Cette évolution historique du système d'unités le plus invariable et le plus universel jamais établi par l'Homme entre en vigueur le 20 mai 2019.
Cette évolution historique du système d'unités le plus invariable et le plus universel jamais établi par l'Homme entre en vigueur le 20 mai 2019.
Chronique de Futura Sciences/Christophe DAUSSY
Plus de deux siècles après la première définition du mètre à partir d'un invariant de la nature qui a conduit à sa redéfinition en fixant la valeur numérique de la vitesse de la lumière en 1983, nous sommes aujourd'hui en mesure d'étendre cette approche à l'ensemble des unités pour instaurer le premier système d'unités entièrement défini à partir de constantes universelles. Cette évolution historique du système d'unités le plus invariable et le plus universel jamais établi par l'Homme entre en vigueur le 20 mai 2019.
En décidant de fixer certaines constantes universelles, les métrologistes changent notre façon de mesurer le monde. Cette révolution est marquée par une réforme majeure du Système international d'unités (le SI) qui fut décidée à Versailles, lors de la 26e Conférence générale des poids et mesures (CGPM), entre le 13 et 16 novembre 2018. Le nouveau SI entre en vigueur le 20 mai 2019 à l'occasion de la journée mondiale de la métrologie. L'ambition de cette grande réforme est d'établir un système d'unités plus cohérent, plus stable et universel.
Quelles sont ces constantes universelles sur lesquelles vont dorénavant reposer toutes nos mesures ?
Notre SI compte sept unités de base (voir illustration ci-dessus), autant de constantes seront donc nécessaires pour construire le nouveau système :
- La fréquence de transition entre deux niveaux de l'état fondamental de l'atome de césium 133 (notée Cs) basée sur la quantification des niveaux d'énergie à l'échelle atomique.
- La vitesse de la lumière dans le vide (notée c) en tant que vitesse limite dans le cadre de la théorie de la relativité restreinte.
- La constante de Planck (notée h) introduite par la mécanique quantique.
- La charge élémentaire (notée e) de l'électromagnétisme.
- La constante de Boltzmann (notée k) introduite en thermodynamique.
- La constante d'Avogadro (notée NA) particulièrement utilisée en chimie.
- Le rendement lumineux (noté Kcd) utilisé en photométrie.
Dans l'ancien SI, les valeurs numériques de ΔυCs, Kcd et c sont déjà fixées implicitement par les définitions respectivement de la seconde, de la candela et du mètre. Ainsi la définition du mètre par exemple, donnée depuis 1983 par la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant une durée de 1/299.792.458e de seconde, impose que c soit égal à 299.792.458 m/s exactement. Au cours de la 26e Conférence générale des poids et mesures, à ces trois constantes viendront s'ajouter h, e, k et NA dont les valeurs numériques seront fixées à des valeurs exactes pour redéfinir le kilogramme, l'ampère, le kelvin et la mole (voir tableau ci-dessous).
Pourquoi a-t-on choisi ces constantes ?
Ces quatre grandeurs ont été retenues pour les raisons suivantes :
- Chacune s'exprime en fonction de l'unité que l'on cherche à définir (et éventuellement d'autres unités de base elles-mêmes définies par d'autres constantes).
- Ce sont des invariants de la nature (indépendant du temps et de l'espace) à caractère universel ce qui permettra d'assurer la stabilité à long terme des nouvelles définitions.
- Elles ont été mesurées avec une très faible incertitude dans l'ancien SI, ce qui permettra de fixer la valeur numérique de chaque constante en garantissant la continuité entre l'ancien et le nouveau système de mesure.
Mais pourquoi donc redéfinir le kilogramme, la mole, l’ampère et le kelvin ?
Plusieurs difficultés intrinsèquement liées à l'ancien SI seront surmontées dès la mise en place du nouveau système.
Le kilogramme repose depuis 1889 sur un objet matériel particulier, le prototype international du kilogramme (noté K). Cette définition qui privilégie une masse particulière (K=1 kg) conduit à une qualité des pesées dégradée pour les masses inférieures au kilogramme. Les pesées à l'échelle du milligramme sont ainsi 2.500 fois moins précises que celles réalisées autour de 1 kilogramme. Un autre problème bien connu concerne la stabilité - ou plutôt l'instabilité - à long terme du kilogramme. On sait en effet que les masses des différents étalons (K et ses copies) sont instables et ont varié les unes par rapport aux autres d'environ 50 µg en un siècle ! Dans ces conditions, que dire par exemple de la stabilité de la masse de l'électron ou du proton sur la même période ?
La définition de la mole qui exprime la quantité de matière contenue dans 0,012 kg de carbone 12 repose sur la définition du kilogramme. Elle est donc directement impactée par les problèmes liés à l'unité de masse et la quantité de matière contenue aujourd'hui dans un mole n'est pas strictement la même qu'en 1971 lorsqu'elle a été introduite dans le SI !
En reposant sur des invariants de la nature, la nouvelle définition du kilogramme assurera la stabilité de l'unité tout en ne privilégiant aucune masse particulière. On peut également noter que la nouvelle définition de la mole déconnectera cette dernière de la définition du kilogramme.
Un autre problème majeur actuel est posé par l'expérience idéale qui, depuis 1948, sert à définir l'ampère : la force mécanique entre deux fils infiniment longs, séparés d'un mètre, dans lesquels circule un courant. Depuis plusieurs décennies les mesures électriques n'utilisent plus cette définition qui en pratique a été remplacée par des étalons bien plus performants : un étalon de tension et un étalon de résistance qui reposent respectivement sur un effet quantique dans un semi-conducteur (l'effet Hall quantique) et sur un effet qui apparait à basse température dans un supraconducteur (l'effet Josephson). Ces étalons font intervenir e et h, deux constantes qui seront fixées dans le nouveau SI. La nouvelle définition de l'ampère permettra donc de réconcilier définition et réalisations pratiques des unités électriques.
Pour finir l'unité de température, le kelvin. Elle repose depuis 1954 sur un système physiqueparticulier, le point triple de l'eau choisi comme point fixe fondamental auquel est attribué par convention la température exacte de 273,16 K (soit 0,01 °C). Toute mesure de température doit donc se référer à cette température particulière, contrainte qui pose de grandes difficultés particulièrement pour les thermomètres fonctionnant à très basses températures (au-dessous de 20 K) ou à très hautes températures (au-dessus de 1.300 K). Fixer k plutôt que la température du point triple de l'eau permettra de ne privilégier aucune température particulière et de lever cette difficulté.
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