Dans les Alpes, des professionnels renouent avec le savoir-faire de l’écoconstruction

Dans les Alpes, des professionnels renouent avec le savoir-faire de l’écoconstruction Durée de lecture : 7 minutes7 janvier 2021 / Juliette Loiseau (Reporterre)
Dans les Alpes, des professionnels renouent avec le savoir-faire de l'écoconstruction Le Gabion, un centre haut-alpin, allie préservation du patrimoine et respect de l’environnement dans le secteur du bâtiment. Depuis 1993, l’association promeut l’écoconstruction auprès d’ouvriers en formation et de salariés en insertion. Embrun (Hautes-Alpes), reportage « C’est un chantier permanent ici », s’amuse le directeur du Gabion, Pierre Sallé, désignant des morceaux de charpente, un essai d’enduit en terre sur un mur ou encore des planches de bois recouvertes d’une couche de neige. Installé le long de la Durance, face à la commune d’Embrun, le lieu n’a rien d’un chantier classique. Depuis sa création, en 1993, l’association a vu passer nombre d’apprentis ouvriers venus s’entraîner à préparer l’enduit en terre crue, une construction en paille ou une isolation en balle de riz. Centre de formation et d’expérimentation, le Gabion dispense des formations professionnelles à la construction respectueuse de l’environnement. Au départ, les formations étaient destinées aux autoconstructeurs, des particuliers qui construisent eux-mêmes leur maison à partir de matériaux qu’ils ont à portée de main. « L’écoconstruction, ce sont des techniques et des matériaux naturels utilisés depuis des milliers d’années », dit Pierre Sallé. Dans les années 2000, les tutoriels YouTube ont remplacé ces stages. Le Gabion s’est alors tourné vers la formation professionnelle. Des stagiaires viennent maintenant de la France entière pour devenir ouvrier professionnel en écoconstruction, en rénovation du patrimoine, ou maçon en terre crue. Pour expérimenter, le Gabion est le terrain de jeu idéal des stagiaires. Le jour de notre venue, les apprentis en écoconstruction essaient de monter un mur en pierres maçonnées. Claude Azuel, maçon, charpentier et couvreur, supervise le choix des pierres et les allers-retours des brouettes pleines de mortier. Au Gabion, tous les formateurs sont des ouvriers ou artisans de métier, en activité. « Je les forme sur les fondations traditionnelles », explique l’entrepreneur. Je suis très attaché à l’écologie, je travaille les techniques traditionnelles et les matériaux naturels dans la restauration du patrimoine. Ça me plait de restituer ce que j’ai appris et de partager les techniques du métier. » Dans cette promotion, les stagiaires ont de 23 à 54 ans, différents niveaux scolaires et parcours professionnels. Certains, ouvriers ou artisans, viennent se spécialiser, d’autres n’ont aucune connaissance dans le bâtiment. C’est le cas d’Anthony, 25 ans, originaire de Bretagne. Après un BTS en gestion et protection de la nature, le jeune homme a enchainé de nombreuses expériences de woofing [1] et un peu de maraîchage bio. « Je suis très sensible à l’environnement, et je m’intéresse à comment agir concrètement », dit-il. « On parle beaucoup des effets de l’agriculture sur l’environnement, mais le bâtiment est un secteur très polluant. Avec des collègues, on souhaite retaper un hameau, avec de nouveaux bâtiments et de la rénovation en écoconstruction. Notre objectif est de sensibiliser le grand public grâce à ce lieu, et aussi de démocratiser les techniques d’écoconstruction. C’est encore trop vu comme une activité de personnes privilégiées. » « On veut que les ouvriers sortent avec une vision globale de la construction » Pour les apprentis en reconversion professionnelle, comme Christophe, menuisier, c’est l’occasion de se diversifier. « J’ai des connaissances dans la construction, mais j’avais envie de remettre les mains dans le cambouis », s’enthousiasme-t-il, en s’essuyant les mains pleines de mortier. « Mon domaine, c’était plutôt les charpentes. Je ne savais pas du tout monter un mur avec la chaux ou la terre ». À 54 ans, l’ancien menuisier a quitté l’entreprise où il était conducteur de travaux pour se former. « J’aimerais ouvrir une entreprise dans la construction raisonnée, en multitravaux, dans la restauration de bâti ancien. » Pendant une dizaine de mois, Christophe et Anthony vont apprendre, ou réapprendre, les bases de la construction, des fondations aux charpentes en bois local, aux enduits et à la maçonnerie en pierre, en chaux ou en chanvre. « On veut que les ouvriers sortent avec une vision globale de la construction », dit Pierre Saillé. « Dans la rénovation de bâti ancien ou l’écoconstruction, il y a besoin de compétences plus globales, et non pas d’une séparation des métiers telle qu’on la connait aujourd’hui dans le bâtiment ». L’association est installée sur une propriété de la mairie d’Embrun qui comporte des bâtiments à rénover et des espaces