Dix mots d’arabe que vous employez sans le savoir





Dix mots d’arabe que vous employez sans le savoir

«Abricot», «massage», «mesquin»... Nous utilisons ces termes au quotidien sans nous douter de la richesse de leur histoire. Le Figaro vous propose de la (re)découvrir.
       Proposé par Ali GADARI
Pixabay
Nous sommes loin de nous imaginer l’origine des mots que nous employons au quotidien. Des mots en apparence absolument banals, parfaitement ordinaires. «Moustache», par exemple! Le terme vient de l’italien mostacchio, lui-même issu du grec byzantin mustakhion, diminutif de mustac, «lèvre supérieure». Il y a le mot «robe» aussi. Emprunté au germain rouba, «butin» d’où «vêtement dont on a dépouillé quelqu’un», précise Le Trésor de la langue française.
Ainsi, au fil des siècles, c’est tout naturellement que des mots arabes ont, peu à peu, intégré les colonnes de nos dictionnaires. L’éminent lexicologue Jean Pruvost retrace le voyage de ces mots jusque dans le vocabulaire français dans son éclairant ouvrage Nos ancêtres les Arabes, ce que notre langue leur doit (JC Lattès). Florilège.

Les mots savoureux

Le sucre que nous versons sur nos fraises, l’abricotque nous engloutissons, le chocolat que nous dégustons. Nos assiettes sont remplies de mots arabes jusqu’à la tasse de café que nous avalons. Mais aussi, plus étonnant, les sorbets que nous léchons.«C’est une sorte de boisson agréable qui nous vient du Levant», ainsi que le définit Richelet en 1680. Dix ans plus tard, on trouve le mot dans le Dictionnaire universel de Furetière: «Sorbet. s. m. Breuvage qui est fort ordinaire chez les Turcs, auxquels le vin est deffendu. Il est composé de sucre et de chair de citron». «Sorbet», donc, vient de charbat, qui désigne une boisson. À l’origine, nous le trouvons sous la forme de chourba, un terme en arabe populaire qui, par l’intermédiaire du turc, a donné chorbet. Puis, enfin, sorbetto en italien. Le mot fait son entrée en langue française en 1544, au cours de la Renaissance. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle, en 1782 exactement, que le «sorbet» désigne une «liqueur explicitement destinée à être convertie en glace».
Et qu’en est-il des épinards? Ce mets a fait grimacer plus d’un enfant... Ainsi que le raconte Jean Pruvost, «lorsque cette plante fut introduite par les Arabes en Espagne, il s’agissait de mettre en valeur ses vertus thérapeutiques». Puis, son utilisation devint culinaire. Rappelons néanmoins que le terme vient de l’arabe oriental asfanah, issu du persan, «puis à l’arabe d’Andalousie, isbinâkh, que l’on retrouve en latin médiéval spinachium mais aussi en espagnol, espinaca».
La mousseline, enfin. Seriez-vous étonné d’apprendre que ce mot nous vient de la ville de... Mossoul? «Au bord du Tigre, cette cité faisait entre autres commerce d’une toile très fine de coton ou de laine, qui, en transitant par l’Italie, mossolino, passa en français à la fin du XIIIe siècle, donnant naissance au mosulin, drap d’or et de soie fabriqué à Mossoul». Au milieu du XIIe siècle, et vraisemblablement par attraction avec le mot «mousse», mosulin donna «mousseline» désignant une «toile de coton délicate». Peu à peu, l’autre nom de la pâte à base de gomme adragante, additionnée de jus de citron, fut «mousseline». «C’est par assimilation que vinrent ensuite les brioches, les pommes dites mousselines, brioches ou purées très légères».

Les mots du corps

Qui n’a jamais réclamé à son cher et tendre un massage après une longue journée de travail? Sans doute serez-vous surpris de savoir que le mot nous vient de l’arabe massa, «toucher, palper». Terme qui donna le verbe «masser» attesté en français dès 1779. Il faut attendre le XIXe siècle pour que le «massage» apparaisse, notamment dans les ouvrages de médecine. Au XXe siècle, le «massage» prend une «dimension vitale». Ainsi parle-t-on, dès les années 1970, de «massage cardiaque».
Il existe un terme un peu moins doux et certainement plus familier: «niquer». Relativement récent, «il fait son entrée en 1890 en venant du sabir d’Afrique du Nord i-nik, ‘‘il fait l’amour’’, en partant de l’arabe nak, de même sens», précise Jean Pruvost. C’est par le biais de l’argot militaire que le terme a été introduit en langue française au sens de «posséder charnellement». Lorsque les militaires se faisaient inviter par les prostituées du pays, il n’était pas rare d’entendre la formule «faire nik-nik». À ne pas confondre avec l’expression «faire la nique» qui signifie»se moquer, mépriser».

Les mots des états d’âme

Il vous est sans doute déjà arrivé de qualifier quelqu’un de «maboul». Comprendre: «fou», «cinglé», «inconscient». Le terme est issu de la langue arabe d’Algérie: mabbhul signifie à l’origine «idiot». Le mot transite par l’argot d’Afrique en 1830, raconte Jean Pruvost et prend «un essor certain en langue française, immortalisé dans la poésie française, au point d’en avoir fait oublier leur origine».
Le «miskin» que nous entendons dans la bouche des plus jeunes est un mot arabe duquel vient l’adjectif «mesquin». À l’origine, miskin veut d’abord dire «être pauvre». Le mot voyage ensuite en Italie et devient meschino, avant de s’orthographier, en ancien français, meschin. Il signifie alors «jeune homme, serviteur». C’est lorsque «meschin» disparaît que «mesquin» prend davantage d’ampleur «avec tout d’abord l’idée de petitesse et de médiocrité, puis à partir du milieu du XVIIe siècle, celle d’avarice, témoignant d’une parcimonie déplaisante». En 1635 apparaît «mesquinerie» qui signifie «absence de grandeur, de générosité».
Nombreux sommes-nous à «avoir le cafard», parfois. «Cafard» vient de l’arabe kâfir, «infidèle, incroyant» puis «converti à une autre religion que la religion musulmane». Ergo, la notion d’hypocrite, remarque Jean Pruvost. Si le mot a pris un sens encore plus péjoratif, c’est en raison de «sa finale assimilée au suffixe populaire -ard, et le mot devint au XIXe siècle synonyme familier de ‘‘mouchard’’, notamment dans le vocabulaire des écoliers».

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