevreaux, c’étaient des marchandises qui vaudraient de l’or au retour à Salé. C’était aussi le temps des réjouissances avec les femmes des pêcheurs sans que ceux-ci puissent intervenir ! Toutes les chaloupes regagnèrent le Shaiitane Al Ahmar. Le moral était au beau fixe. Toutes voiles dehors, bien gonflées par le vent portant, le Shaiitane Al Ahmar surfait à quinze nœuds sur les vagues de l’Atlantique. Aodren ordonna que chaque jour, le coq distribue un peu d’alcool et du vin de Chypre. Il autorisa les musiciens à jouer de leurs instruments et aux matelots de danser sous la surveillance des hommes d’Alim. Il fallait récompenser l’équipage pour son courage. Cinq mois après son départ de Reykjavik, la gabarre entra dans le Bouregreg. Elle fut très vite entourée de barques avec des hommes armés. Le Shaiitane se positionna le long du quai accompagné des barques. Les hommes se positionnèrent sur le quai le long de la gabare armés de mousquets. Aodren descendu à terre fut poussé sans ménagement jusqu’au Diwan. Là, il resta figé dans l’attente d’une solution. Le Sultan Moulay Rachid vous attend, la porte ouverte, Aodren se trouva debout devant celui qui avait réunifié le Maroc. Les querelles entre hornachéros et andalous avaient causée la perte de la République du Bouregreg et aidé en cela sa prise de pouvoir par le Sultan Moulay Rachid. Le sultan subtil commença par féliciter Aodren de ses exploits. Il lui demanda en quoi consistait son dernier voyage. Aodren lui fit part de son aventure au bout du monde, en donnant force détails sur cette isle aux volcans cracheurs de feu entourée de glace. Aodren ne manqua pas d’indiquer au Sultan Moulay Rachid la richesse de sa cargaison. Le sultan Moulay Rachid, remercia Aodren et tout de go lui dit :<>. Tout miel, mais pragmatique, le Sultan Moulay Rachid s’adressa une nouvelle fois à Aodren :<> ! Aodren n’avait pas le choix, il s’engagea et porta allégeance au Sultan Moulay Rachid. Il lui baisa l’anneau de sa main droite puis sorti à reculons du Diwan. Aodren gardait le Shaiitane Al Ahmar, son équipage avec la possibilité de continuer la guerre de courses à son bénéfice et celui du Sultan. La vente du butin s’avéra lucrative. Le ryad, ses femmes et son personnel lui avait été restitués, à la suite de son allégeance. Aodren, de nouveau, se sentait libre d’entreprendre, d’agir et de courir les mers. Il avait hâte de revoir Salâa. Une surprise l’attendait, celle-ci enceinte avait accouché en son absence d’une petite fille. Elle attendait son retour pour lui donner un nom. Aodren, retrouva ses habitudes au hammam, la propreté du corps après de si longs mois en mer et les caresses. <>, avant de se replonger dans les plaisirs de l’amour ! TAREK LE CONQUERANT Après deux mois de repos, consacré aux plaisirs, Aodren réfléchissait à de nouveaux raids, de nouveaux abordages sur la route des Indes au large des côtes africaines. Il envoya un hamâma à Achèr pour obtenir des cartes précises des côtes de l’Afrique et de ses iîes. Les cartes en sa possession donnaient des indications précises sur les routes suivies par les navires remontant la route des Indes. Les îles du Cap-Vert l’intéressaient particulièrement, en particulier la petite isle de Santa Luzia. Celle-ci était inhabitée, sauvage, accidentée, facile d’accès, située à 1100 miles des côtes africaines de la Gambie, mais sans eau, devrait permettre de s’y réfugier rapidement après un abordage. Le coq devra se munir d’une réserve d’eau importante pour alimenter l’équipage! Le ryad d’Aodren, ce n’était pas de coutume, servit de lieu de réunion avec les officiers sous les frondaisons fleuries. Chacun était d’accord de l’attrait de la route des Indes. Ce devrait être une course lucrative, les Hollandais, les Anglais et les Portugais frétaient des bâtiments en nombre pour le transport des richesses de l’orient et de l’extrême orient. Las d’être attaqués par les pirates et les corsaires, ils avaient constitué une flotte de protection de leurs navires marchands, en particulier les Portugais avec leurs forteresses de la mer, les Caraques, inattaquables par les navires plus petits et surtout moins bien armés ! La course devenait de plus en plus