LES TERRORISTES DE l’oued INAOUED



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                                                             Synopsis

La mission de Zohra sera de détruire un groupe de terroristes voulant détruire un barrage sur l'oued Inoued.



    

             LES TERRORISTES DE l’oued INAOUED

                                                             Par Ali GADARI

 

            Comme un chat, elle rebondit sur la terrasse trois mètres plus bas en restant un instant accroupi. Rien aux alentours, elle déroula sa corde le long du mur au ras des vitrages. Avec souplesse elle se laissa glisser jusqu’au deuxième étage, un homme lui tournait le dos assis sur le fauteuil  lisant le **Matin** du jour. Dans un bruit de bouchon de champagne, le projectile tiré par le Glock lui  transperça la tête à la vitesse du son. L’homme s’affaissa sur le fauteuil. La voie était libre, Zohra poussa la fenêtre du pied, à l’intérieur, sur la table une sacoche noire. Ouverte, elle offrirait des renseignements que le colonel mettrait à profit ! Au moment où elle récupérait les papiers du quidam, la porte d’entrée s’ouvrit laissant apparaître le comparse. Zohra eut le temps de se glisser derrière l’armoire, d’armer sa main du petit révolver pneumatique qui sans aucun bruit logea une aiguille d’acier dans le cœur du comparse. Il était temps de disparaître. Elle tira du sac qu’elle portait sur son dos un nikab qu’elle enfila après avoir enlevé sa cagoule. Elle sortit comme si de rien n’était de l’appartement et disparu, elle salua d’un geste le portier en sortant sur le trottoir. Ces deux hommes étaient les facteurs de l’organisation, disparus, cela obligerait l’organisation de trouver deux hommes sûrs à l’organisation terroriste.

            La liste était longue pour éliminer toute la vermine, recouper sans cesse les trajectoires de chacune, la patience dans ce genre d’affaires, l’analyse était primordiale. La remontée d’informations était capitale, le colonel avait un réseau d’informateurs  dormant compétent dans les groupes terroristes, il les utilisait efficacement avec grande prudence. José Da Siva Santos s’était converti à l’islam en 2009 en prenant le nom d’Abbes Matzam. Emprisonné à Lille pour braquage, il purgeait une peine de dix ans quand il a fait la connaissance de l’Islam avec des repris de justice marocains. Ceux-ci ont tellement fait qu’Abbès s’est converti et radicalisé. Bénéficiant d’une remise de peine, en 2013,  pour bonne conduite, Abbès fréquenta une mosquée salafiste de la région parisienne connue pour son fondamentalisme larvé. Abbès Matzam suivit un entraînement au djihad dans une région du Puy -de- Dôme. Envoyé en Syrie via la Turquie, combattant dans les rangs de l’EIIL dans la région d’Idleb,  où se trouvent de nombreux étrangers venus rejoindre  le djihad. Rejoignant la France en 2015, il fut une nouvelle fois recruté par des extrémistes pour commettre plusieurs attentats au Maroc, comme spécialiste en explosifs ! Zohra le rencontra dans un restaurant branché de Rabat, plutôt beau garçon, grand avec un aplomb phénoménal. Abbès  avait remarqué la rayonnante beauté de Zohra. Il avait appris l’arabe en prison et lors de ses visites à la mosquée pour concrétiser son langage en Syrie. Il  parlait avec un léger accent français qui n’avait pas disparu. Il s’approcha de la table de Zohra et s’assit en face d’elle. Il fit signe au garçon pour qu’il amène un bouquet de roses blanches qu’il offrit à Zohra. Celle-ci dans son rôle le remercia avec son plus beau sourire. Vous êtes ravissante, lui dit- il.  Je vous propose de nous rencontrer demain matin au marché aux fleurs, qu’en pensez -vous ? Zohra sauta sur l’occasion, acquiesça.  Cette rencontre était voulue calculée par le colonel, il fallait qu’Abbès entre dans le jeu subtil de Zohra,  qu’elle découvre ses intentions? Quels étaient ses relais? Si les informations du colonel étaient crédibles, José Santos préparait quelque chose. Il devait être en relations journalières avec d’autres comparses.

            Le lendemain matin, quand Zohra fit son apparition au marché aux fleurs, elle fit sensation parmi  la gent masculine. Une chevelure de jais lui descendant jusqu’aux reins avec beaucoup de souplesse, des yeux bordés très légèrement au khôl et des lèvres de reine juste soulignées au crayon. Une robe mi- longue bleue laissant voir des mollets augurant un galbe de jambes magnifiques. Le haut légèrement décolleté laissait suggérer avec le haut de la vallée une poitrine généreuse qui enrichissait le tissu de deux globes majestueux. Ses chaussures bleues à hauts talons finissaient en beauté la silhouette de Zohra. A son arrivée, Abbès se leva, recula la chaise pour qu’elle puisse s’asseoir. Dangereux, mais stylé pensa Zohra. Elle était venue sans arme. Elle se méfiait des réactions d’Abbès, Numéro 1, le colonel l’avait catalogué comme tordu, vicieux, intelligent et  calculateur. Il fallait qu’elle connaisse ses intentions, sans tomber dans son lit. La veille en quittant le restaurant  du Cosmos elle avait attendu le départ d’Abbes, elle n’avait pas tardé à remarquer le conciliabule entre Abbès et un quidam au coin de la rue adossé à la voiture d’Abbès. La conversation ne dura guère, Abbès se méfiait. Le quidam s’éloigna et disparut au coin de la rue. Zohra avait vu juste, Abbès avait des comparses. José SANTOS  continuait de flatter Zohra, qui faisait semblant d’aimer cela. C’était le jeu du menteur de chaque côté des intervenants. Après le thé à la menthe, ils se séparèrent en se donnant rendez- vous à nouveau au Cosmos, le restaurant branché de Rabat, le soir même. Le Cosmos était le lieu de rendez -vous de la haute société marocaine, des hommes politiques, des industriels influents et le rendez -vous des Français branchés. Abbès avait dù subir une éducation accélérée pour un truand de son espèce. A l’arrivée de Zohra avec dix minutes de retard, il se leva, lui baisa la main, c’était le grand jeu. Elle choisit un plat de Saint -Pierre au fenouil et à l’ail, il commanda la même chose un peu déstabilisé avec une bouteille de Champagne de marque.

            Elle dégustait son Saint -Pierre, lorsqu’elle s’aperçut de l’arrivée du quidam d’hier soir, elle n’en laissa rien paraître. Elle comprenait maintenant toute la stratégie d’Abbès, c’était clair dans sa tête, il projetait de faire sauter le restaurant, de tuer un maximum de monde en particulier les politiques et les nombreux Français, clients branchés du Cosmos. Le comparse servirait de couverture pour l’aider dans sa fuite. L’endroit était admirablement bien choisi. Le Cosmos était à deux pas de la gare de Rabat, l’explosion engendrerait la mort, la peur et la panique. Ce n’étaient pas des kamikazes, l’attentat n’aurait pas lieu ce soir ! Zohra n’était qu’un miroir où se reflétait la haute société. Elle refusa de l’accompagner le lendemain, elle voulait exercer une surveillance pour pallier à toutes éventualités. Numéro 1 avait mis Abdéramane en couverture, ce n’était pas un agent  spécial, mais un commando parachutiste comme Zohra choisi par le Colonel.  Plusieurs de ces commandos sortaient de la manche du colonel au moment opportun. Il se chargea de localiser le logement d’Abbès. Il en instruisit Zohra. Dès le lever du jour, Zohra et Abdéramane chacun posté devant la résidence d’Abbès derrière une haie de lauriers roses, à proximité de leur véhicule, attendaient Abbès, il devait disparaître ! Il sortit de l’immeuble accompagné du quidam à neuf heures du matin. Il regarda à droite et à gauche attentif à l’environnement. Salma tira une seule balle de son Glock muni d’un silencieux, touché à la tête, il s’écroula sur le trottoir, le quidam eut le même sort de la part d’Abdéramane, Hamdoulilah !

L’édition du Bulletin du Maroc titrait sous la plume d’Ali Benzémane, son journaliste vedette : la guerre des gangs aurait -elle reprit, deux malfrats connus défavorablement des services de police ont succombé sous les coups des tueurs d’une bande rivale ? La police n’avait pas fourni des renseignements majeurs concernant la sécurité du territoire. Elle avait trouvé des explosifs et des armes de poings dans leur chambre, ainsi que des cartes d’identité différentes. Aucune trace n’avait été laissée par les agresseurs. Cette information top secrète était réservée à la brigade anti terroriste.

Zohra redoutait que les autres sbires d’Abbes, agissent sous le coup d’impulsions vengeresses. L’individu tué avec Abbès se nommait Rachid Ben Saoud, natif d’Agadir. Zohra et Abdéramane partirent en chasse pour connaître un peu mieux les relations de cet individu avec la mouvance islamique et terroriste. A Agadir, Zohra et Abdéramane chacun de leur côté vinrent aux renseignements. La maman de Rachid vivait difficilement dans le vieil Agadir, elle indiqua à Zohra que son fils vivait à Inezgane mais  qu’elle ne le voyait pratiquement plus. A Inezgane, c’est Abdéramane qui s’introduit dans le quartier déshérité de la cité. Il se rendit directement à la mosquée. Après avoir fait sa prière, il interrogea quelques fidèles sur Rachid Ben Saoud. Rachid était considéré comme un homme pieux, sans histoire, ayant peu d’amis. Ceux-ci avaient leurs habitudes au café à côté de la mosquée. Après quelques paroles insignifiantes, Abdéramane, inconnu à Inezgane, marchait sur des œufs. Il ouvrit le journal puis fit semblant de s’étonner à haute voie de la triste destinée de Rachid. Son voisin d’à côté se répandit en nombreux Inch’ Allah, appuyé par d’autres consommateurs attablés, avant de conclure, Rachid ira au paradis c’était un homme fidèle aux traditions de Mahomet, mais il avait disparu d’Inezgane depuis de longs mois. Retour à la case départ, le voyage à Agadir ne leur avait rien appris. Il leur fallait piocher dans la région de Rabat pour trouver rapidement  les autres éléments  du complot. La police avait fouillé de fond en comble l’appartement où vivaient Abbès et Rachid, ce n’était plus la peine de chercher de ce côté. Les renseignements viendraient via le numéro 1 par les mystérieux relais de celui -ci. Rachid avait loué un tout petit appartement dans la Médina de Rabat, minuscule, mais pratique pour disparaître dans la foule et prendre la fuite en taxis ou en tramway. Zohra enfila la longue ruelle avant de tomber sur cet immeuble ancien et sale  à un étage, un balcon de fer rouillé ornait la fenêtre de l’appartement. Un marchand de chaussures lui faisait face, elle entra, s’assit et essaya

plusieurs paires, lui permettant ainsi de surveiller la fenêtre de l’appartement. Elle se leva du tabouret, poursuivant sa promenade apparemment tranquille. Puis changeant d’avis, elle revint devant l’immeuble cherchant quelque chose dans son sac. Avec habilité, sans en avoir l’air, elle tourna la poignée, la porte était fermée.

