Suis-je vraiment un auteur? Ali GADARI, auteur

 

                                        J'ai des doutes sur ma qualité d'auteur






Après un bon repas en famille, je me pose des questions sur mon talent d'auteur. Mes lecteurs ne se précipitent pas pour faire un commentaire. Ces commentaires me sont pourtant nécessaires pour connaître les réactions de ceux-ci. Nenni, aucune réaction, cela me laisse dans le noir le plus absolu. J'ai besoin des commentaires, en dehors de quelques lectrices je n'en ai aucun, cela me laisse triste et embarrassé. J'aime écrire, c'est ma passion, ce n'est pas pour autant que j'ai du talent? Décidez-vous mes amis,(es), vous me lisez, alors critiquez moi, j'ai besoin de vous!



TIRE DE OPEN BOOK EDITION

Dire : la critique littéraire est l’étude des œuvres littéraires, c’est lui donner un domaine, non un objet ; c’est donc la considérer dès l’abord comme un art, et non comme une forme de savoir. La raison de cette tentation se comprend très bien : le domaine où s’exerce une technique est nécessairement donné empiriquement, ou doit être tenu pour tel. Il est donc facile d’en faire un commencement, de le prendre pour point de départ : toute activité raisonnée a naturellement tendance à se présenter à nous au début comme un art. Dans la pratique théorique, comme le montre l’histoire des sciences l’objet ne vient pas d’abord, mais après coup. Il n’y a pas de données immédiates de la connaissance : sinon celle-ci, très générale et très vague, nécessairement insuffisante, qu’elle a la réalité pour l’horizon. C’est bien de cette réalité que finalement, à la limite, elle nous parle : mais la limite justement n’est pas tracée à l’avance ; elle doit être ajoutée, surimposée au domaine de la réalité, pour que puisse, à l’intérieur de cette limite, s’inscrire un savoir. Ainsi, dire d’une science qu’elle a un domaine réel et aussi qu’elle a un objet, sont deux propositions différentes. La science part du réel : c’est dire qu’elle s’en éloigne. De quelle distance ? Par quel chemin ? Tout le problème de l’institution d’une forme de connaissance est ainsi posé.

4Cela signifie qu’une connaissance rigoureuse doit par principe se garder de toute forme d’empirisme : ce sur quoi porte directement la recherche rationnelle n’existe pas déjà mais est produit par elle. L’objet n’est pas déposé devant le regard qui l’inspecte ; savoir ce n’est pas voir, suivre les lignes très générales d’une telle disposition, suivant laquelle l’objet s’offrirait, dans un partage de lui-même, comme un fruit éclaté, ajustant dans un même geste l’exhibition et le recel. Connaître ce n’est pas écouter une telle parole préexistante, qui serait fable, et la traduire : c’est inventer une nouvelle parole, donner la parole à ce qui par essence garde le silence, non qu’il soit empêché de rien dire, mais bien plutôt parce qu’il est le gardien du silence.

5Connaître, ce n’est donc pas retrouver ou reconstituer un sens latent : oublié ou caché. C’est constituer un savoir neuf ; c’est-à-dire un savoir qui ajoute à la réalité d’où il part et dont il parle quelque chose d’autre. Souvenons-nous que l’idée de cercle n’est pas elle-même circulaire : ce n’est pas parce qu’il y a le cercle qu’il y a l’idée du cercle. Et retenons que l’apparition du savoir institue une distance, un certain écart : en limitant par cet écart le domaine initial, elle en fait un espace mesurable, l’objet d’un savoir.

6Il faut bien comprendre que cet écart est irréductible : c’est justement le propre de la tentation empiriste de ramener toute activité raisonnée à la forme générale d’une technique, et de considérer qu’à mesure que le savoir avance, entre l’objet vrai (support de vérité, puisque c’est sa vérité qu’on veut exhiber) et la connaissance qu’on en prend, la distance peu à peu s’amenuise. Savoir alors, c’est déployer, décrire ; c’est traduire : absorber l’inconnu dans le donné ou inversement. C’est réduire à un point (l’apparition du vrai) le champ de la connaissance. Et le vrai savoir, ponctuel, est aussi instantané : il dure le temps d’un vrai coup d’œil jeté sur les choses. L’entreprise du savoir est en tant que telle provisoire : elle finira bien par s’abolir, par se résorber dans une réalité qu’elle laisse inchangée, après l’avoir seulement interprétée. Dans une telle perspective, où le savoir est réduit à n’être qu’un art, et même, comme nous le verrons, art de lire, il se trouve avoir aussi perdu son histoire : son passé, son avenir, et son présent. Asservi à une fonction technique d’universalité, il a été comme dissipé.

7Si nous voulons laisser au savoir sa valeur, lui conserver une certaine consistance, nous devons donc cesser de le considérer comme un artifice provisoire, un chemin, un intermédiaire, qui nous rapprocherait de la vérité, ou de la réalité, pour nous mettre effectivement en contact avec elle. Autrement dit, il faut lui restituer toute son autonomie (cela ne veut pas dire : son indépendance), sa dimension propre : il faut lui reconnaître le pouvoir de produire du nouveau, donc de transformer effectivement la réalité telle qu’elle lui est donnée. Il faut le considérer non comme un instrument, mais comme un travail : ce qui suppose au moins l’existence de trois termes effectivement distincts, matière, moyen et produit. Pour parler comme Bachelard, il faut reconnaître la discursivité caractéristique du vrai savoir.

8On dira donc : ou bien la critique littéraire est un art, et alors elle est complètement déterminée par l’existence préalable d’un domaine (les œuvres littéraires), qu’elle cherchera à rejoindre, pour en trouver la vérité, et finalement se confondre avec lui, puisqu’elle n’aura plus par elle-même aucune raison d’exister. Ou bien elle est une certaine forme de savoir : elle a alors un objet, qui n’est pas sa donnée mais son produit : à cet objet elle applique un certain effort de transformation : elle ne se contente pas de l’imiter, d’en produire un double ; entre le savoir et son objet, elle maintient donc une distance, une séparation. Si le savoir s’exprime dans un discours, et s’applique à un discours, ce discours doit être par nature différent de l’objet qu’il a suscité pour pouvoir en parler. Si le discours scientifique est rigoureux c’est parce que l’objet auquel, par sa propre décision, il s’applique, se définit par un autre type de rigueur et de cohérence.

9Cette distance, l’écart suffisant pour que s’y installe une discursivité vraie, est essentielle, et caractérise définitivement les rapports entre l’œuvre et sa critique : ce qu’on pourra dire de l’œuvre en connaissance de cause ne se confondra jamais avec ce qu’elle dit d’elle-même, parce que les deux discours ainsi superposés ne sont pas de même nature. Ni dans leur forme ni dans leur contenu ils ne peuvent être identifiés : ainsi, entre le critique et l’écrivain, une différence irréductible doit être posée au départ ; elle n’est pas ce qui distingue deux points de vue sur un même objet, mais l’exclusion qui sépare l’une de l’autre deux formes de discours. Ces discours n’ont rien de commun : l’œuvre telle qu’elle est écrite par son auteur n’est pas exactement l’œuvre telle qu’elle est expliquée par le critique. Disons provisoirement que, par l’utilisation d’un langage neuf, le critique fait éclater en l’œuvre une différence, fait apparaître qu’elle est autre qu’elle n’est. 


LA CRITIQUE EST NECESSAIRE AUX OEUVRES LITTERAIRES


                                 TABLEAU DE Emile ZOLA PAR SEZANE, ecrivain et critiqu







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