Des études ont déjà montré que les hommes qui vivent de façon permanente au-delà de 3.500 mètres d'altitude développent des particularités physiologiques qui leur permettent de tolérer le manque d'oxygène.






  Des études ont déjà montré que les             hommes qui vivent de façon   permanente au-delà de 3.500 mètres              d'altitude développent des particularités physiologiques qui leur         permettent de tolérer le manque                                 d'oxygène. 
                         Futura Planète/Nathalie MAYER  -  Proposé par Ali GADARI
  À La Rinconada, ces particularités         semblent atteindre un paroxysme.
Sur notre planète, l'Amérique du Sud et la Cordillère des Andes constituent l'un des principaux lieux d'habitation permanents à haute altitude. Certaines grandes villes -- comme La Paz (Bolivie) et son million d'habitants -- se sont établies à plus de 3.500 mètres. Entre 4.000 et 4.500 mètres d'altitude, on trouve surtout des villages car le manque d'oxygène, l'hypoxie, commence à se faire durement ressentir.
Pourtant à 5.300 mètres, une ville de 50.000 habitants s'est construite à La Rinconada, au Pérou, et ce, pour des raisons économiques avant tout. Ceux qui vivent là exploitent une mine d’or« C'est pour payer les études de ma fille à Lima que je me suis installé ici », confie un mineur à l'équipe de scientifiques de l'Expédition 5300 qui a posé là son laboratoire éphémère pour près de deux semaines.
Pour vivre à La Rinconada, il faut assurément avoir une bonne raison. Car ici, les conditions sont extrêmes. Le niveau d’oxygène arrive difficilement à 50 % de ce qu'il peut être au niveau de la mer. L'hypoxie rend le moindre effort pénible. Et même si les locaux ont développé, au fil des années et des générations, des adaptations physiologiques, et probablement même génétiques, 25 % des habitants de La Rinconada semblent souffrir du mal chronique des montagnes. Un ensemble de pathologies et de symptômes handicapants liés à l'hypoxie.
« Le sang des habitants de La Rinconada apparaît violet, presque noir », raconte Samuel Vergès, responsable de l’Expédition 5300. © Expédition 5300

 Des chiffres rarement mesurés

Parmi les observations les plus marquantes qu'ont pu faire les chercheurs de l'Expédition 5300, un taux d'hématocrite au-delà de l'imaginable : 85 % contre environ 40 % pour nous, Européens des plaines. « Une telle quantité de globules rouges rend le sang des habitants de La Rinconada tellement visqueux -- environ trois fois plus que le nôtre selon les premières estimations -- qu'il en est arrivé à boucher notre appareil d'analyse », raconte Samuel Vergès, responsable de l'expédition.
Pour faire circuler ce sang dans les organismes, c'est le cœur qui est mis à rude épreuve. Son côté droit tout particulièrement, semble-t-il. Celui chargé de renvoyer le sang vers les poumons« Le cœur droit force beaucoup. Il est extrêmement dilaté. Nous avons aussi mesuré des pressions artérielles très élevées. En Europe, de telles valeurs conduiraient à un diagnostic d’hypertension », explique le chercheur de l'Inserm.
Les vaisseaux sanguins des habitants de La Rinconada, quant à eux, apparaissent inhabituellement dilatés. « Pour faire circuler ce sang extrêmement visqueux, ils doivent s'ouvrir au maximum. Même au repos. La vasoréactivité -- la capacité de nos vaisseaux à se dilater ou à se contracter -- en souffre », poursuit Samuel Vergès. Des premiers résultats qui devront être analysés plus en profondeur pour livrer tous leurs secrets.
  • À La Rinconada, environ 50.000 personnes vivent aux limites de la tolérance humaine avec seulement 50 % de l’oxygène habituellement disponible au niveau de la mer.
  • Les chercheurs de l’Expédition 5300 ont évalué nombre d’entre eux.
  • Les premiers résultats montrent des taux d’hématocrite extrêmes, une tension artérielle élevée ainsi qu’un cœur droit et des vaisseaux sanguins très dilatés.
POUR EN SAVOIR PLUS

     Expédition de l’extrême :        arrivée à La Rinconada, une              première mondiale