Quatre heures du matin,  Abdéramane et Zohra, silencieusement, crochètent la serrure de l’appartement de Rachid. Bien que silencieux, l’escalier de bois gémit sous leurs poids. Sur le palier il fallut choisir entre les deux portes. D’un signe de tête, les deux portes s’ouvrirent sous les coups de pied d’Abdéramane et de Zohra qui s’étaient mis immédiatement sur le côté de la porte. Des coups de feu claquèrent de chaque côté, nos deux compères répliquèrent  avec promptitude, le silence s’établit. La lumière allumée, dans chaque chambre, gisait un individu sur le tapis et à travers du lit. Abdéramane était blessé au bras. Il fallait fuir, éviter d’être confrontés avec la police. Il était temps, elle arrivait du côté du boulevard du tramway. Ils n’avaient pas eu le temps de fouiller les chambres, mais ils avaient éliminé les autres membres du groupe terroriste. Zohra se dépêcha de transporter Abdéramane à la clinique Alfahanamia, les bougainvilliers,  après en avoir informé le colonel qui s’occupera des formalités.

Rentrée à la boutique, nom donné à l’agence par le colonel, Zohra se présenta au Numéro 1, le colonel Abdou Mélik. Celui-ci n’était pas satisfait de l’opération, Abdéramane blessé sera soigné sous le signal Top Secret dans une chambre de la clinique. Ils n’avaient pu obtenir les documents précieux sur la filière djihadiste marocaine, c’était un échec, un peu plus ils se faisaient rafler par les forces de police. La méthode Zohra avait été trop empirique, risquée. Le Colonel Abdou Malik n’était pas content du tout. Cette situation ne devait pas se renouveler ! Zohra en prenait pour son grade. Zohra et Abdéramane n’avaient pas eu le temps de  rechercher des éléments dans les chambres, des téléphones portables qui auraient pu donner des renseignements utiles sur leurs interlocuteurs. C’est la police des polices qui les avaient en main. Il fallait absolument trouver le commanditaire de cette opération terroriste programmée. Le journaliste Ali Benzémane titrait, la guerre des gangs fait rage, deux nouveaux individus également défavorablement connus de la police assassinés dans la Médina de Rabat. La police se perd en conjectures.

Zohra retourna dans la Médina, elle s’acheta une paire de chaussures dont, elle n’avait cure au commerçant en face des appartements qui l’a reconnu. Au moment de payer, elle lâchait, il y a eu des problèmes cette nuit dans la Médina, d’après les journaux c’étaient des voyous. Ils habitaient juste en face, lui dirent- il, ils étaient plutôt du genre calme, ils recevaient des amis dans la journée, ils buvaient du thé. Ils me saluaient toujours, répondit le commerçant.  Il y avait toujours un monsieur bien habillé à l’européenne. Il repartait toujours après la prière, Salat El Icha, prière du soir.  Il fut convenu qu’Abdéramane rétablit et Zohra surveillerait un certain temps les logements, au cas où le dandy referait surface. Zohra commença la surveillance, habillée d’un niqab la couvrant entièrement, seuls ses yeux perçaient au travers du voile noir. Ses mains étaient également recouvertes de gants fins également noirs. Elle faisait plusieurs fois les étalages ouverts de la Médina. L’attente fut longue, mais c’est pendant la surveillance d’Abdéramane qu’il repéra un individu bien habillé, effectuer des allers et retours devant les logements. Il s’attabla dans un minuscule café de souk. Il s’assit résolument, commanda un thé et surveilla sans en avoir l’air les cent pas du dandy. Il téléphona à Zohra qui arriva trente minutes après habillée de son niqab, elle s‘assit également sur une chaise du minuscule café. Elle enregistra le manège de l’individu chaussé de chaussures vernies noires. Habillé d’une manière chic, une chemise blanche cravatée de bleue, son costume provenait probablement d’Italie, gris, bien coupé. Le vendeur de chaussures l’aperçut et le salua, il le salua en retour. Zohra et Abdéramane savaient maintenant que c’était bien l’individu recherché. Il ouvrit la porte et monta l’escalier. Zohra et Abdéramane montèrent à leur tour en fermant la porte derrière eux. Les craquements du bois avertirent le dandy. Ils choisirent la porte de gauche, le quidam était là assis sur le lit un pistolet à la main. Zohra et Abdéramane, jetèrent leur arme sur le plancher. L’homme rassuré demanda d’un air rogue, que me voulez -vous ? Zohra  laissa glisser ses mains sur le niqab, en signe d’allégeance. Elle accrocha sa main gauche sur le déclencheur du pistolet pneumatique, il ne s’attendait pas à cela, sans bruit le dandy s’écroula sur le tapis, une aiguille d’acier de trois millimètres de diamètre lui avait percé le cœur. Il était clair qu’il recherchait quelque chose malgré les fouilles de la police, lié aux attentats programmés. Il fallait trouver ! Zohra prit son identité dans son portefeuille.  Il s’agissait de Raymond Bastir né à Lille. Encore une étrange coïncidence.

Zhora et Abdéramane se partagèrent le travail, chacun son logement, rien ne devait leur échapper. Le carrelage du so,l inspecté, ne laissait aucune trace  d’aspérités suspectes. Les plinthes ne recélaient aucune cachette. Les meubles avaient dû être inspectés de bas en haut par les spécialistes de la police. Ils les fouillèrent quand même sans plus de résultat.  Pourtant il y avait une raison de la présence de l’individu armé dans le logement. Le plafond était une dalle en béton. Il n’y avait rien. Zohra était convaincue que l’un de ces logements cachait un indice important. Elle ouvrit la fenêtre, les volets restaient clos. Sur un volet, une des lames de trois centimètres sur cinq de large semblait avoir du jeu et décollée de l’ensemble des lames. Avec un couteau, elle souleva aisément la lame et la sépara de l’ensemble. Mise sur la table, elle était creuse, son épaisseur était un trompe- l’œil. Des documents soigneusement repassés pour entrer sans mal dans la lame furent retirés ainsi qu’un téléphone portable plat par Zohra. Abdéramane fila dans le second logement, voir s’il y avait également ce piège, c’était négatif. Zohra avait les seuls documents précieux qui permettront d’aller plus loin après lectures et études ! Zohra ajusta son niqab et accompagné d’Abdéramane, prirent le chemin du retour, en prenant soin de laisser la porte d’entrée ouverte.

Le Bulletin du Maroc, le lendemain titrait en première page, que fait la police, un autre meurtre perpétré dans le logement de la Médina ? Pourquoi ces logements ont- ils pas été surveillés ? Ali Benzémane le journaliste vedette du quotidien releva que ces meurtres étaient parfaitement identiques, planification, action et disparition  des assassins sans laisser de traces ! Ce sont des effaceurs au même titre qu’une gomme sur un trait de crayon. Il n’en fallut pas plus pour que tous les journaux titrent, la Gomme a encore frappé. Abdéramane et Zohra rejoignirent la boutique et se présentèrent devant le colonel. Le téléphone sera ausculté par les techniciens de la boutique et les documents prendront plusieurs jours pour vérifications et recoupements indispensables à la poursuite de l’enquête, avec l’identité du suspect supprimé par Zohra.

Zohra et Abdéramane étaient restés à la boutique. Abdéramane s’entraînait au tir, Zohra en profitait pour être toujours à niveau dans le  combat rapproché avec un maître marocain de la discipline, s’appuyant sur des techniques mises au point par W.E. Fairbairn durant la Deuxième Guerre mondiale et largement modernisées pour être beaucoup plus dangereuses pour le ou les adversaires potentiels. Au troisième jour le colonel  Abdou Mélik les fit appeler. Sans préambule, il leur dit, votre Raymond Bastir est en fait un extrémiste musulman appelé Bachir Majoub, déjà interpellé pour des propos à vocation radicale. Il avait disparu de Lille depuis quatre années, il ne serait pas impossible qu’il ait aidé Abbès MATZAM à trouver des comparses au Maroc. C’était une figure radicale connue à Rabat, mais rien ne pouvait lui être reproché, aucune voie de fait, ses rencontres étaient notées, mais la police n’avait pas conclu à une dangerosité immédiate. Les documents sont importants, ils permettent de corréler entre eux les actions qui étaient prévues. Le point important est le décryptage du téléphone portable. Nos  techniciens ont découvert quatre appels au même numéro, ces quatre appels aboutissent tous  d’après nos recherches chez des individus recherchés pour leur extrémisme et leur dangerosité. L’un de ceux-ci a participé aux attentats de Tunis. Nos techniciens ont logé ces crapules, vous trouverez dans ces dossiers leurs noms, leurs adresses et leurs habitudes.

Bachir El Baz l’un des artificiers de Tunis gîtait à Kénitra boulevard Hassan II à l’hôtel Mamora. Apparemment paisible, il ne se faisait pas remarquer. Patron d’un petit garage, il avait des fonds en suffisance pour régler l’hôtel chaque mois, rubis sur l’ongle. Il utilisait une automobile C5 garée au sous -sol de l’hôtel. Plutôt jovial, il passait parmi les personnels de l’hôtel comme un client agréable, souriant et n’oubliant pas les bakchichs.

Ali BENKIRAD était un restaurateur installé à SALE depuis des années juste à côté de la mosquée. Son commerce fonctionnait bien, sa carte attirait la petite bourgeoisie de Salé.  Son restaurant était niché dans un bâtiment historique tout à côté de la Grande Masjid Al Adam dans le quartier piétonnier de Talaa. Ali Benkirad était marié et avait deux enfants. Estimé dans le quartier, il apparaissait comme l’une des figures importantes de SALE. Créateur, il aidait financièrement un club de foot, il rayonnait parmi les jeunes, tous amateurs de foot !

Adam Bejoued était un truand radicalisé auteur des basses œuvres de la pègre, la police n’avait jamais pu le coincer. Intelligent, rusé et retord il était dangereux. La police le surveillait pour sa radicalisation. Il habitait dans le ghetto de Tabriquet à Salé,

Rachid ben Chemoud, qui était chimiste à l’hôpital Ben Ali de Salé, occupait un poste important dans les analyses des malades. Il avait été repéré comme radical, mais là aussi la police n’avait rien de précis, il était sous surveillance. Il habitait dans un logement de Kwass Kénitra Salé. Les quatre avaient des logements de proximité, seul Bachir El Baz se trouvait éloigné de Salé.

Il va falloir agir en commençant par Adam Béjoued, son élimination passerait pour un règlement de compte. Le bidonville de Tabriquet était le plus grand de Salé, il n’était pas question de s’aventurer à l’intérieur des ruelles étroites et sécurisées par les habitants. Il n’y avait aucun renseignement sur ses habitudes dans le fichier. Il fallait trouver une solution. Abdéramane se décida à aborder une jeune prostituée du bidonville très discrète qu’il avait repéré lors de ses nombreux guets, posté au café en face du Ghetto. Elle l’amena sur le chantier qui jouxtait le ghetto, le gardien du chantier louait son  Mobil home à Fatima. Elle poussa Abdéramane à l’intérieur, elle se déshabilla et invita Abdéramane sur la couche du gardien. Il lui remit les cinq cents dirhams demandés. Il mit dans sa main gauche, cinq cents autres dirhams supplémentaires et lui demanda tout de go, j’ai besoin de voir Adam, mes clients m’ont dit qu’Adam vendait de la came. C’est urgent, je n’ai plus de marchandise ! Fatima se saisit de l’argent et demanda à Abdéramane de revenir le lendemain. Il lui faudra revenir dans le Mobil home, avec cinq cents dirhams, elle aurait sans doute des renseignements à lui donner. C’était un jeu dangereux, Zohra servirait de couverture tout près du Mobil home.