dangereuse pour les prédateurs de toutes communautés. Les officiers étaient d’accord pour Santa Luzia, offrant des opportunités de refuges avec une côte découpée, inhabitée et volcanique. Les choses se répétaient à chaque expédition, recrutement et remplacement des membres de l’équipage. Les exercices succédaient aux exercices. Les gabiers furent particulièrement concernés. Le coq, toujours le même depuis l’origine est devenu le chef cuisinier, avec l’enrôlement d’un autre coq pour l’aider. Les deux chirurgiens arabes étaient également là. Ils s’approvisionnaient en herbes guérisseuses, en onguents et drogues arrivant de la région de Nador au Maroc, du Sahel et du Sénégal riche en racines qui soulageaient la douleur. (La réserpine, neuro sédatif, la jusquiane et le hachich drogue calmante, narcotique, les racines de fagora, calmant efficace, et un bon nombre de racines). Toutes ces plantes arrivaient en caravanes jusqu’à Tanger et vendues à prix d’or ! Les chirurgiens arabes étaient passés maîtres dans la connaissance et l’application thérapeutique de ces produits. Le pavillon du Bouregreg avait été remplacé en haut du mat par celui des Alaouites, deux lions défendant la couronne surmontant un soleil et l’étoile verte à cinq branches sur fond rouge. La marée était haute, le timonier manoeuvra le Shaiitane Al Ahmar avec beaucoup de précautions. Bon nombre de navires s’étaient cassés les dents en voulant remonter le Bouregreg pour canonner Salé ! Les feux des ruelles de la Médina éclairaient la nuit blafarde comme plein de tristesse saluant le départ du Shaiitane Al Ahmar. La barre à l’ouest durant la première journée pour éviter toutes rencontres inopportunes, le timonier infléchi la route de la caraque sur l’ordre d’Aodren, cap plein sud pour se trouver sur la route des isles du Cap-Vert à six cent miles de Salé! De fortes vagues frappaient avec insistance la coque du Shaiitane Al Ahmar, inondant le pont, devenu glissant. Les voiles de travers poussées par un vent d’ouest étaient gonflées d’espérance. La gabare se comportait bien et filait 12 nœuds, il lui faudrait une dizaine de jours pour accoster à Santa Luzia du Cap-Vert. Plusieurs fois le second qui tenait les cartes demanda au timonier de rectifier légèrement sa route, un fort courant marin venant de Guinée poussait la caraque vers l’ouest malgré un vent constant ! L’isle de Santa Luzia était en vue, Aodren donna l’ordre de border les voiles et de laisser danser la caraque en attendant la nuit. Tous les feux éteints, le Shaiitane Al Ahmar s’approcha doucement de Santa Luzia avec juste le foc gonflé. L’île était désolée, par un arbre, pas une herbe que des rochers et de la terre jaune stérile. Une petite baie entre deux blocs de rochers proéminents offrait son hospitalité. Le Shaiitane Al Ahmar s’y ancra. Le jour se levait, la lune était encore présente. Deux goélettes portugaises, la Santa Maria de Faro et le Douro se positionnèrent de façon à bloquer l’accès de la sortie de la baie. Comment le Shaiitane Al Ahmar avait-il pu être repéré ? Cela reste encore un mystère. Leurs batteries de canons de trente huit livres crachèrent leurs boulets en deux canonnades espacées de quinze minutes. De gros dégâts étaient constatés sur la gabare, tant matériels qu’humains. Aodren fit lever l’ancre et les voiles, malgré le peu de vitesse atteinte, le timonier obéissant aux ordres fonça droit sur le Douro, l’éperonna, toute sa structure trembla et craqua sous le coup de boutoir de la caraque. Les gabiers sautèrent dans les filins du Douro et s’activèrent à neutraliser ceux du navire portugais. Les combats faisaient rage sur le pont du Douro, l’équipage du Shaiitane Al Ahmar était en infériorité mais se battait avec détermination. La Santa Maria de Faro avait virée de bord pour rejoindre la gabare et aider l’équipage de l’autre navire portugais. Il fallait fuir, c’était perdu d’avance mais la baie était bouchée par les deux navires portugais. Le second fit monter un tonneau de poudre, allumé, il fut jeté sur le pont du Douro, une immense explosion se fit entendre jusqu’au Sénégal, la gabare poussa le navire endommagé pour se dégager et prendre le large. La Santa Maria de Faro