MON RUISSEAU, MA RIVIERE, texte de Ali GADARI, auteur
MON RUISSEAU, MA RIVIERE
Photographie, libre de droits
Ma montagne, s’affichait dans les décors,
souvent bleue sous le soleil ou rougeoyante au crépuscule, la cime
disparaissait souvent dans le coton des nuages. Les pentes étaient drues et les
sentiers caillouteux provoquaient des douleurs dans les jambes fatiguées. Domaine
des haies et des sapins, ma montagne produisait aussi des hêtres en quantité
non négligeable. A l’abri de ceux-ci se cachent les sorbiers, le cytise, le
fusain, la myrtille, la coronille et aussi le daphné lauréole. La petite
oseille, le tout petit muguet, la prénanthe pourpre, la verge d’or et l’herbe
de la trinité. Toutes ces plantes que je connaissais de visu, mais dont
j’ignorais presque tous les noms, m’ont obligé à rechercher dans de savants
ouvrages. Vous voyez, là entre ces deux gros rochers, perle une eau pure venant
du fond de la terre, formant une flaque d’eau profonde d’une dizaine de
centimètres qui, avide de voyager, se rue sur la pente de ma montagne en
formant un ruisseau encore enfantin. Vous pourriez voir, dès l’aube venue,
s’abreuver les bouquetins, les grives, le merle et le niverolle classé par les
ornithologues, ancêtre de l’époque glaciaire, (comment font-ils pour annoncer
cela, je suis toujours étonné de leurs connaissances) ? L’eau traçait sa route
à travers les rochers, les éboulements, disparaissant parfois pour ressurgir là
où nous ne l’attendions pas au pied d’un hêtre, en s’excusant presque. Ma
montagne, d’une manière désordonnée, favorise la rencontre de plusieurs ruisselets,
ruisseaux qui, mêlant leurs eaux, grossissent mon ruisseau qui descend ainsi
plus vite la pente de ma montagne, entraînant avec elles des feuilles jaunies
par l’automne. C’est curieux comme les paysages sont changeants, ici mon
ruisseau borde une forêt de sapins et quelques peupliers d’Italie. Les lézards
verts courent le long de la berge et se cachent très vite entre deux cailloux.
Un merle sautille curieusement pour s’abreuver dans l’eau claire où son image
se reflète. Oh, regardez la buse qui guette le mulot où l’orvet du haut de sa
branche avec ses yeux d’expert. Un coude et mon ruisseau se cogne à une roche
en l’éclaboussant et file furieusement en créant son chemin à travers la
bruyère, inondant la terre brune et sa végétation, créant une colonie d’herbes
grasses et d’arbustes bizarres avec un branchage tarabiscoté. Il descend
toujours mon ruisseau, fougueux, ruisselant de lumière et d’éclats sous le
soleil, là il passe sous la frondaison d’un saule qui borde sa berge, il change
ainsi de couleur ravissant le coucou curieux. Attention, regardez bien, la
rivière l’accueille dans son lit pour des noces sulfureuses, les eaux se
mélangeant avec de nombreux tourbillons et de jolis éclats. Elle est colonisée
par différents poissons blancs ma rivière : le blageon, petit poisson
blagueur qui disparait plusieurs années et réapparait subitement, la truite
fario, la vairon, le goujon, la loche, ces différentes espèces font bon ménage
dans les eaux vives. Elle est belle ma rivière, se coulant entre les pierres et
les rochers, se transformant parfois en torrent impétueux pour vite se calmer.
Elle est encore agitée avant de rejoindre la plaine. Les paysages changent ou
se répètent tout en harmonie avec le ciel.
Là un vieux pont de pierres ne laissant passer qu’un véhicule. Ce pont faisait
la fierté des habitants, il fut construit au quinzième siècle au temps des ducs
de BOURGOGNE. Au temps jadis il a vu passer les chevaliers et leurs lourdes
armures et les contrebandiers sur une arche en pierres. Ce petit village est
resté dans la tradition, le maire de la commune des années mille neuf cent
soixante a rédigé avec son conseil municipal un arrêté interdisant toute
nouvelle construction ne satisfaisant pas aux normes du village, lorsque des
gens des villes ont voulu construire des habitations secondaires. Le béton
était interdit ainsi que le parpaing, seuls la pierre et le bois étaient
autorisés. La petite église était d’une splendeur sans pareille, son clocher en
chêne sculpté, comme l’intérieur avec le retable derrière l’autel, et les
statues des saints sculptés dans du chêne, reflétait tout l’art du quinzième
siècle et les fastes des ducs de BOURGOGNE. Ce petit village encore un peu
isolé embellissait ma rivière par son reflet dans ses eaux tumultueuses. Les terres
de cette moyenne montagne est riche en arbres à feuilles caduques, le hêtre, le
chêne roi de la montagne, l’érable, l’alisier employé dans les placages de
certains meubles. Il produit des baies comestibles utilisées par certains
spécialistes pour produire un alcool de grande qualité. Pardon, J’ai oublié la
vesse de loup produisant un fruit pouvant être de la taille d’une grosse balle
de hand-ball.