Le lendemain, Fatima arriva, elle lui réclama les cinq cents dirhams avant d’entrer dans le Mobil home. Attend, lui dit -elle il va arriver. Le temps passait, Abdéramane pensait qu’il s’était fait posséder, c’est alors que l’on frappa à la porte, Fatima donna l’ordre d’entrer, c’est un garçon de dix ans qui apparut dans l’encadrement de la porte. Adam te demande combien tu veux ? Effectivement, Adam était rusé, il ne se montrait pas facilement, la confiance n’était pas son fort ! J’aurai besoin de cent grammes, au coût du jour cela fait 70.000 dirhams. J’attends ici je ne veux payer qu’à lui ! Ce n’est que le soir que deux hommes entrèrent dans le Mobile home. Ils étalèrent sur la table du gardien la coke toute blanche sortie d’un petit paquet en plastique. Un homme petit et chauve avait un pistolet à la main droite, l’autre regarda Abdéramane, yubsiq, crache, lui dit -il, c’est tout ce qu’il a pu dire, Zohra l’avait définitivement couché avec une aiguille d’acier dans le dos, l’autre homme sans doute Adam eut une réaction, mais une autre aiguille lui transperça sans bruit le crane. Fatima se cacha sous la couverture de peur d’être la prochaine cible. Zohra et Abdéramane prirent la fuite en laissant la drogue sur la table. Pour une fois Numéro 1 les félicita.

 Le lendemain, la presse du matin titrait, La Gomme a encore frappé, deux malfrats ont  été abattus dans le bidonville de TABRIQUET, de la cocaine étalée sur la table du gardien de chantier avoisinant. La guerre des mafias de SALE est maintenant officiellement ouverte, six hommes abattus en une semaine qu’elle est la mafia qui nettoie ainsi ses concurrents ?  La police indiqua qu’une nouvelle arme était employée par  la Gomme, sans doute un pistolet pneumatique qui envoyait des aiguilles d’acier, dangereuses jusqu’à cinq mètres.

Zohra habillée d’une blouse blanche et d’une coiffe d’infirmière se dirigea vers le laboratoire d’analyses, elle avait un bocal à la main, elle demanda à voir Rachid BEN CHEMOUN pour lui remettre le flacon, quand il s’approcha à quelques mètres, il s’écroula percé par une aiguille d’acier propulsée par le pistolet de Zohra placé dans la poche de sa blouse. Le Personnel se précipita, craignant une crise cardiaque. Zohra disparut tranquillement de par l’agitation du personnel. Le Bulletin du Maroc faisait son gros titre avec : Meurtre à l’hôpital BEN ALI du chimiste responsable des analyses, le cœur percé d’une aiguille d’acier. Pourquoi La Gomme a-t- elle encore frappée ? Rachid BEN CHEMOUN était- il en relation avec les trafiquants de drogues ? Lors de l’autopsie, une aiguille avait été découverte dans son cœur. La police s’inquiétait de la tournure des évènements et ne parvenait pas à trouver une piste sérieuse.

Le restaurant d’Ali BENKIRAD était plein comme d’habitude.  Zohra et Abdéramane avaient trouvé une table libre après une dizaine de minutes d’attente. Abdéramane n’était pas un agent spécial, c’était un commando parachutiste employé par le colonel pour son efficacité à l’intérieur de la boutique et aussi pour couvrir si besoin était un agent spécial. Le repas était copieux, le tagine au bœuf était bien préparé. Ils finirent par une glace au café. Quand le garçon arriva avec l’addition, Abdéramane lui demanda d’appeler le patron pour le féliciter. Ali BENKIRAD arriva près de leur table le sourire aux lèvres, soudain  il s’écroula au pied de leur table, Abdéramane et Zohra se précipitèrent pour l’aider, mais Ali Benkirad était inerte. Ils profitèrent de la panique, dans les cris pour s’éclipser. Zohra l’avait touché encore une fois en plein cœur avec le petit pistolet pneumatique.

Bachir El Baz, avait disparu, il avait quitté l’hôtel précipitamment, sa C5, n’était plus là également. Son petit garage était fermé, Bachir s’était enfui en ayant compris que ce serait son tour. Cela posait un problème pour le retrouver. Abdéramane et Zohra firent un tour du garage. Rien de spécial à signaler, ils décidèrent d’entrer la nuit dans le garage et voir si des indices étaient encore visibles.

Ali Benzémane, le journaliste vedette du Bulletin du Maroc, comparait SALE à Chicago des années mille- neuf- cent -vingt- cinq. Ce titre accrocheur ne laissait pas insensibles les Marocains. La bande mafieuse de La Gomme était d’une efficacité remarquable. Disons -le tout de suite écrivait il, une efficacité toute militaire. Où vont-ils  s‘arrêter ?

Zohra remarqua un fourgon Renault blanc rangé devant le garage, il était déjà là le matin. Sans aucun doute, la police surveillait les lieux, ayant fait le lien  entre tous ces incidents violents. Ces véhicules étaient équipés d’instruments sophistiqués permettant de voir et d’enregistrer à l’extérieur du véhicule Zohra renonça, elle passa devant le garage sans s’arrêter. La police ne lâchera pas le morceau, elle surveillera le garage au moins durant un mois encore par différents moyens. Il fallait abandonner l’idée d’entrer dans cet espace. La piste s’arrêtait là ! Rendus à la boutique, Zohra et Abdéramane recherchaient les moyens de retrouver   Bachir El Baz sans y parvenir. Numéro 1 les réunit dans son bureau. Bachir est originaire de Sidi Yahya une commune du Gharb, à proximité de la boutique, nous devrions pouvoir retrouver des membres de sa famille et découvrir sa retraite.

La famille El Baz à    Sidi Yahya occupait une position dominante dans la confrérie des commerçants. Tous ses membres possédaient un ou plusieurs commerces qu’ils mettaient en gérance auprès de leur proche famille, plus jeune, cousins et neveux. Zohra et Abdéramane  eurent l’idée de la provocation en se présentant au garage d’Ismael El Baz  Sous prétexte de gonfler les pneus de leur automobile, Zohra lui dit, j’ai vu que vous portez le même nom que le garagiste de Kénitra, j’habite dans l’immeuble d’à côté. Ismael fit semblant de répondre au téléphone, lui permettant de ne pas répondre à la question. Ils s’éloignèrent, rangèrent l’automobile le long du trottoir au coin de la rue. Ne pouvant plus être repérés, ils attendirent la suite. Vingt minutes plus tard, une C5 noire sortie de nulle part s’engagea sur la route, il y avait bien eu collision entre les deux garagistes. La BMW de la boutique conduite par Abdéramane prit en chasse la C5 de façon que Bachir s’en aperçoive rapidement et commette une erreur. Celui-ci accéléra au-delà de la sécurité, la route de Dar El Gaddari était en mauvais état. Abdéramane accéléra encore pour se rapprocher à 100 mètres de la C5. Bachir enfonça le pied sur la pédale de l’accélérateur, la C5 bondit au maximum de sa vitesse. Arrivé sur le pont du chemin de fer, qui avait  une très forte convexité, surplombant la ligne de chemin de fer de Tanger, la C5 décolla de la route, s’envola au -dessus de la rambarde de sécurité et s’explosa six mètres plus bas sur les rails d’acier et le ballast de pierres de carrières. Abdéramane avait prévu le scénario, la BMW avait ralenti bien avant le pont. La C5 était en flammes. Zohra envoya un coup de téléphone anonyme pour aviser les pompiers de l’accident sur la voie ferrée. Abdéramane et Zohra retournèrent voir Ismael qui loin de se douter de l’issue dramatique de Bachir était resté tranquillement dans son garage. Abdéramane et Zohra le poussèrent à l’intérieur de son garage. Il se rendit compte qu’il se trouvait dans une situation critique, il réagit rapidement et violemment. Il décocha un coup de pied terrible sur la cuisse de Zohra, elle chancela incapable de poursuivre le combat. Abdéramane combattit quelques minutes encore, Ismael était un professionnel du close -combat pratiqué sans aucun doute à l’armée. Il fallait en finir,  Zohra sortit son pistolet pneumatique, l’une des aiguilles se ficha dans le crâne, une autre en plein cœur. Ismael s’écroula.

Le lendemain, la presse titrait, un accident spectaculaire s’est produit sur la route de Dar El Gueddari, sans doute à cause d’un excès de vitesse, le chauffeur s’est retrouvé pris au piège dans sa voiture tombée sur la ligne de chemin de fer, Rabat – Tanger. Son véhicule a pris feu, le chauffeur est décédé. En deuxième page, Ali Benzémane relatait la nouvelle action de La Gomme à Sidi Yahya d’acier. La police fait ce qu’elle peut, mais La Gomme lui échappe toujours !

Le colonel prévenu, Abdéramane conduisit Zohra qui souffrait à  la clinique Aljahanamia (bougainvillier) Salé. A peine arrivée, prise en charge par une équipe médicale spéciale sous le signe Secret Défense, Zohra fut conduite, recouverte d’un drap blanc des pieds à la tête, dans un local aménagé pour ce genre d’affaires. Le personnel était un personnel militaire tenu au secret. Les infirmières déshabillèrent Zohra sur une table amovible tournante à trois cent soixante degrés pour les examens radiologiques. Le bourdonnement discret de la machine indiquait le travail de l’équipement radiologique. Recouverte du drap jusqu’en haut du corps, elle se retrouva devant le Colonel Ahmed Charwki, spécialiste en traumatologie et directeur de la clinique. Il n’ignorait pas les activités du Numéro 1, une grande et longue amitié liait les deux hommes depuis la guerre du golf. D’une grande intelligence, la présence de Zohra le confortait dans son appréciation, il avait devant lui, La Gomme. C’était une déduction, mais le message du colonel l’avait conforté dans cette analyse.

