"Le Rafale est une réussite" AÉRONAUTIQUE

"Le Rafale est une réussite" AÉRONAUTIQUE + SUIVRE CHRISTOPHE DAVID , FRANCOIS MIGUET PUBLIÉ LE 30/12/2020 À 15H09 "Le Rafale est une réussite" © Dassault Aviation - A. Daste SAUVEGARDER CET ARTICLE Les patrons achètent toujours des jets. Et les tensions mondiales stimulent les achats d’armement. Deux tendances qui permettent à Dassault de traverser honorablement la crise. Mais Eric Trappier ne peut pas trop se réjouir : porte-parole de l’aéronautique française (Gifas), il s’inquiète de la survie d’une filière mise à mal par l’effondrement du trafic aérien. Le reconfinement va-t-il donner un coup fatal à certains acteurs de la filière aéronautique? La filière souffre depuis mars d’une baisse de 50% du trafic aérien international. On assiste bien à une reprise en Asie, mais l’activité reste dégradée aux Etats-Unis, et l’Europe se reconfine. Malheureusement, la crise va être longue. La mise en place de l’APLD (activité partielle de longue durée, NDLR) a permis de pérenniser l’activité partielle et nous sommes en train de négocier avec nos partenaires sociaux. Il faut envisager un élargissement des mesures de soutien aux constructeurs et à leurs sous-traitants. L’Etat s’est déjà positionné pour élargir les prêts garantis, mais il faudra bien les rembourser. Dans combien d’années espérez-vous voir un retour à la normale? Le Gifas (groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) table sur une crise de deux à trois ans à l’échelle mondiale. >> A lire aussi - La chute abyssale attendue pour le trafic aérien cette année L’aviation d’affaires est-elle autant impactée par la crise sanitaire? Heureusement, moins, à hauteur de 25% environ en ce qui concerne Dassault Aviation : nous prévoyons de livrer cette année 30 Falcon au lieu des 40 prévus. Le marché des avions d’occasion a permis d’amortir un peu les effets de la crise. Et c’est bon signe pour les commandes futures : un client qui entre dans la famille Falcon y reste ensuite. Votre Falcon 6X sera-t-il prêt pour 2022? Nous serons à l’heure. Le premier vol est confirmé début 2021. Nous avons réussi à préserver nos capacités de production et celles de nos sous-traitants, tout en élaborant un protocole sanitaire strict pour assurer la sécurité et la santé du personnel. Nos usines tournent à 100% depuis la fin juin. Pour ce deuxième confinement, le gouvernement nous a demandé de continuer ainsi. Nous renforçons également le télétravail. Quels sont les atouts de ce jet? Le Falcon 6X se situe dans le milieu de notre gamme avec un rayon d’action de 5.500 nautiques (10.186 kilomètres). Il se distingue notamment par son confort, avec la cabine la plus spacieuse du marché, et un équipement de connexion numérique qui permet de travailler dans les meilleures conditions. >> A lire aussi - Découvrez en vidéo l’assemblage du jet privé Falcon 6X Vous avez dû changer de motoriste en cours de route. Quel a été l’impact financier de cet incident? Le projet initial, baptisé Falcon 5X, devait sortir en 2017. Comme les moteurs prévus connaissaient une mise au point problématique, nous avons changé de fournisseur et lancé le 6X avec des réacteurs plus puissants. Mais il a fallu compter cinq ans de développement de plus, ce qui représente des centaines de millions d’euros. Nous avons été indemnisés par le motoriste du 5X, mais commercialement nous avons perdu trois ans par rapport à la concurrence. Où sont les principaux clients des Falcon? L’Europe est devenue un marché comparable aux Etats-Unis. La Russie, l’Asie, et pas simplement la Chine, sont également importants. Nous avons un fort potentiel de croissance en Afrique où un jet privé est la seule solution pour certaines destinations. >> A lire aussi - Vacances, peur du coronavirus… les vols en jets privés se multiplient La famille Falcon va-t-elle encore s’agrandir? Je peux seulement vous révéler que nous travaillons sur un nouvel avion, complémentaire de notre gamme actuelle, dont nous annoncerons le lancement en 2021. Les futurs avions d’affaires seront-ils verts? La profession et Dassault y travaillent. Plusieurs leviers sont activés. Pour le produit lui-même : aérodynamique améliorée, matériaux allégés, évolution des moteurs. Pour les opérations: trajectoires mieux optimisées en fonction des conditions météorologiques, meilleure intégration de l’ensemble du trafic aérien, à travers de ce qu’on appelle le Single European Sky, pour éviter en particulier les temps d’attente autour des aéroports. Nous travaillons également, avec Airbus, à rendre nos avions compatibles avec les futurs carburants «durables», comme les biocarburants, qui ont un bilan carbone bien meilleur que le