Les secousses géomagnétiques sont des accélérations brusques de l'évolution du champ magnétique de la Terre



Les secousses géomagnétiques sont des accélérations brusques de l'évolution du champ magnétique de la Terre 
            Chronique de Futura Planète/Laurent SACCO   -   Proposé par Ali GADARI


Les secousses géomagnétiques sont des accélérations brusques de l'évolution du champ magnétique de la Terre dont on aimerait comprendre l'origine pour sécuriser la navigation. De nouvelles simulations numériques de la géodynamo dans la partie liquide du noyau de la Terre ont pour la première fois fourni une réponse à cette énigme.
L'étude et la cartographie du champ magnétique de la Terre sont des domaines de recherche assez anciens et ceci n'est probablement pas aussi connu, et de loin, que l'attribution de la découverte de la boussole par les Chinois vers le XIe siècle. S'il est assez notoire également que l'existence du magnétisme était connue depuis les Grecs, avec les roches se trouvant dans la région de la ville de Magnésie, on sait moins que c'est avec la publication du « De Magnete » de William Gilbert, en 1600, que la science du géomagnétisme a vraiment été fondée.
Ce médecin et physicien britannique avait alors émis l'hypothèse que la Terre était un gigantesque aimant, ce qui s'est révélé faux, mais cela orienta les recherches qui, plusieurs siècles plus tard, aboutiront à la théorie de la géodynamo. Déjà à son époque, les différents navigateurs européens parcourant la planète, avaient aussi commencé à noter qu'en fonction de leur position sur le globe, l'angle que faisait l'aiguille d'une boussole avec la verticale du lieu (l'inclinaison), ou avec la direction du pôle Nord géographique (la déclinaison), variait. En 1701, Halley publiait d'ailleurs la « Tabula Nautica », la première carte de cette dernière.
Nous mesurons le champ magnétique produit par toutes les sources sur Terre avec un instrument, dont on pourrait presque dire que c'est une boussole... » Entretiens avec Gauthier Hulot, chercheur IPGP-CNRS, et des membres de l'équipe. La vocation des films de l'IPGP est d'ouvrir les portes des laboratoires et d'accompagner les scientifiques dans l'univers des géosciences. Ce film fait partie d'une série de 14 films de format court qui sont une invitation à un voyage du cosmos au centre de la Terre. • Conception & réalisation : Medi@terre, IPGP - 2009 © Licence de paternité Creative Commons (réutilisation autorisée)

Des observatoires pour étudier le champ magnétique global de la Terre

À la détermination des cartes du champ magnétique à la surface allait succéder, au début du XIXesiècle, la découverte de ses variations dans le temps et celle de ses inversions au début du XXesiècle. En effet, si l'on connaissait les variations dans l'orientation de ce champ dans l'espace, on n'avait pas encore déterminé ses variations en intensité et c'est grâce aux suggestions du célèbre explorateur, Alexander Von Humboldt, lors d'une réunion en 1828, que Carl Friedrich Gauss, grand mathématicien, physicien et astronome allemand, s'attaqua à ce problème avec son collaborateur Wilhelm Weber, permettant ensuite l'essor d'observatoires du géomagnétisme de la Sibérie à la Tasmanie, en passant par le Canada.
Ces observatoires confirmèrent globalement au cours du XIXe siècle l'existence des oragesmagnétiques, existence déjà découverte de mai 1806 à juin 1807 par Alexander von Humboldt en observant un compas magnétique à Berlin et les mouvements erratiques d'une boussole le 21 décembre 1806 lors d'un brillant événement auroral.
Ces fluctuations du champ magnétique global sont très rapides et transitoires et elles sont liées aux colères du Soleil. Toutefois, depuis Gauss, les données collectées nous ont appris qu'il y avait une lente dérive, globale là aussi, de la topographie du champ magnétique à la surface de la Terre. Or, depuis la fin des années 1970, de brusques accélérations de cette dérive ont également été découvertes : des secousses géomagnétiques (geomagnetic jerks en anglais). Elles durent un an tout au plus et elles ne sont pas liées aux colères du Soleil. Elles prennent donc leur source dans la partie liquide du noyau de la Terre, là où la convection et la turbulence de l'alliage de fer et de nickel liquide dans le référentiel en rotation qu'est la Terre, conduisent à l'occurrence de la fameuse géodynamo auto-excitatrice, modélisée sur ordinateur et en labo avec l'expérience VKS.
Visualisation de l’intérieur du noyau terrestre, tel que modélisé dans la simulation numérique (vue du plan équatorial et d’une surface sphérique près de la graine solide, depuis le pôle Nord). Les lignes de force du champ magnétique (en orange) sont étirées par la convection turbulente (en bleu et rouge). Les ondes hydromagnétiques sont émises depuis l’intérieur du noyau et se propagent le long des lignes de force du champ, jusqu’à la surface du noyau où elles se focalisent pour créer des secousses géomagnétiques. © Aubert et al./IPGP/CNRS Photothèque