-Bon lui dit –il, tu vas avoir de grandes vacances mon petit soldat, au contraire du Numéro 1, il tutoyait presque tout le monde du caporal aux médecins- chefs. Rien de cassé, mais le coup a été très dur, tu as une poche de sang qui compresse ton muscle et te fait souffrir, nous allons te soutirer le sang, ensuite deux à trois fois cette nuit nous viendrons te mettre de la glace sur la cuisse. Tu vois les recettes de grands-mères ont encore du succès. Le kiné passera tous les jours te faire des massages pour rétablir la flexibilité du muscle, ensuite au bout d’un mois tu entameras ta rééducation. Il te faudra deux à trois mois pour retrouver ton complet équilibre. Pour l’instant, pas question de bouger, sois sage mon petit lieutenant. Le colonel Ahmed Charwki disparu, une infirmière lui fit une piqûre pour soulager la douleur. Zohra s’endormit pour de grandes vacances ! Toute la nuit elle rêva à ce qui lui était arrivé, sa science du close -combat aurait dû éviter cette blessure, d’habitude elle était intouchable dans un combat de prêt. Ismael était un maître comme elle n’en avait jamais rencontré, sans doute entraîné à l’armée. Au réveil, elle n’arrêtait pas de penser à cette situation au point de se sentir coupable. Quelle avait été son erreur pour qu’il puisse la frapper si fortement à la cuisse ? Trop sûre d’elle -même, c’est cela, trop sûre d’elle, elle a laissé Ismaïl prendre le dessus alors que c’était à elle d’attaquer la première comme au Katanga en son temps, mais elle ne s’attendait pas à ce que ce garagiste soit un pro du combat de rues ! Le colonel Charwski lui avait dit qu’il lui faudrait quatre mois pour se rétablir complètement, c'était impossible, il fallait que l’enquête fût close. Il fallait continuer le combat. Le capitaine Hanae BOUAB avait fait toutes les campagnes avec le colonel Charwski, elle l’avait suivi à l’ouverture de la clinique Aljahanamia comme infirmière -chef pour les soins, mais surtout lors des opérations de chirurgie en traumatologie. A son entrée dans la chambre, Zohra était debout à côté de son lit. Cela n’a pas tardé, le colonel Charwski dès son entrée dans la chambre la regarda d’un air pas commode, il était gentil, mais il savait sévir quand il le fallait.

Tu commences à m’emmerder lieutenant, quand je donne un ordre on l’exécute, sinon je vais te foutre à nouveau dans le rang, compris avec l’air méchant!  Il n’y avait plus rien à dire, il fallait obéir. Le colonel  doit se trouver dans une situation inédite, à moins qu’il envoie au charbon un autre agent. Deux fois par jour, un kinésithérapeute lui fabriquait une nouvelle jambe par des massages relativement douloureux. Elle demanda à Hanae de lui apporter un recueil de poésie marocaine. Hanae revint avec un recueil bilingue de Benchekroun romancière, poétesse **A TOI**. Zohra dévora le recueil en un après- midi, elle aimait beaucoup la poésie, le Maroc possédait des écrivains de très grand talent. Les jours passèrent, Zohra s’ennuyait l’on approchait de la date à laquelle elle pourrait à nouveau s’entraîner pour faire remarcher sa jambe. Avec un maître elle reprit l’entraînement de son corps par une gymnastique appropriée, sa jambe gauche encore douloureuse ne fut pas épargnée, au contraire, il fallait qu’elle retrouve toute l’élasticité qu’elle avait perdue. Chaque jour, elle subissait une torture corporelle, mesurée par le maître d’armes du colonel. Un mois après elle ne souffrait plus, c’était le moment choisi par le maître d’armes pour qu’elle retrouve complètement l’élasticité de ses deux jambes par des assauts répétés. Zohra recommença à se tenir en équilibre à lever sans difficulté les jambes au-dessus de la tête, à bloquer les assauts du maître d’armes. Elle était redevenue Giselle au ballet de l’opéra. Elle alla remercier le colonel CHARWKI et le capitaine Hanae.  Le colonel l’a regarda et avec un œil pétillant il lui dit, sayd jayid, bonne chasse, Zohra esquissa un sourire. A la boutique le colonel fut satisfait de la revoir. Il ne lui posa pas la question comment ça va, il connaissait déjà la réponse.

-J’ai hâte de recommencer le travail colonel.

-Cela tombe bien j’ai une nouvelle affaire à vous confier. Pendant votre séjour à l’hôpital j’ai confié l’enquête en cours à un nouvel agent et à Abderamane. J’ai exhumé un dossier au nom de Sara Ben Jeloun fichée par les services de sécurité et suivie à la trace par l’un de leurs agents. Réfugiée à Fes, elle logeait dans une petite  pièce à Hay Benssala Bensouda. Elle se rendait souvent à la porte de Mahrouk, gare des bus et des cars au-dessus de la Médina. Elle rencontrait des individus dans une petite imprimerie artisanale dans la Kasba Nouar. Abderamane avait réussi à photographier discrètement l’un des individus, Ali Chekroun, truand notoire bien connu des services de police. Les autres individus n’avaient pas pu être identifiés. Sous le prétexte d’imprimer des calendriers, elle se rendit avec Abderamane à l’imprimerie. C’était vraiment une vieille imprimerie, la porte en fer était exagérément rouillée, poussée, l’intérieur de l’imprimerie devait dater de la fin du dix -neuvième siècle avec un éclairage succinct. Il n’y avait pas quinze secondes qu’ils étaient entrés qu’Abdéramane tombait sous les projectiles du pistolet de Sara Ben Jeloun, il eut le temps de la blesser. Pour échapper au même sort, Zohra plongea à terre, le Glock à la main et terrassa le sbire adossé à l’établi de plusieurs coups de feu. Dans un reflex elle se retourna avant de tomber sur le dos. Elle aperçut en haut de l’escalier menant au bureau un troisième larron. Etonné  de cette gymnastique, il hésita avant de tirer, Zohra n’eut pas la même réaction, elle enfonça le doigt sur la détente, l’homme s’écroula dans l’escalier bruyamment, il rejoignit le plancher plus vite qu’il ne l’avait monté ! Zohra par prudence se mis accroupie et regarda l’ensemble de l’imprimerie. Tout était tranquille, elle se releva et acheva le travail d’Abdéramane en logeant une balle de son Glock dans la tête de SARA. Allah ! Elle vit sur l’établi un plan et un dossier qui s’offraient aux regards de Zohra. Elle les empoigna, les mis dans un sac de papier et sorti par la petite porte des employés. La porte donnait sur une ruelle étroite empierrée. Un gamin de dix ou douze ans jouait au ballon devant la porte. Il driblait, faisait rebondir le ballon sur sa tête, se servant des murs comme partenaires. Elle sut de suite que ce gamin faisait le guet pour le compte des malfrats. Il la suivit tout en jouant à la balle jusqu’à l’avenue de l’Unesco, sortit sur le trottoir en faisant rebondir plusieurs fois le ballon sur sa tête et repartit dans la ruelle. Elle avait été repérée. Durant ce temps le colonel avait prévenu l’ambulance militaire pour la prise en charge d’Abdéramane très mal en point.

            Elle déambula tranquillement jusqu’à l’autobus en tête de la file d’attente. Elle ne se retourna pas sachant qu’ils ne la lâcheront plus. Elle regarda dans le grand rétroviseur de l’autobus, elle aperçu une petite Fiat cinq cents  bleue. Celle-ci s’arrêtait derrière le bus quand celui-ci prenait un nouveau passager et repartait avec lui. Malgré la grande circulation sur l’avenue de l’Unesco, Zohra avait l’œil pour repérer la Fiat. A la gare ONCF, elle descendit du bus, elle se dirigea vers les toilettes en se retournant une seule fois. L’homme était chétif habillé d’une gandoura marron à rayures. Elle avait inscrit sa silhouette dans sa mémoire. Elle entra dans les toilettes des hommes, y resta plusieurs minutes, tira la chasse et sortit de la toilette. L’homme était adossé au mur des toilettes des femmes dans l’intention d’éliminer Zohra à sa sortie. Elle n’hésita pas le Glock muni de son silencieux lui logea un projectile dans la tête. Elle sauta dans   un petit taxi rouge avec la volonté de rejoindre la planque chez Ahmed. Elle s’était assise à côté du chauffeur, attitude anachronique au Maroc, c’était très mal élevé, c'était la pratique d’une femme de mauvaise vie, d'une prostituée. Elle en avait conscience, mais cela lui permettait de surveiller les rétroviseurs du taxi. Elle avait eu raison, un autre véhicule la suivait, ces gens- là étaient de véritables professionnels, ils ne mettaient pas leurs œufs dans le même panier. La planque se trouvait sur la route de RABAT, elle fit arrêter le taxi à Hay Lamssala. Lorsque la voiture suiveuse fut en vue, elle tira tout son chargeur dans la vitre, le conducteur tué sous les balles et  le véhicule devenu fou s’écrasa contre un arbre. Le chauffeur de taxi affolé prit la fuite en faisant crisser ses pneus sur l’asphalte. Elle avisa le Colonel pour qu’un chauffeur vienne la chercher.

            Elle resta une dizaine de jours chez Ahmed, elle avait besoin d’informations sur le dossier et le plan retrouvé sur l’établi de l’imprimerie. Le plan ressemblait à celui d’une construction de barrage, pas de nom, pas d’explication. Elle finit par trouver dans le dossier des coordonnées 34°07°N et 04°40°W. Elle rechercha la position de tous les barrages du Maroc. Elle avait trouvé, c’était celui **d’IDRISS Premier** situé sur l’oued Inaoued tout près de Fes. Elle avançait. Sa mise en eau datait de 1973. Vingt -quatre contreforts sur béton  bloquaient l’oued Inaoued à seulement vingt kilomètres à l’est de . Il avait une longueur de crête de quatre -cent- quarante- sept mètres. Construit pour répondre à l’irrigation  de la plaine du Gharb. Une usine d’une puissance de  40 mégas- watt a été construite pour produire 66 GWh par an, soit soixante- six millions de KW ! Elle cherchait à s’informer au maximum, la retenue du barrage s’inscrivait dans une capacité de retenue en amont de mille cent quatre- vingt- six- millions- de mètres cubes. Il irriguait sept cent trente -deux mille hectares de la plaine du GHARB. Ses fondations de soixante- douze mètres supportaient un volume de quatre cent cinquante milles mètres cubes. La surface du bassin versant était de trois mille trois cents kilomètres carrés.

L’idée des terroristes était de noyer la vallée de millions de mètres cubes d’eau avec l’anéantissement de toute une population.  

Elle appela le Colonel pour l’informer de la préparation de l’attentat. Elle souhaitait avoir l’aide d’un commando de la boutique sachant voler avec un parapente pour deux personnes, Zohra serait du voyage. Elle souhaitait également un équipement de plongée avec des bouteilles de gaz pour grande profondeur.

Elle loua une villa sur la plus haute colline bordant le lac, avec son altimètre, elle mesura cinq cent cinquante- deux mètres. Ce sera parfait pour se lancer avec le parapente au-dessus du lac. Adam LOUKILI arriva quarante -huit heures après avec tout le matériel demandé. Adam était pilote, le parapente était l’un de ses loisirs favoris. Arrivés à la villa, il alla reconnaître le site pour s’envoler. La nuit était noire sans lune, idéale pour voler. Zohra s’était équipée d’une tenue de plongée, masque spécial de respiration, puissante  lampe frontale et deux bouteilles  d’air. Elle devra faire très attention lors de la remontée au temps de décompression. Il lui faudra plus de quinze minutes avec un palier de décompression de trois minutes à moins de trois mètres pour revenir à la surface. Elle ne rechercherait pas à battre le record du monde du nageur de combat Egyptien Ahmed GAMAL GABR descendu à trois cent trente- deux mètres trente -cinq homologués.

