LE CORBILLARD D’ARABIE, les affres du terrorisme


C




Elle a comme mission de détruire une grande famille d'Arabie Saoudite qui finance les mercenaires terroristes d'Al Quaida. Ses aventures l'amène jusqu'en Afrique noire.




LA GOMME,

LE CORBILLARD D’ARABIE

Par Ali GADARI

 

Capitaine, je vous charge d’une mission très délicate, les services du Mossad israéliens et nos agents dormants nous signalent que l’Arabie Saoudite continue de financer Al Qaida et Aqmi, ce qui leur permet de s’armer, de payer des nervis et d’organiser des attentats au Maghreb et en Afrique sub-saharienne. Votre rôle sera d’éliminer ces financiers. Leur famille est grande, importante, immensément riche, proche du pouvoir sans toutefois appartenir à la famille royale. C'est une tâche difficile, mais je vous fais confiance. Vous serez munie d'un passeport diplomatique, vous apparaîtrez comme ingénieur de l’informatique et du réseau téléphonique, et l’ambassade vous couvriront en cas de besoin. Lorsque vous arriverez à Riyad, présentez- vous à l’ambassadeur, il vous remettra vos armes. Comme vous le savez, l’Arabie Saoudite n’est pas un pays démocratique,tant s’en faut, qui pratique la torture, le trafic d’êtres humains, et ne parlons pas de la condition réservée aux femmes. Une pauvreté chronique y règne, en particulier pour les travailleurs étrangers, alors que la richesse pétrolière explose, et enrichissant la famille royale et quelques nantis. En mille neuf cents trente-deux est arrivé au pouvoir et proclamé roi, Ibn Saoud. La richesse de ce pays provient du pétrole, et l'Arabie Saoudite est devenue le chef du cartel des pays pétroliers. Dans les années mille neuf cent quatre-vingt, les ultras conservateurs et fondamentalistes s'emparent du pouvoir après la prise de la mosquée de La Mecque. La Muttawa, police des mœurs, s’assure que tout ce qui se passe dans le royaume n’enfreint pas les règles de l’Islam rigoriste, le wahhabite. La musique, le théâtre ne sont pas autorisés en public. La ségrégation sexuelle est fortement accentuée et le port du voile intégral obligatoire. Voilà très rapidement présenter le tableau. Vous devrez donc toujours vous vêtir d’une burka, et Abdéramane devra porter la tenue masculine en usage dans ce pays. Occupez-vous donc de la famille Fashoghi, qui trafique avec Al Qaida, et se compose du père régnant sans partage dans sa famille et dans le monde des affaires, de ses deux fils et de ses trois neveux.

Paris, mercredi 8 septembre, il était alors vingt et une heures au restaurant Ma Cuisine, établissement luxueux coté cinq sur cinq par quatre grands spécialistes culinaires. Une longue voiture noire, la limousine Mercédès 300D Classique, brillante et impressionnante, s’arrêta le long du trottoir. Le chauffeur, aidé d’un employé du restaurant en uniforme et casquette s’empressa d’ouvrir la porte aux trois passagers, lesquels s’engouffrèrent rapidement dans le restaurant sous les courbettes, compliments et remerciements d’usage. Six tables seulement dans l’établissement. L’une d’elles leur avait été réservée. Aidées par deux membres du personnel, les jeunes femmes s’assirent de même qu’un jeune homme élégant, habillé à l’européenne, qui portait à l’index gauche une impressionnante bague en or sertie d’un diamant. Bassam Siraj, fils aîné de Mohamed Fashoghi, loin d’exercer la pratique de l’Islam wahhabite qu’il impose lui-même dans son pays, s’adonnait aux plaisirs de la chair et de l’alcool. Les deux jeunes femmes, des demoiselles de compagnie payées à prix d’or, l’accompagneraient ensuite vers un hôtel de luxe, toutefois discret, situé dans le quinzième arrondissement, pour l’une de ces bacchanales dont Bassam Siraj était friand. Il avait choisi le menu : caviar, fruits de mer avec homards de la Baltique, daurade aux truffes, salade variée et glaces parfumées, le tout arrosé de champagne Louis Roedérer. Le bougre ne se privait de rien. Il appréciait le spectacle qui accompagnait les repas, les danseuses nues et un chanteur de charme. A une heure du matin, il se leva en compagnie des jeunes femmes, et laissa un pourboire qui équivalait au salaire mensuel d’une femme de ménage. Les employés obséquieux s’inclinèrent sur son passage. Il sortit le premier sur le trottoir, s’arrêta quelques instants comme pour humer l’air environnant. Il eut juste le temps de percevoir un sifflement avant de s’écrouler sur le trottoir dans une flaque de sang, la gorge transpercée d’une flèche en acier de trente centimètres de longueur. Une moto démarra et disparut dans les rues de Paris. Le gouvernement français dépêcha une équipe de spécialistes sur les traces du tueur. Le Président de la République salua les mérites de feu Bassam SIRAJ et envoya un diplomate pour représenter la France auprès du cheikh Fashoghi. L’Arabie Saoudite était un allié précieux pour la France, non seulement pour le commerce du pétrole, mais aussi pour l’armement fourni à l’Arabie : les avions de chasse MIRAGE 2000 ; le RAFALE, qui était une petite merveille d’avion de combat, un bi réacteur volant à mille neuf cent kilomètres- heure, capable d’atteindre quinze mille mètres d’altitude en soixante secondes. Des chars légers aussi, rapportant des milliards d’euros à l’économie française. La police n’avait pas retrouvé l’assassin de Bassam Siraj, et le gouvernement qui craignait pour ses futurs rapports avec l’Arabie Saoudite, multipliait les courbettes diplomatiques.

A Riyad, le samedi onze septembre à seize heures, Zohra, Driss et Abderamane passèrent à l’ambassade du Maroc dès leur atterrissage à l’aéroport du Roi Khaled où les attendait l’ambassadeur. Après les présentations il leur remit une valise que Zohra ouvrit devant lui. Elle y trouva son arbalète, son pistolet mitrailleur Glock et le petit pistolet pneumatique à aiguilles ainsi que les Béretta de Driss et Abdéramane. L’ambassadeur ne dit mot, mais resta un moment interloqué devant l’armement, en particulier devant l’arbalète en acier. Ils parlèrent du travail à effectuer en Arabie Saoudite, l’ambassadeur leur recommandant une grande prudence. Rentrés à l’hôtel, où des chambres leur avaient été réservées, ils tinrent conciliabule au sujet de la famille Fashoghi. Ils ne sont plus que cinq. Bassam Siraj avait été liquidé par Zohra, et Abdélassam à Paris. Une organisation sans faille était indispensable pour parvenir à leurs fins. Toute la police royale serait à leurs trousses, sans compter les agents de la Muttawa. Réfléchissons, ayons des idées et agissons ensuite. Abdéramane proposa de commencer par le cheikh et son fils : les abattre avant le reste de la famille serait un exemple. Mais cela risquait de les inciter à se replier sur eux-mêmes, s’enfermer avec une armée de garde du corps, il serait plus facile de les localiser, mais plus difficile de les abattre. De toute façon il fallait laisser le temps au temps. Abdéramane et Driss regagnèrent leur chambre. Zohra réfléchit à ces propositions et s’endormit après avoir fait sa prière. Le lendemain, sans armes, ils déambulèrent dans Riyad pour mémoriser l’environnement. La grande mosquée Al Rajhi était magnifique, en face d’un hôtel somptueux. Le pouvoir autocratique donnait à Riyad des contrastes surprenants. D’une part, des palais, de splendides lieux de culte érigés pour Allah, et de l’autre, des masures alignées le long de rues peu engageantes. La Kaaba, mosquée sacrée, lieu incontournable pour les croyants qui en avaient les moyens, aurait été édifiée par Adan. Le jour de la grande prière du Jun’Ah, le vendredi à midi était pratiquement une obligation pour tous les hommes. Après avoir fait leurs ablutions et s’être parfumé le corps pour rendre grâce au seigneur, ils entraient pieds nus dans la mosquée. L’Arabie Saoudite aurait, semble-t-il, dépensé quarante-cinq milliards de dollars pour financer la construction de mille cinq cents mosquées, en particulier dans les pays où les musulmans sont minoritaires. L’Arabie Saoudite imposait le courant rigoriste wahhabite dans la pensée sunnite. La Boutique nom donné par les agents au service avait fabriqué un faux certificat de mariage à Abdéramane et Zohra pour qu’ils puissent se promener en paix l’un derrière l’autre sans être coincés par la Muttawa. Ils habitaient provisoirement à l’hôtel, une situation qui n’était pas du goût de Zohra, même si ces deux complices respectaient les distances entre eux. Avec l’aide de l’ambassadeur, ils louèrent très vite une villa dotée d’un certain panache. Ils n’oubliaient pas qu’ils avaient un passeport diplomatique, et aussitôt installé ils haussèrent le drapeau marocain au fronton. Les apparences étaient sauves. Driss passait pour le chauffeur et le garde du corps, il possédait un permis de port d’armes, Avec la villa, ils louèrent aussi une limousine Mercedes Bifaro à faire rougir les pavés de Riyad. Driss en était le chauffeur zélé, et porteur d’un pistolet mitrailleur des armureries Auxerre de neuf millimètres GSG au cas de danger.

Ils avaient fait le tour de la ville en enregistrant soigneusement dans leur mémoire les quartiers, les rues, les ruelles, les particularités de Riyad, les villas de la famille Faghoshi. Ils étaient étonnés de tant de taudis encore debout. Ils auraient voulu commencer par le père et le plus jeune fils sortant de la grande mosquée. Cela s’était avéré impossible. La mosquée donnait accès à une grande place dépourvue de tout emplacement susceptible de les mettre à l’abri en cas de tirs. Il faudrait trouver un autre environnement. Le frère cadet, Kazim, logeait dans une splendide villa parmi les palmiers, au centre d’un magnifique jardin. Zohra demanda au Colonel de lui faire parvenir par la voie diplomatique dix flèches explosives fabriquées par la Boutique. Ils attendirent le bon moment, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. L’arbalète, exécutée et modifiée par la Boutique, envoyait un trait jusqu’à cent vingt mètres. Ils avaient observé depuis plusieurs semaines les habitudes de Kazim et du cheikh Mohamed qui n’habitaient pas la même villa. Les portes, gardées par une dizaine d’hommes, s’ouvrirent devant la somptueuse automobile conduite par un chauffeur en costume, casquette vissée sur la tête. C’était vendredi. Zohra et Abderamane s’étaient postés derrière un palmier et une petite clôture de bougainvilliers, pour observer soigneusement leurs agissements. Zohra ajusta son arbalète, la chargea d’une flèche et l’automobile explosa, tuant ses passagers, Mohamed Fashoghi et un ami qui se rendaient à la mosquée. Zohra et Abdéramane disparurent sans être inquiétés, l’absence de coups de feu n’attirait pas l’attention sur leur présence. Cette famille tout près du pouvoir avait été agressée. La famille royale exprima des regrets et s’en prit aux nombreux contestataires du royaume, menaçant tous ceux qui s’attaquaient aux familles dominantes. Une dizaine de rebelles furent arrêtés et torturés, et l’un d’eux mourut après ces sévices. C’était la première fois qu’un tel évènement avait lieu en Arabie Saoudite. La police était sur les dents. Une arme nouvelle avait été employée, il était techniquement impossible que l’automobile ait été piégée. Ce qui intriguait la police, c’était le silence qui entourait l’utilisation du projectile. Elle ne trouva pas le lieu exact d’où il avait été lancé. Un lance- roquettes aurait produit une détonation, permettant de situer le tireur. Quelle était cette arme silencieuse ? Zohra et Abdéramane se devaient d’être prudents, la famille Fashoghi, sur ses gardes, avait renforcé sa troupe de nervis. Le cheickh mort, la famille était en ce moment intouchable en raison d’une sécurité renforcée. Il fallait temporiser.

