Il n'y a pas plus de disparitions mystérieuses dans le triangle des Bermudes qu'ailleurs sur la Planète.
Il n'y a pas plus de disparitions mystérieuses dans le triangle des Bermudes qu'ailleurs sur la Planète.
Chronique Futura Planète/Laurent SACCO - Proposé par Ali GADARI
Mais les îles volcaniques dont il tire son nom sont néanmoins atypiques selon le récent travail de géologues. Le magma qui les a formées ne viendrait pas des régions du manteau identifiées jusqu'ici.
La découverte de la tectonique des plaques a jeté une vive lueur sur l'origine des séismes et des éruptions volcaniques. Elle a aussi stimulé les recherches sur la structure de l'intérieur de la Terre afin de comprendre le moteur de la dérive des continents. Heureusement, la sismologie et les expériences sur la physique et la chimie des matériaux à hautes pressions étaient déjà bien avancées à la fin des années 1960 quand la révolution de la tectonique des plaques est arrivée. En fait, elles ont même contribué à son avènement.
Notre connaissance du manteau supérieur et de la lithosphère nous a conduits à penser que le magma, à l'origine de bien des édifices volcaniques, provenait de la fusion partielle de roche à une centaine de kilomètres de profondeur tout au plus, et qu'elle conduisait à la formation de chambres magmatiques.
Mais, pour d'autres régions volcaniques du Globe, comme à Hawaï et en Islande, il fallait faire intervenir cette même fusion partielle dans le manteau inférieur, juste au-dessus de la surface du noyau de notre Planète. Elle menait alors à la formation de panache mantellique, c'est-à-dire aux fameux points chauds proposés par le géophysicien canadien John Wilson, et dont la théorie a été développée initialement aussi par son collègue états-uniens William Morgan.
Les Bermudes ne sont en réalité que la partie émergée d'une immense montagne sous-marine. © Nat Geo France
Récemment, une équipe internationale de chercheurs en géosciences s'est penchée sur le cas des îles Bermudes. Leur nature volcanique est bien connue et elles sont l'objet d'études depuis longtemps. Ses membres pensaient préciser notre connaissance de ce qui semblait être le produit d'un point chaud, donc d'une remontée d'un panache mantellique profond ayant percé la croûte océanique de l'Atlantique. Mais, comme le montre l'article qu'ils ont publié à ce sujet dans Nature, ils sont tombés sur une surprise.
Du magma provenant de la zone de transition du manteau
Comme l'ont montré la sismologie et les expériences sur des matériaux à hautes pressions, les minéraux ne peuvent pas exister dans les mêmes conditions selon la température et la profondeur à l'intérieur de la Terre. Il se produit même des transitions de phases au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans les profondeurs de notre Globe. Les laves en surface ramènent aussi des matériaux qui contiennent des géo-baromètres et des géo-thermomètres ; ceux-ci aident à préciser les lieux de formation de ces matériaux et l'origine des magmas ayant fourni la lave qui forme les édifices volcaniques.
Les chercheurs ont ainsi fait parler une carotte provenant d'un forage réalisé en 1972 aux îles Bermudes. Longue d'environ 700 mètres, cette carotte s'est révélée bavarde sur l'histoire géologique de ces îles, contenant des signatures isotopiques, des éléments en trace et autres données géochimiques relevant aussi de la physique et de la structure de l'intérieur de la Terre.
Il s'est avéré que la remontée de magma à l'origine des Bermudes, et qui s'est produite il y a 30 millions d'années environ, n'était pas le fait d'un point chaud, ni celui d'un volcanisme classique, car ce magma devait avoir pour origine la fameuse zone de transition dans le manteau supérieur située entre 440 et 660 km de profondeur environ.
Pour les chercheurs, c'est une grande première, du jamais vu ! On n'avait jamais découvert jusqu'ici des laves qui prenaient naissance dans cette zone de transition bordée par deux transitions de phase majeures de l'olivine, un minéral caractéristique d'une roche du manteau, la péridotite.
Notre connaissance de cette zone (voir le schéma ci-dessus) entre le manteau supérieur (upper mantle) et le manteau inférieur (lower mantle) à l'intérieur de la Terre a été renouvelée il y a quelques années. On pensait depuis longtemps que l'olivine de la péridotite contenue dans les roches du manteau supérieur subissait un changement de phase en devenant de la ringwoodite ; et c'est justement ce qu'a permis de démontrer la découverte de l'inclusion de ce minéral, trouvée dans un diamant en provenance de l'État amazonien du Mato Grosso, au Brésil. La ringwoodite est capable de stocker jusqu'à 1,5 % de son poids en eau et elle pourrait bien être responsable de l'existence d'un véritable océan, alimenté en eau par la subduction des plaques océaniques, au niveau de la zone de transition du manteau.
Le saviez-vous ?
Alfred Edward Ringwood (1930-1993) est l'un des grands noms des géosciences. On lui doit les premiers modèles de composition globale de la Terre et des planètes déduits de la composition des météorites, ainsi que le modèle de composition chimique du manteau « pyrolitique » qui porte son nom. C'était l'un des pionniers de la géochimie des hautes pressions avec Francis Birch et Percy Bridgman. À la fin des années 1950 et au début des années 1960, ses travaux sur les roches et les minéraux dans les conditions de pression et de température du manteau ont conduit Ringwood à prédire l'existence d'un nouveau minéral alors inconnu. Il fut finalement trouvé dans une météorite tombée près de Tenham Station (Australie) en 1969 et porte son nom : la ringwoodite.
Les chercheurs pensent que cette découverte pourrait être probablement la pointe émergée d'un iceberg. Ils s'attendent à trouver des signatures géochimiques similaires à celles des Bermudes dans d'autres laves du Globe, ce qui montrerait que le volcanisme issu de la zone de transition du manteau n'est pas une exception limitée aux Bermudes.
CE QU'IL FAUT RETENIR
- Le magma à l'origine des éruptions volcaniques sur Terre provient, le plus souvent, d'une profondeur d'environ 100 km dans le manteau.
- Mais, lorsqu'il s'agit de points chauds capables de fabriquer des îles comme l'Islande ou Hawaï, il provient de régions juste au-dessus du noyau et donc, à plus de 1.000 km de profondeur.
- Des laves trouvées aux îles Bermudes portent cependant des signatures géochimiques qui montrent pour la première fois que du magma peut se former dans la fameuse zone de transition riche en eau contenue dans la ringwoodite, un minéral de cette région du manteau comprise entre environ 440 et 660 km de profondeur.
- Le volcanisme particulier des Bermudes, âgé de 30 millions d'années, n'est cependant probablement pas une exception et pas une rareté non plus.
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