Trois heures du matin, attachée par une courroie à celle d’Adam les jambes en avant pour ne pas gêner la course du pilote, le parapente s’envola sans bruit. Zohra remit ses jambes droites pour freiner le choc à l’arrivée de son corps dans l’eau. Ils avaient prévu que Zohra se libérerait à quarante mètres au-dessus de l’eau du lac pour laisser au parapente le loisir de remonter au vent et aux courants ascendants. Elle se libéra en tirant sur la courroie et elle tomba très vite, le choc fut sensible, elle coula d’une quinzaine de mètres avant de revenir à la surface. Elle fixa son masque et dévissa les bouchons de ses deux bouteilles de gaz et se laissa couler le long du béton.  Elle fit des allers- retours de toute la longueur de l’ouvrage en descendant d’une manière douce jusqu’à trente mètres de profondeur. Descendre plus bas était une gageure et demandait beaucoup plus de matériel et surtout de l’aide pour les changements de bouteilles, opération trop voyante !

            Après avoir inspecté minutieusement la structure de l’ouvrage, elle remonta à la surface. Elle nagea jusqu’à la rive où l’attendait Adam revenu avec le Duster. Il l’aida à remonter sur la rive, l’aida à se débarrasser des bouteilles et de son équipement qu’il plaça dans le coffre. Elle ne dit pas un mot, Adam respecta ce silence. Il se mit au volant et traversa le barrage par la petite route qui le surplombait. De l’autre côté, il enfila le chemin sinueux entre les coteaux et les collines qui l’amena à la maison tout en haut. Zohra regarda à nouveau son altimètre, cinq cent cinquante -deux mètres, elle avait bien choisi le site. Arrivée, elle se déshabilla pris une douche à l’eau froide et se sécha vigoureusement. Elle déplia le petit tapis à prières et récita des versets du Koran pour la salat. Elle rejoignit Adam dans le salon et appela le Colonel.

-Mon Colonel, je n’ai rien aperçu de suspect je pense qu’ils n’ont pas sous la main un nageur de combat expérimenté capable de descendre à de grandes profondeurs. Ils ont d’autres projets, ils se serviront sans doute d’un aéronef ou d’un avion de tourisme. Je vous demande de justifier l’interdiction de survol du lac et des installations durant trente jours à partir de maintenant. C’est un commando très dangereux, il faut se méfier à tout. Ils sont capables d’intervenir en planeur, en parapente, en deltaplane, en montgolfière, en ballon à gaz, en petits avions de tourisme. Trois terroristes équipés d’une lance- roquettes de quarante millimètres crachant une série de roquettes suffiraient en tirant sur la cible au même point d’impact à produire des fissures mises à profit par la poussée de l’eau, ce serait une catastrophe. Je pense qu’ils sont assez vicieux pour se servir d’un ballon à l’hélium. Mon colonel, je vous demande également de mettre des hommes tout autour du lac formé par *Idriss premier** pour abattre tout objet volant non identifié au-dessus du lac. Et de but en blanc :

            -Mon Colonel quelles sont les nouvelles d’Abdéramane

- Elles ne sont pas très bonnes Lieutenant, il est toujours dans un état critique.

-Que Dieu ait pitié de lui !

            Dès le lendemain après- midi, les hommes du colonel étaient sur place tout autour des seize kilomètres du lac lourdement équipés pour pallier à l’évènement terroriste envisagé. Zohra rappela le Colonel

-Mon Colonel envisageons qu’avec tous les préparatifs que nous avons effectués aient été aperçus, ce sont de grands professionnels et décident de surseoir durant une longue période à l’attaque envisagée ! Ils se tourneraient alors vers un autre objectif d’où la recherche d’une piste. Il est impensable qu’ils se soient retranchés sur le lac, ils sont trop malins pour cela. Je crois mon Colonel qu’ils sont toujours à Fes.

-Vous avez raison lieutenant il faut tout envisager comme vous l’avez dit ce sont des maîtres dans le monde du terrorisme. Je vous accorde carte blanche avec Adam pour recommencer l’enquête à partir de Fes. L’armée restera en alerte tout autour du lac !

 

La foule envahissait la grande place au-dessus de la Médina autour des autobus, des autocars et des taxis. La porte de Mahrouk était une gare importante pour les transporteurs. Ils s’approchèrent de la ruelle qui menait à l’imprimerie, le gamin avait disparu. Adam et Zohra entrèrent dans un café de l’avenue de l’Unesco. Adam demanda insidieusement au garçon si l’imprimerie était toujours ouverte, ayant des travaux à faire exécuter.

- Oh non monsieur après les tragiques évènements, l’imprimerie est fermée, personne ne veut la reprendre elle est damnée !

Il faudra orienter les recherches ailleurs, mais toujours à Fes. Sara Ben Jelloul avait en son temps loué une chambre à Hay Bensala Bensouda. Allons faire un tour, proposa Zohra. Le quartier était populaire, la chambre se trouvait au deuxième étage d’après les indications du propriétaire. Avec celui-ci ils montèrent voir le logis sous prétexte de le louer. C’était une chambre toute simple, un lit, une armoire, une table et sur celle-ci un réchaud à gaz. Adam ouvrit l’armoire, quelques vêtements ayant appartenu à Sara étaient rangés sur la planche du haut. Il souleva discrètement les vêtements et sous ceux-ci un classeur sale. Il reposa le tout et dit au propriétaire qu’il prenait la chambre dès le soir même. Le propriétaire n’oublia pas de lui demander un mois d’avance, six cents dirhams, c’était de l’arnaque, Adam paya, le propriétaire redescendit l’escalier avec Zohra heureux d’avoir fait une bonne affaire, Sara avait déjà payé son mois d’avance. Zohra et Adam s’étaient mis d’accord auparavant pour se retrouver le soir même au restaurant du coin **A L’Amazig**.

-J’ai ouvert le dossier Zohra, vous verrez, il risque de vous intéressez.

Elle le compulsa et regarda Adam d’un air entendu. En effet celui-ci va favoriser nos recherches. Il y a un nom qui revient souvent, penchons -nous sur l’activité de cet individu. Ahmed Ekhid résidait dans la banlieue de Fes à Oulad route de Sidi Elyamani Moumen. Proche de l’aéroport de Fes, il pouvait disparaître rapidement si besoin était. Zohra enfila sa burka et accompagna Adam. Ils n’avaient pas l’adresse exacte d’Ahmed, assis au café de Fes ils buvaient un thé à la menthe brûlant. Adam demanda au garçon s’il connaissait Ahmed, non répondit- il, mais demandez au boulanger, il connaît tout le monde ! Ils prirent le temps de boire leur thé avant de s’approcher du boulanger.

-Ahmed est un bon garçon c’est le serrurier du quartier vous le trouverez au coin de la rue dans un garage aménagé en atelier.

 Il n’était pas question de le solliciter. Le travail consistera en une longue surveillance et filature. Les photos d’Ahmed furent envoyées au Colonel. Le retour fut négatif, l’individu n’était pas fiché, aucune condamnation, un sou neuf en sorte ! Chaque salutation était photographiée,  envoyée à la boutique et revenait avec le titre négatif comme ses déplacements. Depuis plus d’un mois, Ahmed était surveillé sans que sa personnalité soit percée à jour. Cela ne pouvait être, Sara l’avait noté dans ses dossiers avec son numéro de téléphone, lui aussi surveillé, décrypté, cela devenait une énigme insoluble. Chaque déplacement professionnel était surveillé par Zohra ou Adam sous des habits différents, gandouras de couleurs différentes pour Adam et  fausses barbes, nikab pour Zohra. Il était photographié sous toutes les coutures, ses fournisseurs également ainsi que ces clients sans que les services de sécurité puissent trouver une faille qui aiderait la boutique !

 

            C’était un casse -tête, ce bonhomme était blanc comme neige, irréprochable, que foutait- il avec Sara avant qu’Abdéramane la fusille à son tour se demandait Zohra? Il n’y a pas d’exemple de l’absence de complicité dans le crime organisé. Ils étaient comme deux doigts de la main, il y a quelque chose que nous ne comprenons pas, dit-elle à Adam. Il ne recevait pas de courrier, les factures comme beaucoup au Maroc se payaient en liquide de la main à la main, ni vu ni connu ! Il travaillait près de dix heures par jour, ce n’était pas un bricoleur, il construisait des coffres- forts en acier pour les entreprises, réparait les ascenseurs, les grosses portes automatiques des banques ou des grosses sociétés, les escaliers roulants dans les super marchés. Il réparait également les systèmes de levage des grues ou des machines de chantiers. C’était un maître dans sa profession.  Lisse comme le verre d’une bouteille d’huile d’olive, rien à dire, passez, il n’y a rien à voir ! Non, s’exclama Zohra d’une voix hargneuse, il est mouillé jusqu’au cou c’est à nous de le découvrir. Ils recommencèrent la surveillance encore plus minutieuse qu’avant, si c’est dire ! Chaque poignée de main, chaque conversation étaient à nouveau photographiées et envoyées au colonel. Chaque allée et venue, chaque déplacement chez un client étaient suivis à la trace. Rien, toujours rien, je deviens chèvre, déclara ZOHRA au Colonel. Un déplacement sur le barrage d’Idriss Premier quelques jours plus tard les alertèrent semble-t-il pour pas grand-chose. Un clapet retenant un volet du trop -plein du lac permettant la vidange était bloquée. Ahmed était reconnu comme un bon ouvrier qualifié, il était systématiquement appelé lorsque des petits problèmes  qui se posaient. Les gros problèmes étaient résolus par les ingénieurs Hydrauliques du barrage.

 

            Revenus à la planque de Fes, elle prit une douche, fit sa prière sur le petit tapis de salat en pensant très fort à la guérison d’Abdéramane. Adam préparait le thé de son côté, il rajouta des feuilles de menthe au moment de le servir dans la théière. Il mit dans une assiette des gâteaux secs, des figues séchées et des olives vertes. A son tour, il déploya le petit tapis et fit sa prière. Zohra s’en voulait de ne pas trouver une solution à ce problème qui semblait insoluble, elle se coucha énervée de ne pas avoir trouvé le fil du problème, qu’il suffirait de tirer pour que  l’affaire se démêle. Elle eut beaucoup de mal à s’endormir et eut un sommeil agité avec des réveils à répétitions avec des sortes de cauchemars. Le réveil du lendemain ne lui fut pas agréable, elle ne se sentait pas dans son assiette, la douche l’a remise heureusement en état. Elle sauta sur le petit déjeuner, c’était l’un de ses meilleurs repas, thé bouillant parfumé à la menthe, assiette d’olives noires et vertes, tout petit pot empli d’huile d’argan, du pain grillé, assiette de figues séchées, des croissants et des petits pains au chocolat. Après avoir versé le thé dans un bol, le cérémonial commençait, elle trempait le pain au chocolat dans l’huile d’argan puis les croissants et enfin le pain grillé revêtu de beurre et de miel trempé dans le bol de thé. L’huile d’argan faisait partie du cérémonial matinal des Marocains aisés, les autres se suffisaient de l’huile d’olive. L’estomac bien rempli, une bonne  bouche avec son odeur d’argan, elle alla de nouveau dans la salle de bains pour se laver les dents, se rincer la bouche et se brosser les cheveux. La journée commençait.