avait tiré une nouvelle bordée de boulets de trente huit, couchant le mat de misaine de la gabare sur le pont. Les combats se poursuivaient dans les vergues un marin portugais se servant d’un cordage comme balancier, réussi à frapper Aodren avec la lame de son sabre. Celui-ci l’avant bras coupé tomba dans l’inconscience ! La destruction du Douro et malgré les combats encore existants dans les vergues, permit au Shaiitane Al Ahmar de sortir de la baie en donnant un dernier coup de sa batterie de canons qui atteignit la Santa Maria de Faro restée sur place pour s’occuper des survivants du Douro. Les chirurgiens s’occupèrent de Aodren, constatant de visu la blessure, ils attachèrent solidement Aodren au plat-bord. Le coq fit rougir des braises dans une cocote, un grand couteau plongé dans les braises. Quand le couteau fut de la couleur des braises, un chirurgien l’appliqua sur la plaie saignante, Aodren hurla, des larmes coulaient le long de ses joues, elles se noyaient dans sa barbe. L’opération fut renouvelée plusieurs fois pour être sûr que la plaie fut cautérisée ! Aodren était retombé dans l’inconscience. Les chirurgiens s’occupèrent des blessés, comme d’habitude, les morts et les blessés graves furent jetés à la mer, les autres soignés par des plantes. L’autre chirurgien préparait une décoction de hachich mélangé avec des extraits de racines et de plantes du Sahel, (réserpine, jusquiane). Aodren se réveilla avec une atroce douleur, les chirurgiens lui administrèrent rapidement cette décoction. Elle eut un effet bénéfique, Aodren s’était endormi sous l’effet des drogues. A chaque réveil, les chirurgiens lui administraient cette décoction qui le soulageait et l’endormait. Le Shaiitane Al Ahmar avait souffert, l’absence de mat de misaine brisé par la canonnade ralentissait considérablement son allure. Deux mois ont été nécessaires pour rentrer au Bouregreg, Aodren se portait mieux, la plaie s’était cicatrisée, les chirurgiens avaient fait du bon travail ! Comment allait réagir Salâa à son amputation et puis sa fuite devant les navires portugais le mettait mal à l’aise, c’était la première fois, qu’il abandonnait le combat. Il s’interrogeait aussi sur ses rapports avec Dieu. Sa blessure, la fuite devant l’ennemi l’avait mené à cette réflexion. Arrivé à Salé, il se présenta devant le Haut Conseiller du Sultan Moulay Rachid, pour lui faire part de son échec au Cap-Vert et lui expliquer les raisons de sa blessure. Salâa ne sut que dire devant cette terrible blessure, elle lui embrassa le front et la main droite et l’entraîna au Hammam. Aodren se donna six mois de réflexion et décida de se convertir à l’islam, commettant l’acte d’apostasie envers l’église catholique. Le haut Conseiller du Sultan en fut heureux et le convoqua au diwan. Il se retrouva devant l’imam de la Médina, Saïd Abbad et divers notables de Salé. La conversion à l’Islam est facile, juste une petite phrase à prononcer et vous entrez dans le monde d’Allah : <>, c’était tout ! L’imam lui demanda quel nom il choisissait, à la suite de sa conversion à l’Islam, Tarek,qui signifie le Conquérant dit il ! Cet acte symbolique et profond le fit également réagir à propos de ses femmes. Il décida de prendre pour épouses Salâa et Fouzia, il donna Salma en mariage à Sélim et Nadia à son second. Abir était satisfaite de la conversion d’Aodren désormais Tarek le Conquérant mais aussi de sa décision de marier ses femmes, Habdoulilah ! Des mois passèrent à se consacrer à Allah, à apprendre les prières. Déjà quinze mois que Tarek était revenu et l’aventure lui manquait, lui titillait l’esprit. Il avait pris l’habitude quand son bras le faisait souffrir de fumer une longue pipe avec un petit foyer rempli de tabac du Nil mélangé avec du hachich. Il avait repris contact avec son second, Alim et le coq. Eux aussi avait cette envie de naviguer dans la cervelle. Le second organisa une nouvelle expédition, avec la bénédiction de Tarek, il s’occupa de tout, du recrutement, de la réparation du Shaiitane Al Ahmar par les charpentiers de Salé, du remplacement du mat de misaine, du remplacement de toute la voilure. Deux mois après la gabare avait fière allure, prête à fendre à