COUP DE FEU CHEZ LES AMAZIGHS de Ali GADARI
C
Un professeur de l'université d'Oujda est assassiné, le risque est grand de revoir des évènements tragiques dans la région, Zohra est envoyée en misssion pour découvrir le ou les assassins du professeur. Elle découvrira le rôle joué par les truands marseillais dans cet assassinat.
COUP DE FEU CHEZ LES AMAZIGHS
La GOMME chez les
Guanches
De Ali GADARI
La pluie arrosait
copieusement Oujda et ses environs. L’Algérie pourtant proche était invisible
derrière ce rideau de pluie. La Grande
Mosquée Al Jamaa Al Kabir pierre précieuse de la culture arabo-andalouse
construite au treizième siècle habituellement flamboyant, rehaussée de bois
sculptés et de mosaïques semblait terne, sale même. Les rues étaient
pratiquement vides, seuls quelques quidams couraient l’on ne sait où protégés
par leur parapluie. Oujda n’est qu’à quelques kilomètres de l’Algérie la
frontière était fermée depuis 1994.
Oujda capitale de la
province orientale du Maroc est une ville chargée d’histoires, elle serait née
en 994 après le prophète Jésus Christ, (384 de l’Hégire). Contrôlée
indifféremment par les Arabes et les Berbères jusqu’à l’arrivée des Français
qui l’occupèrent de 1907 à 1956. Oujda est une ville commerçante, le commerce
du vin, du mouton, du blé, de l’orge et beaucoup plus lucratif des mines de
plomb, de charbons et de manganèse, ainsi que le trafic florissant du cannabis.
L’université
Mohamed 1er d’Oujda est une université renommée non seulement au
Maroc, mais dans toute l’Afrique, première université pour la physique en
Afrique d’après le classement de Shangai. D’illustres professeurs exercent à
Oujda en particulier dans le domaine des lettres. Adrikan Hammoud professeur d’histoire
et de philosophie à l’université était l’un de ceux-ci. Abrité sous un grand
parapluie noir, il marchait rapidement vers sa destination. Il s’arrêta quelques instants pour chercher
ses clefs de voiture, un coup de feu claqua, le professeur s’écroula. Une moto
s’emballa, glissa sur la chaussée avant de disparaître dans le grondement de
son moteur, elle fut retrouvée sur une route de montagne calcinée, plus de
trace, plus d’indice.
Cet
assassinat eu une répercussion régionale, nationale et dans tout le monde des
Berbères Amazighs, le Maghreb en particulier, mais aussi en Europe avec ses
nombreux immigrés en Belgique et aux Pays- Bas. Les journaux berbères
accusaient l’Etat Marocain de ce crime. Une manifestation était prévue le
lendemain après l’enterrement. Dix mille
Berbères étaient venus de toute la région du RIF, le drapeau amazigh déployé en
tête du cortège avec les étudiants des universités berbères et arabophones d’Oujda,
de Tanger, de Tétouan. Les tambours
assourdissants scandaient la vengeance, un millier de drapeaux amazigh
enveloppaient les corps des marcheurs, les cris fusaient de tout le cortège
scandant le nom du ministre qui aurait commandité ce crime ? Le gouvernement
démentait avec force ces accusations. Le RIF était une poudrière. Le RIF coincé
entre la Méditerranée, l’Algérie et le Moyen Atlas a toujours eu une destinée chaotique.
En 1912, la France place l’empire chérifien sous sa protection. Le RIF est
accordé à l’Espagne. En 1921 Le RIF se révolte sous la conduite du cheik Abd El
Krim avec les tribus berbères. Le général espagnol Manuel Fernandès Silvestre
pourtant à la tête de soixante mille soldats est écrasé à la bataille D’Anoual
avec une hécatombe de douze mille tués ! Devant ce désastre, le général
espagnol se suicidera. La République des confédérés des tribus est proclamée.
L’Espagne continuera une guerre intensive contre les tribus berbères sans aucun
succès. Le futur roi du Maroc Hassan II lance alors une offensive avec trente
mille soldats marocains qui réprimeront violemment un nouveau soulèvement des
Guanches du RIF qui fera plus de trois mille morts. Le vingt- huit octobre 2016
une très forte contestation eut également lieu suite au décès d’un pêcheur
voulant récupérer son poisson pêché illégalement jeté avec les ordures broyées
par une benne à ordure. Des mois de violence s’en suivirent. Le RIF est une
cocote minute toujours prête à exploser.
Le
régime marocain n’était pas le responsable ni le commanditaire de l’assassinat d’Adrikan Hammoud mais le peuple rifain n’en
avait cure. Des renseignements ultra -confidentiels, avec des analystes auprès
du pouvoir, suggérait que l’Etat algérien pourrait être le commanditaire ?
Bouteflika aurait tout intérêt que la guerre du RIF se renouvelle prenant exemple
sur ce conflit pour mater sa propre rébellion amazigh dans l’Ouest
algérien ?
Le
Colonel et Zohra se félicitèrent d’avoir anticipé ces évènements après les
évènements de 2016. Le Rif sera toujours en conflit. Zohra avait suivi un cours
de langue et d’écriture amazigh accéléré sur seize semaines dans une célèbre
école d’études berbères, de Rabat. Ainsi Zohra parlait l’amazigh, l’écrivait et
connaissait de multiples aspects de la culture amazigh. La Direction générale
de la Sûreté nationale, DGSN, avait placé depuis longtemps des taupes parmi les
organisations berbères du RIF mais sans pouvoir accrocher réellement des
éléments indispensables à la connaissance d’évènements en préparation où
spontanés.
Le
Maroc est considéré par les amazighs comme le berceau des berbérophones. Zohra
avait accumulé de précieux renseignements sur les Berbères lors de son passage
à l’école de Rabat, des renseignements qui n’avaient sans doute jamais
intéressé les agents des services placés chez eux. La lignée directe maternelle
des Berbères d’origine Ouest-eurasienne viendrait d’après les scientifiques
engagés du paléolithique de 30.000 ans avant notre ère ! Une étude
génétique engagée récemment affirme que les populations d’Afrique du Nord seraient
les descendants du côté maternel de migrants de l’actuelle Espagne venus il y
aurait 8 ou 9.000 ans. En fait les Amazighs sont très proches des populations
européennes. Ces renseignements sont extrêmement utiles dans l’insertion de Zohra
dans l’univers amazigh.
Les
Berbères sont des hommes libres, fiers, peut -être plus encore dans le RIF
L’enquête menée par Zohra était différente de toutes celles menées jusqu’ici,
tout était intelligence, recoupements. La version du gouvernement commanditaire
du meurtre était tombée, restait celle de l’Algérie qui paraît tout autant non
avenue tant elle serait soumise à des aléas géopolitiques menant à une guerre
entre les deux nations soeurs qui à la réflexion n’est pas souhaitée par Boutéflika.
Zohra se fondit un peu plus dans la population, elle chercha du côté des
trafiquants de hachich, trafic lucratif bien que la frontière soit fermée
depuis 1994. Des dizaines d’ânes et de mulets chargés de hachich ou d’autres
produits interdits passaient chaque nuit à la frontière, les bakchichs
distribués aux douaniers de chaque côté de la frontière permettaient de se
risquer dans ce trafic lucratif. Adrikan Hammoud avait produit un texte
demandant une autonomie élargie du RIF avec des propositions intelligentes,
novatrices certes, mais non prises en compte pour le moment par le gouvernement
marocain. Dans ces propositions il souhaitait stopper ce trafic en bloquant
réellement la frontière avec la présence de l’armée. Si cela arrivait, ce
serait une perte de millions de dirhams qui enrichissaient la pègre algérienne
et Marocaine. C’était une piste, il fallait la creuser. C’était difficile de
s’introduire dans un monde d’hommes qui organisaient le trafic. Elle s’infiltra
en entrant dans le clan des femmes, celles qui s’occupaient des récoltes, les
emmagasinaient. Ils avaient toujours besoin de main-d’œuvre, s’exprimant en langue
berbère elle n’avait pas eu de problème à entrer dans le cercle des femmes. En
fait ces femmes ne connaissaient pas les destinations, en particulier celles à
destination de l’Europe. Adrikan Hammoud avait consulté un grand nombre
d’agriculteurs de cannabis, il était arrivé à convaincre beaucoup de ces
paysans à abandonner la culture du cannabis. En compensation des milliers
d’oliviers d’une variété particulière s’adaptant rapidement au climat difficile
du rif sera planté. L’huile sera de très bonne qualité et assurera aux paysans un revenu suffisant.
Ce programme prévoyait une subvention de 5.000.000 de dirhams. 50.000 oliviers
seront plantés dès la première année ! Le programme de Adrikan Hammoud était
de transformer deux tiers des terres à cannabis en terres à zitoun, oliviers.
Zohra
était embauchée pour participer aux travaux concernant le cannabis. Il faisait
frais, des femmes arrachaient puis ligotaient en petits fagots les tiges
feuillues du cannabis. Juste à côté sur les toits des maisons traditionnelles
faites de pierres d’argile, les plants vont sécher plusieurs jours. A l’heure
venue, ils seront battus, étalés sur un linge en guise de tamis. Les femmes
obtiennent ainsi une poudre résineuse d’un brun clair. Pressée puis agglomérée
en pains de cent grammes à 1 kilogramme qui seront revendus pour approvisionner
les marchés locaux et européens. Il faut 100 kilogrammes de plantes pour
obtenir un kilogramme de résine. Un paysan expliquait qu’il produisait 10 kilogrammes
par an, ce qui lui procurait 150.000 dirhams environ 13.000 euros. Le kif fait
vivre toute la famille c'est-à-dire quatorze personnes sans compter l’engrais
et les ouvriers. Un camion de phosphate nous revient à 5.000 dirhams, 436
euros. Il ne nous reste rien !
