Le chouchen, l’hydromel à la bretonne
Le chouchen, l’hydromel à la bretonne
Le chouchen (chouchenn avec deux N en breton) est une boisson alcoolisée traditionnelle de Bretagne qui serait produite dans la région depuis l’époque des Celtes. On peut même le décrire comme la boisson identitaire bretonne ! Il est obtenu par fermentation du miel avec du jus de pomme, ce qui en fait un voisin très proche de l’hydromel. Le chouchen se boit nature, frais, le plus souvent en apéritif, parfois en digestif. Il est aussi fréquemment utilisé pour élaborer des cocktails et peut même accompagner certains plats.
Comment est fabriqué le chouchen ?
Le chouchen est produit à base de miel et d’eau auxquels on ajoute de jus de pomme, du moût de pomme ou du cidre (on parle alors de chufere). C’est l’utilisation de levures de pomme pour accélérer la fermentation qui différencie le chouchen de l’hydromel, pour lequel ce sont les levures du miel et des levures de vin ou de bière qui assurent la fermentation.
Le procédé de fabrication du chouchen comprend plusieurs étapes :
- On mélange le miel et l’eau dans des cuves pour obtenir une solution miellée appelée moût. Le type de miel aura une influence considérable sur le goût et sur la couleur du chouchen. On utilise aujourd’hui essentiellement des miels de printemps et d’été, mais autrefois on utilisait surtout du miel de sarrasin (le blé noir, qui est bien une plante et non une céréale !). Chaque producteur rajoute également son propre mélange d’épices (gingembre, poivre, cardamone, cannelle, …) pour donner un goût unique à leur chouchen.
- On introduit ensuite de la levure dans les cuves. Dans le cas de l’hydromel il s’agit des levures indigènes du miel et de levures exogènes, de bière ou de vin. Mais dans le cas du chouchen il s’agit de jus de pomme ou de moût de pomme, des produits traditionnellement faciles à se procurer en Bretagne. On utilise aussi parfois du cidre, on parle alors de chufféré (chufere en breton). Le moût est chauffé pour amorcer la fermentation puis refroidi par une circulation d’eau froide. La fermentation transforme les sucres en alcool. Ce processus de fermentation dure entre dix et vingt jours. La température de fermentation influe sur la capacité de vieillissement du chouchen : fermenté à basse température (15°C) il aura la capacité à vieillir, alors que fermenté à haute température (25°C) il devra être consommé plus rapidement.
- Le chouchen vieillit ensuite dans des fûts en bois dans des caves. Lors de cette phase qui dure plusieurs mois le chouchen se charge lentement en arômes.
- Le chouchen est ensuite filtré pour obtenir un liquide d’une limpidité parfaite avant d’être mis en bouteille. Aujourd’hui il titre entre 12° et 15°, mais autrefois il pouvait atteindre 20°. On le laisse en général vieillir au moins une année supplémentaire en bouteille avant de l’offrir à la dégustation ! La quantité de sucre résiduel définit le type de chouchen : sec, demi-sec, doux ou liquoreux selon qu’il en contient plus ou moins, le chouchen le moins sucré étant qualifié de sec.

Quelques anecdotes sur le chouchen
- Le chouchen est connu sous différents noms en Bretagne, parfois selon des critères géographiques. On entend parfois parler de mez, de dourvel (“eau de miel” en breton), de chufere (y compris quand il n’est pas fait avec du cidre), de chamillard (dans une partie du Pays Gallo). Le terme chouchen, lui, est récent puisqu’il apparaît en 1895 à Rosporden, capitale officieuse du chouchen, sous le terme exact de souchen. L’appellation chouchen est déposée en 1920 par un négociant, Joseph Postic, qui deviendra d’ailleurs maire de Rosporden. Le terme chouchen est donc une marque déposée, au même titre que sopalin, caddie ou frigidaire ! Dénomination d’abord locale donc, le terme chouchen a gagné en popularité dans toute la Bretagne jusqu’au au milieu du 20ème siècle grâce à la production semi-industrielle organisée à Rosporden et dans sa région (Bannalec, Elliant, Scaër, Coray, …) devenue principal centre de production. Son statut unique de boisson alcoolisée propre à la Bretagne (avant l’avènement des bières bretonnes dans les années 80 / 90) en a fait la boisson identitaire bretonne lors de la période du celtic revival dans les années 70.
- Le chouchen a longtemps eu mauvaise réputation. En effet, bien que son degré d’alcool ne soit pas si élevé, on lui prêtait des effets dévastateurs … Celui qui abusait un peu trop du chouchen tombait en arrière, se réveillait trois jours plus tard avec de terribles courbatures et des maux de tête épouvantables ! Ces effets renversant venaient sans doute du mode de production du miel d’autrefois. Pour récolter le miel on devait étouffer les abeilles dans la ruche. Les abeilles mortes se mélangeaient donc au miel récolté et leur venin se retrouvait dans le chouchen produit. L’effet anesthésiant du venin d’abeille sur le cervelet, centre de l’équilibre chez l’Homme, faisait alors basculer les buveurs abusifs ! Aujourd’hui le mode de production du miel évite ce genre de désagrément. Ce qui ne signifie pas que l’abus de chouchen n’aura aucune conséquence sur votre équilibre, mais pas plus ni moins que d’autres alcools !
Comment consommer le chouchen ?
Le chouchen se consomme frais, idéalement entre 8 et 10°C, mais sans ajouter de glaçons qui casseraient le goût du miel. Il est servi le plus souvent en apéritif, pur ou entrant dans la composition de cocktail. Mais il peut se consommer également en digestif ou accompagner certains plats : le melon (à la façon du porto), le fois gras, le saumon, les desserts sucrés, … On le consomme aussi en grog (2/3 d’eau chaude, 1/3 de chouchen, un zeste de citron et une cuiller à café de miel) pour chasser les petits maux d’hiver. D’ailleurs à Rosporden on l’appelait le chas-grip (“chasse grippe”) ! Enfin il est parfois utilisé en cuisine pour donner un goût original à certains plats, des plats de résistance aux desserts.
Voici deux exemples de cocktails très classiques pour lesquels le chouchen entre dans la composition :
- Le kir celtique, un incontournable des apéritifs proposés dans toutes les crêperies qui se respectent ! Un trait de crème de cassis, de mûre, de fraise (de Plougastel évidemment !) ou d’un autre fruit, du chouchen et du cidre (fermier bien sûr). Simple mais délicieux.
- Le planteur breton (ou punch breton) : des glaçons ou de la glace pilée, 1/3 de rhum blanc, 1/3 de chouchen, 1/3 de sucre de canne liquide et un trait de jus de citron.
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