La vie permanente est réputée impossible au-dessus de 5.000 mètres d'altitude. Pourtant quelque 50.000 Péruviens sont durablement installés à La Rinconada. Pour comprendre comment leurs organismes s'adaptent au manque d'oxygène ambiant, une équipe de chercheurs a, pour la toute première fois, posé ses instruments dans la ville la plus haute du monde.
                                 Article de Nathalie Mayer paru le 20/02/2019
« Ici, l'attente est énorme. Les gens font la queue devant notre laboratoire », raconte Samuel Vergès, le responsable de l'expédition. Car peu de médecins s'aventurent à La Rinconada (Pérou). La plupart des 50.000 Péruviens qui vivent ici n'en ont même jamais vu. Alors, lorsqu'une équipe de scientifiques européens débarque...
L’attente de la population est énorme
« Nous avons prévu de faire subir des tests de base à quelque 1.000 habitants de La Rinconada et pour une cinquantaine, nous procéderons à des examens plus poussés », explique le chercheur de l'Inserm. Étudier et soutenir la population locale. Accompagner les personnes de plaine se rendant en altitude. Appliquer ces connaissances aux maladies respiratoires. Les enjeux sont de taille. Car jamais encore des scientifiques n'avaient eu accès à la ville la plus haute du monde.
Si les chercheurs de l'équipe ont subi quelques symptômes « étonnamment légers » du mal aigu des montagnes, les habitants de La Rinconada sont « clairement marqués » par le manque d'oxygène qui rythme leur vie. Et pour cause. Ici, le taux d'oxygène est de moitié celui que l'on rencontre au niveau de la mer. Le souffle court. Une peau grisée. Des mains et des visages gonflés. La population locale subit de plein fouet l'hypoxie.
Manque d’oxygène, froid, coupures d'eau et d’électricité. À La Rinconada, les conditions de travail deviennent difficiles pour l’équipe de chercheurs de l’Expédition 5300. © Expédition 5300

      Des taux d’hématocrite                        incroyables

« À Puno, nous avions déjà observé des adaptations importantes à l'altitude. Mais rien de réellement délétère. Seulement des preuves des formidables capacités d'adaptation de l'organisme humain. À La Rinconada, on touche vraiment aux limites », explique Samuel Vergès. Les premières valeurs enregistrées par l'équipe sont tout simplement extraordinaires. Un taux d'hématocrite - comprenez la part occupée par les globules rouges dans le sang - proche des 85 % par exemple, alors que celui d'un Européen moyen oscille entre 40 et 45 % !
Il n'en reste pas moins que près d'un quart de la population locale montre de réelles difficultés à vivre dans de telles conditions extrêmes. Ce quart-là développe ce que les spécialistes appellent le mal chronique des montagnes. Accompagné de symptômes et de pathologies encore peu connus, car trop peu étudiés.
« En accumulant les données scientifiques sur des personnes saines et sur des personnes malades, nous espérons comprendre ce qui se joue chez les habitants de La Rinconada. Et pouvoir ensuite leur apporter des solutions thérapeutiques qui leur permettent de vivre mieux dans cette ville incroyable », conclut Samuel Vergès.

          Expédition de l’extrême : Puno, 3.800 mètres d’altitude

Après quelques jours passés dans l'agitation de Lima, au Pérou, les chercheurs de l'Expédition 5300 ont embarqué pour Puno, une ville située sur les rives du lac Titicaca. Une ville dans laquelle plus de 100.000 habitants vivent en permanence à quelque 3.800 mètres d'altitude. Là, le manque d'oxygène commence à se faire sentir.
                                       Article de Nathalie Mayer paru le 14/02/2019
Maux de tête, fatigue, troubles du sommeil, perte d'appétit. Ce sont les symptômes classiques de ce que l'on nomme le mal aigu des montagnes. Ceux que « les gens de plaines » développent lorsqu'ils montent en altitude. Une réaction de notre organisme au manque d’oxygène : l'hypoxie. « À 3.800 mètres, nos chercheurs commencent à être mis à l'épreuve », constate Samuel Vergès, le responsable de l'expédition.
Pendant une semaine environ, ils ont eu la vie presque facile à Lima, la capitale du Pérou. Ils ont même déjà quelques premiers constats à leur actif. « Nous avons noté quelques différences anatomiques, physiologiques... et culturelles », glisse le chercheur de l'Inserm dans un sourire. Très sérieusement, une première petite surprise est venue du sang des volontaires de Lima. Il contient étonnamment beaucoup de globules rouges pour des habitants des plaines. Pourtant, il reste fluide. « C'est peut-être le début d'un indice en faveur de l'origine génétique des adaptations au manque d'oxygène », s'avance Samuel Vergès. Une question à creuser.
Depuis quelques jours maintenant, son équipe a posé ses valises à Puno et ici, la quantité d'oxygène disponible a diminué d'un tiers par rapport à celle disponible du côté de Lima. « D'un point de vue matériel aussi, les choses se compliquent », confie le chercheur de l'Inserm. Ni perte ni casse pourtant durant un transport en camion des plus hasardeux.
Entre Lima et Puno, quelque 1.200 kilomètres et un matériel transporté en camion. © Expédition 5300

   Des hommes et du matériel

Quelques petits problèmes techniques, cependant. Des problèmes dûs à une sollicitation hors norme des appareils. Et une adaptation nécessaire à ces conditions d'altitude. « Les prélèvements sanguins et les fonctions cardiovasculaires de nos volontaires montrent clairement des adaptations importantes au manque d'oxygène », raconte Samuel Vergès.
À Puno, le sang des volontaires péruviens qui ont accepté de se prêter aux tests devient cette fois plus visqueux. Il a même du mal à couler dans les aiguilles. Pour y remédier, une seule solution : des aiguilles plus grosses et des pompes qui aident la circulation. « Et ce n'est sans doute pas grand-chose à côté de ce qui nous attend à La Rinconada », glisse le chercheur de l'Inserm.
La première équipe scientifique à accéder à La Rinconada
Car le responsable de l'expédition a déjà en tête à la prochaine étape. « À Puno, nous sommes à une altitude qui peut encore être qualifiée de classique. Mais bientôt, nous serons les premiers scientifiques à accéder à La Rinconada. Nous nous attendons à des conditions difficiles pour nous et pour notre matériel », explique Samuel Vergès qui semble de plus en plus impatient d'y être.