Zohra
apprenait beaucoup sur la vie des paysans, les trafiquants s’enrichissaient sur
le dos des paysans. Elle connaissait maintenant les secrets de fabrication du
kif. Elle n’arrivait pas à cerner le problème du meurtre qui pourrait être
effectivement commandité par les trafiquants, elle n’avait pas d’accès auprès
d’eux. Elle décida de s’engager auprès de l’un d'eux, elle connaissait les
risques. Assis à la terrasse d’un café, il buvait un
thé brûlant, elle s’assit en face de lui, interloqué, il leva la tête et la
regarda fixement.
- Frère lui dit elle qui a assassiné
le professeur Adrikan Hammoud ?
- Ecoute petite sœur ce ne sont pas
les trafiquants de haschich, cette histoire nous a coûté bien des ennuis.
Cherche ailleurs. Si tu trouves, tu nous rendras un grand service. Avec cette
histoire tous les services de police sont sur notre dos, nous ne pouvons pas
faire un pas sans être suivis. Notre commerce à subi de lourdes pertes. Les Algériens
nous accusent également malgré nos dénégations. Je pense que tu es un agent de
l’Etat pour être venu t’asseoir à ma table, elle ne dit mot, si j’avais des
renseignements je te les fournirais. Tiens voici ma carte, téléphones pour m’appeler,
Zohra fit l’échange avec son portable qu’elle détruirait dès l’enquête terminée.
Elle quitta la table avec la curieuse impression que le trafiquant disait vrai.
En fait les trafiquants depuis
l’assassinat du philosophe étaient traqués par les polices qui s’acharnaient
sur eux. Ce que voulait dire Ahmed Zhouti
l’homme du bar était que les trafiquants n’étaient pas les assassins du
professeur. Pourtant toutes les polices s’acharnaient sur eux, certains
recoupements comme les plantations d’oliviers avec des subventions en attente
de la production, perte de terres de plantations de cannabis promises aux
oliviers, moins de main-d’œuvre pour la récolte du cannabis. La tolérance zéro
à la frontière posait des problèmes aux familles de chaque côté de la frontière
et aux trafiquants, réduisant encore leur bénéfice. Si ce n’était pas un
assassinat concerté par les trafiquants, ce pourrait être le fait de quelques
individus, mais là c’était chercher une aiguille dans une meule de foin !
Cela pouvait venir d’Algérie ou de toute partie du Rif, il fallait l’aide d’Allah.
ZOHRA
continua ses recherches, elle entra à nouveau à Oujda, elle s’installa dans la
vieille ville. Assise à la terrasse du grand restaurant, elle buvait un thé à
la menthe très chaud en tournant le problème dans tous les sens. Une moto
arriva rapidement et s’arrêta devant la terrasse du café, Zohra l’action du
tueur en se jetant à terre un coup de feu claqua c’était la répétition du
meurtre d’Adrikan Hammoud, elle avait été repérée dès son arrivée. Quel fil
avait -elle tiré pour mettre ainsi sa vie en danger ? Elle téléphona à
Ahmed Zouti, ils se retrouvèrent devant la Grande Mosquée. Ahmed avait pris
conscience que sa vie était également en danger ainsi que celles des gros
trafiquants de haschich, l’on voulait les éliminer. Sa préoccupation comme celle
de Zohra était, qui était derrière tout cela ? Ahmed demanda à Zohra
d’attendre quelques jours s’il le fallait, il lui fournirait des renseignements
et l’aiderait à éliminer la racaille ! Ce n’était pas inhabituel la
coopération provisoire entre des trafiquants et la police.
Deux
jours plus tard, dans une maison située sur le bord de l’oued Moutoya dans
l’estuaire du Ras, AHMED et deux gros trafiquants de Haschich expliquaient à ZOHRA
que de jeunes voyous s’étaient reconvertis dans le trafic de cigarettes, de
haschich et d’or. Ils opéraient dans tout l’est du RIF sous la surveillance
d’enfants qui les renseignaient sur la position de la police et des gros
trafiquants. Ils étaient prêts à tout pour arriver à leur fin faisant de RAS Kebtana
leur lieu de résidence. Jusqu’à maintenant ils agissaient comme gagne- petit,
mais ils avaient les dents longues, Ahmed avait bien compris que cette
concurrence- là chercherait à les éliminer pour se faire une place au soleil. Ils
traficotaient pour le moment dans ce secteur du RIF mais dès qu’ils en auront
les moyens ils passeront à l’étape suivante, l’Europe. Entre trafiquants l’on
ne se faisait pas la guerre, l’on négociait, mais avec eux c’était
l’élimination. Ahmed proposa un plan d’action. Trouver leur lieu de séjour en
faisant parler les drogués, les enfants, puis l'élimination de tous les
revendeurs avant d’attaquer leur quartier général.
Zohra
se présenta devant le revendeur, c’était une nouvelle cliente, il était inquiet
et méfiant, il finit pourtant par lui vendre la marchandise demandée, au moment
de lui donner la monnaie c’était le pistolet pneumatique qu’elle tenait à la
main, il n’eut pas le temps de s’enfuir, la tempe transpercée par une aiguille
d’acier, il s’effondra sur le trottoir. Elle entra dans la petite maison proche
de l’oued Moutoya, lieu de résidence de la bande de malfrats, après avoir mis
le corps du voyou à l’abri et attendit ses complices. En plus de Ahmed, Zohra
avait un autre interlocuteur envoyé par le Colonel. Belkrach, un pur berbère,
officier parachutiste, homme de l’ombre de la Boutique depuis des années dans
le RIF. Il communiquait de précieux renseignements au Colonel. ZOHRA était
assise à la terrasse du café du port devant un thé à la menthe, elle vit
arriver vers elle un homme vêtu d’une djellaba grise et d’un kuffi, chapeau
rond et plat de couleurs rouge et blanches, il se déplaçait difficilement à
l’aide d’une canne en claudiquant. Il vint s’asseoir à côté d’elle.
- Ce déplacement est dangereux, je ne
dois pas me faire repérer, je suis venu sur ordre du Colonel. J’ai une importante
communication à vous faire :un groupuscule arabisant se trouvant à Londres,
édite un blog chaque semaine, dénommé, **nous les arabes**... Il tient des
propos anti- amazighs très durs, calomnieux, haineux, cela a pourrait- être un
rapport avec le meurtre du professeur. Il se leva et repartit comme il était
venu en claudiquant frappant sa canne sur le sol.
Assise
au fond de la pièce dans l’ombre, elle avait placé son pistolet mitrailleur sur
la table devant elle. La porte s’ouvrit sur cinq lascars qui n’eurent pas le
temps de la réflexion, Zohra les voyous de mitrailles qui rejoignirent le pays
de Shaiitane où brûle l’enfer accompagné par Lucifer son ange sulfureux. Elle
disparut. Le lendemain elle revit Ahmed elle lui fit part des évènements de la
nuit. Elle lui demanda s’il était au courant de ce blog écrit à Londres, il
répondit par la négative. Elle était dans l’expectative et le doute concernant
une cause à effet sur le meurtre du professeur. Il y avait une autre cause. Une
moto arriva rapidement vers eux, les assassins employaient ce mode de
transport, plus facile à manœuvrer qu’une automobile. Le Glock dix -huit cracha
son feu. Le présumé tireur à l’arrière de la moto fut touché mortellement, il
tomba à terre. Ahmed et Zohra s’enfuirent, profitant de la panique ambiante.
Devant ce nouvel évènement, Ahmed proposa un logement chez un ami qui sera
surveillé. La presse du lendemain faisait ses choux gras de cet évènement.
Abdelkader Souissi, truand notoire, récidiviste, bien connu des services de
police français, était né à Marseille, il avait purgé deux ans de prison pour
extorsion de fonds et coups et blessures. Au Maroc depuis sept mois, il ne
s’était pas signalé aux services de police marocains avant d’être abattu. Que
venait faire un truand de son acabit dans cette histoire ? Cela changeait
tout le schéma de l’enquête. La mafia marseillaise aurait donc intérêt à
trafiquer au Maroc ? Sa rencontre avec Ahmed aurait été le déclencheur des
attaques meurtrières des assassins inconnus. Le colonel envoya Abdéramane à la
rescousse par sécurité pour garder les arrières de Zohra depuis les attaques
qu’elle a supportées. Le problème du rédacteur du blog nauséabond de Londres
sera résolu par un agent parlant parfaitement l’anglais. Le rédacteur aura tout
bêtement un accident qui lui ôtera la vie, Inch Allah, ceci évitera les
conflits prévisibles. Ainsi, il apparaîtrait
que la mafia marseillaise souhaiterait s’accaparer du juteux trafic de cannabis
et du tabac au Maroc ? Les attaques successives contre Zohra seraient de
leur fait ? Il reste à le prouver avec certitude.
