Peinture: La France veut conserver un rarissime chef-d’œuvre de Cimabue
Peinture: La France veut conserver
un rarissime chef-d’œuvre
de Cimabue
PATRIMOINE Le tableau « La dérision du Christ », adjugé à plus de 24 millions d’euros en octobre, a été interdit d’exportation par le ministère de la Culture
Proposé par Ali GADARI
C’est un petit panneau peint annonçant la Renaissance italienne et devenu le tableau primitif le plus cher vendu au monde : la France a interdit lundi l’exportation de la « Dérision du Christ » de Cimabue et entend le conserver dans ses collections nationales.
#CP Un panneau peint par Cimabue vers 1280, représentant La Dérision du Christ, reconnu trésor national bit.ly/2EL9fPp
Découvert lors d’un déménagement
La peinture à l’œuf et fond d’or sur panneau de peuplier, de 25,8 cm sur 20,3 cm, était accrochée entre le salon et la cuisine d’une vieille dame à Compiègne (Oise) et avait été expertisée à l’occasion d’un déménagement. La famille avait toujours pensé qu’il s’agissait d’une simple icône, dont la vieille dame n’a pas su dire d’où elle provenait, mais l’expertise a révélé qu’il s’agissait d’une œuvre rarissime de Ceno Di Pepo, dit Cimabue (mort en 1302), l’une des plus grandes figures de la Pré-Renaissance. On lui connaît tout au plus onze œuvres exécutées sur bois dont aucune n’est signée.
« La Dérision du Christ » serait un élément d’un diptyque de 1280 dans lequel étaient représentées sur huit panneaux de taille semblable des scènes de la Passion. Deux des scènes seulement étaient connues à ce jour : « La Flagellation du Christ » (Frick Collection, New York) et « la Vierge à l’enfant trônant et entourée de deux anges » (National Gallery, Londres).
La vente événement a eu lieu à Senlis, fin octobre. C’est la première fois depuis des dizaines d’années qu’un Cimabue passait sous le marteau. Et le tableau, estimé entre 4 et 6 millions d’euros, s’est envolé à plus de 24 millions d’euros, frais compris, devenant le tableau primitif le plus cher adjugé en vente publique dans le monde. C’est la collection privée Alana, appartenant à un couple de collectionneurs chiliens installé aux Etats-Unis et spécialisée dans l’art de la Renaissance italienne (et dont une partie est actuellement exposée au musée Jacquemart André à Paris), qui l’avait finalement emporté, devant le Metropolitan Museum de New York, dernier sous-enchérisseur.
L’Etat a 30 mois pour faire une offre
Mais lundi, le ministère français de la Culture a annoncé avoir refusé le certificat d’exportation de l’œuvre « à la suite de l’avis de la Commission consultative des trésors nationaux ». A partir de la notification de cette décision à l’acheteur, l’Etat dispose d’une période de 30 mois pour faire une offre d’achat. « Grâce au temps donné par cette mesure, tous les efforts pourront être mobilisés afin que cette œuvre exceptionnelle vienne enrichir les collections nationales, » a déclaré le ministre Franck Riester.
Outre le fait que cette décision bloque potentiellement l’œuvre pour une longue durée, elle se double d’un rebondissement : la femme qui l’a vendue est décédée peu après la vente, et ses héritiers doivent désormais s’acquitter de quelque 9 millions d’euros au titre des droits de succession. Si l’Etat ne parvenait pas à faire dans les délais une offre qui « tienne compte des prix pratiqués sur le marché international », comme le prévoit le code du patrimoine, des possibilités de conciliation sont prévues.
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