Hubble a observé une exoplanète qui perd son atmosphère et la reconstitue

ACTUALITÉClassé sous :PLANÈTES EXTRASOLAIRES , HUBBLE , GJ 1132 B Lire la bio Laurent Sacco Journaliste Publié le 12/03/2021 Le télescope Hubble a permis de découvrir que l'atmosphère de l'exoplanète GJ 1132 b, une petite superterre, était anormalement riche en hydrogène pour son âge. Les planétologues en ont déduit qu'il s'agissait d'une atmosphère secondaire continuellement maintenue par de colossales éruptions volcaniques dégazant son manteau. Vous aimez nos Actualités ? Inscrivez-vous à la lettre d'information La quotidienne pour recevoir nos toutes dernières Actualités une fois par jour. Dans un précédent article, Futura faisait état de la découverte d'une atmosphère autour de l'exoplanète GJ 1132 b. On pouvait la classer parmi les superterres de faible masse puisqu'elle en possède une, évaluée à environ 1,6 fois celle de la Terre et avec un rayon comparable puisqu'on l'estime à 1,4 fois celui de notre Planète bleue. Gliese 1132 b se trouve en orbite autour d'une naine rouge cinq fois plus petite que notre Soleil et 200 fois moins brillante, située à 39 années-lumière du Système solaire. Sa dénomination s'explique par le fait que son étoile hôte porte le nom GJ 1132 dans le célèbre catalogue Gliese-Jahreiss, du nom des astronomes allemands Wilhelm Gliese et Hartmut Jahreiß, qui contient toutes les étoiles connues à ce jour dans une sphère de 25 parsecs de rayon. Pour mémoire, un parsec c'est environ 3,26 années-lumière. Ce n'était bien sûr pas la première fois que l'on mettait en évidence la présence d'une atmosphère autour d'une exoplanète puisque l'on avait fait, depuis un moment déjà, la découverte des Jupiters chaudes. Mais ces dernières sont au moins huit fois plus massives que la Terre, de sorte qu'avec GJ 1132 b il s'agissait de la toute première détection d'une atmosphère autour d'une planète rocheuse dont la masse et le rayon sont vraiment comparables à ceux de la Terre. Mais du fait de la proximité de GJ 1132 b à son étoile, elle boucle une orbite tous les 1,6 jour à une distance de 2,24 millions de kilomètres, l'exoplanète reçoit 19 fois plus de rayonnement stellaire que la Terre du Soleil de sorte que la température du sommet de son atmosphère est estimée à 260 °C. Il s'agit donc forcément d'un monde infernal, ressemblant bien plus à une exovénus qu'à une exoterre. Illustration de GJ 1132 b et de son atmosphère. Cette exoplanète gravite en seulement 1,6 jour à 2,2 millions de kilomètres de son étoile, une naine rouge. En comparaison, Mercure se situe à 58 millions de kilomètres du Soleil. © MPIA Illustration de GJ 1132 b et de son atmosphère. Cette exoplanète gravite en seulement 1,6 jour à 2,2 millions de kilomètres de son étoile, une naine rouge. En comparaison, Mercure se situe à 58 millions de kilomètres du Soleil. © MPIA Des réservoirs d'atmosphère et d'eau dans les manteaux planétaires ? Toujours est-il que la présence de cette atmosphère intrigue parce qu'elle se trouve associée à une petite superterre en orbite autour d'une étoile dont la théorie de l'évolution stellaire nous indique qu'elle est née il y a au moins 5 milliards d'années. Or, on sait que les naines rouges sont particulièrement colériques et susceptibles, par leurs éruptions et leur rayonnement avec des flots de rayons X, d'ultraviolets et de particules, d'éroder l'atmosphère d'une exoplanète au point de la faire rapidement disparaître, ce qui pose problème pour l'exobiologie. En effet, la majorité des planètes potentiellement habitables dans la Voie lactée sont des naines rouges, de sorte que des exoplanètes perdant rapidement leur atmosphère pourraient ne plus être habitables, notamment en perdant d'importantes quantités d'eau. C'est le sort que le Soleil a fait subir à Mars car bien qu'il soit une naine jaune, jeune il pouvait également être colérique. Les exobiologistes se posent donc des questions quant à la capacité en général des exoplanètes à devenir ou rester habitables. Futura avait demandé à ce sujet l'avis de l'astrophysicien Franck Selsis qui nous avait dit justement : « C'est bien ce que l'on voudrait savoir et le meilleur moyen d'en avoir le cœur net, c'est de faire des observations. Il est possible qu'en fonction des caractéristiques de l'atmosphère d'une planète, son épaisseur, son contenu en eau liquide et aussi en fonction des interactions entre la magnétosphère et l'ionosphère avec les vents stellaires, une exoplanète autour d'une naine rouge puisse rester habitable. Personnellement, je me pose des questions car en appliquant à la jeune Terre plusieurs des arguments qui font douter de l'habitabilité des exoplanètes autour des naines rouges, on aboutit à la conclusion qu'elle ne devrait pas être habitable. Donc, soit les modèles théoriques surestiment beaucoup les pertes atmosphériques, soit les échanges entre le manteau et l'atmosphère sont à prendre en compte. L'eau et le gaz présents dans le manteau et libérés progressivement en surface pourraient être protégés de la phase de forte activité stellaire initiale. » Une présentation de la découverte de Hubble. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, ESA, ESO/L. Calçada, M. Kornmesser Ces déclarations de Franck Selsis prennent particulièrement du relief quand on prend connaissance des communiqués de l'ESA et de la Nasa concernant un article disponible en accès libre sur arXiv et faisant état des analyses d'observations concernant GJ 1132 b et qui ont été fournies par Hubble. Une activité volcanique intense maintenue par des forces de marée Les planétologues pensent que l'exoplanète est en fait une ancienne mini-Neptune qui aurait migré. Une fois suffisamment proche de son étoile, elle aurait perdu l'enveloppe riche en hydrogène et hélium, que l'on connaît avec les géantes glacées du Système solaire, et finalement les couches de glace entourant son cœur rocheux en faisant d'elle une petite superterre en rotation synchrone autour de son étoile hôte. Or, les spectres de la lumière qui indiquent qu'elle possède une atmosphère montrent également qu'elle est, des milliards d'années plus tard, encore riche en hydrogène, qu'elle contient également du cyanure d'hydrogène, du méthane, de l'ammoniac et qu'elle est embrumée par des hydrocarbures. Il doit donc exister, selon les chercheurs, un mécanisme qui reconstitue sans cesse l'atmosphère d'hydrogène de GJ 1132 b car elle doit continuer à s'échapper dans l'espace étant donné sa température élevée. Pour eux, ce mécanisme serait un important dégazage du manteau de l'exoplanète via un volcanisme copieux. Ce volcanisme issu d'un manteau riche en magma serait maintenu par les forces de marée de GJ 1132 qui chaufferaient la superterre de la même manière que des forces de marée sont aussi responsables de l'activité volcanique spectaculaire d’Io, la lune infernale de Jupiter. C'est donc une découverte importante qui, comme dans le cas de 55 Cancri e et de son volcanisme (indiqué par les observations de Spitzer comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous), nous offre une fenêtre sur l'exo-géodynamique interne d'une exoplanète. Si les planétologues ont raison, le manteau de GJ 1132 b est bien un réservoir inattendu d'hydrogène, et peut-être d'eau, et c'est une leçon pour juger des possibilités que recèlent les exoplanètes pour l'exobiologie. GJ 1132 b aurait en effet généré et maintenu une seconde atmosphère après avoir perdu la première (précisons pour finir que l'on n'a pas de raison de penser que la Terre ait été une mini-Neptune à un moment de son existence) et ce malgré des conditions difficiles autour d'une naine rouge. On en saura sans doute plus quand le télescope spatial James-Webb sera opérationnel car il verra l'exoplanète avec plus de détails. Ce graphique montre le spectre de l'atmosphère d'une exoplanète rocheuse de la taille de la Terre, GJ 1132 b, qui se superpose à une impression d'artiste de la planète. La ligne orange représente le spectre du modèle de l'atmosphère. En comparaison, le spectre observé est représenté par des points bleus représentant des points de données moyennés, ainsi que leurs barres d'erreur. Cette analyse est cohérente avec le fait que GJ 1132 b possède principalement une atmosphère d'hydrogène avec un mélange de méthane et de cyanure d'hydrogène. La planète possède également des aérosols qui provoquent la diffusion de la lumière. © Nasa, ESA et P. Jeffries (STScI) Ce graphique montre le spectre de l'atmosphère d'une exoplanète rocheuse de la taille de la Terre, GJ 1132 b, qui se superpose à une impression d'artiste de la planète. La ligne orange représente le spectre du modèle de l'atmosphère. En comparaison, le spectre observé est représenté par des points bleus représentant des points de données moyennés, ainsi que leurs barres d'erreur. Cette analyse est cohérente avec le fait que GJ 1132 b possède principalement une atmosphère d'hydrogène avec un mélange de méthane et de cyanure d'hydrogène. La planète possède également des aérosols qui provoquent la diffusion de la lumière. © Nasa, ESA et P. Jeffries (STScI)

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