Ahmed
avait décidé de s’armer avec les autres trafiquants pour répondre à la violence,
œil pour œil, dents pour dents. Avec
l’arrivée d’Abdéramane, Zohra se sentait protégée, renforcée dans sa volonté
d’aller au bout de cette enquête. Le colonel lui avait remis des photographies
fournies par la police de la Cote d’azur du caïd de Marseille et de ses
soldats. Zohra fit faire une dizaine de photocopies qu’elle remit à Ahmed. Souissi
figurait sur la liste. Le caïd se nommait Abdelatif Dukrezraoult, une dizaine
de soldats obéissaient à ses ordres.
Dans
la soirée, elle reçut une communication urgente d’Ahmed. Elle le retrouva au
café du port. Nous allons avoir un sérieux problème, lui dit-il, Youssef a
reconnu un homme aperçu sur une photographie, il l’a exécuté ! Nos abattis
vont coûter de plus en plus cher. La presse du lendemain donnait des détails
sur cette exécution. Smain Rhélati a été exécuté de sang -froid place da mairie,
sa photographie était en première page D’origine algérienne vivant à Marseille,
il avait rejoint très tôt la mafia marseillaise. Inculpé de meurtre, son avocat
plaida la légitime défense, il purgea une peine de deux ans de prison. Pas de
doute, il appartenait bien à la mafia marseillaise repliée sur le RIF depuis
des mois pour s’emparer du trafic de cannabis. Le lendemain, Ahmed prévint Zohra
de l’assassinat de l’un des trafiquants habituels du RIF, la vengeance n’avait
pas tardé, la guerre était déclarée. Dans la soirée ils apprenaient l’explosion
d’un petit bateau de transport de cannabis vers l’Espagne, les cinq occupants
étaient morts. Il fallait s’occuper rapidement de ces nervis de s’organiser
soigneusement, mettre tous les atouts dans leurs mains. Un autre bateau était
prêt pour l’Espagne, une surveillance de tous les instants avec vérification de
tous les recoins à la recherche d’explosifs, un plongeur a vérifié la coque du
bâtiment. Vers deux heures du matin, le bateau fut attaqué à la Kalachnikov par
les sbires de Dukhrezraoult, les passeurs répliquèrent et tuèrent deux
marseillais. Ils s’enfuirent, la police n’allait pas tarder à arriver ! La
marchandise était une nouvelle fois perdue avec un paquet d’argent. Dukhrezraoult
avait encore perdu deux hommes, il sera obligé de faire venir du renfort, toute
la mafia nord -africaine de Marseille sera au rendez -vous. Les choses se
compliquaient. Zohra et Ahmed ignoraient où les marseillais se planquaient. Ahmed
se décida à employer des enfants, délateurs zélés contre du flousse. De
nombreux enfants n’allaient pas à l’école et vivaient de rapines, de combines
et de délations. La règle serait le silence et tous les renseignements obtenus retransmis
à Ahmed. Munis de photographies, les gosses sillonnaient Oujda pour découvrir
les hommes à Dukhrezraoult et leur planque. C’était la bonne solution, deux
jours plus tard, Ahmed savait où trouver les trois marseillais. Les trafiquants
se divisèrent et grâce aux enfants allèrent sur les traces de ces malfrats. Le
soir, ils étaient tombés sous les balles des trafiquants. Les journaux
faisaient leur une de ces meurtres à répétition : la guerre du kif se
traduisait par le sang. Les marseillais ne sortaient plus de leur tanière, ils
sont surpris de la résistance des trafiquants rifains.
L’agent
de la Boutique, appelons- le Mohamed, est arrivé à Londres, sa mission
consistera à éliminer l’auteur du blog éditant des textes menaçants contre les
Amazighs, créer un accident, pas question d’élimination par le fusil. Après un
repérage du domicile d’Adam Cherkaoui, l’auteur de ces pamphlets, la réflexion
était à l’ordre du jour. L’agent se présenta à l’entreprise International Trafic où travaillait Adam Cherkaoui
sous prétexte de trouver un emploi.
-Vous êtes algérien lui demanda son
interlocuteur ?
- Non, je suis d’origine marocaine.
Ah, nous avons un employé marocain
depuis de longues années dans l’entreprise, il voyage beaucoup, il est chargé
de porter les ordres de l’entreprise aux chauffeurs routiers avec tous les
papiers en règle. De ce fait, pas de déplacements inutiles des routiers, gains
de temps et économies pour l’entreprise, notre employé est un donneur d’ordres
de l’entreprise ! Nous regrettons, mais pour le moment nous n’avons pas
d’emplois à proposer, revenez nous voir dans deux mois. Cherkaoui voyageait
beaucoup, c’était peut -être la solution pour trouver une méthode à son
élimination ? L’agent de la Boutique se décida de suivre dans ses
déplacements Cherkaoui. Après une escale à Lyon, il reprit l’avion pour Turin
en Italie, généralement il restait plusieurs jours, réceptionnant s’il le
fallait de nouveaux ordres de L’InternationalL Trafic. A Turin il s’engagea
dans le quartier Porta Palazzo, beaucoup de Marocains y résidaient, la deuxième
génération des émigrés due à l’action de la guerre de pacification de Hassan II
dans le RIF. Il rechercha des voyous, il trouva Rédouane Abdélassid et lui fit
une proposition :
-Cinquante mille euros pour qu’un
homme ait un accident
-Pour ce prix là je vous fais dix
accidents par jour
-Pas d’exagération, je veux une
certitude
-C’est d’accord, de quoi s’agit-
il ?
-Il faut supprimer un homme par
accident, seulement par accident
-Bien, c’est compris ?
Mohamed lui expliqua et lui montra
l’homme à abattre. Il lui remit vingt -cinq mille euros en avance. Le travail
doit être fait rapidement, le bonhomme voyage vite et beaucoup. Dans la presse
du soir, un titre s’étalait sur un quart de page : un ressortissant
anglais a été renversé par un automobiliste qui a pris la fuite, la police fait
appel à témoins. Transporté d’urgence à l’hôpital de Turin, Adam Cherkaoui n’a
pu être sauvé. Rédouane revint le soir à l’endroit convenu pour toucher le
complément d’argent, à peine était -il entré qu’il s’écroulait sur le plancher
abattu par des projectiles du Beretta de Mohamed, le silence est une vertu, pas
de témoins. Mohamed reprit très vite l’avion pour Rabat. A la Boutique il fit
son rapport au Colonel qui dit simplement : la haine a perdu son
locuteur !
Durant
ce temps, Zohra, AZbdéramane et Ahmed avaient tenu conciliabule. Les
marseillais étaient planqués sans doute à Tétouan. Dans le flou, pas question
de chercher à les déloger. Ils iraient à Marseille tenter d’éliminer le restant
de la bande à DukhrezraoultT, c’était risqué, mais cela supprimerait les
arrières du caïd. Embarquement pour Marseille, les armes seront transportées
par la valise diplomatique au consulat de Marseille. Le colonel avait donné
beaucoup de renseignements sur la faune des truands de la ville. Marseille,
ville magique avec la Bonne- Mère qui protège la ville, son port, passage
obligé de la Méditerranée et une ville sympathique sauf dans les quartiers nord
refuges des tueurs d’enfants pour la drogue.
Luigi SPONTINI,
d’origine italienne dit Luigi l’IMPLACABLE pour sa gestion des crimes dans la
ville avait purgé dix ans de prison pour crime, Arthur Magnin français bon
teint dit le Violoniste pour être un récidiviste notoire pour escroqueries
diverses et vols, ayant été incarcéré plusieurs fois en prison et Youssef Malkach
un tunisien dit Tunis, tous les trois très proche d’Abdelkader Souissi. Chaque
jour à midi, ils déjeunaient dans un petit restaurant algérien du port, ce
vendredi le couscous était au menu, en attendant, ils buvaient le pastis.
Youssef Malkach avait perdu depuis longtemps la pratique de l’Islam. Zohra et
ses complices entrés tous les trois au restaurant s’approchèrent en toute
tranquillité près de la table de nos trois lascars, ils s’effondrèrent sous les
projectiles des armes automatiques. Dans l’affolement général, le groupe de Zohra
regagna la rue sans difficulté. Ils étaient étonnés de la facilité avec
laquelle l’opération s’était déroulée jusqu’au succès, il n’en sera sans doute
pas de même pour la suite des opérations. C’était le début du nettoyage et
cette étape était décisive par l’importance de ces voyous. La presse
marseillaise relayait en gros titre l’assassinat de ces trois caïds locaux :
trois voyous en vue, de grosses pointures du banditisme de Marseille assassinées
au restaurant du port, les assassins courent toujours. La police pense à des
conflits d’intérêts entre bandes rivales, particulièrement sur le trafic
de drogues ! Les jeunes du quartier nord veulent étendre leur territoire. Il
restait sept voyous à éliminer. Nos trois compères écumèrent tous les quartiers
de Marseille pour tenter de découvrir l’un des huit.
Sur le port, lieu de
rendez-vous des truands, ils repérèrent Mustapha Aminata un noir africain peu
recommandable. Surnommé l’Africain, il était connu des services de police pour
agressions multiples, il avait déjà écopé de deux ans de prison, mais à l’ombre
il ne s’était pas assagi. Zohra s’avança tranquillement dans sa direction, elle
lui décocha une aiguille de son pistolet pneumatique Stoeger en plein crâne. Il
tomba brutalement sur le sol sans un cri à l’étonnement des badauds.