Le frère cadet, Kazim, habitait une villa de rêve, entouré de serviteurs dévoués. La villa était défendue par une armée de gardes tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Pas question d’une attaque frontale. Il aurait fallu un drone… un matériel difficile à dissimuler. Abdéramane se promena discrètement autour de la villa, défendue, difficilement approchable. Une idée lui vint. Dans une masure en cours de destruction en face de la villa, il serait possible, la nuit, de se hisser sur un mur pour mieux observer la villa, et la détruire avec les traits explosifs. Deux nuits plus tard, ils revinrent. Un éclairage agressif illuminait la villa. Des gardes étaient de faction devant l’entrée. Un trait bien ciblé pourrait détruire une grande partie de la villa et mettre le feu, entraînant la mort du frère cadet. Le problème, c’était que des femmes résidaient à l’intérieur de la villa. Zohra ne voulait pas de dommages collatéraux. Ils descendirent du mur et rejoignirent leur logement. C’était pourtant une bonne idée ! Ils surveillaient toujours, sans progrès notable toutefois.

Avant que son frère Bassam Siraj soit assassiné à Paris par Zohra, son cadet habitait avec lui dans une partie réservée dont la surface approximative pouvait être estimée à deux cents mètres carrés. Il était célibataire, avait une vie très particulière, loin des dogmes de l’Islam, il s’adonnait aux plaisirs de la chair et buvait de l’alcool. Zohra et Abdéramane acquirent une meilleure connaissance de l’individu grâce à une rencontre impromptue. Un soir, une jeune femme se présenta à la porte, pensant que c’était une annexe de l’ambassade. Marocaine, native d’Oujda, elle demanda de l’aide, raconta son histoire. Elle était venue travailler, munie d’un contrat de trois ans, chez cet homme de la famille Fashoghi. Dès son arrivée, il lui avait confisqué son passeport. Elle travaillait douze heures par jour, courses, lavage, repassage, cuisine et nettoyage des locaux. Elle n’avait reçu aucun salaire depuis deux années. Dernièrement il lui avait demandé de dormir avec lui, ce qu’elle avait refusé. Elle était fiancée et devait se marier en rentrant au MAROC. La tradition islamique veut que la jeune fille soit vierge pour sa nuit de noces. Il fut brutal, la battit et la menaça, furieux de ses refus réitérés. Il la viola, la fouetta avant de la jeter à la rue. C’est ainsi qu’elle aboutit dans la villa de Zohra, qui, comprenant son traumatisme, tenta de la consoler. Elle était passée par là en Afrique. Restez ici, lui dit-elle, Ne répondez pas si on sonne à la porte, et donnez- moi votre téléphone. Je vais le détruire pour effacer toutes traces. Décrivez-moi la situation de la villa et les propres appartements de votre employeur.

La villa est très grande et très riche. Le frère aîné Bassam Siraj disposait de la moitié de la villa, la seconde en est séparée par un large corridor. Le grand salon donne sur le jardin, protégé par le mur en béton, et la cuisine est du côté du corridor, les chambres du côté opposé au salon. Aucune présence de femmes sauf quand il organisait des fêtes orgiaques, en général les mercredis dans la piscine.

- Vous m’avez bien comprise, Leilla, ne sortez d’ici à aucun prix.

-Elle acquiesça

-Nous allons faire quelque chose pour vous.

Le salon donnait sur le jardin protégé par un mur. A l’extérieur quatre hommes montaient la garde, tout comme à l’intérieur. Il faudrait se débarrasser des nervis en premier, l’arbalète serait d’un secours efficace. Pour les gardes à l’extérieur, pas de difficultés majeures, mais pour l’intérieur c’était autre chose. Ils seraient immédiatement repérés sur le mur. C’est Leilla qui suggéra une solution. Il existait une petite porte en fer dans le mur du côté des chambres. De là Zohra pourrait fusiller le garde à proximité, puis, la porte ouverte à l’aide de matériel adéquat, ils s’occuperaient des autres gardes. Zohra de l’un d’eux, Abdéramane et son Beretta doté d’un silencieux de l’autre. Driss serait en couverture. Cela semblait réalisable. Ils entreraient dans la villa, tête cagoulée, menaceraient et ôteraient la vie du cadet après avoir récupéré la somme d’argent et le passeport qu’il devait à Leilla. Ils s’enfuiraient par la petite porte. Zohra aurait remis sa burka et Abdéramane ressemblait, copie conforme, à un natif du pays. Ils réfléchirent encore pour peaufiner l’action à développer.

Zohra, Driss et Abdéramane surveillaient nuit et jour, à tour de rôle, les agissements de Kazim. Un matin, une automobile inhabituelle dans ce lieu entra dans la villa. Zohra eut le temps de photographier les passagers au téléobjectif infrarouge miniaturisé. Photographie retransmise aussitôt au colonel de la Boutique. Le soir, la sonnerie discrète de la montre de Zohra appela son attention. Capitaine, l’individu aperçu dans l’automobile est Omar Tazrabt, d’origine Chleue d’Algérie, chef du groupe salafiste d’AQMI dans toute la région sub-saharienne. Il a été reconnu sans ambiguïté par le Mossad israélien. Omar venait chaque jour de la semaine voir Kazim. Les tractations devaient être difficiles. Le vendredi, il sortit de la propriété avec lui, chacun dans son véhicule, pour se rendre à la mosquée. Quand il eut pris une centaine de mètres d’avance, l’arbalète de Zohra lança un trait explosif sur la tôle de l’automobile, aussitôt cernée de hautes flammes. L’explosion se fit entendre dans tout Riyad. Pendant ce temps, les deux membres de la boutique avaient pu s’éclipser et rejoindre leur villa. La police essayait de trouver un indice, la direction du tir, derrière tous ces attentats. La Mutawa faisait régner la terreur, s’introduisant dans les domiciles, menaçant les familles. L’armée pensait que le lanceur était un fusil transformé, muni d’un silencieux et envoyant des flèches en acier avec une étonnante précision. Petit à petit, Riyad ressemblait à une prison. Le terroriste mort, il fallait régler au plus vite le problème de Kazim. Il avait été soulagé de voir que l’assassinat ne visait qu’Omar Tazrabt, sans doute la vengeance d’un autre groupe terroriste du Sahel. Lors de l’explosion, il avait eu la peur terrible de subir le même sort, après le meurtre de son père et de son frère aîné. Il ne comprenait pas les motivations des tueurs envers sa famille. Zohra et Abdéramane auraient pu également détruire son véhicule, mais il fallait qu’il s’explique sur le cas de Leilla et qu’il sorte le passeport et des billets de banque de sa poche. Son assassinat était reporté, mais aurait lieu comme prévu.

Le jeudi, sous la pleine lune, à deux heures du matin, ils se faufilaient avec prudence dans l’ombre résiduelle. L’arbalète de Zohra abattit le premier garde qui lui tournait le dos en fumant une cigarette. De la même place, elle sacrifia le deuxième, debout contre le mur, d’un trait dans la gorge. Elle se déplaçait sans bruit, trouva le troisième larron adossé à la porte d’entrée, un genou replié, la chaussure contre la porte. Un trait le meurtrit irrémédiablement, et Abdéramane, venu de l’autre côté, ne laissa aucune chance au quatrième gardien en lui logeant une balle de Beretta, mode incognito, dans la tête. Ils coururent vers la petite porte en fer située dans le mur du côté des chambres. Zohra l’ouvrit avec un passe-partout électronique. Elle grinça, mauvais augure… Et un garde arriva, curieux, avant de tomber aussitôt, percé par un trait d’arbalète à la tête. Il en restait trois. Zohra et Abdéramane s’avancèrent en catimini, longeant le mur de la villa. Juste dans l’angle, ils étaient en conciliabule. Zohra arma son outil, le premier tomba, rejoint par les deux autres exécutés par Abdéramane et Driss dans le silence le plus complet. Ils firent marche arrière pour rejoindre les chambres. Zohra coupa une vitre et ils s’introduisirent dans la villa. Tous portaient des chaussures à semelle de crêpe silencieuses. D’après les détails fournis par Leila, le salon était sur le côté opposé aux chambres. Kazim était assis dans un super sofa, un verre de champagne à la main et un havane aux lèvres. Il ne se refusait rien, le croquant. Il sursauta en les voyant arriver, cagoulés. La peur se lisait sur son visage, la sueur ruisselait sur ses tempes.

-Que me voulez-vous ?

-Nous voulons le passeport de Leilla et l’argent que tu lui dois!

-Je vous les donne, je vous les donne, du calme, je n’ai rien fait.

