MON RUISSEAU, MA RIVIERE De Ali GADARI


C


Photo Pixabay


Petites nouvelles poétiques



MON RUISSEAU, MA RIVIERE

De Ali GADARI

 

 Ma montagne, s’affichait dans les décors, souvent bleue sous le soleil ou rougeoyante au crépuscule, la cime disparaissait souvent dans le coton des nuages. Les pentes étaient drues et les sentiers caillouteux provoquaient des douleurs dans les jambes fatiguées. Domaine des haies et des sapins, ma montagne produisait aussi des hêtres en quantité non négligeable. A l’abri de ceux-ci se cachent les sorbiers, le cytise, le fusain, la myrtille, la coronille et aussi le daphné l'auréole. La petite oseille, le tout petit muguet, la prénanthe pourpre, la verge d’or et l’herbe de la trinité. Toutes ces plantes que je connaissais de visu, mais dont j’ignorais presque tous les noms, m’ont obligé à rechercher dans de savants ouvrages. Vous voyez, là entre ces deux gros rochers, perle une eau pure venant du fond de la terre, formant une flaque d’eau profonde d’une dizaine de centimètres qui, avide de voyager, se rue sur la pente de ma montagne en formant un ruisseau encore enfantin. Vous pourriez voir, dès l’aube venue, s’abreuver les bouquetins, les grives, le merle et le niverolle classé par les ornithologues, ancêtre de l’époque glaciaire, (comment font-ils pour annoncer cela, je suis toujours étonné de leurs connaissances) ? L’eau traçait sa route à travers les rochers, les éboulements, disparaissant parfois pour ressurgir là où nous ne l’attendions pas au pied d’un hêtre, en s’excusant presque. Ma montagne, d’une manière désordonnée, favorise la rencontre de plusieurs ruisselets, ruisseaux qui, mêlant leurs eaux, grossissent mon ruisseau qui descend ainsi plus vite la pente de ma montagne, entraînant avec elles des feuilles jaunies par l’automne. C’est curieux comme les paysages sont changeants, ici mon ruisseau borde une forêt de sapins et quelques peupliers d’Italie. Les lézards verts courent le long de la berge et se cachent très vite entre deux cailloux. Un merle sautille curieusement pour s’abreuver dans l’eau claire où son image se reflète. Oh, regardez la buse qui guette le mulot ou l’orvet du haut de sa branche avec ses yeux d’expert. Un coude, et mon ruisseau se cogne à une roche en l’éclaboussant et file furieusement en créant son chemin à travers la bruyère, inondant la terre brune et sa végétation, créant une colonie d’herbes grasses et d’arbustes bizarres avec un branchage tarabiscoté. Il descend toujours mon ruisseau, fougueux, ruisselant de lumière et d’éclats sous le soleil, là il passe sous la frondaison d’un saule qui borde sa berge, il change ainsi de couleur ravissant le coucou curieux. Attention, regardez bien, la rivière l’accueille dans son lit pour des noces sulfureuses, les eaux se mélangeant avec de nombreux tourbillons et de jolis éclats. Elle est colonisée par différents poissons blancs de ma rivière : le blageon, petit poisson blagueur qui disparaît plusieurs années et réapparaît subitement, la truite fario, la vairon, le goujon, la loche, ces différentes espèces font bon ménage dans les eaux vives. Elle est belle ma rivière, se coulant entre les pierres et les rochers, se transformant parfois en torrent impétueux pour vite se calmer. Elle est encore agitée avant de rejoindre la plaine. Les paysages changent ou se répètent tous en harmonie avec le ciel.

               Là, un vieux pont de pierres ne laissant passer qu’un véhicule. Ce pont faisait la fierté des habitants, il fut construit au quinzième siècle au temps des ducs de BOURGOGNE. Au temps jadis il a vu passer les chevaliers et leurs lourdes armures et les contrebandiers sur une arche en pierres. Ce petit village est resté dans la tradition, le maire de la commune des années mille neuf cent soixante a rédigé avec son conseil municipal un arrêté interdisant toute nouvelle construction ne satisfaisant pas aux normes du village, lorsque des gens de la ville ont voulu construire des habitations secondaires. Le béton était interdit ainsi que le parpaing, seuls la pierre et le bois étaient autorisés. La petite église était d’une splendeur sans pareille, son clocher en chêne sculpté, comme l’intérieur avec le retable derrière l’autel, et les statues des saints sculptés dans du chêne, reflétait tout l’art du quinzième siècle et les fastes des ducs de BOURGOGNE. Ce petit village encore un peu isolé embellissait ma rivière par son reflet dans ses eaux tumultueuses. Les terres de cette moyenne montagne sont riches en arbres à feuilles caduques, le hêtre, le chêne roi de la montagne, l’érable, l’alisier, employé dans les placages de certains meubles. Il produit des baies comestibles utilisées par certains spécialistes pour produire un alcool de grande qualité. Pardon, j'ai oublié la vesse de loup produisant un fruit pouvant être de la taille d’une grosse balle de hand-ball.