Noureddine El Mafid dit
Le Mec, était un proxénète à la tête de cinq jolies femmes assujetties à sa volonté,
qu’il faisait travailler sur le port. Méchant, il n’hésitait pas à rouer de
coups ses travailleuses qui ne pouvaient se plaindre. C’était un vicieux doublé
d’une ordure de la pire espèce, mais intelligent. Toujours armé, la police le
soupçonnait sans trouver les preuves suffisantes d’avoir abattu un concurrent. C’était
le bras armé de Dukhrezraoult, l’homme des basses besognes. Il protégeait ses
gagneuses du coin de l’œil assis à la terrasse du café Des Mimosas, un dur
travail de feignant. Zohra allait employer une seconde fois le Stoeger. Elle
s’assit à la table d’à côté, il pensa immédiatement à la mettre dans son
pensionnat. Zohra lui sourit, il engagea la conversation. Elle fouilla dans son
sac, mit la main sur le Stoeger, enfonça doucement la gâchette, El Mafid
s’écroula percée de plusieurs aiguilles dans
la poitrine. Elle essaya de donner des soins sans résultat pour donner
le change, un attroupement se constitua, elle en profita pour filer
discrètement.
Mohamed Ouled dit le Messie
était un braqueur de banques chevronné, il avait purgé dix années de prison. Il
ne sortait qu’à la tête d’une petite troupe de gardes du corps. Il passait son
temps à jouer aux cartes dans un bar mal famé du quartier nord, La Bonne Dame
et de boire du Pastis, lui aussi avait oublié les lois de l’Islam. Là, ce ne
sera pas la même histoire, retranché dans le bar entouré de ses portes -flingues
il semblait invulnérable. Faire irruption serait la mort immédiate de Zohra, Ahmed
et Abdéramane tant ses sbires avaient la gâchette facile ! La méthode sera
de faire sauter sa voiture, une grosse Mercédès noire. Zohra avait pris
l’habitude depuis pas mal de temps de ranger dans son sac une dizaine de billes
explosive, invention des artificiers de la Boutique. Ils guettèrent son
arrivée, dès l’automobile rangée le long du trottoir, une bille fut lancée
d’une cinquantaine de mètres, elle continua sa course en roulant sur la
chaussée. Dès qu’elle atteignit le caniveau, elle explosa en envoyant aux
Enfers toute la troupe de malfaisants !
Adam Biyadi, dit le Dandy,
toujours habillé à la mode, s’était signalé pour constitution d’un réseau
pédophile et extorsion de fonds avec chantage auprès de ses clients, un vilain
coco. Il avait été condamné à sept années de prison. La police le surveillait
de près, cela ne l’empêchait pas de travailler avec Dukhrezraoult pour des
services rendus de tous genres dès sa sortie de prison. Il vivait tout près de
la Bonne Mère. Il sortait, se mêlait à la foule des touristes, se mettait en
avant et toujours à son avantage. Encore une fois, il fallait frapper en silence.
Zohra était encore la liquidatrice. Quand il fut au milieu de la foule, elle
discerna le moment le plus propice. Il dialoguait avec un touriste, elle
s’approcha, la main dans son sac, elle saisit le Stoeger, Adam Biyadi s’écroula
nez contre terre au grand étonnement des touristes présents qui essayèrent de
guérir son malaise, peine perdue !
Anass Bejaj dit le Silencieux
se mêlait peu à la foule. Taciturne, il se méfiait de tous, même de la pègre.
Truand de grande classe, expérimenté, titulaire du plus grand casse de la Côte d’Azur . Entré seul au casino de Monaco,
il ressortit seul avec un gros paquet de millions à jamais disparu. Calme, très
intelligent, il travaillait seul avec une détermination étonnante. Alpagué lors
d’un vol dans une bijouterie de Nice, une alarme électronique nouveau modèle, silencieuse
reliée à la police qu’il n’avait pas photographiée dans son esprit, lui avait
valu cinq longues années d’emprisonnement. Il était lié d’amitié avec Dukhrezraoult,
celui-ci lui avait sauvé la vie lors d’une fusillade à son endroit, la pègre ne
fait pas de cadeaux ! Le Silencieux sera difficile à abattre. Il ne
fréquentait pas les cafés, les restaurants, les endroits publics depuis cette
fusillade. Très malin, il subodorait les traquenards.
Yasmine Blkhaya,
troisième couteau de Dukhrezraoult, petit truand sans envergure, prétentieux et
vicieux. Ahmed s’en chargea sur la place de l’église près du port, le
silencieux claqua doucement comme un bouchon de champagne, il s’écroula d’un
coup dans une flaque de sang.
Hanas Ksissou dit Chapeau,
toujours coiffé d’un chapeau blanc, le bord abaissé sur le devant. Homme à tout
faire de Dukhrezraoult, du meurtre à l’intimidation. Il bougeait beaucoup, une
heure ici, une heure après là ! Le suivre était fatiguant tant il se
déplaçait vite. Ses affaires
consistaient à contacter les truands entre eux pour la préparation de coups. Il
ne se méfiait pas outre mesure. Chapeau qui était important dans la mafia marseillaise
pour sa connaissance et ses relations avec les voyous de la Côte D’Azur. Il
avait confiance dans sa destinée, croyant qu' il pensait que Dieu le gardait et
le protégeait. Il était suivi comme son ombre par nos trois compères. Dimanche,
il prit le train pour Sète accompagné discrètement par Zohra, Ahmed et Abdéramane.
Il trouva refuge dans un hôtel tout près de l’étang de THAU. Il fut rapidement
rejoint par une femme d’une cinquantaine d’années. Après un bref conciliabule,
elle disparut. Chapeau resté à la terrasse de l’hôtel devant un pastis, ce fut
le moment ou Abdéramane l’atteignit en plein front, il resta courbé sur sa
chaise.
Revenus à Marseille,
Mohamed Almakhfi était devenu la cible
privilégiée. Mohamed n’avait pas de surnom, Mohamed c’était tout. C’était un
tueur à gages à la solde de Dukhrezraoult. Il supprimait tous les voyous
gênants, les empêcheurs de tourner en rond, bref tous les gêneurs ! Il
fallait s’en méfier toujours une arme dans son veston il pourrait faire feu sur
le trio du RIF. C’était donc un type qui ne se gênerait pas pour les abattre,
il devait être prompt de la gâchette ? Etant donné que c’était un coriace, il fallait tenir un
plan d’action, ne rien faire à l’improviste, observer et agir. Cela prendra du
temps, le jeu du chat et de la souris, c’était la souris, mais une souris
maligne. Deux semaines après Mohamed embarqua dans une Fiat blanche en
direction de Nice, quelques kilomètres plus loin, il s’aperçut de la filature.
Il accéléra et tourna dans une petite route qui grimpait sur les collines, le
trio suivit le même chemin. Sur plusieurs kilomètres, la route était sinueuse et
très difficile à la poursuivre. D’un coup il tourna dans une menuiserie où des
tas de planches étaient rangés sous un appentis. Mohamed sortit en courant de la voiture et
entra dans la menuiserie. Pas question de le suivre aveuglément, c’était un
expert. Abdéramane fit le tour et entra discrètement dans la menuiserie, pas si
discrètement que cela, Mohamed s’en était aperçu, il tira plusieurs coups de
feu, ce qui permit à Zohra et Ahmed d’entrer par devant en se cachant derrière
des planches. Le Glock cracha une salve de projectiles dans la direction de Mohamed
qui répliqua et blessa au bras Ahmed heureusement sans gravité, mais avec une légère
perte de sang. Zohra déchira sa chemise et lui fit un garrot au-dessus de la
blessure, c’était une égratignure, une éraflure. Mohamed s’était retranché
derrière un gros tas de planches en tirant d’une manière sporadique. Il restait
très dangereux, ses tirs directionnels le prouvaient. Abdérazmane avait réussi
à avancer quelque peu. Mohamed s’était déplacé et ajustait Ahmed et Zohra
heureusement sans résultat grâce au tas de bois, mais les impacts des
projectiles s’écrasaient contre les planches serrées entre elles. Abdéramane
réussit à le coincer entre deux tas de planches, il tira et le blessa à la
jambe. Mohamed éructa un juron plein de rage, d’habitude ce sont les autres qui
subissaient le feu de ses actions. Il se tortilla pour sortir à plat ventre pour
se mettre à l’abri. Il balança une nouvelle salve de son automatique sans
résultat. Ahmed et Zohra changèrent de position en s’alignant sur la position
supposée de Mohamed. Celui-ci avança légèrement, sa tête dépassa le tas de
bois, Zohra tira, le projectile atteignit sa tête, c’était fini ! De
retour à l’hôtel, elle désinfecta la plaie d’Ahmed, le pansa, ce n’était pas
grand-chose, juste une éraflure pas profonde. Elle alla acheter une chemise de
rechange. Cela finissait bien.
A Marseille, il restait
Le Silencieux, ce dernier soutien de Dukhrezraoult. Le Silencieux était un
individu difficile à cerner, solitaire et méfiant. Zohra ne savait pas comment
le prendre tant il était imprévisible, se mélangeant peu à la foule, ne
fréquentant pas les établissements tels que les cafés ou les restaurants. La
solution serait un tir de loin sans dégâts collatéraux, pas facile à organiser.