-Oh si ! Aétuni, donne ce que tu dois. Tu as commis un crime envers Allah, tu vas le payer, mais avant, paye. Kazim remit cinquante mille dollars et le passeport, avant qu’une balle du Beretta le fige définitivement sur le sofa. Ils se rhabillèrent, façon saoudienne, et sortirent tranquillement. Et de quatre, commenta Zohra. Il reste les neveux avec Radwan, entouré de ses quatre femmes et de ses enfants. Leila avait été d’un atout précieux en indiquant avec précision le plan de la villa. Ils lui remirent en rentrant l’argent et le passeport. Un large sourire éclairait son visage , et ils ne lui révélèrent pas la punition subie par son patron. C’est encore elle qui fournit une indication concernant les femmes. Celles-ci assistaient chaque semaine avec leurs enfants à un défilé de mode qu’elles appréciaient beaucoup. Une créatrice saoudienne, Mashel Alrhaji, avait beaucoup de succès. Leila les avait déjà accompagnés pour s’occuper des enfants. Elles s’y rendaient tous les mercredis, laissant Radwane seul avec les filles qu’il avait fait venir, protégé par les gardes du corps de la villa. C’était enfin l’opportunité d’agir. Ce mercredi ils assistèrent au départ des femmes et des enfants protégés par une armée de gardes du corps. Montée sur le mur de la masure, Zohra arma son arbalète d’un trait explosif, visa le centre de la villa, et la flèche propulsée à grande vitesse atteignit sa cible. Le bâtiment explosa, sombra dans les flammes, et Zohra se dépêcha de réarmer et tira à nouveau sur le côté droit. Tout fut détruit en quelques secondes. Rapidement ils se fondirent dans la foule apeurée et inquiète. La presse accordait une place importante à ces évènements. Quel groupe s’en prenait ainsi à l’une des familles les plus riches du pays ? La police penchait pour la vengeance d’un groupe terroriste qui n’aurait pas obtenu satisfaction sur le plan financier, mais sans preuve ! La famille Fashoghi avait été meurtrie dans le sang depuis quelque temps. La presse rappelait les faits, le chef de famille, ses deux fils, ses deux frères…qui seraient les suivants ? Le pays était devenu une terre de ragots, de trahisons. Tout était analysé et le recours à la torture était même envisagé. Les opposants étaient systématiquement emprisonnés, battus, humiliés. La moindre suggestion était immédiatement traitée en complot contre la monarchie. Tortures et assassinats s’ensuivaient. Le Roi voyait une tentative de déstabilisation de son régime, venu du Yémen, pays qu’il avait réduit au silence par les armes. La muttawa avait reçu le feu vert pour mettre son nez partout. Arrogante, elle s’arrogeait des droits, bien loin du respect de la liberté. Tout individu suspecté de vivre à l’encontre de la charia était immédiatement supprimé, liquidé sans procès. Heureusement Zohra, Driss et Abderamane étaient protégés par leur passeport diplomatique, mais en tant qu’étrangers ils avaient été souvent arrêtés et maltraités par la muttawa, poussés contre un mur L’Arabie Saoudite sombrait dans le cauchemar de la peur et de l’autoritarisme. Leur villa n’avait pas été fouillée du fait de leur représentation marocaine. Pourtant, un jour, un commando de la muttawa les avait arrêtés, insults à la clef. Zohra se rebiffa, sa jambe se détendit sur le premier des nervis, qui s’effondra la gorge bloquée. Le second subit le même sort, touché à la tempe, et tous deux rejoignirent rapidement le pays des enfers du roi Shaiitane. Zohra fut rapidement emmenée par la muttawa, et enfermée dans leurs locaux. La muttawa devenait dangereuse, elle s’attaquait à quiconque. Cette police s’octroyait des droits incompatibles avec la liberté de croire ou de circuler. Le pouvoir s’en servait dans le but de créer la peur et faire recroqueviller le peuple des croyants sur eux-mêmes. Abdéramane et Driss avisèrent immédiatement le colonel, qui fit le nécessaire auprès de l’ambassadeur pour qu’il intercède très vite auprès de sa Majesté le roi d’Arabie Saoudite. Celui-ci, confus, prit l’affaire en main, ordonna à son secrétaire particulier d’intervenir rapidement auprès de la muttawa. Une dizaine de soldats, gardes de sa Majesté, s’immiscèrent dans les locaux de la muttawa, abattirent systématiquement tous les membres de cette « association du crime », afin de prouver aux ambassades étrangères qu’il faisait respecter la loi. Zohra, le visage tuméfié, portant la trace de coups sur sa poitrine dénudée, le ventre et les jambes, était étendue, inconsciente, sur le canapé du salon. Le chef d’escadron la recouvrit d’un drap, et la fit transporter en urgence à l’ambassade du Maroc, où elle fut prise en charge par les médecins du service. L’ambassadeur émit une protestation officielle auprès du Roi d’Arabie, notant tous les symptômes occasionnés par la muttawa. Le Roi du Maroc lui adressa aussi un message clair, rappelant les liens d’amitié entre les deux pays. Un réel risque de rupture diplomatique entre les deux pays subsistait. L’Arabie envoya un diplomate à Rabat, chargé de rétablir la confiance  avec un chèque de cinquante millions d’euros. En dehors de ces tractations, les médecins avaient examiné Zohra, « bien arrangée » par les sbires de la muttawa. Ils appliquèrent immédiatement de la glace sur toutes ces parties du corps pour faire dégonfler les plaies dans un premier temps, lui injectèrent un antidouleur. Cinq jours plus tard, compte tenu d’une évolution favorable, ils remplacèrent la glace par de l’huile essentielle d’hélichrysum d’Italie, l’huile du boxeur. Zohra souffrait des jambes, du ventre et de la poitrine, et avait le nez cassé à la suite des coups violents donnés par les sbires de la muttawa. Ses pommettes avaient retrouvé leur arrondi, et un jour, elle fut transportée dans une salle de l’ambassade désinfectée et transformée en salle d’opération où, allongée, elle fut rapidement endormie. Rédouane Khafrézi, chirurgien militaire envoyé spécial du ministre des armées, lui refit un nez superbe, presque plus beau qu’avant. Les coups qu’elle avait reçus sur les jambes et le corps l’empêchaient de se mouvoir, et retrouver leur usage normal nécessiterait beaucoup de temps. Driss et Abdéramane avaient trouvé un jeu très amusant durant l’absence de ZOHRA, une sorte de jeu de quilles, un élément de la muttawa, une balle perdue de sorte que les effectifs avaient rapidement fondu, conjugués avec celui détruit par la garde privée de sa Majesté. Ils venaient voir Zohra tous les jours dans une grande limousine noire, ornée de deux petits drapeaux marocains sur les côtés du capot, portant l’immatriculation de l’ambassade achetée lors de leur installation dans la villa. De ce fait, ils pouvaient circuler rapidement et en paix depuis les évènements. Driss jouait le rôle du chauffeur. Il fallait finir le travail, et une fois remise, Zohra continuerait de coordonner leurs actions. La famille Fashoghi était gardée comme la banque du Maroc. L’un des neveux habitait à une quarantaine de kilomètres de RIYAD. Driss et Abdéramane décidèrent d’aller visiter le village et, par là même, la villa du neveu, protégée par une véritable armée. Il n’y avait aucune possibilité d’entrer. Une dune s’était plantée devant le grand portail sous l’effet du vent, à deux cents mètres environ. C’était insuffisant pour les dissimuler. Elle était isolée et l’environnement ne se prêtait pas à une attaque. Une palmeraie se situait à quatre ou cinq cents mètres de la villa, trop loin pour lancer un trait explosif et elle était occupée en permanence par des bédouins ! Cette enquête demandait, comme chaque cas particulier, beaucoup d’anticipation. Ils s’installèrent plusieurs jours avec les bédouins, accueillants au demeurant. Dormant sous la tente, participant aux discussions avec eux, ce fut un court séjour, intéressant de par la découverte des habitudes des nomades. C’était un monde à part. Ils n’avaient aucun lien avec les gens des villes et villages sauf pour le commerce. Ils n’en parlaient pas, mais ils nourrissaient une forte animosité contre la muttawa, qui leur occasionnait beaucoup de problèmes du fait de leurs coutumes de vie. Le neveu de la villa, chef de la muttawa locale, était investi de beaucoup de pouvoirs dont il abusait. Il recevait en retour une haine féroce. Zohra se dit que c’était peut- être une ouverture, et elle demanda à ses compagnons de réfléchir au problème. Abdéramane en parla au chef des nomades, car Zohra, en tant que femme, n’aurait pas eu le crédit attendu. Celui-ci n’était pas hostile à une expédition punitive contre le caïd de la muttawa, lequel l’empêchait de se rendre à Médine. Un plan fut discuté avec le chef bédouin. Le caïd ne se méfierait pas des nomades qui abritaient Abdéramane et Driss. A cent mètres maximum, l’arbalète récupérée par Abdéramane, armée d’un trait explosif, serait lancée sur la garde extérieure, puis rechargée, ferait exploser la villa grâce à la brèche ouverte dans le mur. Le plan fut exécuté comme sur le papier, et les bédouins ne furent pas les derniers à tirer sur les gardes. Arrivés à proximité de la villa en caravane prête à partir, les gardes de la villa ne s’en préoccupèrent pas, habitués à leurs déplacements. Montés sur des chameaux, Driss et Abdéramane, le visage enturbanné de bleu, étaient anonymes. L’arbalète, cachée entre la bosse de l’animal et son cou, détendit son ressort sur un geste d’Abdéramane. La flèche atteignit la garde extérieure et le mur par une explosion, nettoyant l’environnement. Une autre flèche, vite rechargée sur l’arbalète, frappa la villa, et ce fut l’enfer, flammes et destructions. Un nettoyage de plus ! Il restait encore deux frères du neveu à liquider. Le colonel était satisfait du résultat, mais conseilla aux hommes de Zohra d’être très prudents. Ils devaient en être au stade de rechercher de cloportes dans les tapis.

 Chacun des deux derniers frères habitait une villa différente. La disparition de leur frère avait été un rude coup ainsi qu’à l’organisation de la muttawa. Ceux-ci s’étaient volatilisés, plus de traces, de la fumée ou du brouillard. Driss et Abdéramane durant une semaine remuèrent ciel et terre sans succès. Ils avaient été bernés ! Un bruit courait sur la possibilité d’un refuge à Jubail, dont le port, autrefois un petit port de pêcheurs, offrait des perspectives d’évasion. Aujourd’hui, s’étendant sur une superficie de soixante-quinze hectares, c’était une ville industrielle et commerciale moderne dénommée Madinat Al Jubay As Sina Iyah, (Jubail Industriel City), et l’un plus importants ports de l’Arabie Saoudite, où transitaient produits chimiques, engrais, sidérurgie. Une base navale importante de la marine royale saoudienne et une base aérienne de la Royal Saoudi Air Force le défendaient. Rendons à César ce qui est à César, la misère est endémique au Royaume, mais l’ensemble abrite la plus grande compagnie pétrochimique du Moyen- Orient, et au niveau mondial elle se place à la quatrième place. Abdéramane souffla à Driss que Jubail abritait également La Sabic, l’une des plus grandes usines au monde de dessalement d’eau de mer appartenant à la compagnie Marafiq, qui fournissait cinquante pour cent de l’eau douce du pays. Arrivés à Jubail, ils se mirent à la recherche du bateau de plaisance des deux frères, et le trouvèrent amarré sur le quai VII B destiné aux bateaux de plaisance. C’était un confortable bateau à moteur de trente mètres de long portant le nom de Jouj Jémoula, les Deux Chamelles. En plus de l’équipage, une armée de gardes du corps hantait les espaces. Ils passèrent de nombreux jours à observer. Ils allaient sans doute bientôt lever l’ancre, car des provisions arrivaient sans cesse, passées au crible. Les deux frères étaient invisibles, gardés par une armée de nervis payés à prix d’or. Il n’y avait pas de femmes à bord. Tant mieux, il n’y aurait pas de débordement. Le jour J approchait. Un camion-citerne empli de fioul approcha et le chauffeur, aidé par un matelot, remplit le réservoir du bateau. L’ambiance était morose, la joie ne se reflétait pas sur les visages pour le voyage envisagé. Le golfe persique débouchant sur l’océan indien, il y aurait de l’espace. Le capitaine du navire avait fait et refait le point, il fallait s’éloigner au plus vite de Jubail. Trop d’interrogations et de soucis hantaient les esprits. C’était une échappatoire, une fuite, mettre de la distance entre l’Arabie Saoudite et les derniers membres de la famille Fashoghi. D’autant qu’ils ignoraient toujours qui voulait la destruction de la famille. Cette interrogation alimentait la peur, elle ne disparaîtrait que lorsqu’ils sortiraient du golfe. Abdéramane et Driss étaient toujours assis au bout du môle, à surveiller Jouj Jémoula. L’heure était venue, le grand bateau de plaisance s’éloigna du quai en se dirigeant tout doucement vers la sortie du port. Abdéramane déplia son arbalète, fixa un trait explosif et attendit que le bateau s’engage sur la route du golfe. La flèche zébra la nuit, atterrit sur la coque, provoquant une énorme explosion. C’était fini. Sans se presser, ils revinrent vers le complexe industriel sans être inquiétés. Revenus à la villa, ils filèrent à l’ambassade. Zohra appela le Colonel et lui fit part du succès de l’opération.