            Zohra resterait à surveiller Ahmed l’homme sans tâche, pendant qu’Ahmed retournerait faire un tour  avenue de l’Unesco à Fes. Il poussa la vieille porte pourrie par la rouille de l’imprimerie, elle grinça, il avisa ainsi un type au premier étage dans le bureau. Il sortit son pistolet pour ne pas tomber dans le piège d’Abdéramane. L’homme ne semblait pas armé, mais Adam  se méfiait, il monta quatre à quatre l’escalier en fer et poussa brutalement l’individu à l’intérieur du bureau. Effectivement il n’était pas armé, mais que faisait -il là? Secoué vigoureusement par Adam,

-je suis venu pour voler du matériel,

Cela se tenait, mais Adam n’en était pas convaincu. Il prit une photo qui en quelques secondes s’imprima chez le Colonel. C’était un petit bonhomme chétif, mais la prudence l’emportait chez Adam. Trente minutes plus tard, Adam reçut la réponse. En fait de petit voleur, c’était bien un membre de la troupe de terroristes, il se nommait Abderrahim El Guidi arrêté plusieurs fois pour trafic de drogues et appels au djihad. Il n’était pas un membre très important du réseau c’était surtout un navigateur qui apportait des messages ici ou là  à d’autres membres. Adam une Dacia de la planque de Fes  l’obligea, avec beaucoup de courtoisie, le pistolet à la main à monter à côté de lui en lui enjoignant de ne pas bouger sous peine de revoir le papa Shaiitane. Dès entré dans la Dacia il lui passa des menottes histoire de bien séance ! 

            ZOHRA était contente, Adam avait fait une bonne pêche.

-Pour qui travailles-tu ?

-Que faisais-tu à l’imprimerie ?

-Connais- tu Ahmed Mekhid?

C’est regrettable que tu ne veuilles pas parler, car tu vas souffrir un peu ! Abderahim fut logé de force dans un réduit. Il en sortit deux jours après sans manger ni boire. Il n’y a pas de tendresse avec ces assassins mêmes de la trempe d'Abdérahim. Il ne devait certainement pas connaître tous les rouages du groupe vu sa position sociale dans ce groupe, mais quelques renseignements peuvent faire avancer grandement l’enquête.        ZOHRA détestait la torture, mais la tournure des évènements amenait à cette situation. La vie de milliers de personnes dépendait du barrage visé par ces terroristes. Adam passa à l’attaque

-Abdérahim ne nous oblige pas à utiliser des moyens que je n’aime pas, mais que je n’hésiterai pas à utiliser si tu continues à fermer ta grande gueule lui conseilla Adam. Le langage du soldat revenait au pas de charge.

-Vas te faire voir chez les Chleux

-Ne dit pas ça mon petit bonhomme, tu vas souffrir

-Toi, ha, ha, tu me fais rire, avec cette manie d’avaler les mots tous crus

-Bon, tu l’auras voulu, tu riras moins, avec une simple pince à gaz, Adam écrasa le pouce droit de l’olibrius, Celui-ci hurla de douleur, de grosses larmes sur les joues et, en se tenant la main,

Nadir, salaud hurla-t-il.

Adam agita sa pince à gaz, Abdérharim en pleurant, supplia, baraka, baraka, stop, je vais parler.

Ce n’était pas un héros la douleur lui était insupportable. Je ne connais pas le chef de l’organisation, il est invisible, personne ne le connait. Je sais simplement qu’il envoie des messages  à Youssef qui transmet les ordres à son tour à tout le groupe.

-Donne- nous l’adresse de Youssef

-Je ne l’a  connais pas

-Adam reprit sa pince à gaz et l’agita sous le nez du navigateur

 

 

-il a une boutique de vêtement dans la Médina de Fes

-Bien, tu vois quand tu veux tu peux être coopératif

Alors dis- moi qu’est-ce que tu foutais à l’imprimerie ?

-L’on m’avait demandé de ramener l’ordinateur du bureau à Youssef

Zohra appela le Colonel pour qu’il entre en relation avec la planque de Fes pour envoyer d’urgence une équipe récupérer l’ordinateur.

-Connais- tu Ahmed Mekhid ?

-Jamais entendu parler

-Adam lui balança une gifle magistrale, il se mit à saigner du nez.

-Je le connais pas, ‘uqsim ealaa dalik, je le jure

Nous allons faire un petit tour tous ensemble, hein, mon petit bonhomme. Ils roulèrent ainsi durant près d’une heure sur la route de Rabat. Adam conduisait, Zohra était derrière avec l’individu. Il y avait toute une partie de la route bordée de chaque côté par une forêt d’eucalyptus. Zohra déchargea, une aiguille dans le crâne d’Abdérahim avec le petit pistolet pneumatique. Adam ralenti la voiture, Zohra ouvrit la portière et balança le corps à l’extérieur. De retour à la planque de la boutique, Zohra prit une douche chaude, bien séchée, elle étala le petit tapis et fit sa prière dédiée à Abdéramane. Celui-ci était un commando comme elle, c’était un devoir de penser à lui. Il avait été amené en urgence à l’hôpital Al Ghassani à Fes et opéré par l’un des meilleurs chirurgiens du Maroc le professeur  Anass Ntsame, surnommé le Réparateur depuis la guerre du golf. Il avait fait des miracles dans les soins donnés aux blessés. ABDERAMANE avait été touché par une balle au poumon droit. L’opération était risquée, il avait perdu beaucoup de sang. Le Réparateur décida de pratiquer une thoracotomie à haut risque et de lui supprimer un lobe de son poumon droit. Mit sous respiration artificielle après une transfusion sanguine, il fallait attendre, Inch Allah! Si tout se passait bien, l’opération n’ayant enlevé seulement que vingt pour cent des capacités respiratoires d’autant que son poumon avait la capacité d’augmenter de volume. Il pourra retrouver une vie tout à fait normale après quatre ou cinq mois. Zohra y croyait, toutes ses prières allaient dans ce sens.

            Maintenant c’était au tour de Youssef, il fallait le localiser et le déloger. La Médina de Fes est restée la capitale culturelle du Maroc, Fes El Bali est le plus vieux quartier de Fes, fortifié au huitième siècle après Jésus Christ, ses rues sont étroites, exclusivement piétonnes. Tout à côté de la Grande université Al Quaraouiyine, la ruelle des chiffonniers, marchands de vêtements masculins et féminins. Youssef tenait boutique en face d’une boutique de mannequins habillés de robes de couleurs. Toujours assis sur une chaise haute, il scrutait les clients potentiels hélés par un éclatant Salam Alékoum krouya. Si ils s’arrêtaient, il vantait la qualité de ses vêtements, viens leur disait il je te fais un prix. Zohra et Ahmed étaient passés plusieurs fois devant la boutique du souk, s’arrêtant par ci et par là, observant sans y avoir l’air d’y toucher le sieur Youssef. Il n’apparaissait pas particulièrement dangereux, mais c’est ce type d’individus qui le sont, parce qu’anonyme ! Zohra et Ahmed réfléchissaient au moyen d’établir une relation avec lui. C’était le chaînon manquant de toute la bande de terroristes. C’était lui qui recevait les ordres par téléphone et Abdéramine qui faisait les voyages auprès des autres comparses aujourd’hui pratiquement liquidés. Le chef du réseau était très professionnel, très dangereux, très intelligent. Il ne communiquait que par téléphone à un seul membre qui ne le connaissait pas sans doute par messages codés apparemment insignifiants pour tous autres. Aujourd’hui le réseau pratiquement éliminé Youssef était la pierre d’achoppement. Il fermait sa boutique très tard dans la nuit comme les commerçants marocains en avaient l’habitude. ZOHRA habillée de sa burka avait suivi ses habitudes durant plusieurs jours. Il fermait les portes de sa boutique par un volet roulant à minuit, minuit et demi puis sur la place de la grande Université il s’arrêtait au café de l’Université. Avec du thé brûlant, il prenait un casse- croûte à la viande hachée nappée de sauce tomate et de piment avec un cornet de frites, devisait avec les convives attablés et disparaissait. Zohra avait remarqué qu’il repartait dans une certaine direction sur une vieille mobylette, elle n’avait pas les moyens de repérer sa domiciliation. Le lendemain, Adam se  posta avec une moto de la planque. Une heure du matin, Youssef quitta la table, enfourcha sa motobécane rouillée et prit la tangente. Adam prudemment le suivit de loin lui laissant l’avantage, il n’oubliait pas que c’étaient des professionnels, la prudence était obligatoire avec ces cocos- là ! Il n’alla pas bien loin sur le boulevard de l’Unesco, il tourna dans une ruelle, s’arrêta devant une vieille maison au balcon rouillé, rentra sa mobylette, ferma la porte. Adam veilla toute la nuit au cas où il recevrait de la visite, ce ne fut pas le cas. Il attendit sans dormir le retour de Youssef à la Médina.

Je l’ai logé, dit- il à Zohra mais il faut s’assurer que c’est bien son pied à terre! Si c’est bien là qu’il loge, il est tout à côté de l’imprimerie. Je retournerai demain pour m’assurer de son logement, en attendant si l’on allait visiter ses pénates de la nuit. A deux sur la moto, ils s’avancèrent dans la ruelle. Il n’y avait personne derrière les fenêtres, Adam crocheta la serrure, ferma la porte. Ils montèrent l’escalier à pas feutrés une seule porte donc un seul logement bizarre, souligna doucement Zohra. Après la porte sur la rue, il crocheta la porte d’entrée. Rien de luxueux, un lit, une table, un réchaud et un ordinateur de bureau. Zohra mit le PC en route. Tout semblait anonyme, cela ne tenait pas debout. Dans son sac avec sa burka elle avait toujours une clef USB, son pistolet pneumatique et le GLOCK. Elle sortit la clef et enregistra le contenu du PC, vingt minutes suffirent à l’évènement.

De retour, il était important de connaître le résultat, la clef USB enfoncée dans l’ordinateur de la planque enregistrait tout ce qu’elle avait volé chez Youssef. Il n’y avait rien d’intéressant, ce n’était pas normal. Tout était crypté, il fallait qu’elle trouve la clef de tout cela. Elle travailla toute une partie de la nuit sans pouvoir analyser les enregistrements. Elle s’endormit épuisée et mécontente d’elle. Le lendemain matin elle prit une douche froide, y compris les cheveux. Elle se sécha vigoureusement le corps, se sécha les cheveux avec le séchoir électrique, les peigna soigneusement et les couvrit d’un foulard bleu. Son petit déjeuner pris elle sortit pour courir cinq ou six kilomètres. Au retour à peine essoufflé elle se remit à la table de travail. Elle avait décidé de faire parler le PC !