Cette solution était dangereuse, il fallait trouver un endroit pour se dissimuler
et à Marseille avec le monde qui naviguait dans les rues et les places, c’était
compliqué. Il ne fréquentait pas le port et ses abords, il avait la prudence
chevillée au corps, il résidait dans le quartier du Chapitre, boulevard Camille
Flammarion ! Il fallait pourtant éliminer Le Silencieux, solution siné qua
non de la réussite de l’opération nettoyage à Marseille ! Ahmed a eu
une idée, jouer les touristes, se balader en bicyclettes dans tout le quartier
du Chapitre, l’abattre et fuir avec les deux roues qui donneraient une facilité
de se faufiler dans la foule et fuir, ni vu, ni connu ! Ce plan ayant été
accepté, pourquoi n’y avaient- ils pas penser avant ? Le lendemain nos
trois compères se promenaient tranquillement en visite, le nez levé sur les
monuments et les ouailles du quartier. Soudain, Zohra émit un toussotement, ils
jetèrent un œil dans la direction indiquée par Zohra. Le Silencieux était là,
avançant à petits pas dans une direction inconnue. Ils avancèrent vers lui
comme si de rien n’était. A deux mètres de lui, Zohra balança une aiguille
projetée par son Stoeger. Le Silencieux s’effondra comme frappé par une crise
cardiaque, Inch Allah, c’était terminé ! Ils pédalèrent jusqu’à la
boutique de location de vélos et rentrèrent à l’hôtel. L’opération avait été un
succès. Dukhrezraoult n’avait plus
d’arrière-garde. Ils se détendirent dans le bac traversier jusqu’à Tanger, via Sète
et Barcelone. Une autre épreuve les attendait avec Dukhrezraoult dans le
RIF !
Ils étaient partis depuis
plus de quatre mois, comme le temps passait vite ! Durant ce temps, Dukhrezraoult
avait reconstitué son réseau rejetant les trafiquants habituels dans l’ombre
par la force ou en les supprimant. Les rescapés ruminaient une vengeance, avec
le retour d’Ahmed, ils espéraient une réplique. Il fallait faire le tour des
revendeurs d’Oujda, repérés soigneusement par les marchands de Dukhezraoult. Ahmed
en repéra trois.
A sept heures du soir,
à la tombée de la nuit, il mit un terme à leur commerce. Le Marseillais devait
être furieux. De fait il avait disparu dès le soir même avec toute la clique d’Oujda
pour se replier sans doute à Tétouan, là où il se planquait habituellement. Ahmed
fit intervenir ses hommes pour en savoir plus. Ils n’avaient rien remarqué dans
une ville quadrillée par la troupe d’Ahmed. Ils devaient être là, ce n’était pas possible
qu’ils se réfugient dans un village, ils seraient immédiatement repérés. Où
étaient-ils, où se terraient- ils ? Dukhrezraoult était un fin stratège,
il donnait du fil à retordre, attaques, disparition. La stratégie du fantôme,
apparitions, disparitions. Cela était agaçant de ne pouvoir mettre la main
dessus, d’autant qu’il restait dangereux malgré la disparition de son arrière- garde
à Marseille.
Mardi treize heures,
nos trois compères buvaient du thé au café du port, soudain un camion fou
fonçait sur la terrasse du café, ils eurent juste le temps de se dégager de
leur emplacement, le camion ravagea tout sur son passage sans blesser les
consommateurs heureusement, qui avait fui à temps. Dukhrezraoult
innovait ! Il ne voulait pas céder, les laisser en paix, la vie de Zohra,
d’Abderamane et Ahmed était menacée de différentes façons, ils devaient se
méfier de tous, y compris du misérable sur le trottoir. Il était introuvable,
mais lui les suivait à la trace avec une foule d’idées pour les éliminer. Il
avait perdu beaucoup d’hommes, il devait faire venir des voyous de la pègre
marseillaise pour remplacer ses soldats liquidés par Zohra et ses complices. Des
enfants grassement payés avaient pour travail de pister nos trois compères. Il
fut décidé de repérer l’un d'eux et de l’interroger. Deux jours après, ils
avaient repéré un gamin longiligne de dix ou douze ans qui était toujours dans leur
environnement immédiat. Il ne s’y attendait pas, mais Abdéramane le bouscula
tandis qu’Ahmed le maintenait par un bras. Il fut amené à la maison, malgré ses
multiples contorsions pour se dégager de l’emprise d’AHMED. Le but était de le
faire parler sans sévices, c’était un enfant. Déjà à cet âge- là il se prenait
pour un dur, un caïd, il refusait de parler. Abdéramane usa de psychologie par
la peur, il sortit son Berretta et lui mit sous le nez, sans intention de s’en
servir.
-Parle, où est Dukhrezraoult
-Je n’en sais rien, je ne le connais
pas, un homme m’a contacté, m’a donné de l’argent et un téléphone après vous
avoir signalé, me demandant de vous suivre et de lui signifier tous vos
déplacements.
-Abdéramane lui prit son téléphone et
le détruisit immédiatement. Cela semblait correct, Duklhrrezraoult était
prudent, il restait planqué et les gosses faisaient le sale boulot. Tu vas
foutre le camp et ne pas revoir le malfrat qui t’a embauché; car lui serait
capable de t’envoyer au paradis des voyous. Relâché ils ne le revirent jamais près
de leur entourage. L’enfant avait crédibilisé leur intuition, mais Dukhrezraoult
était toujours invisible. D’autres gosses prendraient la relève et feraient le
sale boulot. Il fallait continuer à se méfier. Une nuit, ils furent réveillés
par un bruit épouvantable, rapidement debout, ils constatèrent que le mur de
façade était détruit par un rouleau compresseur volé au chantier d’à côté dans
l’espoir d’écraser ses locataires. Une ouverture béante s’ouvrait sur la
chaussée, ils se faufilèrent dans la rue avant que le conducteur de l’engin
recule son engin. Zohra reconnut le chauffeur du camion, le Glock lui ôta la
vie, il s’écroula sur son siège. Ils ne pouvaient se rendre à la police, c’est
le propriétaire de la maison prévenu par Ahmed qui s’en chargea en racontant
une histoire à dormir debout de son invention. Dukhrezraoult, n’abandonnait pas,
c’était un méchant, un pourri de la pire espèce ! Quelle sera la
suite ? Il fallait s’attendre à tout avec ce malfrat. Ils ne pouvaient répliquer,
où se terrait-il, à Oujda, à Tétouan où même en Algérie ? Cette lacune
suffisait à repousser toutes tentatives d’attaques ou de répliques. Pour
l’instant, il avait les cartes en mains avec tous les atouts. Ils avaient
commis une erreur en détruisant le téléphone du gamin, ils auraient pu, via le
colonel connaitre la destination des coups de fil. Un rien et leur enquête étaient
déstabilisés avec de gros risques. C’était la première fois que Zohra se
trouvait confrontée à ce problème, jusqu’à maintenant la cible était toujours
en vue. Elle connaissait la cible, mais elle était invisible, le néant, une
nébuleuse. Son enquête se traduisait par la patience, une patience d’ange
gardien, attendre le bon moment et frapper rapidement. Elle subissait avec son
équipe un harcèlement brutal, dangereux, mortel de la part de Dukhrezraoult,
elle savait qu’ils se retrouveraient face à face, mais quand ? C’était un
ennemi redoutable, pour le moment, elle l’avait empêché de prendre le pouvoir
dans le commerce du cannabis dans le RIF, mais pour combien de temps ? Il avait des soldats venus de la mafia
marseillaise, beaucoup de Nord -Africains, des Algériens de deuxième ou
troisième génération, qui parlaient arabe avec une pointe d’accent marseillais,
c’était à cela que l’on pouvait les détecter lorsqu’ils s’adressaient à un
rifain. Il avait un régiment de malfrats avec lui et une bande de gosses qu’il
rétribuait grassement pour la délation sur les enquêtes de la police et les
déplacements de Zohra et sa petite équipe. Il avait une bonne organisation,
bien au point et sa bande d’assassins était prête à tout. Il fallait se garder de tout et de tous, des
clochards, des enfants, des passants tranquilles, des motards, des camionneurs,
des taxis, des cyclistes, bref de toute une population a priori paisible, tous
étaient devenus suspectes. Après le coup du rouleau compresseur, rien n’était à
négliger. Dukhrezraoult était capable d’envoyer un Mirage 2000, un char d’assaut
Leclerc ou de sonner la charge avec un régiment doté de Bazookas. Ces outrances
leur permettaient d’en rire et se libérer du stress qui les enveloppait
parfois. Ahmed avait constitué son propre service de renseignements avec des
enfants de trafiquants, non convertibles à l’ennemi. L’un d'eux donna un
renseignement intéressant, un vendeur de hachich qui n’appartenait pas aux
trafiquants rifains s’était installé tout à côté de la mosquée Mazouak avenue Mamoun
au nord -ouest de la ville de Tétouan,
quartier Jaama. Ahmed y alla seul et constata les dires de l’enfant, il tira
son B&rretta avec son silencieux de sa poche et abattit le truand, Inch Allah.