Des ondes d'Alfvén à la racine des secousses géomagnétiques

Sauf que jusqu'à présent, on ne comprenait pas bien d'où provenaient ces secousses géomagnétiques, ce qui rendait encore plus difficiles les prédictions concernant l'évolution du champ magnétique terrestre à plus ou moins court terme. Or, comme dans le cas des orages magnétiques, notre civilisation technologique est vulnérable aux colères magnétiques de la Terre, dans ce cas précis avec les déterminations du cap pour la navigation ou encore avec les vols des satellites à basse altitude. Il faut alors se reposer sur un modèle magnétique mondial et, si celui-ci se fausse trop rapidement, cela pose évidemment des problèmes, par exemple pour l'OTAN et les forces armées.
La situation vient de changer comme le prouve un article paru dans Nature Geoscience. Il provient de la collaboration entre Julien Aubert, chercheur du CNRS à l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) et son collègue Christopher C. Finlay, au Danemark. Les deux géophysiciens ont mené des simulations numériques sur le supercalculateur du Grand équipement national de calcul intensif (GENCI) -- représentant l'équivalent de 4 millions d'heures de calcul --, et basées sur les lois de la magnétohydrodynamique. Ces simulations ont donc permis de décrire la convection dans le noyau liquide de la Terre avec son interaction avec des ondes découvertes par le prix Nobel de physique suédois, Hannes Alfvén, en couplant les équations de Maxwell de l'électromagnétisme avec celles de Navier-Stokes de l'hydrodynamique.
Les échelles de temps mises en jeu sont plus grandes avec la convection que dans le cas des ondes d'Alfvén et on modélisait mal les interactions en jeu conduisant à leur propagation et leur amplification. C'est lorsque ces ondes issues des profondeurs du noyau arrivent à l'interface avec le manteau qu'elles sont focalisées et amplifiées pour donner lieu à des perturbations magnétiques sous la forme des secousses observées comme l'explique un communiqué du Cnrs au sujet de ce travail.
  • La rotation de la Terre est un phénomène complexe, influencé par l'attraction de la Lune et du Soleil, mais qui dépend aussi des modifications des répartitions des masses du globe terrestre et de sa structure interne.
  • La durée du jour et l'axe de rotation de la Terre évoluent donc dans le temps, notamment à l'occasion de séismes et de modifications de l'état de l'atmosphère et des océans. Cela semble également lié à l'activité magnétique du noyau et à ses interactions avec le manteau.
  • Une augmentation périodique du nombre de séismes de magnitudes supérieures à 7 serait corrélée à une augmentation de la durée du jour.
  • L'activité magnétique du noyau en lien avec ces séismes semble être liée à l'occurrence de secousses géomagnétiques, des accélérations brusques de l'évolution du champ magnétique de la Terre.
  • Des simulations numériques faisant intervenir la génération d'ondes hydromagnétiques du type de celles d'Alfvén, en lien avec la convection dans la partie liquide du noyau de la Terre, ont fait la lumière sur l'origine de ces secousses.
POUR EN SAVOIR PLUS