           L’ambassadeur du Maroc les appela en urgence dans son bureau en présence de Zhora.

-Jusqu’à présent, vous avez réussi toutes les opérations de nettoyage, mais il subsiste un doute sur la présence de Jawhar Mathlouthi sur le bateau que vous avez fait exploser. Troisième enfant de la quatrième femme de Mohamed Fashoghi engagé dans le djihad, caïd actif au Niger, c’est lui qui négocie le financement des groupes armés au Sahel et sub-sahariens. Il aurait dû être sur le bateau, mais de nouveaux éléments sont apparus :il aurait pris l’avion à Jubail l’après-midi de l’attentat. L’un de nos agents à l’aéroport l’aurait aperçu. Si cela s’avère exact, votre travail n’est pas terminé, loin de là. Je vous donnerai tous les éléments en ma possession après le rapport complet de notre agent.

-De toute façon, nous devons attendre le complet rétablissement de notre agent, Zohra avant de poursuivre notre travail, dit Abderamane. D’ici là, nous sommes coincés. Cette enquête pourrie est devenue incontrôlable avec la disparition de Jawhar, cet élément perturbateur que nous n’attendions pas.

Le lendemain, il fut confirmé que Jawhar avait pris l’avion pour Tripoli, capitale de la Libye, suivi comme son ombre par l’homme de l’ambassade. Il avait changé son plan au dernier moment. Avait-il appris ce que Driss et Abdéramane projetaient ? Cela semblait improbable vu la discrétion de derrière le chameau avec laquelle l’opération avait été préparée. Ce Jawhar arrivait de nulle part, il n’était pas attendu, mais c’était un élément à abattre, plus difficilement sans doute que le reste de la famille Fashoghi . Les ecchymoses avaient laissé place à quelques traces rosées sur la peau de Zohra, son visage avait retrouvé sa beauté originelle, son nez était neuf et ne présentait plus un aspect écrasé. Elle parvenait à se relever, son dos et son buste retrouvaient une certaine aisance, elle marchait encore difficilement, mais l’entraînement auquel elle s’adonnait chaque jour laissait augurer un retour à la normale d’ici deux ou trois semaines. Elle se forçait à marcher, protégée par la limousine, puis à courir. Elle ne s’était jamais plainte, faisant l’admiration d’Abdéramane et de Driss. La culture physique, les massages pratiqués par le kinésithérapeute de l’ambassade, les courses dans Riyad lui avaient redonné souplesse et vivacité. Elle se sentait  prête à retourner au combat. L’ambassadeur la félicita pour son courage

-Vous avez fini votre travail en Arabie Saoudite. La famille Fashoghi se résume présentement aux quatre femmes de Mohamed, aux épouses d’autres membres de la famille et aux petits enfants. Vous avez réussi au-delà de nos espérances. Je vous félicite pour votre efficacité, votre discrétion. Vous verrez avec le colonel, votre enquête vous appelle dorénavant sur un autre terrain de chasse. L’Arabie Saoudite restera malheureusement un pays de refus du progrès pour le peuple, mais les richesses apportées par le pétrole seront réduites à néant par l’assèchement de la nappe pétrolière d’ici vingt ou trente ans d’après les analyses des géologues. A ce moment, le peuple redeviendra nomade, retrouvera ses traditions et les riches familles émigreront sans doute vers les pays qu’ils ont enrichis artificiellement, où ils ont placé leurs avoirs. L’ambassadeur eut un rire, ainsi va le monde, dit-il en se levant de son fauteuil, la constance n’existe pas, Allah donne et reprend ! Il avait commandé du café, un employé apporta une table nappée de blanc aux bords brodés de bleu, et des tasses décorées de mosaïques bleues posées sur des soucoupes. Fumez vous demanda-t-il ? Abdéramane et Driss qui hochèrent la tête négativement quand il leur présenta un coffret de Cohiba. J’ai été très heureux de vous connaître et d’apprécier votre valeur, et un dévouement pour le Maroc allant jusqu’au sacrifice. Les relations avec les autres pays ne sont pas toutes blanches, y compris avec nos alliés. Les relations diplomatiques sont en fait des contrats à court ou moyen terme dans l’intérêt de pays qui s’appuient sur un rapport de force financier ou industriel. J’admire quelquefois votre détermination à régler les problèmes sans vous occuper des lois ou mesures existantes. Votre seule exigence est le Maroc, point ! Vous ne vous préoccupez pas des dégâts collatéraux, seule compte la réussite. Votre travail dans ce pays aura permis de couper la filière financière avec Al Qaida et Aqmi via la famille Fashoghi. Il se leva de son siège après avoir sonné. L’employé arriva et conduisit les trois membres de la Boutique vers la sortie, l’entretien était terminé. Ils attendirent encore une semaine pour que Zohra soit en pleine forme physique.

En rentrant à la villa en compagnie de Driss et Abdéramane, Zohra s’isola avec Leila

-Aimez- vous toujours votre fiancé ?

-Oui, mais que faire, celui-ci ne voudra plus de moi après le viol que j’ai subi.

-Chouffé, écoutez Leila, il vous faut oublier ce drame, j’ai subi la même chose en Afrique, mais je suis militaire, je ne me marierai pas, je reçois un ordre, je l’exécute ! Vous, il faut penser à votre avenir, être heureuse, avoir des enfants, avoir de la tendresse, de l’amour pour votre époux. Il existe en France et à Tanger des cliniques de réparation de l’hymen. Vous redeviendrez une vraie jeune fille. Cette intervention chirurgicale est à votre portée, les cinquante mille euros changés en dirhams marocains vous amènent dans la poche quatre cent soixante-huit mille quatre cents dirhams marocains. Vous n’avez pas de soucis à vous faire. Avouez la vérité à votre fiancé, la maltraitance et les coups que vous avez subis. Les zébrures sur votre dos attesteront de la vérité de vos dires. Ne parlez pas du viol, dans la vie il y a quelquefois des choses à cacher, Allah est miséricordieux, il vous aidera.

-- Leila s’envola pour Tanger afin de retrouver son intégrité physique avant de rejoindre sa famille à Oujda.

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            Tripoli mardi onze heures, l’avion venant de Riyad atterrit sur l’aéroport international. Ils étaient toujours munis de leur passeport diplomatique, ils se firent conduire à l’ambassade du Maroc en taxi. Ils se présentèrent à madame Sadia Belthemaid ambassadrice du Maroc en Libye. L’entrevue ne fut pas aussi courtoise qu’en Arabie, subodorant des problèmes avec l’arrivée de ces agents, et au vu de l’armement contenu dans la valise, elle s’attendait aux pires situations, elle n’aimait pas cela du tout. Situé au Nord-Ouest du pays, Tripoli est la plus grande ville du pays située tout au bord du désert. Même dessein, même méthode, ils firent le tour de la ville à pieds et en taxis, notant chaque détail dans leur mémoire. La Médina fut tracée à l’époque romaine, notaient les historiens. Trois portes donnent accès à la ville, les remparts sont toujours là. L’Ambassadeur de Riyad avait fourni des éléments importants sur les déplacements de Jawhar suivi à la trace par les locataires de la Boutique. Il descendait généralement au Libyan Hôtel, petit hôtel bon marché situé au centre-ville à côté du Aker Brygge. Les locataires de la Boutique s’étaient installés également dans un tout petit hôtel à deux pas du Libyan Hôtel, l’Italian Apartments.  L’établissement de Jawhar prêtait des vélos à ses résidents, Jawhar en profitait, cela lui permettait de se fondre dans le paysage, de mettre à profit cette semi- clandestinité pour rencontrer ses contacts. Les trois membres de la Boutique surveillèrent chacun leur tour les allées et venues de l’hôtel avec les vélos également prêtés par leur hôtel. L’homme était rusé, il allait et venait dans la médina pour revenir à l’hôtel ni vu ni connu. Là il prenait un vélo et se noyait rapidement dans la foule. C’était un expert de la voltige, il se faufilait rapidement entre deux automobiles, entre deux tréteaux de marchands, haut sur les pédales comme s’il avait fait cela toute sa vie. D’un seul coup il avait déposé son vélo contre un mur et disparu de la circulation non sans avoir mis son anti- vol, laissant désemparés Zohra et ses colistiers. C’était un renard, allant à ses affaires puis reprenant son vélo comme si de rien n’était. Bien joué dit Zohra, il connaissait la science de l’escapade, il nous faudra user dorénavant de ces mêmes ficelles. Jawhar devrait se rendre chaque jour à ce lieu de rendez-vous, nous allons faire comme si cela était exact, Driss tu te rendras dès le matin de bonne heure à l’endroit où il a déposé son vélo, tu achèteras le journal, tu boiras un café, bref, tu as l’habitude, tu seras un parfait quidam. Le , Jawhar avait changé d’endroit, il ne s’était pas rendu là où Zohra l’attendait. C’était dans les traditions du renseignement. Elle ne voulait pas l’éliminer sans connaître ses intentions. Le colonel avait demandé à Zohra de ne pas communiquer avec madame l’ambassadrice, c’est lui-même qui lui fournirait les renseignements. Le groupe de la Boutique était dans le flou depuis plusieurs jours, Jawhar s’était volatilisé, continuant de disparaître dans les souks. Dans le souk aux vêtements, une fusillade éclata, un assaillant fut blessé et resta à terre. Zohra, Driss et Abdéramane sur leur vélo zigzaguèrent jusqu’à leur hôtel. Après avoir mis leur anti- vol sur la roue du vélo, ils montèrent dans leur chambre. Abdéramane frappa à sa porte, il était blessé au bras droit. Elle alla vite chercher sa trousse de secours. Elle déshabilla son torse, ôta sa chemise, son tricot de corps. Il saignait, mais ce n’était pas grave, une éraflure de trois centimètres produite par une balle. Elle demanda à Driss d’aller acheter un gros oignon. Durant ce temps, elle désinfecta la plaie avec de l’alcool à quatre-vingts- dix degrés et prépara une aiguille avec du fil chirurgical.  Driss revenu, elle coupa l’oignon en deux après l’avoir épluché, puis elle le trancha en rondelles elle écrasa l’une d’elles et pressa le jus sur la plaie puis posa une rondelle sur la plaie en le tenant par du scotch stérilisé tout autour du bras. Elle déplaça l’oignon une heure après, l’hémorragie avait cessé, elle trempa l’aiguille et le fil chirurgical dans une tasse emplie d’alcool avant de coudre la plaie pour rapprocher les deux bords de la plaie. Abdéramane ne se plaignit pas, c’était un militaire au carré, large d’épaules, elle rajouta à nouveau de l’alcool et entoura le bras d’une bande velpeau. Driss profita de l’instant pour laver le tricot de corps et la chemise, l’union fait la force. Ainsi Jawhar était entouré d’un groupe d’assassins qui les avaient également filés et passés à l’attaque. Le chien du désert, c’est ainsi qu’il était appelé dans l’univers du djihad. Il avait les crocs pointus et les attaques sournoises. Le colonel avait été prévenu et avisa Zohra que le Mossad était certain qu’il se rendait à l’Ecole Française de Tripoli rencontrer à ne pas douter un recruteur pour les étudiants disponibles pour le djihad. Voilà donc où se rendait le dernier des Fashoghi, à l’Université française. L’Université A Fateh réunie plusieurs disciplines fondées en mille neuf cent cinquante-sept, elle réunit quarante-cinq mille étudiants. L’Université française était installée rue Karatchi, hors des murs de la Médina. Elle avait un grand nombre d’étudiants. Il serait difficile de s’immiscer dans les locaux, de trouver le recruteur parmi les professeurs sans se faire repérer, hoc est quaestio ! Les journaux n’avaient pas parlé de la fusillade, ordre du gouvernement ? C’était curieux que les médias n’aient pas eu accès à ces informations. Abdéramane avait encore un peu mal au bras, mais sans être un handicap, il pouvait s’en servir et tirer s’il le fallait, la plaie se refermait grâce aux talents de couturière de Zohra. Toute l’équipe savait maintenant qu’ils avaient été découverts malgré les précautions de Zohra et son équipe. Ils avaient à faire face à un commando de professionnels protégeant Jawhar. Qui allait-il voir à l’université française, professeur, membre de la diversité technique ou administrative, parmi cette multitude il était difficile de s’y retrouver.