C’était la réponse du berger à la bergère. Une autre information concerna le
petit port de M’Diq, plusieurs hommes auraient été vus parlant l’arabe avec un
drôle d’accent. Les trois compères descendirent sur le port et s’installèrent
au café. Sur une table à côté d’eux effectivement, plusieurs personnages
parlaient l’arabe avec un léger accent de Marseille. Pas de doute, ils étaient
en présence de la clique à Dukhrezraoult. Ils se levèrent et à deux mètres
d’eux firent feu sans sommation, les quatre soldats à la solde de Dukhrezraoult
furent abattus séance tenante et s’écroulèrent de leur chaise. Nos trois
larrons s’enfuirent avant la réaction de la population. Cela faisait encore
cinq nervis de basse qualité qui avaient rejoint les feux de Shaiitan
accompagnés par Lucifer lui-même. Dukhrezraoult ne pourrait pas puiser
indéfiniment dans la masse de la voyoucratie marseillaise. Il faudra qu’il
réagisse et vite pour stopper cette hécatombe. Ce fut fait deux jours après, il
s’en prit à un laboratoire de transformation de cannabis pour préparer la résine
dans un village de montagne. Il liquida à la Kalachnikov d’un trait tout le
personnel, y compris les femmes, onze membres au total de l’organisation des
rifains avec ses soldats de la honte. Zohra était écoeurée c’était un tueur
sanguinaire sans demi-mesure! Elle a eu envie de se rendre à la Grande
Mosquée d’oublier quelques instants le crime dans un havre de paix. Abdéramane
et Ahmed l’accompagnèrent jusqu’à la porte des femmes, ils étaient armés, ils
ne pouvaient pas entrer dans ce lieu sacré. Zohra remit son sac avec ses armes
à Abdéramane. Elle retrouverait son équilibre dans ce monument emblématique
construit au dix-neuvième siècle avec son minaret de style andalou marocain.
L’intérieur était fait pour le repos de l’âme avec un grand patio, un mirhab,
niche à l’intérieur de la mosquée indiquant la direction Mecque, décorée de
zelliges et de mosaïques de couleurs avec
une fontaine. La salle de prières était surmontée d’arcs et d’un plafond en
bois. Zohra après les versets du Koran,
ressortit de la mosquée où l’attendaient Abdéramane et Ahmed. Au moment
où Abdéramane lui remettait son sac, une moto arrivait à vive allure avec un
passager portant une Kalachnikov en bandoulière dans l’espoir de la renverser et
de lui régler son compte. Ahmed et Adéramane tuèrent le conducteur, la moto
chavira et glissa sur une dizaine de mètres, le passager à la Kalachnikov tombé
à terre essaya en vain de se relever sans doute avec une jambe fracturée, Abdéraman
lui envoya du plomb de son Berretta dans la tête. Ils disparurent rapidement devant
le rassemblement des fidèles et avant l’arrivée de la police. Zohra était amère après avoir prié dans ce
lieu sacré, elle était retombée dans la violence. Dukhrezraoult n’en démordait
pas, prévenu sans aucun doute par l’un de ses gamins délateurs, il avait
organisé d’urgence ce nouvel attentat. C’était un tordu de la pire espèce, un
sadique ! Nos Trois compères eurent encore beaucoup de chance de sauver
leur vie grâce à leur clairvoyance et leur promptitude de réaction.
Devant
une situation critique, le maire de Tétouan a demandé à la police de réagir.
Celle-ci engagea cent policiers de la brigade spéciale en plus de ceux qui
existaient déjà pour pacifier la ville et liquider les malfrats. Jours et
nuits, ils patrouillaient en binôme. La ville avait pris un drôle de visage
avec un lot d’arrestations. Le tribunal ne chômait pas ! Notre trio fut
arrêté sur dénonciation, reconnu après la fusillade de la mosquée, emprisonné
immédiatement pour port d’armes prohibées et meurtre sur deux motocyclistes. Il
risquait gros. Zohra avait donné l’ordre de ne pas répondre aux interrogations
des policiers. Dans le commissariat principal où ils étaient incarcérés, Zohra
contacta le colonel. Durant deux jours de suite ils furent soumis aux
questions, la police n’obtenait aucune réponse, ce qui justifiait leur
incarcération pour les faits qui leur étaient reprochés. Le troisième jour, ils
devaient être incarcérés à la prison d’OUJDA. Le commissaire de police
accompagné d’un juge firent leur entrée la mine déconfite. Vous êtes libérés,
dit le juge, nous avons reçu des ordres express du Ministère, nous savons que
vous êtes deux agents du Gouvernement et Ahmed a été recruté pour vous aider
dans vos recherches. Nous vous laissons libres, des ordres nous ont été donnés
pour que vous ne soyez plus importunés, nous vous souhaitons bonne chance dans
vos recherches. Le colonel avait fait un bon travail. Ils leur rendirent leurs
armes, mais le commissaire intrigué par le Stoeger pneumatique ne put
s’empêcher de poser la question : c’est quoi ce truc ? Zohrane répondit pas !
Tout cela finissait bien.
Le
dispositif policier avait eu des résultats positifs, en particulier
l’arrestation de l’un des plus gros trafiquants du Maroc et la régression
spectaculaire des actes inciviques. A propos de Dukhrezraoult c’était toujours
au point mort. Son domicile était toujours inconnu et sa vengeance toujours aussi
tenace. C’était le diable en personne ! Les gamins d’Amhed parcouraient Tétouan
dans tous les sens, pour le moment sans résultat. Tant que la masse de
policiers sera sur place, rien ne bougera. La mosquée semblait triste sans
l’animation habituelle autour d’elle. Les marchands ambulants avaient disparu
de crainte d’être pris pour des revendeurs de cannabis. Les patrons des cafés et
des restaurants faisaient grise mine, les clients se faisaient rares.
Heureusement l’animation du chantier de construction du port n’avait pas
diminué, le bruit des machines et le va -et -vient permanent des ouvriers faisait
vivre la cité ! L’éclairage public la nuit avait été renforcé, aucun
endroit ne restait dans l’ombre, la police avait l’œil sur tout, même un chat
n’y échappait pas ! L’ordre était rétabli, la paix régnait. Le Maire de Tétouan
et sa population étaient satisfaits, seuls les commerçants se plaignaient.
Ahmed
a eu une information capitale sur le trafic de cannabis. Un marin d’un petit
bateau de transport a appelé en catastrophe en prévenant qu’un remorqueur les
avait abordés pour rafler la marchandise en les menaçant de les tuer. En fait
c’est bien ce qui s’est produit il n’y a pas eu de nouvelles depuis ce coup de
téléphone, le petit bateau n’a pas été retrouvé, sans aucun doute sabordé, mais
le marin avait eu le temps de donné le nom du remorqueur : Marius. Ahmed
était soucieux encore un coup de Dukhrezraoult ? Zohra se mit en
communication avec le colonel, le mit au courant des dernières nouvelles et lui
livra le nom du remorqueur. Ce ne fut pas long, elle eut des nouvelles quelques
heures plus tard. Le Marius, un chipbulding 44 de treize mètres vingt de longueur,
construit aux Etats- Unis en mille neuf cent soixante-trois, Homologué à Marseille
avait été retiré du service de remorquage il y avait trois ans. Il fut racheté
par Ernesto Dominguez un espagnol de Barcelone. Actuellement immatriculé à Palma
de Majorque, très fine étude du propriétaire. Immatriculé sur un territoire
autonome espagnol, proche du continent et de l’Afrique. Il recevait ses
renseignements de voyous de Mellila, bien payé qui renseignait Ernesto Dominguez
de chaque départ pour l’Espagne, d’un chargement de cannabis et de cigarettes
qui payaient de même une armée de mouches pour connaître les départs des
trafiquants. Le Marius avec un équipage de marins Grecques Italiens et Turques
sans foi ni loi, assassins liquidateurs ramassés dans les bas-fonds par Ernesto
faisaient depuis quelque temps la loi parmi les trafiquants marocains en volant
leurs marchandises et les envoyant ensuite par le fond Equipé d’un radar
dernier cri, il épiait même les zodiacs. Il avait commencé à se constituer une
petite fortune à leurs dépens. Ahmed qui pensait que c’était encore un coup à Dukhrezraoult
s’était fourvoyé, un nouveau concurrent était venu s’intercaler avec de gros
moyens dans le commerce de la drogue en Méditerranée. Après accord avec le
colonel, Zohra et Abdéramane aidés par Ahmed partant pour cette aventure allaient
s’attaquer à ce nouveau concurrent.
En
possession de la photo du remorqueur, sur un bateau léger, ils sillonnèrent les
miles entre Tétouan, Oujda et la périphérie de Majorque en restant dans les
eaux internationales. Le Marius n’avait pas été débaptisé. Il l’avait croisé au
large de Méllila, il avait effectivement les caractéristiques signalées par le
colonel et la photo en sa possession. Le survol par un avion militaire révélait
que le MARIUS avait une mitrailleuse lourde à bord, photo à l’appui, ce qui
pouvait raisonnablement expliquer le manque de résistance des équipages des
trafiquants. La photographie de la mitrailleuse était d’après les
renseignements confidentiels de l’armée, une M2 Browning calibre 12/7. Cette
arme aurait été achetée aux rebelles du Sahel ou aux Libyens ou même encore aux
Maliens. Cette arme occasionne des dégâts considérables, les trafiquants de
cannabis ne pouvaient pas résister, se défendre ! Ernesto Dominguez avait
le champ libre. Les Rifains avaient maintenant deux prédateurs d’envergure,
deux exterminateurs contre eux, le Marseillais et l’Espagnol, tous les deux
employaient le crime comme moyen pour soutirer l’argent du cannabis et la
matière première elle-même. Ce sera plus facile de s’attaquer à l’Espagnol et à
son remorqueur qu’au Marseillais toujours introuvable. Il faudra s’attendre à
une réaction de Dukhrezraoult, il ne restera pas sans rien faire contre la
volonté d’hégémonie d’Ernesto Dominguez. C’était sans doute la volonté de Dieu,
Zohra, Abdéramane et Ahmed devraient en tirer profit ?