Le noyau de la Terre serait responsable de séismes majeurs

Le noyau de la Terre ne se contenterait pas de générer son champ magnétique. En freinant la rotation de notre planète, via des interactions avec le manteau, il augmenterait périodiquement le nombre de grands séismes.
Quoi de plus banal que la rotation de la Terre ? Pourtant, ce phénomène n'est pas si simple : l'axe de rotation de notre Planète n'est pas fixe au cours du temps et la durée du jour elle-même varie. En étudiant et en cherchant à comprendre cela, mathématiciens, astronomes et géophysiciens sont allés de surprise en surprise depuis presque deux siècles.
Axe et vitesse de rotation sont d'abord influencés par les forces de gravité de la Lune et du Soleil mais la façon dont la Terre répond à ces forces dépend de sa structure interne et de la présence de ses océans et de son atmosphère. Au XIXe siècle, il y a ainsi eu une controverse célèbre sur le caractère fluide ou non de l'intérieur de la Terre et sur le fait qu'il fallait ou non considérer celui-ci comme un solide indéformable ou, au minimum, comme un corps élastique. Laplace, Kelvin et Poincaré se sont penchés sur ces questions et il y eut, finalement, d'importants travaux à ce sujet, auxquelles sont associés les noms de Chandler, Newcomb et Love, car la rotation de la Terre peut  nous renseigner sur sa structure.
On sait en effet, depuis les travaux d'Euler (à qui l'on doit des équations décrivant les mouvements de rotation des corps solides, voire élastiques), que la distribution et les mouvements des masses à l'intérieur d'un objet comme la Terre influent sur sa rotation. Or, même en considérant que la Terre n'est pas soumise aux forces d'autres corps célestes, distributions et mouvements peuvent varier, par exemple lors d'échanges du moment cinétique entre les différentes enveloppes (atmosphère, océan, manteau, etc.) ou simplement du fait d'une redistribution des masses à l'occasion de grands séismes. De fait, la longueur du jour a changé lors de grands tremblements de Terre, comme celui du Chili en 2010.
Cette vidéo montre, dans différents systèmes de référence, les mouvements de l'axe géographique de la Terre (bleu) par rapport à son axe de rotation (orange) et inversement. Les amplitudes des mouvements sont très exagérées. L'animation montre que l'axe de rotation de la Terre ne coupe pas sa surface toujours au même endroit et qu'il oscille selon un mouvement de spirale autour de l'axe géographique (Earth Reference Frame, en anglais dans la vidéo). Ce mouvement est en réalité plus irrégulier. © Nasa, GSFC Scientific Visualization Studio

Des forces électromagnétiques entre le noyau et le manteau de la Terre ?

Le XXe siècle nous a appris que la Terre possédait un noyau en partie liquide, parcouru par des courants électriques et des champs magnétiques. On pense qu'il y a des interactions entre le noyau de la Terre et son manteau depuis un moment, peut-être par l'intermédiaire de forces magnétiques qui agiraient sur certaines régions du manteau plus conductrices que d'autres et où se trouvent des courants. On constate ainsi que certaines fluctuations très courtes du champ magnétique de la Terre, appelées « des jerks », semblent étroitement corrélées à des fluctuations très courtes de la vitesse de rotation de la Terre. Une explication possible serait que, lors d'un jerk, un couplage local très intense attache soudainement de la matière du noyau au manteau, ce qui s'accompagne d'un transfert de moment cinétique et d'une modification du moment d'inertie.
Il se trouve que, lors d'un récent colloque de la Geological Society of America, deux géophysiciens états-uniens, Roger Bilham, de l'université du Colorado (CU), à Boulder, et Rebecca Bendick, de l'université du Montana, à Missoula, ont fait une communication qui a intrigué leurs collègues, dont le célèbre Peter Molnar, prix Crafoord 2014. Les deux chercheurs ont en effet annoncé avoir découvert une surprenante corrélation entre des brusques ralentissements de la vitesse de rotation de la Terre affectant la durée du jour de quelques millisecondes et des augmentations du nombre de séismes supérieurs à la magnitude 7 dans les archives géophysiques des 100 dernières années.
Ces grands séismes deviendraient un peu plus nombreux entre 5 et 6 ans après un épisode de ralentissement de la rotation de la Terre bien spécifique qui semble lié au processus d'interaction manteau-noyau évoqué précédemment. Cette augmentation serait présente pendant environ cinq ans. Ainsi, bien qu'il ne semble pas exister de causalité quant à la répartition spatiale de ces séismes, on pourrait toutefois prédire l'occurrence de périodes « d'orages sismiques ». On ne devrait pas tarder à savoir si cela est possible car l'un des épisodes de ralentissement de la rotation de la Terre découvert par les deux géophysiciens s'est produit il y a quatre ans.
Les chercheurs pensent que ce sont les forces et les ondes sismiques produites lors d'interactions entre le manteau et le noyau qui synchroniseraient en quelque sorte la libération des contraintes présentes dans des régions sismiquement actives, un peu comme le phénomène de synchronisation des pendules de différentes périodes posés sur une table, découvert il y a longtemps déjà par le physicien Huygens.
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