         Vendredi, juste après- midi, l’appel de l’adhan, la grande prière du Junu’Ha rassemblant dans la mosquée d'Al Mansouri Al Kabira des centaines de fidèles pieds nus, ayant procédés à leurs ablutions et s’étaient parfumés le corps pour plaire à Allah. L’Imam récitait en litanies les versets du Koran écouté en silence avec un grand intérêt. Les hommes sortirent de la mosquée sans se presser et se chaussant de leurs chaussures laissées à l’extérieur. Des cris se firent entendre avec une concentration de fidèles sur un point donné, un homme s’était aspergé d’essence et avait mis le feu, immolé, il s’était transformé en brasier, les fidèles le couvrirent d’une djellaba pour éteindre l’incendie qui le consumait. Il mourut dans d’atroces souffrances avant d’arriver à l’hôpital. Les journaux relatèrent l’évènement à l’aide de photographies et de commentaires dithyrambiques. L’homme carbonisé était connu comme étant Hassan Farouk professeur de français à l’université française de Tripoli. Quel lien avait-il avec Jawhar se demandait Zohra ? Les journaux du lendemain, à qui l’on avait donné du grain à moudre titrait en première page : Hassan Farouk l’homme de l’ombre, martyr du djihad à l’université Al Fateh a sublimé par son geste désespéré le djihad et atteint le paradis promis par Allah. Foutaises grogna Driss, ainsi c’était bien lui le lien avec Jawhar, il entretenait avec ses étudiants une harmonie équivoque. Cette affaire fit grand bruit, Hassan Farouk était une sommité à l’université française, comment avait-il échappé au flair de la police libyenne. Depuis, la police recherchait les étudiants qui auraient pu se trouver embrigadés dans la mouvance djihadiste. Les étudiants parlaient d’un tel ou d’un tel abandonnant les études pour rejoindre le djihad, ils savaient qu’Hamed Makhrouf avait été tué dans le sud Libye, sans en connaître plus ! Les autres avaient disparu où étaient-ils, personne ne le savait. Les étudiants ne pouvaient pas renseigner plus en avant la police.

         Jeudi après-midi, un homme s’écroulait sur le trottoir à côté de la grande mosquée percé par un coup de feu. Il eut le temps de prononcer Toummo enregistré par un passant penché sur lui et l’infirmier de l’ambulance, il rendit le dernier soupir avant d’arriver à l’hôpital. La police sur les lieux interrogea les curieux autour du corps et retient avec intérêt les indications importantes du quidam. Toummo, serait une petite ville frontière du Niger à environ mille trois cents kilomètres à vol d’oiseau de Tripoli, mais ce serait également un djihadiste nommé Fawemhimi Imarou connu de la communauté internationale sous le surnom de Toummo, né dans cette petite commune frontalière avec la Libye. Il serait avec Jawhar l’un des caïds de Libye, d’Algérie, d’Aqmi ainsi qu’en Afrique sub-saharienne, Zohra après réflexions et contacts avec le colonel, préféra s’en tenir à une action d’Imarou sur un membre du réseau devenu dangereux par ses trop grandes connaissances de l’organisation en Libye. Cet assassinat mettait en relief ce pays en tant que pays terroriste, alimenté par les incessants combats livrés dans le sud du pays depuis la chute de Kadafi. Jawhar et Imarou se trouveraient encore à Tripoli préparant sans aucun doute la relève d’Hassan Farouk qui s’était sacrifié pour le djihad en s’immolant ou l’organisation d’un attentat qui marquerait les esprits.  C’était une période difficile pour la Boutique, percer les objectifs des terroristes, les loger pour aboutir à leur destruction. Zohra avait horreur de cette situation, elle avait l’habitude de l’action. L’attente ne l’aidait pas à réfléchir à trouver une solution, elle s’en rendait compte.  De nombreuses planques existaient pour cacher les adeptes du djihad, avec celles-ci de nombreuses adeptes, d’enfants qui les qui prévenaient en cas de danger. Il n’y avait pas de téléphones portables ni d’ordinateurs, pas de suivis téléphoniques ou informatiques. Le message était comme en Afrique, imagé, une statuette agitée par un tiers annonçait un danger imminent, les djihadistes prenaient la poudre d’escampette. Ni vus, ni connus, anonymes, qui pouvaient se méfier de bougres à pieds ou en bicyclette agitant devant la fenêtre d’une maison une figurine en bois ? C’était du beau et bon travail, des professionnels de l’esbroufe, de la comédie, mais infiniment dangereux, des religieux tarés et criminels. Zohra citait un professeur de sa connaissance, on leur avait appris à lire, mais pas la manière de s’en servir. Au même moment de l’assassinat de l’individu sur le trottoir de la grande mosquée, un drone attaquait le port de Ras Tanoura lancé de la Méditerranée. Un missile balistique tomba sur Dahran sans faire de victimes ou de dégâts, précisa le gouvernement. Les informations désignaient sans équivoque les rebelles Houthis soutenus par l’Iran. La situation était précaire en Libye, au sud les djihadistes contrôlaient pratiquement toute la région. A Dahran, au Salon mixte de coiffures, le seul existant sur la ville, travaillait de dix heures du matin à vingt et une heure sans interruption. Le salon ** salun mukhtalit lilhilaqua** que Sarah Metlhouji commandait avec le sourire, grâce et fermeté. Un homme était assis dans le fauteuil trente-cinq ans environ, les cheveux longs bruns et une barbe de dix centimètres. Le personnel avait été formé dans les meilleures écoles de coiffure d’Italie, c’était une forme d’élite. L’un d’eux s’approcha du barbu, quelques mots avaient suffi. L’employé mis une serviette sur les épaules du barbu, il pencha la tête de son client dans le lavabo et lui lava la tête avec un shampoing aux herbes odoriférantes. Il s’empressa de lui enduire soigneusement les cheveux d’une teinture rousse. Il recommença une deuxième fois avant de lui rincer la tête abondamment. Saisissant le sèche-cheveux, il sécha rapidement la chevelure et la tête de son client. L’homme était devenu comme poil de carotte. Les ciseaux et la tondeuse ont servi à lui couper les cheveux très courts. C’était très réussi, l’homme avait belle allure. Il restait la barbe, la serviette fut mise autour du cou, la tête renversée, l’employé avec une petite brosse passa la teinture sur la barbe, séchée, l’employé la coupa de moitié, c'est-à-dire à cinq centimètres de longueur, l’homme se regarda dans la glace, quelque chose n’allait pas dans son profil, ha, c’était les sourcils, il souhaitait également qu’ils aient la même couleur que les cheveux et la barbe. L’employé lui massa les joues et le cou avec de l’eau de Cologne de qualité. Une fois levé, il l’aida à passer sa veste au client, il lui laissa un pourboire. Il s’approcha de la caisse joliment décorée où siégeait Sarah, il paya en restant un peu de temps à lui serrer la main.