nouveaux les flots de l’Atlantique. Le timonier sortit le Shaiitane Al Ahmar prudemment du Bouregreg, les hauts fonds n’avaient pas disparus. Sur l’océan, il regarda Tarek, qui avait retrouvé le sourire, l’envie d’oublier sa peu glorieuse fuite devant les deux navires portugais. Malgré son amputation il avait foi en son destin avec l’aide d’Allah, il vaincrait ! Le Shaiitane Al Ahmar avait pris une route plein ouest, Inch’ Allah,Tarek aimait son bateau et son équipage. La caraque disparaissait doucement dans la brume de la mer, où allait elle ? Les vagues la transportaient vers des horizons inconnus. Les voiles se confondaient avec les grands oiseaux venus de nulle part. Tarek avait allumé sa pipe assis sur le devant du château. Les voiles et les cordes claquaient dans le vent et le long des mats, c’était la musique des longs cours ! Après deux mois de navigation, le second cria : -Capitaine regardez, plusieurs îles se confondent sur l’océan. -Ce sont les îles du Pérou répondit Aodren, tu les verras jusqu’aux Amériques, elles sont nombreuses, celle qui nous intéresse c’est Hispanolia et surtout l’île de la Tortue. Hispanolia se dessinait sur l’horizon, le barreur fit le tour de l’île jusqu’à découvrir la petite île de la Tortue. Dès que l’ancre fut jetée, dans la rade de Basse-Terre, Aodren et son second se présentèrent devant Bertrand d’Ogéron de la Barrière, gouverneur de la Tortue nommé par Louis XIV, Roi de France. Le soir même des festivités ordinaires donnèrent l’occasion à l’équipage de se défouler. Aodren et ses officiers participaient à cette fête, accompagnés de Louis le Borgne, célèbre flibustier des Caraïbes. Le Rhum brun venu d’Hispagnola et le tabac de Cuba réjouissaient tout l’équipage. Louis le Borgne ne tarda pas à mettre les officiers du Shaiitane Al Ahmar au courant des mœurs et coutumes de la flibuste. Il y avait plus de mille flibustiers sur la Tortue, qui s’engageaient envers le capitaine de vaisseau le plus offrant juste pour la durée de la course et redevenait libre à leur retour à la Tortue. Ils avaient créé une association, Les Frères de la Côte, véritable organisation sociale sans préjugé raciaux et égaux entre eux. Il y avait à la Tortue des femmes pirates qu’il aurait l’occasion de rencontrer. La plus célèbre d’entre elles était Amanda Vasquez espagnole qui possédait un superbe brick arraché aux anglais après une bataille acharnée. Elle tua elle-même le capitaine du navire Sir John Pitswoud d’un coup d’épée en plein cœur. Elle avait rebaptisé son navire Edimbourg en El Condor ! Les flibustiers ont des valeurs, ne jamais mettre en doute leur courage et leur parole. Un conflit se règlera d’abord devant le Gouverneur, si le conflit persiste ce seront les armes qui le régleront. Celui qui se sentira berné choisira les armes. Ces duels devenaient de plus en plus rares mais persistaient encore donnant lieu parfois à des paris pouvant aller jusqu’à leur propre bateau. Louis le Borgne conseilla à Aodren de ne jamais parier, et de ne jamais offenser un flibustier. C’était la sagesse même ! Pour les femmes c’était compliqué, la traite des noirs n’avait pas commencé. L’on razziait les côtes des îles espagnoles et l’on n’oubliait pas les femmes. Un mois était passé, Aodren était pressé de faire la chasse aux galions espagnols. Louis le Borgne serait du voyage, il sera utile. Sorti de la rade de Basse-Terre, Louis le Borgne lui conseilla de monter vers Cuba, de nombreux vaisseaux revenaient des îles espagnoles pour l’Espagne. A peine sorti de la Tortue, venant de la Jamaïque un brick plein à craquer pointait sa proue à tribord du Shaiitane Al Ahmar, navire anglais, il devait transporter du sucre, du rhum et l’on verrait plus tard. Le brick était prudent, il se dérouta pour prendre de vitesse l’équipage de Aodren. Le navire d’Aodren était plus rapide et beaucoup moins chargé. Il fit à son tour un virage et au fil des heures, il rattrapait le vaisseau anglais. Il s’était préparé, quand le Shaiitane arriva à portée de canons, ses artilleurs firent tonner les leurs sans dommage pour le Shaiitane. Aodren commanda un demi- tour immédiat pour se porter sur le babord du brick, qui n’eut pas le temps de