Les champs magnétiques entourant le trou noir M87* révélés en image par l'EHT

ACTUALITÉClassé sous :TROU NOIR , QUASARS , EHT Lire la bio Laurent Sacco Journaliste Publié le 24/03/2021 [EN VIDÉO] L'activité du trou noir supermassif M87* a été filmée Les succès remportés depuis plus de 50 ans par la théorie de la relativité générale sont un tribut au génie créateur et rebelle d'Albert Einstein. Mais ces succès reposent aussi sur des tests de plus en plus rigoureux et l'un des derniers en date concerne les images que commence à livrer l'Event Horizon Telescope concernant le trou noir supermassif M87*. On commence même à pouvoir en faire des films montrant son activité. Après avoir livré en 2019 la toute première image d'un trou noir, la collaboration de l'Event Horizon Telescope (EHT) en révèle une nouvelle en lumière polarisée. C'est la toute première constituant une signature des champs magnétiques à si grande proximité d'un trou noir supermassif, en l'occurrence M87*. Voilà de quoi mieux comprendre la physique des quasars. Vous aimez nos Actualités ? Inscrivez-vous à la lettre d'information La quotidienne pour recevoir nos toutes dernières Actualités une fois par jour. Il y a presque deux ans, le 10 avril 2019, les membres de la collaboration EHT rendaient publique la toute première image d’un trou noir, révélant l’existence d’une structure annulaire brillante en périphérie d’une région centrale sombre que tout indiquait être l'ombre de l'horizon des événements d'un trou noir supermassif. Cet astre, au moins incontestablement compact, se trouve au cœur de la grande galaxie elliptique M87 à laquelle les radiotélescopes ont associé une source radio désignant désormais le trou noir : M87*. Futura a consacré plusieurs articles à cette découverte, dont le précédent ci-dessous. Elle venait confirmer les travaux de pionnier de Jean-Pierre Luminet et ses collègues sur l'aspect visible des trous noirs, lorsqu'ils sont entourés d'un disque d'accrétion. Les images de l'EHT font de M87* un laboratoire naturel pour tester de la nouvelle physique en complément de l'étude des ondes gravitationnelles. On peut espérer qu'elles vont aider à percer certains des mystères de l’écume de l’espace-temps, pour reprendre le titre du récent ouvrage que Jean-Pierre Luminet a consacré à ce sujet. Visioconférence donnée le 12 mars 2021 pour les étudiants et chercheurs du Département de physique de l'Université d'Aix-Marseille, organisée par le Centre de physique théorique. © Jean-Pierre Luminet La collaboration EHT rassemble plus de 300 chercheurs issus de tous les continents. Certains d'entre eux sont mentionnés dans le tout dernier communiqué de l'ESO, qu'accompagnent trois articles distincts au sein de The Astrophysical Journal Letters. Ils expliquent une nouvelle découverte que les analyses des données collectées avant 2019 par un ensemble d'instruments répartis sur toute la planète, et fonctionnant comme un radiotélescope géant d'une taille comparable à celle de la Terre, ont permise. Virtuel, cet œil de la noosphère est tout de même doté en conséquence du pouvoir de résolution angulaire le plus élevé à ce jour en astronomie, ce qui lui permet de révéler des détails inédits d'un astre pourtant situé à environ 55 millions d'années-lumière de la Voie lactée. Pour s'en faire une idée, il suffit de savoir que s'il s'agissait d'un télescope opérant dans le visible, l'EHT permettrait de mesurer la taille d'une carte de crédit à la surface de la Lune. Il est constitué de huit radiotélescopes parmi lesquels figurent l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) et l'Atacama Pathfinder Experiment (Apex), opérant tous deux sous le contrôle de l'ESO depuis le nord du Chili. Une présentation de la polarisation des ondes lumineuses. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ehtelescope La lumière polarisée, une clé de l'astrophysique Comment résumer en quelques lignes la découverte de l'EHT aujourd'hui annoncée ? Probablement avec les commentaires dans le communiqué de l’ESO de Monika Mościbrodzka, coordinatrice du Groupe de travail sur la polarimétrie de l'EHT et Professeure adjointe à l'Université Radboud aux Pays-Bas : « Nous sommes en train d'acquérir l'indispensable élément de compréhension du comportement des champs magnétiques autour des trous noirs, et de l'impact, sur cette région extrêmement compacte, de toute cette activité sur la génération de puissants jets qui s'étendent bien au-delà de la galaxie. » Qu'est-ce à dire ? Pour le comprendre, il faut savoir qu'une onde lumineuse peut se décrire comme un champ électrique qui est sous la forme d'une flèche perpendiculaire à la direction de propagation du rayon lumineux associé à cette onde et qui peut osciller comme un poids au bout d'un ressort. On parle alors de polarisation linéaire de la lumière quand la direction de la flèche reste selon une même droite le long de la propagation de l'onde. Une lumière non polarisée serait décrite par une flèche dont la direction, bien que toujours perpendiculaire au rayon lumineux, varie chaotiquement. Lorsque la flèche oscille tout en tournant régulièrement avec son extrémité sur un cercle, on parle de polarisation circulaire. La lumière émise par un corps chauffé, comme le Soleil, n'est pas polarisée. Mais, en présence d'un champ magnétique ou plus généralement en interagissant avec certains matériaux, par exemple en se réfléchissant sur du verre ou en traversant une roche tel le spath d'Islande, elle le devient. Du coup, mesurer la polarisation d'une onde lumineuse peut apporter de précieux renseignements sur l'état du champ magnétique d'un astre, comme justement le Soleil, ou la structure et les propriétés de la matière traversée. Les trous noirs sont enveloppés de plasma. Ce plasma contient des champs magnétiques qui affectent la façon dont la matière se déplace. Au fur et à mesure que le champ magnétique devient plus fort, il change de forme et avec lui la lumière polarisée que nous mesurons, comme l'explique cette animation. Aujourd'hui, nous révélons une découverte révolutionnaire : les ondes lumineuses polarisées que nous observons indiquent que le trou noir M87* possède de forts champs magnétiques. Ces champs magnétiques exercent une puissante influence sur la façon dont les objets gravitent autour du trou noir et sur la formation de ses jets, qui est l'un des plus grands mystères de l'astrophysique moderne. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ehtelescope Les trous noirs, des moteurs et générateurs magnétiques Dans le cas d'un trou noir comme M87*, nous savons qu'il possède un disque d'accrétion ainsi que des jets de particules dont l'un est même repérable dans le visible, s'étendant sur plus de 5.000 années-lumière. M87* est donc à l'origine de ce que l'on appelle un noyau actif de galaxie dont les exemples les plus spectaculaires sont les quasars. Ces objets libèrent des quantités d'énergie lumineuse fabuleuses dont ne peuvent rendre compte de simples réactions thermonucléaires, comme dans le cas des étoiles. On peut rendre expliquer ces émissions d'énergie colossales et l'existence de jets de particules accélérées à une fraction notable de la vitesse de la lumière en utilisant des modèles fortement inspirés de celui proposé en 1977 par les astrophysiciens Roger Blandford et Roman Znajek. Pour cela, il faut considérer un trou noir en rotation, donc décrit par la fameuse métrique de Kerr, entouré d'un disque d'accrétion chauffé par des forces de frottements visqueux au point que la matière y devient ionisée. Il apparaît alors des courants électriques et des champs magnétiques dont la description relève des équations de la magnétohydrodynamique relativiste en espace-temps courbe. Avec un trou noir de Kerr, l'énergie d'accrétion et l'énergie de rotation du trou noir se combinent pour que l'ensemble disque d'accrétion et trou noir se comporte comme une sorte de générateur et d'accélérateur de particules électromagnétiques. Tout n'est cependant pas parfaitement compris dans ces processus complexes. Mais un excellent moyen de progresser dans l'élucidation des énigmes qu'ils posent (et qui nous empêchent de bien comprendre comment les trous noirs supermassifs croissent à partir des courants froids de matière et influent à leur tour l'évolution des galaxies en libérant de l'énergie et en émettant de puissants jets de particules) est justement de cartographier les lignes de champ magnétique dans le disque d'accrétion et aux abords de son horizon des événements. C'est précisément ce que permet la mesure de la polarisation de la lumière émise par M87*. Après avoir acquis la toute première image d’un trou noir, la collaboration de l’Event Horizon Telescope (EHT) révèle ce jour l’aspect, en lumière polarisée, de l’objet massif situé au centre de la galaxie Messier 87 (M87). C’est la toute première fois que les astronomes peuvent mesurer la polarisation, une signature des champs magnétiques, à si grande proximité du pourtour d’un trou noir. Cette vidéo en retrace la découverte. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO, EHT Collaboration, L. Calçada, Digitized Sky Survey 2, ESA/Hubble, RadioAstron, De Gasperin et al., Kim et al., M. Kornmesser, C. Malin (christophmalin.com) et B. Tafreshi (twanight.org) C'est d'ailleurs ce qu'explique Iván Martí-Vidal, également coordinateur du Groupe de travail sur la polarimétrie de l'EHT et chercheur émérite du GenT à l'Université de Valence en Espagne, dans le communiqué de l'ESO : « ces travaux constituent une réelle avancée : la polarisation de la lumière est porteuse d'informations nous permettant de mieux comprendre les processus physiques à l'œuvre derrière l'image acquise en avril 2019, ce qui était impossible auparavant », et que confirme son collègue Andrew Chael, membre de la collaboration EHT, membre du Nasa Hubble au Centre Princeton dédié à la Science théorique et de la Princeton Gravity Initiative aux États-Unis : « les images polarisées nouvellement publiées sont essentielles pour comprendre la façon dont le champ magnétique aide le trou noir à se "nourrir" de la matière environnante et à émettre de puissants jets ». Parmi les conclusions déjà atteintes : « les observations suggèrent que les champs magnétiques présents sur le pourtour du trou noir sont suffisamment puissants pour repousser le gaz de température élevée et l'aider à résister à l'attraction gravitationnelle du trou noir. Seul le gaz qui traverse le champ peut tourbillonner vers l'intérieur, jusqu'à l'horizon des événements », précise Jason Dexter, Professeur adjoint à l'Université Boulder du Colorado, États-Unis, et coordinateur du Groupe de travail sur la Théorie à l'EHT. Sur cette image composite figurent trois vues des régions centrales de la galaxie Messier 87 (M87) en lumière polarisée et une vue, dans le domaine visible, acquise par le télescope spatial Hubble. La galaxie, qui héberge un trou noir en son centre, est célèbre pour ses jets qui s’étendent bien au-delà de la galaxie. Les lignes indiquent l’orientation de la polarisation, étroitement liée au champ magnétique qui règne au sein des régions imagées. La combinaison des informations capturées par l’EHT et Alma permet aux astronomes d’étudier le rôle des champs magnétiques depuis les environs de l’horizon du trou noir (sondé par l’EHT à l’échelle d’un jour-lumière) jusqu’à l’extrémité des puissants jets émis par la galaxie (sondé par Alma à l’échelle de milliers d’années-lumière). Les valeurs obtenues – exprimées en GHz – se réfèrent aux fréquences de la lumière auxquelles les différentes observations ont été effectuées. Les lignes horizontales figurent l’échelle (en années-lumière) de chaque image prise individuellement. © EHT Collaboration; Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Goddi et al.; Nasa, ESA and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA); VLBA (NRAO), Kravchenko et al.; J. C. Algaba, I. Martí-Vidal Sur cette image composite figurent trois vues des régions centrales de la galaxie Messier 87 (M87) en lumière polarisée et une vue, dans le domaine visible, acquise par le télescope spatial Hubble. La galaxie, qui héberge un trou noir en son centre, est célèbre pour ses jets qui s’étendent bien au-delà de la galaxie. Les lignes indiquent l’orientation de la polarisation, étroitement liée au champ magnétique qui règne au sein des régions imagées. La combinaison des informations capturées par l’EHT et Alma permet aux astronomes d’étudier le rôle des champs magnétiques depuis les environs de l’horizon du trou noir (sondé par l’EHT à l’échelle d’un jour-lumière) jusqu’à l’extrémité des puissants jets émis par la galaxie (sondé par Alma à l’échelle de milliers d’années-lumière). Les valeurs obtenues – exprimées en GHz – se réfèrent aux fréquences de la lumière auxquelles les différentes observations ont été effectuées. Les lignes horizontales figurent l’échelle (en années-lumière) de chaque image prise individuellement. © EHT Collaboration; Alma (ESO/NAOJ/NRAO), Goddi et al.; Nasa, ESA and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA); VLBA (NRAO), Kravchenko et al.; J. C. Algaba, I. Martí-Vidal

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