Le whisky français veut jouer dans la cour des grands

 

Le whisky français veut jouer dans la cour des grands

En plein essor, la filière ne produit qu’une petite part du whisky consommé en France. Les producteurs misent sur la qualité pour séduire et gagner en légitimité. Reste à convaincre les consommateurs qu’un bon whisky ne vient pas forcément d’Écosse.

Mise en bouteille à la distillerie Warenghem, à Lannion (Côtes-d’Armor).
Mise en bouteille à la distillerie Warenghem, à Lannion (Côtes-d’Armor). | VINCENT MOUCHEL

À l’ombre du vin et de la bière, le whisky se fait sa place parmi les alcools français. Longtemps relégué derrière le cognac et les eaux-de-vie, le spiritueux a amorcé sa renaissance dans les années 1980. C’est à Lannion (Côtes-d’Armor) que la distillerie Warenghem a mis au point le premier whisky français en 1983.

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Depuis, quatre-vingt-cinq distilleries de toutes tailles se sont mises à en produire et de nouvelles ouvrent chaque année. En moins de dix ans, la production française a été multipliée par quatre, passant de 215 000 bouteilles en 2010 à 1 009 000 l’an passé. « Il y a de place pour tout le monde , explique Philippe Jugé, directeur de la Fédération du whisky de France. D’ici à cinq ans, l’objectif est d’atteindre 5 à 6 millions de bouteilles produites chaque année. » Le secteur génère environ 40 millions d’euros de chiffre d’affaires par an et 500 emplois directs.

Deux IGP en Bretagne et en Alsace

Majoritairement artisanales, les distilleries bénéficient de l’engouement pour les produits authentiques. « Il y a une montée en puissance très claire , observe, sans divulguer de chiffres, Christopher Hermelin, responsable marketing chez Nicolas. C’est la même idée que pour les bières artisanales, les clients veulent retrouver l’identité du producteur dans la bouteille. »

En 2015, deux indications géographiques protégées (IGP) sont nées, l’une pour le whisky breton, l’autre pour le whisky alsacien. « L’IGP rassure les clients et nous a permis de créer des projets communs entre producteurs » , résume David Roussier, directeur général de la distillerie Warenghem.

Pour obtenir le label, les producteurs se sont mis d’accord sur un cahier des charges qui définit la coloration du whisky ou son degré d’embouteillage. Autre piste de montée en gamme, le bio se développe également avec 10 % du volume labellisé. « On coche toutes les bonnes cases , précise Philippe Jugé. Les gens boivent moins mais mieux, le haut de gamme ne s’est jamais aussi bien porté parce qu’il y a une traçabilité des semences à la distillation. »

« On préfère la demande locale aux exportations »

Il faut dire que la demande est là. Avec 112 millions de litres de whisky bus en 2019, la France se place parmi les plus gros consommateurs de whisky au monde. « Il y a deux clientèles, l’une de 25 à 35 ans, à la recherche de goûts nouveaux, et une autre d’amateurs confirmés, plus âgés , explique Christopher Hermelin. La bouteille de whisky se consomme sur la durée, les achats sont réguliers mais moins massifs que pour le vin. »

David Roussier, directeur de la distillerie Warenghem | VINCENT MOUCHEL

Pour les patrons de distilleries, la question est moins de trouver des débouchés que de pouvoir répondre à la demande. À Aléria (Haute-Corse), Stefanu Venturini est confronté à cette réalité.

« On a envoyé quelques cartons au Canada et au Japon mais, pour l’instant, on préfère dire non et répondre à la demande locale » , explique celui qui produit environ 50 000 bouteilles par an à côté de son activité principale, basée sur le Cap Corse.

Les exportations se développent pour mais l’image du « bon whisky », forcément écossais, a du mal à sortir de l’imaginaire des consommateurs. « Les marques écossaises font une promotion intelligente en diffusant l’image du buveur de whisky comme d’un parfait gentleman à la James Bond, ça fonctionne » , résume Gabriel Matagne, courtier spécialisé dans le marché des whiskies.

La prédominance des whiskies anglo-saxons sur le marché mondial ne fait pas peur aux producteurs français. « On ne se rend pas compte à quel point on a des produits de qualité , estime Philippe Jugé. Il reste maintenant à voir du stock et une meilleure expertise pour accompagner les distilleries sur les marchés étrangers. » La filière française doit encore se structurer et faire avancer la législation pour obtenir de pouvoir indiquer l’âge des breuvages, les fameux « XO » qui font la renommée de leurs concurrents écossais.

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