charger ses canons. Ce sont les canons du Shaiitane qui déchirèrent par deux bordées successives le bord du navire anglais, l’endommageant grandement. Le navire d’Aodren se plaqua contre le brick anglais, une partie de ses hommes juchés dans les vergues se laissèrent tomber sur le pont à l’aide des vergues, la bataille fut difficile, les anglais résistèrent bien. Les canonniers tirèrent une nouvelle bordée dans la coque du bateau anglais, qui commença à gîter. Les tromblons accomplirent des miracles, ces armes étaient terribles, réduisant en charpie les corps des hommes d’équipage. Un officier pris le contrôle du bâtiment anglais pour l’amener à bon port. Ils entrèrent dans la rade de Basse-Terre en triomphateurs. Ils sortirent de la cale, une vingtaine de tonneaux de rhum, trois quintaux de sucre, Des voiles de rechanges, de la toile et de la poudre qu’ils -n’avaient pas utilisé. Aodren demanda que l’on ouvre un tonneau de rhum pour abreuver les flibustiers, geste bien reçu par toutes ces fripouilles. Il avait perdu une vingtaine d’hommes. Il faudra les remplacer à la mode de la flibuste, Louis le Borgne sera là pour les conseils ! Après quelques réparations dans les vergues et les voiles, le Shaiitane s’apprêtait à repartir en maraude. Le remplacement des marins se fit avec Louis le Borgne, les matelots criaient leurs doléances. Louis Le borne connaissait la musique : -Vous demandez trop cher, nous irons chercher des matelots à Hispagnola. Des cris de protestations se firent entendre au-delà de la place, d’autres propositions beaucoup plus réalistes se firent entendre : -Louis, nous te proposons une autre solution, cinq pour cent de la cargaison arraisonnée. Si l’un de nous meurt durant les combats, sa part nous revient. Aodren accepte cette solution, tu ne trouveras pas en dessous. -D’accord, cinq pour cent de la cargaison. Louis, j’aimerai me frotter aux Espagnols de Panama, l’on dit qu’ils ont de l’or dans les soutes. -C’est ce que l’on dit, mais personne ne l’a encore vérifié -Je te propose de voir cela de plus pres s’il y a de l’or, nous filerons directement en Afrique au Bourégreg. -C’est entendu, cela me plait, de plus je ne connais pas l’Afrique. Une semaine plus tard, le Shaiitane bien préparé faisait route sur Panama. Le navire et l’équipage se postèrent à cinquante miles nautiques de Bocas de Toro et attendirent l’opportunité d’attaquer un navire Espagnol. Quatre jours d’attente à danser sur l’eau et soudain la vigie : -Navire à tribord capitaine, un galion, il doit être chargé fortement, car il avance doucement. Le second pris sa jumelle et scruta l’océan. En effet capitaine c’est un galion chargé lourdement, il aura des difficultés à se déplacer. -Tout le monde en position, chargez les canons, préparez la riposte. Des matelots avaient accompagné les gabiers dans les vergues, prêts à en découdre, les autres attendaient le choc des navires pour monter à l’abordage. Le Shaiitane Al Ahmar se rapprochait irrémédiablement du navire Espagnol, la lorgnette vit que le navire était un navire de sa majesté le Roi d’Espagne, L’Eldorado. Il était permis de croire à la fortune, les navires du Roi ne croisait pas pour des étoffes. A un demi mile, Aodren vit l’équipage Espagnol rassemblé sur le pont, il fit avancer encore un peu le Shaiitane pour envoyer une bordée de boulets qui fracassèrent le plat bord de leur navire en même temps que des matelots. S’avançant encore, une seconde bordée fracassa le mat de misaine. Le Shaiitane naviguait hors la portée de leurs canons, l’objectif de rentrer au Maroc commandait d’être prudent. Les canons du Shaiitane avaient un avantage, ils tiraient plus loin que ceux de l’Espagnol. De bordée en bordée, le pont fut balayé de ses occupants, ce fut le moment de se coller à l’Eldorado, de sauter sur le pont, de tuer les derniers marins encore en vie. Tous les autres furent jetés à la mer, quand ce fut fait, Aodren et ses officiers inspectèrent les cales. Dans de grands coffres en bois, l’or brut remplissait les deux grands coffres. Ils transférèrent les coffres sur le Shaiitane. Privé de ses mats, l’Eldorado était inutilisable pour se rendre à Salé. Un tonneau de poudre avec une grande