Elle se concentra sur les courriers, elle relut les messages plusieurs fois elle pensait que là se trouvait la solution ? Cela la mettait en boule dans une colère rentrée en tant qu’ingénieur en informatique de ne pas être capable de trouver la réponse. Puis la lumière jaillit c’était le codage d'étudiants, tout simple, loin de la sophistication des chiffres et des lettres recherchée par Zohra. Elle avait trouvé : a=0 b=1 c=2 d=3 e=4 f=5  et ainsi de suite, chaque lettre portait le numéro d’ordre dans l’alphabet, avec un tableau c’était devenu un jeu d’enfants de rédiger un message. Le dernier envoyé stipulait d’abandonner le projet IDRISS 1er on en comprenait la raison soit : 01013314131341711415171494191317815174128417. Elle s’en voulait d’avoir cherché des complications là où il n’y en avait pas ? Des algorithmes compliqués et scientifiques, déformation de son éducation d’ingénieur et de la numérotation décimale du génial mathématicien persan  du neuvième siècle AI Khwarizmi!  Youssef recevait du chef du groupe de terroristes des messages codés, des ordres qu’il se chargeait de redistribuer via le navigateur. Mais qui était le caïd de ce groupe extrêmement dangereux ? Très intelligent, il ne se servait pas du téléphone, il ne voyait personne du groupe, effacé, invisible même, il menait son groupe à la baguette, les hommes de celui-ci lui obéissaient comme un seul homme. Quel était son pouvoir ?

-Nous le saurons par Youssef répondit Adam

-faut- il encore que nous mettions la main dessus et pas seulement une intrusion dans son logement. Il était le pivot de l’opération, le premier lieutenant du caïd il fallait trouver le moyen de le capturer et le faire parler. Il devait être d’une autre trempe qu’Abdérahim. Le Bulletin du Maroc titrait d’ailleurs à ce sujet, La Gomme fait encore parler d’elle. A Fes, un homme défavorablement connu des services de police a été abattu  sur la route de Rabat, la tête percée par une aiguille d’acier. Comme d’habitude aucun indice ne permet de suivre une piste sérieuse. Que venait  faire La Gomme dans ce galimatias de la truanderie de Fes ? La Gomme restait intouchable ! Ce groupuscule s’était-il donné comme raison d’être d’éliminer  toute la faune du Maroc ?

Il serait intéressant de trouver le moyen de coincer à coup sûr Youssef et du même coup de mettre la main sur le caïd. L’idée d’Adam était de s’introduire chez Youssef de l’attendre et de l’interroger.  Cette solution ne plaisait pas à Zohra, trop risquée, trop bruyante si une bagarre éclatait.  Ils seraient pris au piège dans cet appartement unique dans cette voie étroite si Youssef avait du renfort. Il n’était pas question non plus  d’une guerre de tranchées favorisant inexorablement l’arrivée des forces de police. La boutique devait rester inconnue, invisible ! Il n’y avait pas d’autres appartements en face de celui de Youssef qui auraient permis une surveillance, une écoute par des instruments sophistiqués. Ils avaient été détruits en vue de récupérer tout l’espace pour construire un nouveau quartier. Installons sur le toit un appareil d’écoute et de transmission. Nous arrivons avec une camionnette de la compagnie d’électricité, une grande échelle comme si nous devions réparer quelque chose sur le réseau, dit Adam.  Zohra répliqua, je préfère cette solution, vingt- quatre- heures sur vingt -quatre, nous aurons des nouvelles des conversations et réceptions de Youssef. Après un silence, pourtant dit- elle quelque chose me chiffonne, il me semble que l’on oublie un truc important ? Dans cette histoire, il ne faut rien oublier, le moindre détail est important, n’oublions pas que nous sommes en présence d’une mafia terroriste bien organisée et professionnalisée. Je garde votre idée Adam mais nous attendrons un peu, j’ai le sentiment que nous tenons un bout de la corde, mais il manque un brin. Elle abandonna le PC, passa ses baskets, laça ses lacets, se coiffa d’un foulard bleu et alla courir quelques kilomètres au milieu des champs de betteraves et d’exploitations d’orangers de la région. Elle quitta très vite la nationale de Rabat pour prendre un chemin de terre s’enfonçant dans les terres agricoles. Elle força l’allure, allongea les pas en appuyant sur la pointe des pieds, les champs disparaissaient rapidement devant la cadence imposée par Zohra pour laisser la place à un autre champ et à un autre. Elle respirait l’air avec bonheur, un bien- être s’installait petit à petit dans son intérieur, dans sa tête, c’était la fête. Elle ne pensait plus à rien qu’allonger les jambes qu’à bien appuyer la pointe des pieds sur le chemin de terre qu’à garder le bon rythme qu’elle avait trouvé ! C’était le bonheur, oui, vivre ces instants seuls avec la nature qui l’entourait, ces centaines de moutons gardées par un gamin, une badine à la main, un chariot de brindilles tiré par un âne piloté par une vieille Marocaine aux frusques usées et au foulard fripé. Des sillons tracés bien droits par un cheval rustique traînant sa charrue répondant aux commandements de l’agriculteur :Hayaa shajaetay ‘atlaq ainaar, allez mon brave, tire ! Le laboureur s’arrêta quelques secondes pour saluer Zohra  qui lui un fit signe de main. Elle s’arrêta et fit de grandes enjambées en levant le plus haut possible les jambes, comme prise de remords, elle redémarra au pas de course. Encore un kilomètre, elle arriva devant un immense château d’eau d’une vingtaine de mètres de haut, elle se retourna et reparti d’où elle était venue.

Revenue à son point de départ, elle prit une douche, s’habilla de nouveaux vêtements, posa le petit tapis à terre et fit sa prière. La salat était encore destinée à ABDERAMANE, que Dieu le sauve !

Vous voulez un thé demanda-t-elle à Adam

Nem, sans sucre

Elle posa la théière de thé sur la table basse toujours aussi brûlante avec des gâteaux sur une assiette décorée, des figues séchées et des olives vertes et noires et un petit ramequin d’huile d’argan. Bien assise, elle poussa un soupir d’éléphant dans son bain qui s’est sans aucun doute entendu jusqu’au cœur de Fes.
Elle se sentait bien, sa promenade lui avait fait du bien, de courir lui avait décrassé le cerveau. Elle prit tout son temps pour déguster son thé, manger ses gâteaux à l’huile d’argan, les olives et les figues séchées. Elle ne dit rien s’affala sur le sofa du salon, croisa les jambes, ferma les yeux et se laissa aller à une rêverie temporaire. L’idée d’ADAM était ingénieuse, mais il manquait un nœud à la corde. Ce nœud une fois dénoué donnera la solution au problème. C’étaient des artistes, ils se servaient des cordes du violon avec grâce et volupté, pas question d’interrompre ainsi le concert. Les cordes risquaient de se rompre et de blesser les musiciens ainsi que les spectateurs. La contrebasse indiquait le tempo et invitait le soliste à solliciter les cordes de son violon pour une harmonie de sons, de trilles voluptueuses. L’archet exécutait des figures magistrales et faisait résonner la caisse de l’instrument dont les sons s’élevaient au-dessus de l’ensemble de l’orchestre avant de retomber dans un certain anonymat au milieu des autres instruments, dès que la Diva entonne le grand air de CARMEN. Le torero triomphant, adulé, flatté, apparaissant dans toute sa splendeur auprès de CARMEN qui jouait sa vie aux sons des castagnettes et des tambourins.

            ZOHRA  se leva d’un coup comme piquée par une aiguille, Adam la regardait surpris.

-J’ai trouvé Adam, l’informatique va nous aider. Durant le temps où tu seras sur le toit à placer le petit appareil, je serai dans l’appartement. Je vais enregistrer sur ma clef USB un logiciel qui permet à distance de contrôler un ordinateur. J’enregistrerai ce logiciel sur le PC de Youssef. Ce logiciel est invisible pour le propriétaire du PC à espionner. Il sera un allié décisif, au fur et à mesure que Youssef recevra des messages, ils seront réexpédiés en une seconde sur notre ordinateur. Avec votre appareil sur le toit qui transmet en clair les messages vocaux, ce serait bien le diable si nous ne pouvions pas avancer vers la victoire. ZOHRA était satisfaite, elle pensait qu’elle tenait le bon bout et en plus ils attendront tranquillement ici.

            Il fallait de la patience, cela faisait quatre jours qu’ils poireautaient sans aucune nouvelle. La surveillance est toujours un art difficile, psychologiquement éprouvant. Le colonel avait passé de bonnes nouvelles d’Abdéramane, le Réparateur, le Professeur Anass  Ntsame pense qu’il s’en sortira, pour le moment il est encore très faible et sous respirateur. Zohra était contente, enfin il allait s’en sortir, Hamdoulilah ! Le moral était remonté, ses prières avaient été exaucées. Il fallait attendre, il n’y avait rien d’autre à faire. C’était comme d’aller à la pêche, il fallait du temps pour ferrer le poisson. Le seul problème à la pêche, l’on appâte, ici non, il fallait attendre ! C’était le jeu du gendarme et du voleur au naturel avec une grande possibilité d’être envoyé en enfer. Zohra savait qu’un jour viendrait. Elle lisait des poèmes, s’entraînait avec le maître d’armes, courait quelques kilomètres, se reposait sur le canapé. Adam grignotait son ennui en tirant au pistolet, il était plutôt habile et provoquait le maître d’armes en se jetant sur lui les pieds en avant.  De son côté le cuisinier faisait des étincelles avec des plats sophistiqués, soupes de fruits de mer, poissons de la Méditerranée, côtes d’agneau agrémentées de fèves brunes, poulets frits à la broche. Zohra et Adam adoraient cela, d’autant que le pain était fabriqué à la planque et cuit dans le grand four en terre.

            Le colonel appelait tous les jours, Zohra espérait lui donner des nouvelles rapidement. Pour l’instant c’était le calme plat. Si ce n’était pour capturer le caïd des terroristes, il y aurait longtemps que le sort de Youssef aurait été réglé par la liquidation pure et simple de cet individu! Quinze nouveaux jours étaient passés sans progrès, sans aucun indice, rien à se mettre sous la dent, mais Zohra savait qu’il allait se passer quelque chose, elle attendait le moment ! Ces monstres avaient de l’intelligence, ils reniflaient à cent lieues de distance le moindre problème. Ils se terraient, préparaient déjà la riposte sûrs de leurs raisonnements et leur force de frappe. ZOHRA était convaincue que le caïd était le serrurier, trop blanc, trop lisse pour être honnête ! Il fallait le prouver, YOUSSEF était la chèvre idéale. Adam retourna voir au souk si YOUSSEF officiait toujours dans sa boutique, c’était le cas, il fallait attendre, mais le jour viendra. Il en profita pour faire le tour des ruelles et des étalages, admirant des tchadors de très belles couleurs. Il prit soin de ne pas repasser devant la boutique de YOUSSEF, il ressortit par l’autre bout de l’allée et monta sur le boulevard de l’Unesco prendre un taxi.