         Vingt-deux heures au café de Tripoli, le client de salon de coiffure était là à converser avec deux autres hommes en djellaba, rejoints par Sarah. Salam alékoum Toummo, Alékoum salam répondit-il. Le **salun sart mutalhujiun lilhalaqa** était un lieu privilégié pour les rencontres, les messages des terroristes d’Aqmi et d’Al Qaïda. Fawehinmi Imarou après le meurtre du quidam sur le trottoir de la grande mosquée était venu se réfugier au salon. Toummo jouait à saute-mouton, après Tripoli, Dahran et après sans doute Toummo au Niger. Jawhar avait pris un autre chemin. La séparation était propice à la clandestinité. L’homme assassiné sur le trottoir de la grande mosquée était le facteur de l’organisation, il avait cherché à connaître les relations entre les différents messages sibyllins qui lui étaient remis, erreur fatidique dans le contexte de la terreur.  Devant le silence radio de ses adversaires, Zohra avait mis sur pied tout un programme de recherches avec des bakchichs distribués aux enfants déshérités, Abderamane et Driss en avaient fait tout autant. Toummo était connu en Libye, il devrait être retrouvé en premier? Quatorze jours après, un premier indice apparaissait, il serait parti de Tripoli pour Darhan. Avec ces gens-là, il fallait se méfier, ils distribuaient des informations qui suggèrent à la défiance. Zohra a demandé aux enfants de passer le mot à Darhan et de continuer à chercher à Tripoli. Dans le même après-midi un enfant revint et lui dit qu’il est effectivement à Darhan, il aurait été vu dans un café avec un groupe de personnes, dont une femme. Le petit renifleur Mustapha retrouvé à la porte de la mosquée confirma la présence de Toummo, il l’avait vu au salon de coiffure, il n’avait plus les mêmes cheveux, ils sont peints en rouge dit le gamin et le soir je l’ai vu au café de Tripoli avec la patronne du salon de coiffure et trois hommes en djellaba. Zohra lui remit cent dirhams lui demandant de disparaître un certain temps. Driss serait de corvée à surveiller le salon. Sarah Metlhouji avait un appartement qui servait de repaire aux djihadistes quelques jours ou quelques semaines. Driss suivit un soir après la fermeture du salon un homme en djellaba jusqu’à l’appartement de Sarah Metlhouji. Il en informa Zohra qui dès le lendemain prit une photographie au téléobjectif et la fit parvenir au colonel. Bingo dès l’appel du colonel, elle savait que Driss avait déniché un gros morceau. Abdoulaye Bahlaoui dit le rieur, d’origine algérienne, caïd d’Al Qaïda en Libye et l’Algérie était à Darhan avec Toummo et Jawhar. Leur présence révélait un élément clef dans le conflit, une préparation minutieuse d’une offensive d’envergure sur le sud Libye. Les moudjahidines d’Algérie, du Niger, de Libye formeraient une troupe de deux cents mercenaires pour combattre les troupes loyalistes. Les caïds se réunissaient dans l’appartement de Sarah après avoir dans la journée contacté les différents capitaines d’Aqmi et D’Al Qaïda, au salon de coiffure ou au café de Tripoli pour connaître leurs positions stratégiques et monter une stratégie innovante et gagnante. Quand ils arrivèrent à l’appartement, ils ouvrirent le feu immédiatement, Toummo et Le Rieur étaient à terre, Jawhar était absent, il avait des antennes le bougre, il échappait à chaque fois aux attentats. Le lendemain soir, Zohra se présenta au salon bien décidé à faire parler Sarah. Les coiffeuses avaient quitté le salon. Elle s’assit et attendit un moment puis brutalement elle demanda où était passé Jawhar. C’était toujours le même système, elle ne connaissait pas Jawhar. Pourtant, il faudra qu’elle parle. Elle ferma la porte du salon et ne laissa qu’une petite lumière. Elle reposa la question, elle reçut la même réponse, elle la vouvoya :

-Pourquoi ne pas me donner la réponse, je resterai au salon tant que vous ne me direz pas où est passé Jawhar

-Je ne connais ce monsieur, fichez-moi la paix avec ce Jawhar

-Très bien, je vais être obligé de me fâcher et de vous faire mal et j’ai horreur de ces extrémités, c’est très fâcheux pour vous Sarah.

-Je ne sais rien

-Bon, elle lui mit une gifle monumentale, sa tête fit un aller-retour, allez- vous parler, vous voyez et ce n’est qu’un début. Je vous le redis, vous allez avoir mal. Elle récidiva ces joues étaient en feu, avec une grosse rougeur sur la joue gauche. Vous voulez jouer à l’héroïne comme le professeur ?

-La douleur lui avait fait couler quelques larmes, elle restait muette

-Cela gênait Zohra elle n’aimait pas maltraiter les femmes, mais là, il fallait aller jusqu’au bout, Sarah était la cheville ouvrière de l’organisation en Libye. Elle lança son pied contre sa jambe droite, le choc lui fit un mal de chien, elle geignit. Vous êtes ridicule, vous allez souffrir et finir par me dire ce que je veux, où se trouve Jawhar ?

-Recroquevillée sur le fauteuil de coiffures, elle agita sa tête dans la négative.

-Zohra prit une broche et enfonça l’aiguille dans la main de Sarah, qui sursauta dans un petit cri. Zohra continua à piquer ici et là sur sa main qui commença à saigner et à gonfler. Elle changea de cible en piquant les joues, Sarah se contusionna sur son fauteuil. Des larmes coulaient de ses yeux entourés de khôl, je n’aurais de cesse que lorsque vous me donnerez l’adresse de Jawhar. Elle prit une tondeuse électrique avec l’intention de raser la tête de Sarah.

-Qaf, arrêtez, pas ça, je vais vous le dire. Il est parti pour Niamey organiser la bataille qui s’annonce au sud de la Libye

-Vous connaissez sa résidence ?

-Non, je ne sais pas où il réside

-Zohra remit le petit moteur de la tondeuse en marche

-il est chez un djihadiste nigérien Mamame Abdou répliqua aussitôt Sarah.

-Il faut que je vous arrache les mots de la bouche, je veux aussi son adresse.

-Il est à l’hôtel du Désert

-Bien, vous voyez quand vous voulez cela devient plus facile. Quand aura lieu le déclenchement des hostilités ?

-Cela dépendra de la coordination du mouvement du djihad, sans doute en fin de mois.

Zohra se posait la question, faut-il éliminer Sarah, cela la dérangeait, mais laisser Sarah en liberté annulait toutes les initiatives des membres de la Boutique, à peine Zohra aurait refermé la porte du salon de coiffure qu’elle s’empresse d’avertir Jawhar ou son facteur. Elle était dubitative, cela ne lui plaisait pas, qu’elle était la solution finale ?

-Combien sont-ils en Libye pour participer aux hostilités annoncées ?

-Environ une centaine entraînée au NIGER par Mamame Abdou

Ces quelques minutes ont été utiles aux réflexions de Zohra, elle sortit son pistolet pneumatique de son sac et tira à bout portant une aiguille dans la tête de SARAH, que Dieu l’accepte, dit-elle en hommage. Elle sortit du salon ** salun sart mutalhujiun lilhalaqa**, elle se retrouva dehors, Abderamane et Driss étaient là à surveiller ses arrières.

         L’avion se posa à Niamey, ils se présentèrent à l’ambassade, monsieur l’ambassadeur était d’origine du Togo par ses parents, naturalisés marocains, né au Maroc, Mohamed Okoué Metogo avait fait de hautes études à l’université de Fes, l’Université Sidi Mohamed Ben Abdelah puis à l’université de droit de Rabat. Monsieur Mohamed Okoué Metogo était rompu aux tractations internationales, aux solutions bancales des ambassades. Son poste d’ambassadeur au Togo était un poste important pour le Maroc au sein de l’Afrique livrée aux tourments des guérillas. Il ne posa aucune question après les demandes de Zohra sur l’armement sans doute nécessaire à son travail au Niger. Monsieur Okoué Metogo connaissait très bien les problèmes de guérillas actionnées par les moudjahidines, il renseigna ZOHRA sur le partage des zones de conflits et s’engagea à lui fournir les armes demandées au plus vite. Ils saluèrent monsieur l’ambassadeur et comme d’habitude firent le tour de Niamey à pieds et en taxis. La capitale est la plus grande ville du pays, elle est située au bord du fleuve Niger complètement à l’ouest du pays. Niamey est une ville neuve, crée dans les années mille neuf cent sur un plateau de deux cents mètres de hauteur à quatre cents kilomètres de OUAGADOUGOU. L’eau potable provient du fleuve pollué par la salmonelle et les staphylocoques d’après les spécialistes. Zohra aimait bien connaître les antécédents des villes où elle descendait. Elle craignait depuis toujours les eaux filtrées, elle ne buvait que de l’eau de source. Monsieur l’ambassadeur leur avait conseillé l’hôtel de la gare, discret, tout prêt du marché. L’hôtel du désert était dans le quartier résidentiel, relativement éloigné de l’hôtel de la gare. Elle attendait les armes transmises par l’ambassade de Libye avant toute opération. A tour de rôle, ils observaient Jawhar toujours accompagnés de cinq rebelles. Ils retrouvaient d’autres hommes en djellaba au café du désert. Ils étaient huit autour de la table toujours en forte discussion. Les trois boutiquiers restaient loin d’eux de peur de se faire reconnaître, mais ils les suivaient à la trace, pas question de les perdre. Monsieur Okoué Métogo, par le biais du colonel, les avisa de l’arrivée de l’armement. Ils se rendirent à l’ambassade, saluèrent monsieur l’ambassadeur et récupérèrent leurs armes habituelles plus trois fusils lance-missiles et des petites billes explosives qui éclataient irrémédiablement un mur de béton, invention des artificiers de la boutique. Maintenant il fallait exfiltrer du groupe Jawhar l’un des hommes qui l’accompagnait où l’un des hommes en djellaba. Ce serait plutôt l’un des hommes en djellaba coiffé du Habar-Kada de couleurs, chapeau traditionnel Haoussa. C’étaient des hommes du nord du Niger, de tribus marginalisées et pratiquement toutes engagées dans le djihad. Le plan se résumait à suivre ces trois nigériens et de reconnaître le point de séparation. Le lendemain après la séparation avec Jawhar les trois hommes remontèrent vers le fleuve, ils se séparèrent au niveau du pont qui rejoignait les deux rives. Ils laissèrent un homme prendre de l’avance. Il se dirigeait vers un hameau de petites maisons aux toits de roseaux. Il entra dans l’une sans porte, juste une toile de jute pour la fermeture. Ils attendirent cinq minutes et entrèrent dans la maison, elle n’avait qu’une seule pièce, une natte cachait la terre, un petit banc haut de trente centimètres et une table à demeure. L’homme sorti un sabre de dessous la couche, le Glock de Zohra calma ses ardeurs meurtrières, il se recula presque à écraser le mur en terre. Tout doucement Zohra lui intima l’ordre de s’asseoir, ce qu’il fit, menacé par le Glock et les Beretta d’Abderamane et de Driss. Elle lui demanda quand l’attaque aura lieu, il répondit qu’il ne comprenait pas la question en langue nigérienne.

-Je sais que tu comprends l’arabe nous t’avons vu avec Jawhar, arrête de jouer au rigolo. Vous préparez une insurrection au sud Libye avec des groupes de Libye et du Niger

-Je ne sais rien du tout

-Bien, puisque tu joues au rigolo de service nous allons nous aussi jouer au rigolo, c’est ton dernier mot ?

