Pourquoi le Scaf, l'avion de combat du futur, peut dire merci à l'A 400M

Pourquoi le Scaf, l'avion de combat du futur, peut dire merci à l'A 400M

HASSAN MEDDAH  ,  ,  ,  ,  

Avec un pays leader, la France, et deux industriels chefs de file, Dassault Aviation et Airbus, le programme de l’avion du futur espère éviter les déboires rencontrés par l’autre grand programme de coopération européen.

Pourquoi le Scaf, l'avion de combat du futur, peut dire merci à l'A 400M
Un démonstrateur du Scaf, le système européen de combat aérien du futur, devrait voir le jour en 2026.

Pour les industriels et les militaires français, allemands et espagnols, l’avion de combat du futur est déjà bien plus que l’impressionnante maquette taille réelle exposée au salon du Bourget en 2019. Covid-19 ou pas, les travaux de définition de l’appareil au cœur du système de combat aérien du futur (Scaf), qui doit remplacer le Rafale français et l’Eurofighter allemand d’ici à 2040, progressent.

À tous les niveaux. Safran, le motoriste, travaille en partenariat avec son homologue allemand MTU. "Malgré la crise actuelle, nos équipes, à Villaroche (Seine-et-Marne) ainsi qu’à Évry (Essonne), et celles de MTU, à Munich, ont des réunions téléphoniques toutes les semaines. Un comité se tient également une fois par mois pour faire le point sur l’avancement du projet et pour identifier les risques et les opportunités", explique Christophe Bruneau, le directeur de la division moteurs militaires de Safran.

Les militaires sont aussi en action. Le 7 mai, le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’Armée de l’air française, échangeait par visioconférence avec ses homologues allemand et espagnol afin d’évaluer les meilleures combinaisons possible d’avions de combat futurs et de drones en appui.

Un véritable "système de systèmes"

Le Scaf a tiré les leçons du programme A 400M, qui avait cumulé délais et surcoûts. Pour sa phase de démarrage, il s’appuie sur un noyau dur de pays : la France et l’Allemagne, qui ont lancé le programme conjointement en juillet 2017, rejointes par l’Espagne trois ans plus tard. Dans le cadre de l’avion de transport militaire, il a fallu composer avec sept pays, soit sept armées différentes, avec des besoins et des exigences rarement conciliables.

Qui plus est, le Scaf avance avec une gouvernance claire : la France est aux manettes. La contrepartie ? L’Allemagne dirige l’autre grand programme franco-allemand, le char de combat du futur. Dans ce dispositif, la Direction générale pour l’armement (DGA, ministère des Armées) joue un rôle central. Depuis l’automne 2019, dans ses locaux à Arcueil (Val-de-Marne), elle accueille une équipe programme internationale, la CPT (combined project team), composée d’experts des trois pays. Là encore en prenant le contre-pied de l’A 400M. Pour déminer la complexité technologique du programme, ils vont s’appuyer sur la réalisation d’un démonstrateur à l’horizon 2026. "Nous lancerons de nouveaux travaux en début d’année prochaine pour assurer la montée en puissance des équipes industrielles du projet et pour leur donner de la visibilité", précise Éva Martin*, la copilote du programme pour la DGA. Le Scaf est bien plus qu’un simple appareil de combat. C’est un véritable "système de systèmes", où le chasseur devra interagir avec des drones, des satellites, les troupes au sol, à travers un cloud de combat et des communications sécurisées.

La principale leçon tirée des déboires de l’A 400M réside toutefois dans le choix des industriels. Plutôt que d’être sélectionnés parce que leur pays finançait le programme, ils l’ont d’abord été pour leur expertise. Pour l’appareil de combat, Dassault Aviation a été désigné maître d’œuvre industriel de tête, avec comme partenaire principal le groupe Airbus"Dassault Aviation a l’expérience des plates-formes de combat. Il sait parfaitement quels systèmes il faut intégrer pour répondre aux exigences des armées. Surtout, le groupe est le seul en France à avoir l’“autorité” nécessaire pour aligner tous les partenaires industriels, comme MBDA, Airbus, Safran, Thales", assure Matthieu Lemasson, expert des questions aéronautiques et de défense pour le cabinet de conseil PwC. Cette logique de binôme a été déclinée pour tous les lots industriels. Pour les drones, Airbus coopérera avec MBDA, pour les moteurs, Safran avec MTU, pour le cloud de combat, Airbus avec Thales…

La règle du jeu est bien l’efficacité avant tout. Comme pour l’alliance entre MTU et Safran. Les deux groupes se connaissent de longue date. Ils ont développé des moteurs pour de nombreux appareils : le Transall, l’hélicoptère Tigre, l’Alphajet et, dernièrement, l’A 400M. "Dans le cadre du Scaf, notre association fondée sur le principe du ”best athlete” : on combine le meilleur des expertises de chaque entreprise", explique Christophe Bruneau.

Frappés de plein fouet par la crise du Covid-19, les industriels de l’aéronautique et de la défense réclament aux États des contrats et des financements pour avancer et même accélérer le programme. Le cabinet PwC estime à 4 milliards d’euros l’investissement nécessaire pour mener la première phase du projet qui doit aboutir à un démonstrateur convaincant, soit jusqu’en 2025 environ.

Cinq dates clés

  • Juillet 2017 : le lancement franco-allemand
    À l’occasion d’un conseil des ministres franco-allemand, Emmanuel Macron et Angela Merkel annoncent leur volonté de développer un système européen de combat aérien du futur (Scaf) sous la direction des deux pays. L’accord est concrétisé à travers la mise en place d’une feuille de route conjointe comprenant des composantes avec et sans pilote.
  • Juillet 2018 : la concurrence anglaise
    À l’occasion du salon aéronautique de Farnborough, le Royaume-Uni lance son programme d’avion de combat du futur pour remplacer ses Eurofighter Typhoon.Un concurrent frontal au projet franco-allemand. L’Italie et la Suède se joindront à cette initiative.
  • Décembre 2018 : le renfort espagnol
    Déjà très impliquée sur l’A 400M, l’Espagne annonce son intention de rejoindre le programme Scaf. Ce sera chose faite en février 2020, avec la signature d’une lettre d’intention commune entre les ministres de la Défense des trois pays, officialisant l’entrée de l’Espagne dans le projet d’avion du futur.
  • Juin 2019 : une gouvernance clarifiée
    Au salon aéronautique du Bourget, Dassault Aviation dévoile la maquette taille réelle du futur avion de combat, le Next Generation Fighter. La France, l’Allemagne et l’Espagne signent un accord-cadre définissant la gouvernance du programme Scaf.
  • Février 2020 : des contrats pour les industriels
    À Paris, les ministres de la Défense des trois pays partenaires signent le contrat du démonstrateur de l’avion de combat.Les industriels, avec Dassault Aviation comme chef de file, reçoivent un montant de 150 millions d’euros sur dix-huit mois pour financer les premiers travaux de recherche et technologie.

 

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