où en construire. Pour expérimenter, le Gabion est le terrain de jeu idéal des stagiaires. Depuis 2005, l’association est installée sur une propriété de la mairie d’Embrun qui comporte des bâtiments à rénover et des espaces où en construire. « Nous avons mis en place des chantiers-écoles pour améliorer le site, et pour que les stagiaires apprennent en faisant », dit le directeur du Gabion. « Le but de ce bâtiment, par exemple, était uniquement de s’exercer sur la construction de pierres en voûte. Finalement, on l’a gardé pour en faire une salle de repos. » Une seule construction n’est pas l’œuvre des stagiaires : une immense bâtisse jaune, qui accueille bureaux et salles de cours. Elle a été entièrement construite par un chantier d’insertion. Le Gabion, avec vingt postes, est le principal employeur de salariés en insertion professionnelle du territoire. « Dans les Hautes-Alpes, le gros problème est la mobilité », analyse le directeur du Gabion. « Vous perdez votre permis, vous n’avez plus de voiture, vous ne pouvez plus aller travailler et c’est le début de la chute. Les personnes qu’on accueille en insertion n’ont pas vraiment le choix de la structure sur le territoire, et n’ont donc pas forcément envie de travailler dans le bâtiment. Mais les chantiers ne sont qu’un prétexte. En reconstruisant des murs, on reconstruit des hommes. Il y a un fort effet sur l’estime de soi lorsque l’on fait quelque chose de ses mains et que le résultat est visible. » Le bâtiment jaune, vitrine des chantiers d’insertion et des techniques d’écoconstruction. Le bâtiment jaune en est un exemple, vitrine des chantiers d’insertion et des techniques d’écoconstruction. « Le bâtiment est composé d’un mètre de pierres de la Durance pour le soubassement, d’une structure en bois, essentiellement du mélèze de la région, de caissons de bottes de paille du champ voisin, et de l’enduit fait avec la terre du site », décrit Pierre Sallé devant l’imposante structure de 500 m2. « Il faut guider les salariés, leur apprendre les bases des savoir-faire techniques mais aussi les savoir-être au travail » Dans le paysage local, les réalisations du Gabion ne passent pas inaperçues, comme le chantier de restauration des ruines d’Entre-les-Aygues sur la commune de Vallouise. À 1.624 mètres d’altitude, cet ancien hameau, détruit par une avalanche dans les années 1970, est l’entrée du parc des Écrins. Tout l’été et une partie de l’automne, plusieurs équipes de salariés en insertion se sont succédé pour restaurer le bâtiment principal. « C’est très valorisant pour ceux qui y ont travaillé de voir le résultat final », témoigne Raphaël Pfister, encadrant technique en maçonnerie qui a supervisé une grande partie du chantier. « On essaie toujours de garder les équipes du début à la fin sur les chantiers, pour qu’elles puissent tout faire, et pas seulement la démolition ou les finitions. » Des stagiaires viennent maintenant de la France entière pour devenir ouvrier professionnel en écoconstruction, en rénovation du patrimoine, ou maçon en terre crue. Formé au Gabion comme ouvrier en rénovation du bâti ancien, il a travaillé plusieurs années dans une entreprise de maçonnerie en bâtiments historiques, avant de se lancer à son compte et de, finalement, revenir au Gabion. « Sur un chantier, on part de zéro en ce qui concerne les compétences », dit le maçon. « Il faut guider les salariés, leur apprendre les bases des savoir-faire techniques mais aussi les savoir-être au travail : être à l’heure, travailler en équipe, faire ses tâches… C’est prenant mais passionnant de les accompagner. » Pour l’heure, les chantiers tournent au ralenti à cause de la neige et de la pluie. Il faudra attendre les beaux jours pour revoir les salariés du Gabion sur les chantiers de restauration d’églises, de cimetières ou de cabanes des parcs naturels. C’est maintenant que tout se joue… Le désastre environnemental s’accélère et s’aggrave, les citoyens sont de plus en plus concernés, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité. Contrairement à de nombreux autres médias, nous avons fait des choix drastiques : celui de l’indépendance éditoriale, ne laissant aucune prise aux influences de pouvoirs. Le journal n’appartient à aucun milliardaire ou entreprise ; Reporterre est géré par une association à but non lucratif. Nous pensons que l’information ne doit pas être un levier d’influence de l’opinion au profit d’intérêts particuliers. celui de l’ouverture : tous nos articles sont en libre consultation, sans aucune restriction. Nous considérons que l’accès à information est essentiel à la compréhension du monde et de ses enjeux, et ne doit pas être dépendant des ressources financières de chacun. celui de la cohérence : Reporterre traite des bouleversements environnementaux, causés entre autres par la surconsommation. 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