ARTICLE DE XAVIER DEMEERSMAN
ARTICLE DE XAVIER DEMEERSMAN
Proposé par Ali GADARI
SCIENCES
Xavier Demeersman
Journaliste
Il se pourrait que Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche de notre Système solaire — à 4,2 années-lumière du Soleil —, n'ait pas toujours été liée au couple Alpha Centauri A et B (Proxima est aussi désignée Alpha Centauri C), situé, lui, à 4,3 années-lumière de nous. Elle pourrait en effet être née plus loin, ailleurs dans la Galaxie, puis avoir été faite prisonnière dans un passé relativement récent à l'échelle cosmique.
Actuellement, en tout cas, les trois étoiles sont liées ensemble gravitationnellement. « Mais en a-t-il toujours été ainsi ? », s'interrogent des astronomes. La question est d'autant plus importante que, voici un an, une planète faisant 1,3 fois la masse de la Terre a été découverte dans la zone habitable de Proxima du Centaure. Aussi, ce serait plutôt une bonne nouvelle si la naine rougen'avait pas toujours été en compagnie du duo d'Alpha Centauri, car, alors, sa planète, Proxima b (on n'en connaît qu'une pour l'instant), a pu demeurer durablement sur une orbite stable, accroissant ainsi les chances de son habitabilité.
Les liens fragiles de Proxima avec Alpha Centauri
L'hypothèse est étayée par de récentes recherches sur l'évolution dynamique du système menées par Fabo Feng et Hugh Jones, tous deux de l'université du Hertfordshire, au Royaume-Uni. Sur les quelque 100 clones numériques soumis à des perturbations gravitationnelles diverses durant 10 milliards d'années (au cours de sa révolution dans la Voie lactée, le système croise la route de nombreuses étoiles et éprouve les forces de marées galactiques...), Proxima reste liée au duo d'Alpha Centauri dans 74 % des cas.
Néanmoins, dans 26 % des situations, les liens sont rompus. Et « le ratio des clones instables augmente avec l'échelle de temps et le taux de rencontres », écrivent les auteurs. Des indices qui, selon eux, accroissent la possibilité que notre plus proche voisine ait été interceptée. D'autant qu'il est plus facile pour deux étoiles, plutôt qu'une, d'amortir le passage d'une autre et de la capturer. Enfin, et surtout, rappelons que la métallicité de Proxima n'est pas la même que celle d'Alpha Centauri A et B, renforçant ainsi l'hypothèse qu'elles ne proviennent pas du même berceau.
POUR EN SAVOIR PLUS
Proxima du Centaure appartient bien au système triple Alpha Centauri
Article de l'Observatoire de Paris publié le 28 décembre 2016
Trois astronomes, dont un de l'Observatoire de Paris, ont démontré que Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche du Soleil, est liée gravitationnellement à ses deux voisines, Alpha Centauri A et B. Il s'agit donc d'une étoile triple.
Alpha Centauri et Proxima du Centaure (aussi appelée Proxima Centauri ou, plus simplement, Proxima) sont nos plus proches voisines stellaires, à respectivement 4,37 et 4,24 années-lumières, soit un peu plus de 40.000 milliards de kilomètres. Alpha Centauri est composée de deux étoiles similaires au Soleil (A et B) orbitant en 80 ans. Proxima est une naine rouge de très faible masse (1/8e de la masse du Soleil, et 1/6e de son rayon) autour de laquelle orbite la planète tellurique Proxima b, tout juste découverte dans sa zone habitable.
Depuis la découverte de Proxima en 1915 par l'astronome écossais Robert Innes, sa proximité avec Alpha Centauri et la similitude de leurs distances par rapport au Soleil ont conduit les astronomes à soupçonner ces étoiles d'être gravitationnellement liées. Cependant, pour établir ce lien de manière certaine, il faut mesurer la vitesse relative de Proxima par rapport à Alpha Centauri avec précision. Si cette vitesse est trop élevée, alors Proxima s'échappera du voisinage d'Alpha Centauri. Si elle est suffisamment faible, elle restera en orbite. La vitesse limite entre ces deux scénarios est la vitesse de libération.
L'orbite de Proxima sera précisée par Gaia
La faible vitesse de Proxima relativement à Alpha Centauri demande une grande précision de mesure. Il est maintenant possible de l'atteindre grâce aux spectrographes de très haute stabilité utilisés pour rechercher des exoplanètes par effet Doppler (comme Proxima b). La vitesse de Proxima par rapport à Alpha Centauri est de 309 (+/- 55) m/s, soit 1.100 km/h. La vitesse de libération d'Alpha Centauri à la distance de Proxima étant de 545 (+/- 11) m/s, celle-ci est supérieure à la vitesse mesurée. Proxima et Alpha Centauri sont donc bien liées gravitationnellement.
L'orbite calculée de Proxima a une très longue période de 550.000 ans, et une excentricitémodérée de 0,50. Proxima se trouve actuellement à 13.000 fois la distance Terre-Soleil d'Alpha Centauri. Projetée sur le ciel, l'orbite présente une très grande taille angulaire de plus de 3 degrés, soit environ la largeur apparente de deux doigts, bras tendu. Le satellite européen Gaia donnera en 2017 une mesure très précise de la distance et du mouvement propre de Proxima, ce qui permettra d'affiner son orbite.
L'exoplanète Proxima b est un peu plus vieille que la Terre
La détermination de l'âge d'une naine rouge est très difficile, car ces minuscules étoiles évoluent très lentement et ne changent pratiquement pas d'apparence au cours de leur très longue existence (plusieurs milliers de milliards d'années). Pour cette raison, l'âge de Proxima était jusqu'à présent inconnu. Le fait que Proxima et Alpha Centauri soient liées implique très probablement qu'elles se sont formées ensemble et qu'elles ont le même âge (sauf si Proxima a été capturée par Alpha Centauri). L'âge d'Alpha Centauri, estimé entre 5 à 7 milliards d'années, nous donne donc aussi l'âge de Proxima et de sa planète tellurique Proxima b. Cette planète, potentiellement habitable, est donc plus âgée que la Terre d'environ un à deux milliards d'années (notre planète a 4,6 milliards d'années). Proxima b est une cible prioritaire pour de futures sondes interstellaires, comme le projet Breakthrough Starshot.
Le travail a été mené par Pierre Kervella (CNRS / U. de Chile / Observatoire de Paris / LESIA), Frédéric Thévenin (Laboratoire Lagrange de l'Observatoire de la Côte d'Azur) et Christophe Lovis(Observatoire astronomique de l'université de Genève, en Suisse). Ces travaux paraissent dans la revue Astronomy & Astrophysics.
Commentaires