               Qu'elle est belle ma rivière qui serpente encore dans les dernières terres de montagne, là où les hommes ont transformé les paysages d’une manière irrémédiable. Des vignobles bien alignés, des champs où paissent les moutons et les vaches. Des villages sont nés au fil des siècles, remplaçant irrémédiablement les forêts de hêtres détruites à la hache. Profitant des déclivités elle s’écoule parfois tumultueuse sur les dernières pentes de la montagne avant la longue plaine. Entre collines et plaines, la ville s’étale le long de ses berges autrefois boisées et fleuries devenues grises sous le béton. La ville est la première rencontrée depuis la source génératrice de ces eaux encore claires. C’est une belle ville malgré le béton encore marqué par les siècles passés. Son cœur historique a gardé de multiples maisons à colombage. Leur ossature est formée d’un assemblage de poutres en chêne horizontales ou verticales, fixées entre elles par des tenons et des mortaises. Certaines avaient des pierres de montagne pour remplir les vides, mais la plupart étaient en torchis. Ces maisons étaient séparées par des ruelles pavées qui donnaient l’impression d’être au Moyen Âge. De nombreux commerçants animaient le quartier médiéval, jouxtant la cathédrale, construite à une époque toujours mal définie, au quatrième ou au cinquième siècle ? L’on retrouve le Roman, le Gothique et le néo- Gothique dans son architecture. La cathédrale reconstruite par Charlemagne fut édifiée sur les ruines de l’Eglise primitive, qui avait été détruite par les Sarrazins selon les historiens. Les pierres étaient sans doute jointées à la chaux, je n’ai trouvé aucun détail pouvant me renseigner. Les accidents étaient courants dans la construction des cathédrales. Quelquefois une centaine de compagnons étaient tombés de leurs échafaudages précaires, la hauteur de la cathédrale pouvant être à la hauteur des nuages. La cathédrale de Strasbourg culmine à plus de cent quarante-deux mètres. A l’ouest de celle construite ici, la façade est adossée à deux tours carrées de quarante mètres de style gothique flamboyant, un jardin entoure une petite chapelle secondaire. Les habitants de cette ville sont fiers de leur cathédrale. Trois cloches habitent dans les tours, le bourdon, d’un poids de cinq mille deux cents kilogrammes est niché dans la tour gauche de l’édifice, deux autres cloches beaucoup plus petites sont logées dans la tour de droite. Quant à l’orgue, elle a été construite à la fin du dix-septième siècle. Cette ville ne pouvait être construite que sur le bord de ma rivière éclairant les esprits des bâtisseurs de la cathédrale. Cette rivière embellit la nature de ses méandres sauvages et de la beauté de ses paysages incomparables, puis elle s’enfuit vers la platitude et la tranquillité. Tout change, les eaux sont devenues beaucoup plus calmes et avec elles la nature a transformé l’environnement, mais pas seulement, les habitants de ses eaux sont également différents. Le brochet, le requin des eaux douces règnent en maîtres incontestés de ces eaux. La perche, la carpe, le gardon et la brème vivent en bonne harmonie dans les herbes bercées par le courant. Les troènes et les sureaux font bon ménage sur les berges accompagnées de noisetiers, de saules et de peupliers noirs et blancs et des herbes prenant racine dans les fonds sablonneux. Tout cet équilibre sert de réservoir biologique, d’abri et de nourriture pour la faune. Le pêcheur silencieux pourra apercevoir le martin pêcheur aux couleurs orange et bleue facilement remarquable sur sa branche. Là, il n’y a pas de pont, deux barques traversières relient toute la journée les deux rives à coups de pagaies et de force dans les bras pour quelques centimes.

 


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Comment Le Creusot, berceau industriel ravagé, a su rebondir,

**Gilets Jaunes** pourquoi le **bleu**Macron entre dans la zone rouge?

Le chef de Daech, Abou Bakr al-Baghdadi, pourrait avoir été tué par l'armée russe?