C’était tout vu il ne parlerait pas, une aiguille d’acier plantée dans le crâne par le pneumatique de Zohra, il mourut sans un cri et sans bruit. Ils n’avaient rien appris, le Nigérien n’avait pas parlé. Le plan B serait d’éteindre l’incendie en liquidant toute l’équipe ? Il fallait d’abord suivre avec attention les déplacements de Jawhar après le meurtre du Nigérien, il y avait fort à parier qu’il allait s’efforcer de disparaître. Driss avait été désigné pour surveiller l’hôtel du désert, mais en se renseignant auprès de l’accueil, Jawhar avait déjà mis les voiles avisés par les enfants qui couraient pieds nus dans tout Niamey. Ces enfants avaient suivi le trio de la Boutique dès que les djihadistes s’étaient séparés, les voyant entrer derrière l’homme à la djellaba coiffé de son tarbouche, ils étaient retournés en informer vivement Jawhar qui avait pris sans attendre la poudre d’escampette ! Il avait la science de se fondre dans le néant, il les avait encore une fois devancés avec un temps d’avance. Jawhar avait un prénom rare qui signifiait la fête, il l’avait bien mérité, car il faisait leur fête au trio de la Boutique en s’échappant dans un trou de serrure. Zohra n’avait pas vu les gamins qui les suivaient, elle s’en voulait de cette erreur qui remettait à beaucoup plus tard l’arrestation ou la suppression physique de Jawhar. Au moment où une guerre allait éclater, la situation était grave. Ou était-il passé, était-il encore à Niamey ? Elle s’intéressa aux deux autres hommes en djellaba en se servant en retour des enfants aux pieds nus comme renifleurs. Deux jours plus tard, elle eut une information capitale, les renifleurs avaient logé les deux djihadistes de la communauté du nord du Niger les Imghads dans un village au bord du fleuve. Village torturé par des voies d’accès difficiles et étroites entre les maisons de terres et les toits en feuilles de bananiers ou de grandes herbes. Ils n’habitaient pas ensemble, chacun dans leur maison, ils étaient mariés avec des enfants. Des chèvres se promenaient librement sur tout le territoire de la tribu, les chameaux étaient bridés par des liens aux pattes, des hippopotames se prélassaient dans la boue du fleuve, et l’ouette d’Egypte avait colonisé les abords. Ce sera difficile de s’immiscer dans ce territoire, ils seront très vite remarqués par la population. Ils étaient venus avec une Jeep contenant également un ballon à air chaud et son pilote. Le ballon avait été déplié, le brûleur se mettrait en route en quelques secondes. Le petit renifleur, gentil gamin, leur fit voir la maison d’Abdel Mawoulou. Le gamin sur ordre attendit la nuit pour se présenter et lui dire que quelqu’un voulait le voir, il était inquiet, avant de sortir il prit un pistolet qu’il arma, il suivit le gamin jusqu’à la sortie du village, là il tomba sur les trois locataires de la Boutique et de l’aérostier. En minorité il remit son pistolet à Zohra et monta avec eux dans la nacelle. Du brûleur jaillit une flamme qui projetée vers le ballon, le gonfla et l’aéronef s’envola, Abdel était terrorisé. Le vent venait de l’océan et poussait le ballon vers le désert. Il ne fut pas long, tellement la peur le tenaillait à fournir les renseignements demandés par Zohra. Jawhar était toujours à Niamey chez un partisan du djihad, il s’appelait Oudou hadji ben Soufou. Il avait un magasin de chaussures dans la vieille ville. Oudou avait une aura toute particulière auprès de la population du fait de son pèlerinage à La Mecque. Il en était que plus dangereux ! Zohra ne pouvait pas laisser en vie Abdel Mawoulou, à trois cent mètres de hauteur, Driss et Abderamane le balança dans le vide, qu’Allah le reçoive dans son paradis. L’aérostier fit redescendre le ballon au-dessus d’un village. La population resta interloquée devant l’aérostat. Le chef du village avait un quatre-quatre, il accepta de les reconduire à Niamey distante de soixante kilomètres contre monnaie sonnante et trébuchante sur des pistes en terre.

Niamey mercredi 16 heures chez monsieur l’ambassadeur Okoué Métogo Zohra rendit compte des différentes actions accomplies à Niamey. Monsieur l’ambassadeur leur fournit rapidement l’adresse de Oudou hadji ben Soufou bien connu des services spéciaux de l’ambassade. Jawhar avait une nouvelle fois disparu, il n’était plus chez le marchand de chaussures. C’était un fin renard, il effaçait ses traces, difficile de le suivre, professionnel jusqu’au bout des ongles. Il devait se réjouir d’échapper ainsi au filet de pêche tendu par ZOHRA et son équipe. Vingt-deux heures, un petit renifleur aux pieds nus se présenta à l’hôtel de Zohra, il avait repéré Jawhar dans une barcasse du fleuve, accrochée à un baobab centenaire. Bingo se dit Zohra, tous les trois membres de la Boutique prirent la direction de la barcasse accompagné du gamin. C’était un vieux ponton flottant aménagé en masure. S’approchant sans bruit et avec précaution ils entrèrent dans ce qu’il avait lieu d’appeler une péniche, il n’y avait personne à l’intérieur, leur homme avait une nouvelle fois disparu. Zohra n’avait pas lieu de suspecter le gamin pour qui chaque indication était une manne qui tombait du ciel. Le fleuve possédait de nombreux refuges sur l’eau et sur les rives. C’était encore un coup pour rien, un dégagement en touche, mais une touche invisible. Tout autour du vieux ponton, d’autres nouvellement construits et des barques longues de plusieurs mètres peints de couleurs vives manœuvrées par des rames et une voile carrée. Les rives étaient colonisées par des petites maisons en bois, en bonco, argile sèchée ou en torchis peintes elles aussi de couleurs vives à gros motifs. Dans tout ce grouillement de vie, Jawhar pouvait s’y glisser aisément et disparaître aux yeux du trio de la Boutique. Les petits renifleurs ont été une nouvelle fois appelés à la rescousse, pour 20 XAF, Franc CFA, (0 dirham33 marocains), les gamins faisaient des miracles. Ils connaissaient Niamey comme leur poche ainsi que les voyous qui sévissaient dans les quartiers. Ils s’étaient constitué un réseau d’informations supérieur à celui de la police qui se heurtait à la peur de représailles. Les prostituées étaient également propices à la délation contre de la monnaie, 100 XAF et elles parlaient, du moins celles qui travaillaient seules. Zohra prit sur elle d’en faire parler quelques-unes. Zoubeida sur le bord du fleuve se prostituait chez elle dans sa petite maison en banco.

-Fofo, bonjour Zoubeida, je cherche un homme qui m’échappe toujours, il est toujours à Niamey, il était dernièrement sur le ponton accroché au baobab, il se nomme Jawhar, as-tu des informations, je serai généreuse, 200 XAF pour un renseignement.

-Je connais ce Jawhar comme beaucoup à Niamey pour ses relations avec la gérilla.

-C’est bien lui, c’est un homme dangereux, je cherche à lui couper l’herbe sous les pieds.

-Reviens me voir demain à midi j’aurai sans doute des informations à te donner.

