Victime d'une crise climatique sans précédent, l'Australie veut planter un milliard d'arbres
Victime d'une crise climatique sans précédent, l'Australie veut planter un milliard d'arbres
Chronique de Futura Planète/Céline DELUZARCHE - Proposé par Ali GADARI
Victime d'une crise climatique sans précédent, l'Australie veut planter un milliard d'arbres et compte ainsi parvenir à atteindre ses objectifs en matière d'émissions de CO2 et booster son économie. Elle suit de nombreux autres pays qui ont tous annoncé des chiffres impressionnants de plantations. Mais est-ce vraiment efficace ?
Serions nous enfin arrivés au siècle de l'intelligence. AG
L'Australie va lancer un vaste programme visant à planter un milliard d'arbres d'ici 2050, soit 400.000 hectares de forêts supplémentaires, a annoncé fièrement le 16 février le Premier ministre Scott Morrison. L'objectif est de capturer 18 millions de tonnes de carbone supplémentaires d'ici 2030 pour se rapprocher des objectifs des accords de Paris, qui prévoit une réduction des émissions de 26 à 28 % pour le pays par rapport au niveau de 2005. Le pays fait pour l'instant figure de mauvais élève, avec des émissions annuelles de 500 millions de tonnes qui ne cessent de grimper malgré les déclarations d'intention. Le charbon représente encore les deux tiers de sa production électrique. L'annonce survient d'ailleurs dans un contexte très compliqué pour le gouvernement, accusé pour son inaction en matière d'environnement. Depuis plusieurs mois, le pays est confronté à une vague de chaleur meurtrière et des inondations catastrophiques que les scientifiques relient au réchauffement climatique.
Le climat ne semble pourtant pas la préoccupation majeure de ce plan, baptisé « Un milliard d'arbres pour la croissance et l'emploi » : l'objectif du gouvernement est surtout de développer son industrie agroforestière. « Les matériaux à base de fibre de cellulose pourraient par exemple remplacer le plastique », suggère le document publié par le ministère de l’Agriculture. Le bois pourrait également trouver des débouchés dans la construction, les biocarburants ou la pharmacie. Le gouvernement espère créer ainsi 18.000 nouveaux emplois dans les 10 prochaines années.
Quand la planète verdit : des milliards d’arbres plantés autour du monde
L'Australie n'est pas la seule à miser sur les arbres. Avec sa « grande muraille verte », la Chine a déjà planté 66 milliards d'arbres le long du désert de Gobi depuis 1978 afin de stopper l'avancée du sable. Le Pakistan a annoncé en juillet dernier que 10 milliards d'arbres seront plantés à travers tout le pays d'ici 2023. En 2017, l'Inde a battu le record du monde de 66 millions d'arbres plantés en seulement 12 heures grâce au concours de 1,5 million de bénévoles. Même les villes s'y mettent : en décembre, Milan s'est ainsi fixé un objectif de 3 millions d'arbres d'ici 2030 pour « améliorer la qualité de l'air et l'environnement des habitants ». Et cela semble fonctionner : une toute récente étude vient de montrer que la planète verdit : elle a gagné 5,5 millions de km2 de forêt entre 2000 et 2017, soit l'équivalent de l'ensemble de la forêt amazonienne.
3.000 milliards d’arbres sur Terre, combien de CO2 capturé
Tous ces programmes sont-ils au final bien efficaces en matière de réchauffement ? Le chercheur Thomas Crowther vient justement de présenter les résultats d'une nouvelle étude sur le sujet lors de l'assemblée annuelle de l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS). Selon le scientifique, planter 1.200 milliards d'arbres pourrait absorber suffisamment de CO2 pour annuler dix ans d'émissions humaines. Dans une précédente étude publiée en 2015, il avait estimé le nombre d'arbres sur la planète à 3.040 milliards, soit sept fois plus que les précédentes estimations. Malgré l'énormité de l'objectif, Thomas Crowther estime pourtant que ce reboisement massif serait possible sans empiéter sur les terrains agricoles ou urbains, en ciblant « les parcs ou terrains abandonnés ». On a un peu de mal à voir où ces milliards d'hectares sont ainsi vacants.
D'autre part, si les forêts absorbent bien 2 milliards de tonnes de CO2 par an, les arbres peuvent se transformer en émetteurs de CO2 en cas de sécheresse ou d'assauts d’insectes par exemple. Quant aux incendies, « ils peuvent envoyer dans l'atmosphère en quelques heures tout le CO2qu'une forêt a patiemment accumulé au fil des décennies », met en garde l’Inra. De plus, toutes les forêts ne se valent pas : les conifères sont ainsi plus efficaces que les feuillus pour absorber le CO2. Conifères qui diminuent l’albédo... favorisant ainsi le réchauffement.
Aggravation de la pollution et de la sécheresse : des programmes de reboisement aux effets pervers
Bref, il ne suffit pas d'annoncer des chiffres spectaculaires pour qu'un reboisement soit efficace. En Chine, par exemple, on estime qu'à peine 15 % des arbres plantés ont effectivement survécu : la monoculture de peupliers a été décimée par une maladie et dans certains endroits, les plantations ont carrément aggravé la situation en pompant les rares ressources en eau et en éliminant les herbes fixant le sol, rapporte le journal britannique The Economist. Dans les villes, la « grande barrière verte » a finalement aggravé la pollution en réduisant la circulation du vent, selon une étude de 2018 de chercheurs chinois. L'Australie est prévenue.
CE QU'IL FAUT RETENIR
- L’Australie veut planter un milliard d’arbres d’ici 2050 pour atteindre ses objectifs d’émissions de CO2.
- De nombreux pays ont eux aussi de vastes programmes de plantations.
- Ces reboisements ne s’avèrent malheureusement pas aussi efficaces que prévu dans certains cas.
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