SHAIITANE AL AHMAR LE DIABLE ROUGE
SHAIITANE AL AHMAR
LE DIABLE ROUGE
Par Paul Edouard GOETTMANN
Aodren de Kervinec
Le Saumur filait bon vent, il avait doublé Gibraltar. Entré
en Méditerranée le capitaine de ce vaisseau Aodren de Kervinec se sentait
l’esprit plus tranquille, la mission qu’il devait accomplir au nom du le Roi de France était d’une importance
capitale. Louis XIV voulait doter la France d’une marine puissante capable de
rivaliser avec la Hollande et commercer avec les ports de la Méditerranée. Sur
les conseils de Mazarin, Louis XIV souhaitait obtenir un accord avec le sultan
d’Istambul, le Grand Vizir Fazil Ahmet Köprülü, maître de la Méditerranée,
d’une partie de l’Europe, de l’Asie et de l’Arabie. Son empire s’étendait sur trois
continents. Aodren ce marin breton,
nobliau de la région nantaise, loin des intrigues de la cour avait été
recommandé par l’évêque de Nantes à Mazarin pour effectuer cette délicate
mission. Aodren de Kervinec correspondait à l’homme providentiel, sachant tenir
sa langue, d’une honnêteté au dessus de tous soupçons, un homme de la mer prêt
aux sacrifices, il avait accepté sans broncher et sans dire un mot de plus en
breton que :<< sentin dont-a-benn>>, j’obéirai et je
réussirais !
Deux felouques du Grand Vizir attendaient le Saumur au large
de la Crète pour le guider jusqu’au Bosphore et Istambul, protégés par
d’innombrables isles, Toujours accompagné par les deux felouques, le Saumur, un
galion d’origine espagnole s’ancra à quelques encablures du quai. Une barcasse avec
quatre janissaires à bord accosta, Aodren se laissa conduire au palais du Grand
Vizir. Il vivait intensément ce moment, ébloui par les richesses dévoilées
d’Istambul, l’ancienne cathédrale Sainte Sophie transformée en mosquée après la
conquête ottomane par Mehmet II était
admirable avec son dôme et ses minarets visibles du port. Aodren était ébloui
par les multitudes de ruelles et de maisons en bois avec de grandes baies s’ouvrant
de chaque côté donnant accès à la ruelle adjacente. Istambul grouillait de
vies, cinq cent mille âmes s’y côtoyaient. Le Bosphore, étroit conduit de mer
entre deux continents, limitant l’Europe et l’Asie, entre la mer Noire et la
mer de Marmara impressionnait Aodren. Dès qu’il fut parvenu au palais, des esclaves
s’occupèrent de lui en le conduisant au hammam, le brossèrent, le parfumèrent
et lui mirent sur le corps un jabador or en le coiffant d’un turban rond. Ses
longs cheveux roux tissés et fixés par un catogan étonnaient les serviteurs du
Grand Vizir. Conduit dans un salon magnifiquement décoré de riches tentures
brodées, il fut laissé seul avec des esclaves peu vêtues, venues de tous les
continents, assises sur des sofas brodés. L’invitation était explicite !
Le Grand Vizir Fazil Ahmet Köprülü s’assit en face d’Aodren, l’envoyé du Roi de
France, marque de respect envers un étranger. Habituellement le Grand Vizir
mangeait seul dans son salon ou son jardin. Après les douceurs, les fruits
confits, les gâteaux au miel, le repas commençait par une soupe aux légumes, de
grains de blé et de queues de bœufs servie dans un grand bol aux subtiles
décorations , avant que les esclaves changent son bol décoré de filaments d’or et
d’argent pour une kassriya, grand plat en terre cuite décoré luxueusement,
mélangeant un fourré d’olives vertes, de fromage, de noix, de yaourt et parfumé
à l’estragon. Le poulet longuement cuit avec douceur dans un tagine de grande
dimension avec du jus de citron, du miel, de la cannelle, des amandes, se
mélangeaient avec des raisins et des abricots secs. Aodren pour la première
fois goûtait l’accompagnement de riz
safrané avec délice, ces mélanges de saveurs sucrées et salées, accompagnées de
vins de Grèce et de Chypre servis sur des tables basses. Des coussins brodés
d’or étaient disposés à terre sur des tapis pour s’asseoir. Des récipients
remplis d’eau de roses disposés sur les tables basses permettaient de se rincer
les doigts. Il n’y avait ni couteaux ni fourchettes, l’on mangeait avec ses
doigts, un pain coupé en plusieurs morceaux servant judicieusement d’instrument
de contenance entre le pouce et l’index.
