Coup de massue pour les deux aéroports privatisés de Toulouse et Nice
Coup de massue pour les deux aéroports privatisés de Toulouse et Nice
Il ne fait pas bon être actionnaire de l'un des trois aéroports français privatisés. Dans la foulée du vote le 11 avril de la loi Pacte qui inclut la privatisation d'ADP, le groupe italien Atlantia, actionnaire majoritaire de l'aéroport de Nice (49,9%) et le consortium chinois Casil, actionnaire dans les mêmes proportions de l'aéroport de Toulouse, viennent tous deux de prendre un sacré coup derrière la tête.
Annulation de la procédure de sélection des candidats
A Toulouse, alors que les actionnaires chinois étaient en plein processus de revente de la participation qu'ils avaient achetées en 2015 à l'Etat, la cour administrative d'appel, saisie par trois syndicats, a annulé ce mardi les décisions portant sur la sélection des candidats pour l'achat des parts de l'Etat en 2014. Opposés à la privatisation, la CGT, FSU et Solidaires arguaient que "l'offre indicative" (initiale) avait été déposée par Casil associé à la SNC Lavalin, mais que l'offre finale n'avait été présentée que par le groupe Casil.
La cour leur a donné raison mardi sur ce point et "a annulé la décision de céder à la société Casil Europe" les parts du capital, "l'autorisation du ministre chargé de l'Economie du 7 avril 2015 et l'arrêté ministériel du 15 avril 2015".
"C'est la procédure de sélection du candidat qui a été annulée, pas la vente en soi. Pour la vente, c'est le tribunal du commerce de Paris qui est habilité à se prononcer. Je vais le saisir dans les semaines à venir", a-t-il ajouté.
Pour le conseiller départemental Pascal Boureau qui représente le département de la Haute-Garonne au conseil d'administration de Casil, "cela gèle le projet présumé de vente"des parts de l'actionnaire chinois. "Les acheteurs potentiels vont y regarder à deux fois".
Selon nos informations, Casil avait sélectionné deux finalistes, Eiffage et Ardian en partenariat avec des banques locales et vu la tournure du dossier, « ce serait de la folie furieuse s'ils continuaient » explique un banquier d'affaires, en espérant « pour eux qu'ils disposent de clauses de sortie face à ce type d'événements ».
L'ASI, le cauchemar des aéroports
Surtout, avec le durcissement de la régulation aéroportuaire comme l'ont illustré plusieurs décisions depuis le début de l'année de l'ASI, l'autorité de supervision indépendante. Et notamment celle concernant l'aéroport de Nice qui a provoqué un véritable séisme dans le secteur. L'ASI a en effet annoncé la semaine dernière qu'elle imposait à l'aéroport une baisse des redevances aéroportuaires facturées aux compagnies aériennes de 33%.
Après avoir refusé par deux fois en début d'année d'homologuer les tarifs de l'aéroport en raison de l'impossibilité qu'elle avait à évaluer leur évolution par rapport aux tarifs des anné"es 2017-2018 qui n'avaient pas soumis à homologation, l'ASI a fixé les tarifs de l'aéroport qui n'avaient pas évolué depuis 2016. Selon les calculs, les tarifs appliqués en 2017 et 2018 étaient beaucoup plus élevés que ce qu'ils auraient dû être. Pour rappel, ils doivent couvrir le coût du service rendu. Ce principe a été rappelé pour justifier un refus d'homologuer en début d'année la première mouture des tarifs 2019 d'ADP et de l'aéroport de Marseille. Tous les projecteurs sont désormais braqués sur l'aéroport de Bordeaux. L'ASI se prononcera d'ici à fin du mois d'avril sur les tarifs proposés pour 2019, après deux ans sans demande d'homologation.
Quel avenir pour l'ASI ?
Chacun trouve dans la décision de l'ASI à Nice un symbole. Pour les partisans des privatisations des aéroports, elle démontre qu'une privatisation ne pose pas de problèmes si elle est accompagnée d'une régulation forte. Pour les compagnies aériennes, cette décision révèle les dérives tarifaires des aéroports qu'elles combattent depuis des années. Pour les aéroports au contraire, la décision de l'ASI qui s'inscrit après celle qui poussé ADP, le gestionnaire des aéroports parisiens, à réviser à la baisse son projet d'augmentation des redevances en 2019, traduit la nécessité de faire évoluer une régulation inadaptée, incohérente et inéquitable.
Selon plusieurs observateurs, le durcissement de l'ASI n'est pas une bonne nouvelle pour l'Etat dans la perspective de la vente de sa participation de plus de 50% dans ADP. Ce mardi, lors d'une conférence de presse, le SCARA, le syndicat des compagnies aériennes autonomes, a fait part de ses craintes de voir l'ASI remplacée par une autre autorité, comme l'Arafer (le gendarme du rail et des autoroutes). Après le vote de la loi Pacte autorisant la privatisation d'ADP, le gouvernement a prévu de définir le cadre de la régulation dans une ordonnance.
« Avant de retrouver une expertise comme celle qu'a acquise l'ASI, il faudra 3 ou 4 ans », ont expliqué Jean-François Dominiak et Jean-Pierre Bes, respectivement président et secrétaire général du Scara, soit "après la signature du prochain contrat de régulation économique (CRE) pour la période 2021-2025"
L'importance de régulateur est énorme. Car il devra donner un avis conforme sur ce prochain CRE qui doit être signé l'an prochain entre l'Etat et ADP. Ce CRE déterminera le montant des investissements à réaliser sur le périmètre régulé (les activités aéronautiques) et le plafond des redevances à ne pas dépasser pour les financer. Comme tous les CRE, le calcul du coût moyen pondéré du capital (CMPC), sera crucial. En présentant le 2 avril son projet, ADP a lancé le processus d'élaboration du prochain CRE. Le Scara a dénoncé ce calendrier anticipé.
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