kérosène. On peut d’ores et déjà voler avec des mélanges incorporant 50% de biocarburant, et on espère demain pouvoir aller plus loin, en adaptant les moteurs et la réglementation. Dassault s’inscrit donc pleinement dans l’objectif gouvernemental bas-carbone pour les transports et dans celui du Green Deal européen. Les bonnes associations de plantes dans le potager Les bonnes associations de plantes dans le potager En savoir plus Annonce, Saine Abondance Et quid d’un avion à hydrogène? Peut-on viser 2035? Il est trop tôt pour afficher une date précise. Nous pourrons toutefois faire voler des démonstrateurs avant 2035. Il faut d’abord être sûr qu’on ne dégrade pas la sécurité. Il y a ensuite de nombreuses contraintes techniques à résoudre, comme la taille et le poids du réservoir d’hydrogène. Sur de petits avions, d’une portée de 2.000, voire de 3.000 nautiques, on pourrait envisager du 100% hydrogène. Pour les autres avions à plus long rayon d’action, il faut travailler sur des solutions mixtes. >> A lire aussi - L’ère des A380 pourrait bien être terminée Que répondez-vous aux arguments des militants anti-avion? C’est une inquiétude légitime que nous devons prendre en compte. Après, il faut se méfier de toute forme d’intégrisme. L’aviation génère 2 à 3% des émissions, contre 17% pour les camions. Quant au train, il faut beaucoup d’énergie pour installer une ligne. Mais, en fait, il y a de la place pour tout le monde. Je reste persuadé que les vols domestiques sont porteurs de développement économique. Une taxe sur le kérosène aurait du sens, non? Si tous les pays du monde l’appliquent, pourquoi pas ? Dans le cas contraire, on se tire une balle dans le pied. N’oublions pas que l’aviation a une dimension stratégique. Et que la filière emploie 300.000 personnes en France. >> A lire aussi - Dassault Aviation vend des Falcon 2000 Albatros à l'armée française Dans le domaine militaire, où en est le projet d’avion de combat franco-allemand pour lequel vous êtes leader? En 2017, la France et l’Allemagne ont pris cette décision politique de s’équiper, après 2040, d’un avion de combat européen. Nous sommes en train d’intégrer l’Espagne ; je suis très satisfait de la voir nous rejoindre. Il ne s’agira pas seulement d’un avion mais d’un système de combat, avec aussi des drones, des satellites, des avions de surveillance et du cloud pour faire travailler tous ces éléments ensemble. Un accord a été passé avec Airbus et l’industrie allemande sur le partage des tâches. On travaille à lancer le démonstrateur pour un premier vol en 2026, ce qui permettra de valider des concepts technologiques. La coopération se passe bien même s’il est très compliqué de faire des plateaux de conception communs dans un contexte Covid. La procédure budgétaire est par ailleurs plus complexe outre-Rhin: chaque nouvel engagement financier doit passer devant le Parlement, quand nous bénéficions en France d’un cadre, la loi de programmation militaire pluriannuelle, qui nous donne plus de visibilité. >> A lire aussi - Dassault Aviation : la Grèce va acheter des avions de combat Rafale Le Rafale a été vendu à 114 exemplaires à l’étranger. Vingt ans après son lancement, quel bilan peut-on tirer?* Ce programme ambitieux, qui visait à concevoir un avion capable d’assurer tous types de missions, pour la marine et l’armée de l’air, devrait être enseigné dans les écoles! C’est une réussite opérationnelle, il l’a montré dans plusieurs conflits. Un succès à l’export avec l’Egypte, le Qatar, l’Inde : cela a pris du temps, c’est vrai, mais il fallait attendre la fin de cycle du Mirage 2000. Au total, nous avons déjà vendu 300 exemplaires du Rafale, à la France et à l’étranger, ce qui est un score très honorable. Enfin, du point de vue financier, son développement a été bien moins lourd que d’autres programmes: on pourrait citer le F-35 américain, une catastrophe budgétaire. On n’a pas à rougir. La Grèce vient d’en acquérir 12 d’occasion. Les prémices d’une préférence européenne? C’est mon tropisme, je plaide pour elle depuis vingt ans. On espère éveiller une certaine conscience européenne avec l’avion de combat franco-allemand. Elle reste à bâtir. On ne pouvait pas parier que la Grèce signerait, elle qui garde de nombreux avions américains. Le Rafale est aussi en compétition en Suisse et en Finlande avec des décisions attendues à partir de la fin 2021. Ces perspectives dans la défense démontrent, une fois de plus, la pertinence de notre modèle économique dual, à la fois civil et militaire, qui permet une meilleure résilience dans les crises. * Entretien réalisé avant l'annonce de la vente de Rafale à la Grèce

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