            Arrivé à la planque il huma l’odeur du thé à la menthe que lui servi Zohra avec comme d’habitude des olives, des figues séchées et des petits gâteaux. Elle avait mis de la musique Chaabi une composition de BRIWIGA Larbi musicien folklorique de la région de Sidi Slimane. La kamanja sorte de violon joué sur le ventre avec un archet accompagné par les tambourins et une chanteuse à la voix haute et aigüe.  Zohra  s’amusait à lever les bras en l’air et danser en faisant bouger son ventre dans une ronde frénétique. Adam claquait des mains en rythme en accompagnement la musique rejoint par d’autres locataires de la planque de Fes. Baraka elle s’arrêta de danser, s’assit sur le sofa, se servit une nouvelle tasse de thé et avala une figue séchée dévoilant une denture si blanche qu’OMO  jaloux ne pourrait faire mieux !  Le soleil tombait de l’autre côté de la planète, le crépuscule ne tarderait pas à s’inviter et avec lui le jeu des ombres subtiles s’immisçant dans l’espace libéré par le soleil.  Elle glissa sur le sofa, ramena ses jambes sur son ventre dans la position du fétus, ferma les yeux et se laissa aller à la rêverie. Le tressaillement de la montre à son poignet la rappela à la réalité. Le colonel venait aux nouvelles. Toujours rien à déclarer, il fallait attendre, être aussi malins que le caïd et Youssef, les laisser mijoter comme Zohra et Adam mijotaient à la sauce extra- forte ! Le caïd voyant son bataillon d’assassins éliminé se terrait, se transformait en ver de terre pour ressortir à l’air libre au jour J, pour frapper à nouveau. Il était important d’attendre. Attendre était une force, la force qui terrasserait le dragon de la serrure, les assassins de la terreur. C’étaient des prédateurs qui ont choisi le camouflage comme moyen de défense. S’enterrer vivant et attendre leur proie au moment propice. Les chasseurs eux utilisent des stratagèmes pour capturer les prédateurs. Ils heurtent le sol pour l’emplir d’ondes sonores pour faire sortir celui qu’ils chassent et l’abattent de deux coups de fusil. Les pêcheurs agitent dans l’eau un leurre tout aussi efficace pour capturer brochets ou carpes ou encore l’espadon ou le marlin. Zohra et Adam agitent  dans leurs têtes par leur silence, leur patience, la certitude d’une capture imminente et la destruction d’une cellule terroriste particulièrement dangereuse et assassine. La nuit était tombée sans avoir l’air d’y toucher, presque clandestinement, la lumière fusait de tous les côtés des bâtiments et de la nationale de Rabat en laissant un halo de chaleur autour des lampes. Une nuée d’insectes avait élu domicile dans les pièces, les moustiques étaient les plus tenaces et les plus voraces, leurs femelles avides de sang, cherchant leurs proies, ne craignaient pas les insecticides pourtant distribués à grands coups de vaporisateurs. Le cuisinier vint changer l’ambiance par une salade fraîche de tomates et concombres pour commencer, le pain était encore tout chaud, il venait de sortir du four. Arriva ensuite un plat de haricots blancs avec des saucisses de dindes et de bœufs piquantes et un gâteau au chocolat. ZOHRA buvait toujours de l’eau d’Oulmès et Adam de l’eau de la ville.

            C’était le traintrain quotidien, mais à  deux heures du matin, Zohra cria à Adam, ça y est, vient voir : 101701005081941821141821011818418 ce qui voulait dire en langage normal : baraka faites vos valises. Grâce au logiciel placé dans le PC de YOUSSEF nous savons que le mail vient de l’ordinateur du serrurier, Hamdoulilah, le seigneur est avec nous ! La chasse était ouverte, il ne fallait pas perdre de temps, ces oiseaux- là sont des migrateurs. Devant le domicile de Youssef, Zohra et Adam prirent le temps d’examiner l’environnement. Il fallait trouver un moyen d’éviter une tuerie, un escalier, un seul appartement, c’était un suicide ! Adam avait tout prévu il avait dans son sac un petit truc qui ferait sauter le tout petit immeuble et Youssef avec. Il colla contre la porte en fer une charge d’explosif commandée par sa montre. Quatre heures du matin, le quartier se réveilla  avec un terrible bruit d’explosion.   Avec la moto ils foncèrent chez le serrurier    Ahmed Mekhid.  Le caïd était un maître de la dissimulation,  il fallait le traiter avant de l’abattre s'il acceptait de se mettre à table ? Il y avait de la lumière dans la maison basse, Ahmed était bien là.  Adamp et Zohra armèrent leurs bras, enfoncèrent la porte devant Ahmed médusé. Tu nous as donné beaucoup de mal Ahmed, c’est à ton tour de te fatiguer en nous racontant tout par le détail.

-Je n’ai rien à vous raconter

Cela commençait plutôt mal

-Astamae, écoutes ne fais pas le zigoto, nous sommes arrivés jusqu’à toi, nous pouvons allez plus loin, ton voyageur n’a pas tenu le coup très longtemps.

-D’où te vient ce rôle de caïd dans ce groupe terroriste ?

Devant son silence persistant, Adam lui allongea un coup sur la tête tellement fort qu’elle se renversa sur le cou. Ils vont être obligés de lui faire mal, ces renseignements sont primordiaux !

-Soit pas idiot où tu parles, ou l’on te fait mal et l’on de tue as-toi de voir ton intérêt.

Il ne parlera pas, ce genre d’individu ne se laisse pas intimider, pourtant il faudra qu’il parle, Zohra et Adam n’aimaient pas cela, des soldats ne torturent pas.

-Une dernière fois haya takalam allez parle!

-Adam lui prit la main droite et la serra dans l’étau de l’établi, les os craquèrent, la sueur coulait sur son visage, sa bouche se tordit sous la douleur, mais pas un cri ne sortit. Il prit la main gauche et recommença l’opération. Il ne dit pas un mot, pas un cri, la douleur déformait son visage. Adam fit rougir un fer dans la forge quand il fut à point il lui brûla le dessus de la main droite déjà blessée. Ahmed ne répondait pas, il souffrait pourtant le martyre. Adam avait envie de vomir, parle- lui-t-il, Ahmed hocha la tête dans la négative. Son courage ne lui apportait rien. Soudain la porte d’entrée s’ouvrit, un homme entra étonné de trouver autant de monde chez Ahmed. Menacé par Zohra, le Glock à la main, il leva les bras au ciel et répéta, im ‘afeal shyyana, j’ai rien fait, j’ai rien fait. Ahmed n’a pas d’argent, que lui voulez -vous ?

-Pourriez -vous nous donner des explications sur sa vie qui est il? ?     

-Tout ce que vous voulez. Adam accompagna l’individu dehors pour l’interroger. Il était temps  d’accompagner Ahmed aux portes de Shaiitane, le pistolet pneumatique envoya deux aiguilles dans le crâne du caïd. Rude tâche qu’ils avaient eue là !

Bon, quel est votre nom, Icham Mekhid, je suis le cousin d’Ahmed, nous devions allez à la pêche ce matin sur le lac. Adam envoya un message au Colonel pour connaître le curiculum vitae de Icham. Vingt minutes plus tard en retour, cet individu était inconnu des services de police, il occupait la fonction de secrétaire de mairie, section administrative à Fes.

Voulez- vous me dire qui était Ahmed, ce qu’il faisait exactement à côté de la serrurerie ? Il a eu son bac puis est entré à l’Université de Fes, il était doué. Profondément croyant il suivait des cours avec un imam de la mosquée de Dar el Barid à un tel point qu’il était capable de réciter par cœur le koran. Il s’était très vite bien entendu avec les jeunes de la commune. Voilà c’était le parcours d’un combattant d’Al Quaida, intelligent, tellement discret que personne ne le connaissait vraiment, meneur d’hommes, il avait recruté sans y toucher une vingtaine d’hommes par Youssef interposé. Il ne s’était jamais mis en avant dans le recrutement. Il y avait eu une faille dans le service des renseignements. Sans y être invité, Icham déclara que  la sœur de Ahmed, Sara Ben Jeloul avait été tuée lors de l’affaire de l’imprimerie à Fes. Tout se mettait en place et l’on comprenait alors tout le montage au plus haut niveau du groupe de terroristes  de l’oued Inaoued. Aucun témoin ne devait rester en vie, Icham devait disparaître, Ahmed le coucha d’une balle dans la tête Zohra étala le contenu d’un bidon de produit inflammable sur le sol et mit le feu la porte refermée, ils sautèrent sur la moto et rentrèrent à la boutique. Une belle surprise attendait Zohra en apercevant Abdéramane elle lui serra la main longuement en lui souhaitant de se rétablir vite et de revenir au combat. Elle voulait se reposer après cette enquête difficile et meurtrière, faire du sport, lire des poèmes et dormir.  Elle alla saluer le colonel, il la regarda sans rien dire, secoua la tête d’un air entendu et satisfait avec l’air de ne pas y toucher. Sa tête bouillonnait de compliments qu’il ne lui fit pas verbalement, à elle de comprendre. Il était souvent difficile d’exprimer sa satisfaction. Il lui dit tout simplement, alors lieutenant, comment allez –vous ? Comme si elle revenait d’acheter des fraises. Labesse répondit -elle, mais en ajoutant, mon Colonel, nous avons été trahis dans cette affaire.

Comment ça ?

Quand nous sommes entrés dans l’imprimerie c’était pour faire imprimer des calendriers, personne ne nous connaissait hors quinze à vingt secondes après notre entrée, Abdéramane tombait sous la mitraille de Sara et moi-même j’en ai réchappé de justesse.

-Que voulez- vous dire ?

Voilà mon Colonel, je suis persuadé qu’Abdéramane et l’agent qui m’a remplacé ont commis des erreurs, se sont fait remarqués mettant ces gens- là sur leur garde, d’où les tirs. Je n’apporte aucune critique sur mes deux collègues mais comment expliquer cette situation. Ils ont dû commettre la même erreur que j’ai commise avec le garagiste, trop d’assurance. Cela a failli coûter la vie à Abdéramane. Ces margoulins étaient des professionnels du crime, le gamin au ballon dans la ruelle a dû prévenir l’équipe de terroristes qui en retour logea et observa nos deux agents !

-Je vais à nouveau donner des ordres pour respecter la confidentialité et la clandestinité.

Zohra voulait évacuer ces quelques mois de tourments et de crimes, elle avait besoin d’oublier. Elle s’allongea et sombra dans un sommeil plein de soleil, de ciel bleu.

 

 

 

 

 

 

Références :

Wikipedia la ville de FES

WIKIPEDIA barrage d’IDRISS 1er

LA PLONGEE DANS TOUTE SA THEORIE de François RENE

LA PLONGEE AVEC L’AMIRAL

Wikipédia la ville de OULAD TAYEB

Lematin.ch-sante-environnement>vit-tres-poumon>story on vit très bien avec un poumon en moins

Wikipédia la médina de Fes, Fes el Bali

GoogleTraductions arabes-français

Email-way.com>surveiller-un-pc-a-distance-avec-un-logiciel

Maths.ac-noumea.n-cryptographie-comment coder et decoder un message secretInstitut PANDORE comment localiser l’expéditeur d’un mail

 

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