Au
large de Tétouan sur une mer agitée et une pluie battante, le Marius dansait
sur les vagues avec l’air de s’en ficher, il tenait son cap sur un point que
lui avait affiché son radar. Un petit bateau de pêche chargé de cigarettes et
de résine de cannabis se dirigeait vers l’Espagne. Il voyait arriver vers lui
un remorqueur qui lui lançait des signaux lumineux pour que le bateau de pêche
stoppe ses machines. Celui-ci au lieu de stopper les machines envoya une grêle
de projectiles sur le remorqueur, tuant deux hommes du Marius. Le mitrailleur
se mit très vite à son poste sur ordre d’Ernesto et envoya une volée de
mitrailles qui tua tous les hommes du bateau de pêche de Dukhrezraoult. Puis il
effectua une manœuvre, il s’approcha, accosta et les marins se saisirent de la
marchandise. Après une seconde manœuvre, le remorqueur s’éloigna d’une centaine
de mètres, donna toute la puissance de son moteur et aborda le bateau de pêche
par l’étrave, le coupant en deux. Celui-ci coula dans des remous blancs. Sur le
Marius, deux hommes tués furent jetés à la mer. La méthode de Duklhrezraoult
avait échoué, il aurait fallu abattre tous les matelots, ce qui était
impossible au cours de cette manœuvre. Il aurait fallu qu’ils s’approchent beaucoup
plus du remorqueur pour avoir une chance d’abattre tous les matelots, mais ils
ont eu peur de la mitrailleuse. Le Marius continuait de foutre la frousse aux
trafiquants dont certains commençaient à prendre une voie de rechange, la voie
aérienne avec de petits avions de tourisme. Les paquets étaient balancés par
parachutes sur des points précis en Espagne. Beaucoup moins de risques avec des
arrivées ciblées. Le Marius en était pour ses frais, mais pour combien de
temps ? Deux prédateurs se battaient pour un même gibier. Ils risquaient
de se jeter dans les pattes l’un de l’autre et de se dévorer eux-mêmes. Ce
style de bagarre risquait souvent de laisser les deux à terre au bénéfice d’un
troisième larron tout heureux de tirer les marrons du feu. Zohra n’était pas
mécontente de l’arrivée sur le marché de Ernesto Dominguez, cela risquait de
faire sortir du bois Dukhrezraoult ?
La
police maritime poursuivit le Marius de la zone de Méllila jusqu’aux frontières
maritimes sans l’atteindre malgré les ordres de stopper les machines. Le
remorqueur était puissant et pouvait atteindre une vitesse de quarante
kilomètres à l’heure sur les flots. Sans ordre de tirer, la police ne pouvait
que l’arraisonner ! Le Marius s’échappa, et vogua libre vers Palma de
Majorque. Ce n’était pas très élégant, mais c’était un joli pied de nez à la
police maritime Marocaine. Ernesto Dominguez devenait gênant, trop gênant pour
le commerce clandestin Marocain et Espagnol. C’était un empêcheur de tourner en
rond. Il jouait tout seul, en égoïste, il aiguisait les mécontentements, les
haines, à en vouloir de trop, il n’aurait rien. Il fallait l’abattre pour ramasser
la marchandise comme dans le bon vieux temps, celui avant le Marius. C’est Zohra
qui eut l’idée de sa disparition. Elle s’arrangea pour qu’il soit averti de la
sortie d’une barque de pêche avec un lot de cigarettes et de hachich en
direction de Malaga en Espagne. Elle décida de s’embarquer le moment venu avec cinq
marins et ses deux compères Abdéramane et Ahmed. Il n’y aurait rien à bord,
c’était du pipeau. Tout était artificiel, sauf les armes embarquées, c’était du
lourd, une mitrailleuse M2 Browning, réplique de celle adaptée sur le
remorqueur, et plusieurs lance-roquettes de quarante millimètres qui font des
trous énormes lors de l’explosion. Elle n’oublia pas de prendre son arbalète,
nouvelle arme, chouchou de la Boutique, tirs silencieux et précis. Une
arbalète en acier flexible de trente centimètres et une dizaine de traits
explosifs avec une idée en tête. Mini pistolet arbalète Hattila de trois cent
quatre-vingt-dix grammes d’une puissance de 50 IBS, améliorés par les armuriers
de la Boutique. Il envoyait des flèches de trente-huit centimètres à cent vingt
mètres. Elle s’embarqua avec des spécialistes du commerce illicite sans oublier
Abdéramane et Ahmed. Elle savait que des relais allaient prévenir Ernesto du départ
en mer de la barque, c’était le développement classique de l’attaque du
remorqueur, information, repérage, attaque, vol de la marchandise et
destruction, mais là il risquait d’être surpris. Ils furent rejoints par le Marius tout près de
la côte Espagnole qui leur demandait de stopper les machines. La barque
continua son trajet vers la côte. Le remorqueur répéta son appel à stopper les machines, en tirant
une rafale en l’air, sans succès. Pendant ce temps, Zohra régla la mire de
l’arbalète qui lui indiquait la distance de la cible potentielle, quatre-vingt-deux
mètres, elle fixa un trait explosif, tendit la corde, la flèche jaillit à cent
à l’heure. Un énorme bruit ébranla tout l’environnement quand la flèche toucha
la coque du remorqueur. Un autre trait fusa et frappa à nouveau un endroit de
la coque. Le remorqueur s’ouvrit en deux, des éclats d’acier surnagèrent, le Marius
était hors d’état de servir. Les hommes d’équipage avaient succombé aux deux
explosions et à l’incendie qui avait suivi. Justice était faite. Mais l’on ne
savait pas si Ernesto était à bord ? L’on sut très vite qu’il n’était pas à
bord du Marius par sa rapidité d’intervention à la suite de la perte du Marius,
même s’il gardait un chien de sa chienne au fossoyeur de son navire. Devant
l’inévitable, il loua un Cesna 340 A en fin de vie à un truand d’Arabie Saoudite.
Il fit démonter les sièges arrière pour avoir la capacité d’emmagasiner la
marchandise. Il poursuivit son trafic en rejoignant la confrérie des quelques
trafiquants qui travaillaient par voie aérienne. Ceux-ci ne voyaient pas cela
d’un bon œil. Ils armèrent les co-pilotes de Kalachnikov s’attendant à tout
avec Ernesto. Le CESNA 340 A atterrissait sur des routes dégagées d’Espagne,
livrait sa marchandise à une camionnette en attente, faisait demi-tour et
s’envolait pour le retour vers le Maroc. C’était facile, il y avait beaucoup de
routes de montagnes accessibles en petit avion. Puis, cela devait arriver, le Cesna
d’Ernesto croisa le Piper des trafiquants le vendredi de la Grande Prière. Le Piper
plongea sous le Cesna qui s’envola sur le côté gauche du Cesna de façon à ne
pas être touché par les projectiles du mitrailleur assis à la place du passager
Ce fut un retour à la guerre de mille neuf cent quarante, la mitraille éclata
de chaque côté, le moteur du CESNA touché par la mitraille prit feu, l’avion
tomba comme une pierre dans un bruit et un sifflement caractéristique. Il
explosa en arrivant sur le sol, le pilote et le co-pilote furent tués sous le
choc. L’épisode Ernesto Dominguez au Maroc était vraisemblablement terminé.
Restait l’inévitable Dukhrezraoult.
Il n’avait pas bougé durant ces évènements, se contentant d’attendre des jours
meilleurs. C’était un philosophe dans son genre ! Il avait laissé Ernesto
se manifester sans se mettre trop en avant le laissant prendre sa place pour
mieux le faire tomber de sa chaise, par Zohra interposée, il avait réussi en
fait. Il avait suivi avec beaucoup de soin l’opération Cessna qui s’opposait
aux petits avions des trafiquants rifains. La guerre sera déclarée tôt ou tard,
Ernesto n’aura pas l’avantage, un contre tous, il sera laminé ! Cette
guerre du kif faisait prendre momentanément de la hauteur à certains, mais pas
suffisamment pour durer et prendre définitivement le commandement du trafic. La
police elle-même attendait, elle comptait les points, la guerre des truands lui
facilitait la tâche. Ernesto Dominguez était trop gourmand, il tomberait de
lui-même. La réalité lui donna raison, Ernesto était tombé, il restait à coincer
Abdelatif Dukhrezraoult. Pas facile, cela faisait des mois qu’il était
recherché, à Oujda à Tétouan sans résultat. Où pouvait- il être passé ? La
police n’était pas la seule à se poser la question, Zohra et son équipe
retournaient cette question dans leurs têtes sans trouver une réponse. Il
fallait que cette question soit résolue, il y avait des mois que cela était
posé et sans résultat. C’était une énigme, fallait-il poser la question à un
marabout ? Dukhrezraoult avait la faculté de se dissimuler, de se fondre
dans la population, d’être invisible aux yeux de tous, même aux yeux des gamins
d’Ahmed. C’était un miracle ! En même temps, il était resté dangereux,
prêt à bondir si le champ était libre. Zohra, Ahmed et Abdéramane restaient sur
leur garde, s’attendant à voir surgir un camion où une moto avec le passager
armé d’une Kalachnikov. Dukhrezraoult était toujours sur le sentier de la
guerre, un rien, et il tirait au canon. Il avait toujours des renseignements de
premières mains avec les gamins qui travaillaient pour lui jour et nuit. Il
n’était pas question de s’en prendre aux gamins, c’étaient encore des enfants.