Quelle est belle ma rivière qui serpente encore dans les dernières terres de
montagne, là où les hommes ont transformé les paysages d’une manière
irrémédiable. Des vignobles bien alignés, des champs où paissent les moutons et
les vaches. Des villages sont nés au fil des siècles remplaçant
irrémédiablement les forêts de hêtres détruites à la hache. Profitant des
déclivités elle s’écoule parfois tumultueuse sur les dernières pentes de la
montagne avant la longue plaine. Entre collines et plaines, la ville s’étale le
long de ses berges autrefois boisées et fleuries devenues grises sous le béton.
La ville est la première rencontrée depuis la source génératrice de ces eaux
encore claires. C’est une belle ville malgré le béton encore marquée par les
siècles passés. Son cœur historique a gardé de multiples maisons à colombage.
Leur ossature est formée d’un assemblage de poutres en chêne horizontales ou
verticales, fixées entre elles par des tenons et des mortaises. Certaines
avaient des pierres de montagne pour remplir les vides, mais la plupart étaient
en torchis. Ces maisons étaient séparées par des ruelles pavées qui donnaient
l’impression d’être au Moyen Âge. De nombreux commerçants animaient le quartier
médiéval, jouxtant la cathédrale, construit à une époque toujours mal définie,
au quatrième ou au cinquième siècle ? L’on retrouve le Roman, le Gothique et le
Néo- Gothique dans son architecture. La cathédrale reconstruite par Charlemagne
fut édifiée sur les ruines de l’église primitive, qui avait été détruite par
les Sarrazins selon les historiens. Les pierres étaient sans doute jointées à
la chaux, je n’ai trouvé aucun détail pouvant me renseigner. Les accidents
étaient courants dans la construction des cathédrales. Quelquefois une centaine
de compagnons étaient tombés de leurs échafaudages précaires, la hauteur de la
cathédrale pouvant être à la hauteur des nuages. La cathédrale de Strasbourg
culmine à plus de cent quarante-deux mètres. A l’ouest de celle construite ici,
la façade est adossée à deux tours carrées de quarante mètres de style Gothique
flamboyant, un jardin entoure une petite chapelle secondaire. Les habitants de
cette ville sont fiers de leur cathédrale. Trois cloches habitent dans les
tours, le bourdon, d’un poids de cinq mille deux cent kilogrammes est niché
dans la tour gauche de l’édifice, deux autres cloches beaucoup plus petites sont
logées dans la tour de droite. Quant à l’orgue, elle a été construite à la fin
du dix-septième siècle. Cette ville ne pouvait être construite que sur le bord
de ma rivière éclairant les esprits des bâtisseurs de la cathédrale. Cette
rivière embellit la nature de ses méandres sauvages et de la beauté de ses
paysages incomparables, puis elle s’enfuit vers la platitude et la
tranquillité. Tout change, les eaux sont devenues beaucoup plus calmes et avec
elles la nature a transformé l’environnement, mais pas seulement, les habitants
de ses eaux sont également différents. Le brochet, le requin des eaux douces
règnent en maîtres incontestés de ces eaux. La perche, la carpe, le gardon et
la brème vivent en bonne harmonie dans les herbes bercées par le courant. Les
troènes et les sureaux font bon ménage sur les berges accompagnés de
noisetiers, de saules et de peupliers noirs et blancs et des herbes prenant
racines dans les fonds sablonneux. Tout cet équilibre sert de réservoir
biologique, d’abri et de nourriture pour la faune. Le pêcheur silencieux pourra
apercevoir le martin pêcheur aux couleurs orange et bleue facilement
remarquable sur sa branche. Là, il n’y a pas de pont, deux barques traversières
relient toute la journée les deux rives à coups de pagaies et de force dans les
bras pour quelques centimes.
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