                    Expédition de l’extrême : une première étape                         au niveau de la mer

Lima, c'est la capitale du Pérou. Altitude : 80 mètres. C'est là que les scientifiques de l'Expédition 5300 ont posé leurs bagages pour quelques jours. Car pour bien caractériser les populations qui vivent en très haute altitude, à La Rinconada, il leur faut d'abord recueillir des données sur un groupe de contrôle. Et s'assurer que les protocoles sont pleinement opérationnels.
                              Article de Nathalie Mayer paru le 04/02/2019
Treize heures d'avion. Il n'en aura pas fallu moins à l'équipe de l'Expédition 5300 pour rallier le Pérou et sa capitale, Lima. C'est dans cette ville, en bordure de l'océan Pacifique, que les chercheurs ont choisi de poser leurs bagages pour une première étape de quelques jours. Et à peine arrivé, direction un étonnant marché aux matériels médicaux et scientifiques pour Samuel Vergès, le responsable de l'expédition.
L'équipe a fait suivre quelque 400 kilogrammes de matériel. Ici, Samuel Vergès recherche tout ce qui n'a pas pu être transporté en avion. Des bouteilles de CO2 pur, par exemple. Du petit matériel de base également. « Dans quelques jours, nous devrons évoluer à plusieurs milliers de mètres d'altitude. Avant de nous confronter à des conditions difficiles pour toute l'équipe, nous avons souhaité passer par une phase préalable de rodage dans des conditions plus classiques », raconte le chercheur de l'Inserm. L'occasion de tester le matériel et de coordonner les membres de l'équipe. « C'est l'une des raisons pour lesquelles nous faisons étape ici. »
Mais ce n'est pas la seule. Parmi les 12 millions d'habitants de Lima, une vingtaine de volontaires -- des hommes en bonne santé, de la même tranche d'âge et de la même ethnie que ceux qui participeront à l'expérience à La Rinconada -- ont été recrutés pour passer la batterie de tests imaginés par les chercheurs de l'Expédition 5300. « Notre objectif est d'étudier l'état de santé et le fonctionnement physiologique de Péruviens qui vivent au niveau de la mer. Ils vont nous servir de comparatif pour les Péruviens de haute altitude que nous allons étudier dans quelques jours », précise-t-il.
Une vingtaine d’habitants de Lima ont accepté de se prêter au jeu des chercheurs de l’Expédition 5300. Ils ne sont pourtant pas les véritables sujets de l’étude. Leurs caractéristiques physiologiques serviront simplement de base afin de mieux comprendre les adaptations résultant d’une vie en haute altitude. © Expédition 5300

        Constituer une base de                 données   scientifiques

Pour cela, il a fallu créer sur place un laboratoire éphémère, réplique en miniature de plusieurs services d'un hôpital européen. Chaque volontaire y a passé deux demi-journées de tests. Au programme, d'abord une caractérisation génétique complète. Puis, des prises de sang afin de recueillir quelques éléments biologiques comme la quantité de globules rouges et la viscosité qui en résulte. Car, en altitude, l'organisme a besoin de produire plus de globules rouges pour transporter plus d'oxygène. Mais, lorsque le sang devient trop visqueux, il risque de ne plus pouvoir s'écouler normalement.
« La cible vasculaire est l'une de nos cibles principales », poursuit Samuel Vergès. Ainsi, d'autres tests devraient permettre aux chercheurs de juger de la rigidité des vaisseaux et de leur élasticité, de leur aptitude à augmenter ou à diminuer de volume. En effet, cela a notamment un fort impact sur le cerveau qui, comme le cœur des volontaires, a été soumis à différents tests : échographies cardiaques et mesures du débit sanguin cérébral dans différentes conditions.
Le sommeil pourrait constituer un élément clé
Dernier aspect qui a lui été mesuré directement au domicile des patients, par le biais de capteurs : le sommeil. « Lorsque l'on dort, notre respiration ralentit. En situation d'hypoxie, cela nous place dans une situation de fragilité », explique Samuel Vergès. D'autant que les personnes qui souffrent de mal chronique des montagnes semblent toutes souffrir également d'apnées du sommeil« L'une de nos hypothèses, c'est que le sommeil pourrait constituer un élément clé de l'adaptation à la très haute altitude. » Réponse, espérons-le, dans quelques semaines...

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