Le repas terminé, sur un signe du Grand Vizir, quelques janissaires, le scribe accompagnant celui-ci
et Aodren s’isolèrent dans le diwan tout proche, toujours somptueusement décoré
gardé à l’extérieur par des esclaves dévoués au Grand Vizir armés de sabres
recourbés aux manches sertis d’or. Aodren en s’inclinant remis le parchemin
signé du Roi Louis le quatorzième, Roi de France et de Navarre au Grand Vizir
Fazil Ahmet Köprülü. Bien que lettré, parlant cinq langues, le Grand Vizir ne
possédait pas le français. Ce fut le scribe Aytac Atkhan qui lut et traduisit
avec force salamec et déférences le document royal. Fazil Ahmet Köprülü tira
quelques bouffées de son narghilé décoré d’or et serti de diamants, se leva en
donnant des instructions à Aytac Atkhan. <<Le Grand Vizir vous recevra ce
soir après la prière Al-‘Icha pour vous donner une réponse<<.
Aodren se fit
accompagner sur le Saumur par la barcasse. L’équipage et ses officiers
n’avaient pas soufferts de son absence, des esclaves du Grand Vizir avaient
apporté des vivres et du vin de Chypres en suffisance, ainsi que pour le
retour. Le muezzin appelait à la Al-‘Icha,
Aodren fit le retour au palais un peu inquiet quand même de la réussite
de sa mission. Introduit de nouveau dans le diwan , le Grand Vizir Fazil Ahmet
Köptülü les yeux fermés tirait sur le tuyau de sa pipe à eau. Allongé sur un
sofa, Aytac Atkhan à ses pieds s’attacha à faire une déclaration diplomatique à
Aodren relatant les options de Fazil Ahmet Köprülü sur les rapports
diplomatiques et commerciaux avec la France. Le sultan d’Istambul s’engageait à
protéger les navires du Roi de France en Méditerranée contre les pirates
d’Alger et de Tunis, de leurs ouvrir les ports sous sa gouvernance pour y
commercer en toute liberté. En contre partie Louis le Quatorzième s’engageait à
ne pas intervenir dans les conflits d’Istamboul avec les Etats voisins en
particulier Venise qui avait tendance à titiller un peu trop l’hégémonie de la
Turquie. Cette union ne pouvait que servir les intérêts de chacun. Aodren
remercia le Grand Vizir en lui baisant l’anneau de sa main droite, il prit
congé en courbant le dos à reculons.
Le vent était au levant, le Saumur voguait rapidement et
Tanger était maintenant derrière la poupe du Saumur. Le retour parut court à
Aodren et son équipage. L’entrée dans la Loire ne passa pas inaperçue à tel
point que sitôt arrivé à Nantes, l’émissaire du Roi de France monta à bord et
s’enquit de la situation. Muni du précieux document signé du Grand Vizir, son
carrosse fila grand train accompagné par une garde de dix hommes armés jusqu’à
Versailles !
Quelques mois plu tard, Aodren reçut en son manoir Henri
Duplessis Guenégaud Conseiller à la mer du Roi Louis XIV. Celui-ci lui
apportait la reconnaissance du Roi par un acte signé étendant ses propriétés de
cinq mille arpents. Le Roi Louis le quatorzième l’autorisait également à
participer à la guerre de courses par un parchemin lui donnant droit de
marque !
A Nantes, Aodren retrouva le Saumur avec un plaisir extrême.
Le galion était un bon navire, trois mats, voiles carrées sauf l’artimon grée
en voile latine, sa coque était allongée et fine augmentant ainsi la vitesse du
vaisseau avec une bonne stabilité. Sa capacité intérieure de mille
tonneaux, permettaient au Saumur d’armer
le vaisseau avec cent marins pour les manoeuvres, de vingt artilleurs et de
trois cents matelots engagés pour les combats. Si lors de sa visite
plénipotentiaire à Istambul, l’équipage avait été choisi par l’évêché de
Nantes, Aodren souhaitait choisir lui-même ses matelots pour la course. Il
garda les cent marins d’origine et les officiers. Pour les autres il fallait
des hommes courageux acceptant les sacrifices, pleins d’abnégation, absence de
peur pendant les batailles navales. Il choisi les individus de pires espèces jetés
au fond des geôles de Nantes et Saint Malo.
Plusieurs semaines se déroulèrent en mer, Aodren voulait des
hommes performants, les entraînements s’enchainaient aux entraînements, aux
manœuvres du Saumur et des voiles ainsi qu’aux canonnades. Tout était prêt,
dans la nuit de la Saint Jean, les feux brûlaient sur les quais, le Saumur se
fondit dans la brume en quittant Nantes dans le bruit des vagues, des voiles et
des cordes claquant le long des mâts.
Extraits du roman de Paul Edouard GOETTMANN SHAIITANE AL AHMAR
Paul Edouard GOETTMANN écrit suivant son inspiration, nouvelles, romans d'aventures, roman d'espionnage, romans policiers. Déjà âgé il avait toujours écrit, correspondant de presse à France Antilles en GUADELOUPE, son écriture fut remarquée par un journaliste qui l'encouragea à écrire, suivi par plusieurs amis, c'est ainsi qu'il osa se lancer dans l'écriture. Il n'est pas interdit de critiquer ou de donner son avis, les auteurs sont toujours réceptifs aux avis des lecteurs. ALI
Commentaires