Ils les voyaient roder autour d’eux comme des poules auprès d’un morceau de
pain. Cela finirait un jour, il faudra bien qu’il se découvre à un moment ou à
un autre ! Ce jour -là sera la fin du film. Pour le moment elle faisait
attention à ce que ses partenaires restent en vie, c’était une attention de
tous les instants, épuisante nerveusement, mais il fallait assumer : **Quam
ego utcumque usque mane**, je resterais debout quoi qu’il arrive ! Pour
l’instant Dukhrezraoult avait l’avantage. Caché au fond de sa tanière, il
surveillait, réfléchissait, menaçant à travers l’espace et intouchable. Il n’avait qu’à donner des ordres pour qu’ils
soient exécutés. Il ne lui restait plus beaucoup de soldats de la pègre
marseillaise, il devait faire extrêmement attention à ne pas perdre ses
derniers gardes du corps. Il réfléchissait à une attaque frontale avec Zohra et
ses deux partenaires, en pleine rue, s’était son dernier espoir d’abattre le
trio. Il sortirait avec les voyous qui lui restaient encore et frapperait fort
pour les anéantirent. Il fallait attendre une opportunité, ne pas se
précipiter. Il savait que c’était sa dernière chance. Il savourait à l’avance
ce jour qui le rendrait maître du RIF, du trafic de cannabis.
AHMED vint au café du
port rejoindre Zohra et Abdéramane, dans un souffle il expliqua que l’un de ses
gamins avait vu un Marseillais descendre du Havane, un cargo prévu à la
démolition. Il fallait en être sûr. Le gamin devait retourner espionner le
cargo et rendre compte. Le gamin était sûr de lui, c’était bien un Marseillais.
Abdéramane prendra la relève, rien ne pressait, il fallait en être absolument
sûr. Abdéramane resta deux jours à surveiller le Havane. Il aperçut plusieurs
fois un individu qui n’avait rien à voir avec les matelots chargés de garder le
navire jusqu’à la démolition, il en déduisit qu’l faisait partie de la garde
rapprochée de Dukhrezraoult. Abdéramane fit son rapport à Zohra C’était très
intelligent de loger dans ce vieux cargo. Il avait loué aux cinq hommes
d’équipage chargés de garder le rafiot, des cabines, la cuisine et les douches,
ceux-ci augmentèrent considérablement leur mensualité. De plus, personne ne
soupçonnerait leur présence dans le cargo, et ses hommes pourront être pris
pour les hommes d’équipage du Havane. Il avait trompé Zohra depuis des mois.
Elle entra en communication avec le colonel et lui donna son point de vue sur
l’élimination de Dukhrezraoult. Elle agirait la nuit, tirerait des traits
explosifs sur la coque du Havane et balancerait des billes explosives sur le
pont. Le Havane serait la proie des flammes, l’équipage serait anéanti. Pour la
protection de Zohra, Abdéramane et Ahmed, le colonel approuva le plan.
Cette nuit même deux
heures du matin, Zohra armée de son arbalète, posa un trait explosif, se tenant
à quatre vingt mètres du Havane, arma l’arbalète qui se tendit, la gâchette
enfoncée, la flèche de trente-huit centimètres de long vola à plus de cent
kilomètres à l’heure vers sa cible. La coque du Havane percutée, une immense
explosion se fit entendre, puis une deuxième par un deuxième trait lancé contre
la coque. Le feu se propageait sur toute la surface du navire. Zohra se
rapprocha du bateau à une dizaine de mètres, le maximum qu’elle pouvait
s’approcher. Elle balança trois billes explosives sur le pont et tout devait être détruit du pont aux cales du
Havane. Ce n’était que détonations et incendies. La police était déjà sur
place, de fait de leur statut, ils ne furent pas inquiétés. Elle leur confia
que Dukhrezraoult était à l’intérieur avec les marseillais. En se retournant,
elle aperçut un homme dans l’eau qui s’approchait du quai, un survivant. Il
s’accrocha au quai et monta tout dégoulinant d’eau de mer.
-Mais, c’est monsieur Dukhrezraoult,
je suis heureuse de vous connaître enfin, depuis le temps que je vous cherchais
- C’est toi salope, yahdur ce n’est pas
fini
Il n’avait pas la finesse de Giono ou
de Marcel Pagnol, mais on comprenait de suite ce qu’il voulait dire dans ce
langage châtié des faubourgs de Marseille.
Il mit sa main dans son veston, deux
policiers en faction, le ceinturèrent, lui passèrent les menottes ainsi qu’une
chaîne aux pieds. Baraka s'était terminé ! Les journaux firent les gros
titres avec son arrestation :le caïd de Marseille, tueur du professeur Hammoud
arrêté à Tétouan. Son procès fut retransmis à la télévision. Il refusa les
avocats proposés. Les chefs d’accusation étaient nombreux parmi ceux-ci :
le meurtre du professeur Hammoud, les meurtres de onze agriculteurs dans la
montagne au-dessus de Tétouan, meurtre de cinq pêcheurs et destruction
d’embarcation, tentative de meurtre sur deux agents du gouvernement ainsi qu’un
civil, destruction d’une habitation particulière, vente et recel de drogues
illicites, port d’armes prohibées. Au retour du jury après trois heures de
délibérations, le Président du Tribunal s’adressant au Président du Jury :
Monsieur le Présient du jury avez-vous
terminé vos délibérations ? Oui Monsieur le Président
-Nous condamnons monsieur Dukhrezraoult
à la prison à perpétuité sans allègement de peine.
-Salopards hurla-t-il à l’intention
du jury
Il n’arrêta pas de hurler des
insultes aux gendarmes qui en avaient vu d’autres.
Le trio fêta ce succès au restaurant
du port devant un plat de poissons et de la limonade. Zohra regarda AHMED dans
les yeux et lui dit
-Krouya, change de métier, la police
va tout mettre en œuvre pour liquider les trafiquants, ne tombe pas dans le
piège. C’était son au revoir.
-Il hocha la tête sans rien dire
Le lendemain, un petit avion
militaire les amena à l’aéroport militaire de Sidi Slimane. Un véhicule venu
les chercher, ils se retrouvèrent très vite devant le colonel. J’ai eu peur de
vous perdre leur dit- il, puis très vite il passa par une fausse colère sur
leur arrestation par la police de Tétouan, mais qui était un avertissement. A
aucun moment ils ne devaient se faire remarquer, là, c’était loupé et
c’était grave, le colonel sera dans l’obligation de prendre de nouveaux agents dans
l’avenir pour la région du RIF!
Zohra
se reposa, elle en avait besoin, elle dévorait des poèmes chaque jour chaabi, de
Ali Azaikou, de Sidi Kadour, repris ses kilomètres de nage dans le Sébou, couru
ses dix kilomètres le long du Sébou, provoquer le maître d’armes en combats
rapprochés, dormit, fit ses prières et dormir enfin paisiblement. Les enquêtes
devenaient de plus en plus violentes, elle y pensait souvent, le style Agata Christie
était terminé, ce n’était plus que meurtres et éliminations. Les malfrats ne se
donnaient plus la peine de composer, il y avait divergence, l’on tirait le
pistolet, l’on tuait. Elle-même était là pour éliminer. Le monde entier vivait
dans une violence inimaginable. Des crimes sordides étaient découverts. Le
MAROC n’échappait pas au contexte, des passagers d’autobus étaient pris en
otages, blessés à coups de sabre, rançonné dans les trains. C’était une époque ou Dieu n’existait plus.
L’amour du prochain avait disparu au bénéfice de l’égoïsme, du flouss. Elle en
était malheureuse. Son travail consistait à éliminer ces voyous pour le bien de
l’Etat ! Elle était consciente qu’elle ne pourrait rétablir la paix
sociale dans son pays. Elle s’était penchée
auprès du colonel de cette situation. Il fallait faire son travail, c’était
tout.
Deux
mois plus tard, les journaux annonçaient l’assassinat de Dukhrezraoult dans les
douches de la prison d’Oujda. Il a été égorgé avec un morceau de verre retrouvé
à côté du corps, pas d’empreinte. Les détenus n’avaient rien vu et rien
entendu. Zohra demanda des nouvelles d’Ahmed. La police qui le suivait à la
trace dit simplement qu’il s’était recyclé, il avait changé de métier. Il
habitait une petite maison de montagne au -dessus d’Oujda, il avait un troupeau
de chèvres et de moutons. Il avait planté également une centaine d’oliviers et
pensait fonder une famille, ZOHRA était heureuse pour lui. Il avait pris le bon
chemin ! Grâce à Ahmed tout n’était pas négatif dans cette enquête, oh
combien difficile. Elle se replongea dans la lecture de poèmes beaucoup plus
épanouie, Inch Allah.
J’informe mes aimables et chers
lecteurs que tous les patronymes arabes et autres qu’ils trouveront dans ce
tome ont été choisis au hasard dans les listes de noms d’Internet ou inventés.
Tout homonyme ne serait que le fruit de pure coïncidence. AG
Références
Petit Futé, Grande
Mosquée de TETOUAN
Wikipédia, OUJDA et
TETOUAN
Larousse, Mirhab
Wikipédia, zelliges
HATTILA, publicité arcs et arbalètes
de chasses
Corrections
Antidote
Commentaires