mèche allumée allait détruire l’Eldorado, le Shaiitane toutes voiles dehors pris le large. L’explosion de l’Eldorado s’entendit jusqu’au Panama. Le Shaiitane laissa la Tortue derrière lui, il filait sur l’Afrique. La traversée ne rencontra aucun problème, deux mois furent suffisants pour rallier Salé. Le timonier retrouva les gestes et les habitudes pour remonter le Bourégreg. Il y avait du monde pour assister à l’ancrage du Shaiitane si longtemps absent. La felouque qui menait ses officiers, Louis Le Borgne et lui-même se rangea le long du quai. Ils déchargèrent les coffres aidés par des marins. Un coche les prit avec les coffres pour voir le gouverneur. -Votre honneur, dit Aodren, nous revenons des îles du Pérou, nous ramenons deux coffres d’or pris sur un bateau venant de Panama, je vous demande de bien vouloir examiner leur contenu. Les coffres ouverts, il put examiner leur contenu. -D’après ce que je vois, la chasse a été bonne capitaine. -En effet, le navire Espagnol s’appelait l’Eldorado, nous l’avons coulé avec un tonneau de poudre. -Compte tenu de nos accords et de votre fidélité envers le Sultan Moulay Rachid, un coffre est pour vous, faites- en bon usage. Aodren logea dans son ryad les officiers et Louis le Borgne. Il retrouva Salàa. Après une semaine passée à Salé, Aodren proposa une association à ses officiers et louis le Borgne : -Mes amis, je vous propose une association commerciale et lucrative, dûment enregistrée au notaire, nous avons deux navires, ces navires peuvent commercer avec l’Afrique, les îles du Pérou et l’Europe sous un pavillon unique. Qu’en dites-vous ? - C’est Louis le Borgne qui commença, moi, je suis d’accord, nous avons tous à gagner dans la proposition du capitaine. Deux navires, deux capitaines et la possibilité de gagner un autre bâtiment. -Le deuxième navire est à quai depuis notre départ dit Aodren, cette compagnie s’appellerait : Compagnie des îles du Pérou. -Nous n’y voyons pas d’objection, c’est d’accord ! -Avec l’or que nous avons, moins la part de l’équipage, je vous propose d’acheter un autre navire pour renforcer notre compagnie ou toutes parts seront égales en dehors de moi-même qui serait majoritaire à quarante pour cent. -Nous sommes toujours d’accord capitaine. Le lendemain matin, ils s’en furent sur le port au marché des navires. Un brigantin pris aux anglais les intéressait. Le contrat fut vite signé après une visite soignée sur le navire. Le brigantin était un navire très maniable et rapide. La compagnie des îles du Pérou avait son troisième navire, elle se classait dès le départ parmi celles qui comptaient ! Aodren resterait à Salé, les trois navires seraient commandés par les seconds de Aodren et Louis le Borgne Ces navires de commerce devaient être armés pour éviter d’être piratés. L’équipage de chaque navire seront des pirates de haut vol pour rejeter toutes tentatives de capture. La destination finale était laissée à la décision du capitaine. Le Shaiitane Al Ahmar sera commandé par son second habituel, une reconnaissance de Aodren envers son officier. Les capitaines des navires des îles du Pérou ont choisi leur destination et se sont élancés sur l’océan. Aodren goute à un repos bien mérité, sa vie était passé à toute vitesse, il la contemplait d’un œil perplexe. Cinquante années étaient passées comme un trait de crayon sur la feuille de papier. Il avait perdu un bras au combat, mais il était vivant et riche. Il y avait trente sept ans qu’il parcourait les mers il était temps qu’il arrête la navigation et qu’il se consacre à sa femme et à son enfant. Sur le môle, il regarda l’horizon avec un peu de regrets, mais sa décision était prise, adieu le marin, bonjour le terrien. Le muezzin de la mosquée appelait les croyants, il se dirigea aussi vers la mosquée. Il se déchaussa, se lava convenablement les pieds, les mains jusqu’au coude et le visage. Il entra pieds nus dans l’antre des croyants !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Comment Le Creusot, berceau industriel ravagé, a su rebondir,

**Gilets Jaunes** pourquoi le **bleu**Macron entre dans la zone rouge?

Le chef de Daech, Abou Bakr al-Baghdadi, pourrait avoir été tué par l'armée russe?