-Lari, merci

Elle est  repartie suivie par les deux hommes de la Boutique. Elle les mit au courant, par prudence, ils devraient se tenir tout prêt de Zohra. Les prostituées comme les gamins sont au courant de toutes les choses de la ville, la peur de représailles les condamne au silence pour la plupart d’entre elles. Le soir ils allèrent au restaurant à côté de l’hôtel, Aux Wedges du Niger, ils commandèrent des wedges, c’était un plat inconnu pour eux trois et de l’eau en bouteille. Le wedge est fait de grosses lamelles de patates douces avec des cacahouettes hachées sur les faces, des herbes et du piment. C’est un plat excellent, le trio a beaucoup aimé cela, la cuisine africaine recèle de formidables recettes inconnues des européens. Douze heures pile chez Zoubeida, elle ouvrit la porte et fit entrer Zohra. Je n’ai pas encore de renseignements, j’ai des filles qui cherchent dans les maisons du bord du fleuve. Elle lui offrit du thé avec des petits gâteaux à la noix de coco. Ils bavardèrent sur les incessants conflits que traversent la région, cela donnait à Zohra des renseignements sur la politique du pays. Le lendemain même heure, Zoubeida ne répondait pas, Zohra entra, Zoubeida gisait par terre, la gorge tranchée, c’était le travail de Jawhar. Zoubeida disparue, la peur va s’installer parmi les prostituées, il faudra à nouveau avoir recours aux gamins sans chaussures. BOULOU arriva un matin tout mouillé, il résuma à Zohra sa fuite en traversant à la nage le grand fleuve.  Il avait repéré Jawhar, celui-ci s’en était aperçu et voulait faire la peau du gamin, Boulou sauta à l’eau et rejoignit l’autre rive puis l’hôtel de Zohra. Elle demanda à Abderamane d’acheter des vêtements à Boulou et de revenir très vite à l’hôtel. Le gamin pris une douche, c’était la première fois, se sécha et enfila ses vêtements neufs, un short et une chemisette. Zohra lui remit 100 XAF. Elle lui demanda de faire très attention à Jawhar et de demander aux autres pieds nus de le rechercher et de l’informer. Ces enfants vivaient dans la rue et avaient vite appris les ruses pour échapper aux commerçants qu’ils venaient de voler, de s’esquiver pour devenir invisibles. Avec l’aide de Boulou l’ayant vu dans son dernier terrier, Jawhar finira par se faire prendre. Boulou avait désormais de l’importance par rapport aux autres enfants depuis qu’il avait été habillé par Zohra, surtout la chemisette qu’il avait enfilée sur le buste. C’était un bataillon d’une dizaine d’enfants disséminés dans tout Niamey qui traquaient Jawhar. Lui-même avait des hommes qui le protégeaient, des assassins de la pire espèce. Ne pouvant le localiser, le trio ne pouvait éliminer ses gardes du corps. Les ballons à air chaud s’envolaient par dizaines poussés par le vent d’ouest dans cette fin de journée promenant dans les airs les touristes amoureux de paysages. Des Jeeps viendront les rechercher après l’atterrissage. Ils retournèrent au restaurant, Aux Wedges du Niger, manger des Wedges qu’ils avaient précédemment appréciés. La langue officielle au Niger est le français, même si dans l’ouest du pays la langue parlée est le Haoussa. Le fleuve est pollué par les industries et les mines d’or et d’uranium, il refoulait vers l’océan tous ces ingrédients agressifs pour les populations. Zohra était dans l’attente, c’était un moment désagréable, soumis à l’attention des gamins aux pieds nus. Pour faire passer ce sale moment, elle décida de passer par le Wedges du Niger. Ce soir-là, ils changèrent de plat, ils commandèrent du riz sauce avec des grillades de zébu et kilishi, viande séchée, la cuisine était bonne, ils étaient satisfaits. Au moment de partir ils furent soumis à un feu nourri de pistolets mitrailleurs, heureusement les assaillants s’étaient trop précipités, le trio n’avait pas était touché, mais en répliquant ils avaient fauché deux agresseurs qui gisaient à terre. Quatre paisibles dîneurs avaient été tués par les assassins de Jawhar. Cela a été son erreur, les pieds nus l’ont suivi jusqu’à son antre, un ponton sur le bord du Niger à deux kilomètres de Niamey dans le village de Foulani Koira. Zohra avisée conçut un plan pour éliminer définitivement ce djihadiste, descendre le fleuve en barque la nuit et ouvrir le feu avec les fusils lance-missiles en arrivant devant le ponton.  Le jour de l’intervention, Boulou signala à Zohra que Jawhar n’était plus sur le ponton, il avait dû s’enfuir de nuit sur une barque. Cela agaçait grandement Zohra de cette situation du chat et de la souris. Cela faisait partie du jeu dangereux qu’elle menait avec les deux partenaires de la Boutique. Jawhar avait sans doute l’idée de remonter le fleuve vers le Sahel pour préparer définitivement son coup de force. Il avait disparu, les gamins aux pieds nus ne le retrouvaient plus. Zohra avait avisé monsieur l’ambassadeur de sa disparition. C’était l’époque des pluies tous les ans de juin à octobre de gros orages avec de fortes pluies éclate sur tout le sud du Niger, détrempant les chemins et les villages, c’est l’hiver qui  africain. Le fleuve est rouge par la terre apportée par les pluies, il est devenu plus puissant, il charrie très vite toutes les branches et ordures tombées dans le courant vers l’océan, à mille kilomètres de là. Niamey est inondée dans certains quartiers, les rives en terre sont tombées dans le fleuve avec des maisons de bonco construites trop près de l’eau. Les longues barques peintes attachées aux arbres naviguent au gré du courant, d’autres s’éloignent avec le flot, les attaches ayant rompu. Les hôtels heureusement étaient construits loin du fleuve. Un homme de monsieur l’ambassadeur l’avisa que Jawhar était à Tillabén, une centaine de kilomètres de Niamey. Entouré d’une vingtaine de djihadistes, s’étaient installés sur le bord du fleuve. La police les reliait à l’attentat contre l’église Sainte Sophie de la ville, le prêtre avait été tué, la tête tranchée, avec une vingtaine de fidèles lors de la messe du dimanche, ils avaient détruit des sculptures offertes par la population. Leurs forfaits commis, ils avaient disparu sans laisser de traces. Un petit Cesna transporta le trio à Tillabén. Ils se logèrent au petit hôtel de France. L’agent de l’Ambassade les avisa que Jawhar s’était propulsé après l’attentat de l’église de Tillabén à Zinder la cité ouverte et quartier- général des djihadistes et de Boko-Haram au sud du pays. Là il trouverait la protection voulue auprès des terroristes en tant que caïd d’Aqmi. Plus de mille kilomètres séparaient Niamey de Zinder. Un avion de la compagnie nigérienne les amena à Zinder. Cela devenait lassant de courir sans arrêt après Jawhar, celui-ci jouait à saute-mouton avec le trio de la Boutique, mais c’était le jeu des services spéciaux. Le diplomate marocain leur avait conseillé de louer une maison au cœur de la ville plus discret que l’hôtel. Pas question d’appeler les gamins aux pieds nus à la rescousse, ils étaient des deux côtés à la fois et en particulier avec Boko-Haram. Ils attendaient à la fois des renseignements fiables de l’ambassade marocaine et des services du gouvernement du Niger. Le vendredi après leur arrivée, Boko-Haram déclenchait une mini insurrection contre les troupes du Président Mahamadou Issoufou, tuant quarante-deux soldats de l’armée nigérienne. Le lendemain c’étaient les djihadistes du peuple d’Allah qui s’emparèrent du village d’Issou Koto comptant près de six cents habitants terrorisés par l’intrusion des terroristes. Ils assassinèrent le chef de village pour son allégeance au Président Mahamadou Issoufou et le remplacèrent par l’un des leurs. C’était l’œuvre de Jawhar via un commando de djihadistes. Il oeuvrait en secret pour réfléchir à des coups spontanés difficiles à contrer. Il entraînait ainsi ses troupes pour l’assaut futur du sud Libye. Sachant que Zohra, Driss et Abdéramane étaient sur son dos, il se méfiait de tout le monde. Mercredi après la prise d’Issou Koto, la villa du trio de la Boutique fut prise dans une fusillade digne de la guerre d’Algérie, les fusils lance-missiles faisaient des dégâts considérables dans les murs de clôture, la villa avait explosée dès les premiers tirs heureusement sans conséquence pour les membres de la Boutique qui s’étaient réfugiés dans le jardin, recevant des bris de murs issus des éclats produits par les tirs. Jawhar n’y avait pas été avec le dos de la cuillère, il avait sorti l’arsenal numéro un ! Couverts de ciment et de plâtre, ils communiquèrent avec le colonel pour l’aviser de la situation. Une fois n’est pas coutume, le colonel devant la situation difficile de ses agents aligna en plus cinq soldats de la Boutique qui arrivèrent à Zinder quatre jours après. Leurs armes arrivèrent par un agent de l’ambassade du Maroc de Niamey, armes lourdes, fusils d’assauts, fusils lance-missiles, grenades minuscules grosses comme des billes, mais occasionnant des dégâts deux fois plus importantes qu’une grenade de guerres. Zohra mit au courant les cinq arrivants de la situation, tous commandos parachutistes recrutés par le colonel. C’étaient des hommes de confiance, travaillant depuis longtemps avec les différents agents. Leur nouvelle villa indiquée par l’Ambassade était dans la médina à côté d’un restaurant, Le Bel Hôtel, Zohra avait indiqué les postes de défenses aux hommes de la boutique. Elle voulait piéger Jawhar mais l’individu avait du flair. Elle avait demandé à tous ses compagnons de se méfier, il était capable de tout, de renifler un ennemi à deux cents mètres de lui.  C’était un prédateur, un crocodile affamé, un boa constrictor, la bête du Gévaudan, bref, un malfaisant de premières mains.

         Deuxièmes attaques de Boko-Haram de concert avec les djihadistes du peuple d’Allah contre le village de Sibao-Mojo, toutes les jeunes filles ont été rassemblées et transportées dans un site inconnu. Une dizaine d’hommes ont été massacrés par les djihadistes et laissés dans la terre détrempée. L’armée a été appelée sur les lieux, mais bien trop tard. Jawhar avait encore frappé en assassinant des villageois. L’homme de l’Ambassade signala à Zohra sa position actuelle. Il gérait ses coups à partir d’une villa située dans la ville fortifiée habitée au départ par les haoussas avec ses lieutenants. La villa avait été repérée par les nombreuses allées et venues de ses locataires. Zohra accompagnée par les cinq hommes de main de la Boutique qui s’étaient séparés à l’approche de la villa avait repéré la situation. La villa se trouvait au centre de l’avenue à côté de la mosquée du sultan. Zohra avait prévu d’attaquer la villa lors de la prière du Dhour à douze heures trente. Les cinq locataires de la Boutique avaient pris position tout autour de la villa avec Zohra, Driss et Abdéramane. Les fidèles avaient déjà pris place dans le lieu de culte. Sur un signe de Zohra, les lance-Missiles crachèrent leurs munitions détruisant entièrement la villa et les locataires y habitant. Le feu avait assaini l’environnement, Jawhar avait disparu dans la destruction du bâtiment et du feu intense. Il n’y eut aucun survivant, qu’Allah prenne soin d’eux. Les fidèles étaient ressortis en masse de la mosquée et assistait impuissant à cette destruction. Contrairement à Zohra, Driss marmonna : qu’ils aillent griller chez Shaiitane. Ils se rendirent par l’avion de la compagnie du Niger, Niger Air-Lines à Niamey. Ils rendirent visite à monsieur l’ambassadeur du Maroc Mohamed Okoué Metogo pour déposer leurs armes et lui faire un rapport circonstancié de la mort de Jawhar. Elle l’avisa de la puissance de Boko-Haram dans la région et de l’incapacité des troupes officielles du Niger à contrôler la situation, il connaissait d’ailleurs très bien cette situation et la suivait de très près, en ayant un homme qui suivait les agissements de Boko-Haram et des djihadistes du peuple de Allah et qui avait renseigné Zohra à un certain moment. Cet homme risquait sa vie chaque jour pour renseigner l’ambassade, il était d’une grande prudence et d’une intelligence remarquable. Zohra ne l’avait jamais rencontré, mais elle l’admirait pour son courage. Monsieur l’ambassadeur leur souhaita bon courage pour leurs actions à venir. Ils sortirent de l’ambassade, une fusillade éclata, deux membres qui accompagnaient Zohra étaient restés à terre. Les autres poursuivirent les assassins, ils étaient trois, ils furent décimés tous les trois avant qu’ils puissent s’esquiver ! L’un des soldats de la Boutique était mort, l’autre était blessé sérieusement, transporté à l’hôpital de Niamey, le commando et Zohra attendit des nouvelles et resta sur place pour accomplir les démarches du rapatriement de ce soldat, Mourad Guélatti, mort pour le Maroc. Il s’envola pour Rabat avec l’avion du soir. Adan Berkhrief opéré en urgence, le chirurgien enleva deux balles de gros calibre fichées dans son thorax. Le pronostic vital était engagé, Zohra à l’hôtel déplia son tapis et fit une prière pour Adan, qu’Allah le protège. Elle dormit très mal pensante toujours à l’attaque qu’ils ont subie, elle ruminait cela sans cesse, c’était de sa faute, elle croyait que c’était terminé. Ce serait donc toujours ainsi, la mort régnait à tous les coins de rue. Par moment elle en avait assez de ces tueries, envie de tout lâcher, de rejoindre son unité de parachutistes à Salé et puis le sens de l’honneur, du sacrifice reprenait le dessus, le devoir envers son pays. Elle alla le lendemain visiter Adan sans le réveiller, le chirurgien ne pouvait dans les conditions actuelles se prononcer, il avait fait tout ce qui était en son pouvoir, Allah jugera. Ils restèrent douze jours dans l’attente du verdict professoral. Le chirurgien annonça à Zohra et à son commando qu’Adan était sauvé, il respirait encore sous oxygène, mais cela allait vite s’améliorer, avec son accord, Zohra demanda au colonel un avion sanitaire avec une infirmière, un chirurgien et de l’air avec un masque. L’avion de l’armée marocaine atterrit à Niamey cinq jours plus tard. Tout était prévu, le chirurgien nigérien prodigua ses conseils au staff médical de l’avion sanitaire marocain, tout le groupe de Zohra embarqua, l’avion roula sur la piste et décolla pour le Maroc dans une accélération bruyante. L’infirmière se trouvait au chevet d’Adan avec le chirurgien militaire. Zohra avait pris place à côté du pilote, sans un mot, ils se regardèrent avec connivence, c’était bon de retrouver son pays.

 


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